15. À la base des distinctions sociales : la naissance, le mérite ou la fortune ?
p. 311-332
Texte intégral
1L’adhesion de certains révolutionnaires à l’Empire, leur anoblissement, leur rapide enrichissement s’expliquent en partie par l’opportunisme et le goût de la fortune et des honneurs, en partie aussi par l’attachement de ces hommes à l’ordre public assuré par Napoléon. Pour comprendre le ralliement de personnages aussi différents que Sieyès, Cambacérès, Lanjuinais, Lebrun ou Merlin, il nous semble cependant également nécessaire d’évoquer leurs idées sociales. La société qu’organisait l’Empire ne réalisait-elle pas certaines de leurs aspirations intimes ? N’avaient-ils pas conservé, enfouie en eux-mêmes, une certaine conception du mérite et de la fortune qui les prédisposait à accepter le rétablissement progressif d’une noblesse ouverte vers les talents ? C’est tout au moins l’hypothèse que nous conduit à poser l’analyse des revenus, de la fortune et de la politique familiale de Merlin de Douai, de l’Ancien Régime au début du XIXe siècle.
Le mérite, la naissance et le privilège. Les vicissitudes du principe d’égalité
2En janvier 1790, dans son Recueil général de jurisprudence, Merlin affirmait que le mérite était devenu le fondement de toute distinction sociale ; la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dans son article premier, ne proclamait-elle pas : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » ? L’égalité proclamée, expliquait Merlin, était celle des hommes en droits naturels : aucun n’était plus libre qu’un autre, tous devaient jouir de la sûreté, tous avaient la possibilité d’acquérir des propriétés et le droit de résister à l’oppression ; ainsi disparaissaient les privilèges de toute nature. De plus, il reconnaissait aux hommes une égalité « en droits dans l’ordre social & même dans l’ordre légal » : la société réservait à tous de mêmes avantages, chacun devait contribuer selon ses ressources à la satisfaction des besoins financiers de l’Etat et tous les citoyens étaient soumis aux mêmes lois1. La définition de l’égalité ne faisait cependant pas table rase de toutes les réalités sociales de l’Ancien Régime. Merlin précisait nettement qu’il n’était pas question d’instaurer une « égalité de biens & de rangs » ; en ce mois de janvier 1790, il montrait même encore un profond attachement à l’idée de noblesse qu’il considérait comme compatible avec la Déclaration des droits. Dans les mois et les années suivantes, les idées de Merlin évoluèrent profondément, sans pour autant remettre en cause son attachement à une certaine conception de la société. Pour comprendre cette lente et complexe transformation, un détour vers les dernières années de la France Moderne s’impose.
3Avant 1789, l’attitude de Merlin face à la société d’Ancien Régime peut paraître pour le moins ambiguë. En apparence, cet « écuyer » n’envisageait aucun bouleversement de la hiérarchie des ordres, dont il était l’un des bénéficiaires. En 1786 encore, il tentait ainsi de préserver son exemption fiscale et son droit de committimus, remis en cause par un procès opposant les officiers de la Chancellerie du Parlement de Flandre au Magistrat de Valenciennes2. Pourtant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que l’avocat vidait la tripartition traditionnelle d’une bonne partie de son sens : comme nombre de ses contemporains, il ne cachait pas qu’il considérait le mérite et non la naissance comme la première qualité d’un individu3. La contradiction de cette double attitude n’est cependant qu’apparente, et Guy Chaussinand-Nogaret à déjà démontré que la cause du mérite l’emporta grâce à l’appui des anoblis.
4Ainsi, il ne faudrait pas conclure que Merlin condamnait la noblesse où en souhaitait la disparition. Si la suppression d’un ordre millénaire lui paraissait impossible, il en attendait pourtant une certaine modernisation : il espérait une noblesse ouverte aux talents et accueillante au mérite, il l’envisageait comme une distinction ou une récompense qui ne pourrait aucunement remplacer les capacités personnelles d’un individu ; la noblesse devait devenir un facteur d’émulation, et récompenser le travail et les talents. C’est encore ainsi qu’il l’envisageait au lendemain de la Déclaration des droits de l’homme4, ce qui ne l’empêcha cependant pas de se rallier au principe de son abolition, en juin 1790.
5Pourtant, la place que Merlin prétendait occuper dans la société évolua assez peu pendant les deux premières années de la Révolution ; malgré les bouleversements politiques, il paraissait continuer à voir dans la culture et le genre de vie de l’ancienne noblesse un idéal à atteindre. L’éducation qu’il donna à sa fille aînée, Marie, nous semble à cet égard assez révélatrice. En mars 1791, Marie Merlin, âgée de huit ans, intégra la Maison de la sainte et noble famille de Lille où on la retrouve encore, en mai 17935. Depuis sa fondation, en 1686, cette institution s’était chargée de l’éducation de jeunes filles « de pauvres gentilshommes nobles de pères et mères nobles » issues de la Flandre, de l’Artois ou du Hainaut ; elles y étaient reçues entre l’âge de sept et neuf ans pour y être nourries, logées, vêtues et éduquées :
L’éducation qu’on leur donne, précise un mémoire de février 1791, consiste dans les principes de la religion catholique, on leur enseigne à lire, écrire, l’aritmétique, la gramaire françoise par principe, l’ortographe, une teinture de la géographie et de l’histoire, à danser, la musique, toutes sortes d’ouvrages des mains propres à leur état6.
6Ainsi, bien que la noblesse fût abrogée, la fille aînée de Merlin continuait de recevoir une éducation conforme à un certain art de vivre. Même si le député paraissait convaincu que les distinctions sociales devaient s’opérer sur le mérite, il n’en considérait pas moins que vivre noblement était un signe de réussite.
7Cette conviction ne disparut probablement pas dans les années suivantes et Merlin la nourrissait encore, au moins partiellement, lorsqu’à partir de l’institution des sénatoreries et de la Légion d’honneur, puis avec la proclamation de l’Empire, un glissement s’effectua vers la reconstitution d’une noblesse héréditaire. Le cursus honorum de Merlin a été rappelé plus haut, et nous n’y reviendrons pas ; on remarquera seulement qu’il reprit facilement certaines des habitudes épistolaires disparues sous la Convention et le Directoire, comme ces formules de politesse où il assurait être le « très humble et très obéissant serviteur » d’un haut personnage7 ! Qu’il recommença aussi à se présenter, non seulement avec ses nom et prénoms, mais en rappelant ses titres et fonctions. A la différence des pratiques de l’Ancien Régime, où le mot écuyer suivait immédiatement son patronyme, la noblesse du personnage était cependant rarement annoncée la première et les emplois semblaient primer les titres, comme si les talents importaient davantage que l’état social ! Ainsi, plus qu’un simple retour aux usages des années 1780, il semblait que ce fussent les espoirs du jeune avocat qui se réalisaient : le mérite comptait avant tout et la noblesse le récompensait.
8A la différence de nombre de ses anciens amis politiques, profondément irrités par l’initiative impériale, Merlin ne réprouvait aucunement le nouvel ordre des choses. Sans privilèges, sans attache à un terroir déterminé, ouverte à tous ceux qui s’en montraient dignes, la nouvelle noblesse lui apparaissait comme une simple distinction décernée aux fidèles serviteurs de l’Etat. Aussi, même après la chute de Napoléon, Merlin ne dédaigna pas son titre de comte : Baudot rapporte que dans son exil il le considérait comme la juste récompense de ses importantes connaissances juridiques8.
9Cependant, même si à chaque haute responsabilité civile était attachée l’obtention d’un titre, la noblesse impériale n’était pas le Tchin de Pierre le Grand. D’abord, l’anoblissement des militaires était laissé à la discrétion de l’empereur ; ensuite, même si la noblesse était officiellement sans privilèges, Napoléon n’hésitait pas à doter généreusement ses chevaliers, ses barons, ses comtes, ses ducs et ses princes ; il les autorisait aussi à se constituer des majorais inaliénables attachés à leurs titres. C’est que Napoléon avait institué le principe de l’hérédité qui s’appliquait si l’héritier mâle répondait à certaines conditions de fortune, destinées à contrôler sa capacité à soutenir son rang. La noblesse impériale se renouvelait par le service, mais se perpétuait par l’hérédité et la fortune ! Si ces innovations trahissaient la pensée des hommes de 1789, et plus encore celle des Thermidoriens, Merlin ne semblait guère s’en apercevoir : il croyait, ou voulait croire, que la noblesse impériale resterait celle des talents. Le risque d’un glissement vers une ploutocratie au service de l’empereur était pourtant bien réel.
Le mérite et l’argent
10Merlin ne manifesta jamais de mauvaise conscience face à l’argent bien gagné. Même s’il considérait comme honorable tout désintéressement, notamment dans l’action politique, il n’en montra pas moins un intérêt sensible pour la fortune. Dès l’Ancien Régime, ce brillant avocat jouit d’ailleurs d’importants revenus. François-Xavier Dumonceaux, son beau-frère, affirme que, de 1777 à 1789, il tira « constamment de son cabinet un produit annuel de quinze à seize mille livres9 » ; vu l’activité de l’avocat, la somme avancée, probablement excessive pour le début de sa carrière, nous semble plausible. Dès les années 1780, il faut cependant ajouter aux recettes du cabinet, les gages reçus de Guyot pour sa collaboration au Répertoire et au Traité des offices. A cet égard, nous disposons de quelques chiffres assez éloquents. En 1784. pour les dix premiers volumes de la seconde édition du Répertoire, Guyot devait à son collaborateur la coquette somme de neuf mille six cent seize livres. Quelque temps plus tard, à partir de 1788, Merlin négociait ses lettres de change à des marchands de Valenciennes du nom de Filliard ; une copie de son compte courant nous montre qu’en l’espace de deux ans, d’octobre 1788 à juin 1790, il escompta pour vingt et un mille cinq cents livres d’effets, dont près de dix-sept mille étaient dus par Guyot10. On le voit, dans les bonnes années, en additionnant les revenus de son cabinet et ceux du Répertoire ou du Traité, les recettes de l’avocat pouvaient s’élever à plus de vingt mille livres, ce qui était considérable.
11Dans les premières années de la Révolution, l’installation de Merlin à Paris marqua un net tarissement de ses ressources. En 1789, il les estima à quatre mille livres seulement11 ; même si l’évaluation paraît basse, elle montre que les plus importants revenus de l’Ancien Régime étaient temporairement perdus : la majeure partie des ressources de son cabinet, le fruit de sa collaboration aux publications de Guyot et bientôt ses gages de conseiller-secrétaire du roi. De plus, un sérieux revers de fortune l’atteignit vers 1793, lorsque l’un de ses amis, pour lequel il s'était porté caution, fit faillite. Cette mésaventure lui coûta peut-être une cinquantaine de milliers de livres, et tout laisse à penser qu’il céda à cette occasion ses terres d’Anhiers et de Râches, près de Douai, d’une valeur d’environ trente-cinq mille livres12, ainsi que quelques parties d’immeubles reçues par sa femme en héritage13. Mais ce qui rendit son appauvrissement impressionnant, ce fut la vente d’une partie notable de ses biens mobiliers. Dans ce domaine, son dénuement paraissait encore sensible au début du Directoire. Nommé ministre de la Justice, Merlin demanda à son collègue de l’Intérieur, le 18 brumaire an IV (9 novembre 1795), quels meubles la République entendait fournir à ses ministres ; dans la minute de sa lettre, il écrivait :
Quant à la vaisselle et à l’argenterie de table, je ne sais s’il est dans l’intention de la loi du 10 vendémiaire de nous les accorder. Mais dans le fait, je n’ai rien
ou presque rien[sic] qui vaille en ce genre, et il me seroit impossible, comme il le serait sans doute aussi à plusieurs de nos collègues, de faire à cet égard de grandes dépenses sur mes propres fonds14.
12Dans une autre lettre, cette fois adressée à son collègue des Finances, il réitérait sa demande, s’inquiétant de sa crédibilité s’il était réduit à « manger sa soupe avec une cuillère de bois »15 ! Malgré ces pressantes requêtes, Merlin était loin d’être ruiné, puisqu’il avait préservé ses terres d’Oisy (Pas-de-Calais) et des communes voisines, qui représentaient plus de cent dix hectares d’une valeur d’environ cent mille livres ! C’était le noyau d’une fortune qui allait commencer à s’édifier sous le Directoire, les traitements de ministre et de directeur étant assez élevés, puis se construire pleinement au début du XIXe siècle.
13Comme la plupart des nobles d’Empire, Merlin était attaché au service de l’Etat et tirait de ses responsabilités l’essentiel de ses revenus16. Ceux-ci, composés de traitements et d’indemnités, ne cessèrent de croître et représentaient des sommes assez considérables. Comme procureur général impérial à la Cour de cassation, il recevait trente mille francs par an, l’un des plus hauts traitements prévus pour un fonctionnaire civil ; à partir de 1806, comme conseiller d’Etat hors section, il reçut le privilège de lui adjoindre une rétribution de vingt-cinq mille francs annuels, qui était égale à celle d’un sénateur. A ces traitements, il convient d’ajouter les indemnités attachées à diverses distinctions : celle de commandeur puis de grand officier de la Légion d’honneur, celle de membre de l’Institut celle de commandeur de l’ordre impérial de la Réunion. Vers 1813, les traitements et indemnités de Merlin se montaient à plus de soixante mille francs par an. Certes, ce chiffre est théorique ; l’on sait que l’administration impériale ne rémunérait pas toujours avec exactitude ses fonctionnaires ; l’on sait aussi que les revers militaires et les difficultés économiques des années 1813 et 1814 posèrent d’énormes problèmes de trésorerie à l’Etat17. Malgré tout, on peut avancer que, de 1806 à 1812, les indemnités et les traitements de Merlin s’élevèrent à au moins cinquante mille francs annuels, somme énorme qui représentait plus de la moitié de ses revenus.
14Parallèlement, l’obtention d’un titre de comte, en août 1809, avait attiré à Merlin d’autres faveurs. Afin de s’attacher les nobles d’Empire, pour les récompenser de leurs services et leur permettre de soutenir leur rang, Napoléon conférait des dotations. Sur le « Dictionnaire des donataires de sa majesté l’empereur et roi », daté de 1812, Philippe-Antoine Merlin est inscrit pour une somme de douze mille francs de rente, produits par des biens en Illyrie et des actions. Le 16 janvier 1810, l’empereur avait affecté à la dotation de sa noblesse cinq cents actions de cinq cents francs de rente, appartenant à son domaine extraordinaire sur le canal du Midi, parmi lesquelles quatre titres étaient réservés au comte ; après les formalités d’usage, ce dernier les reçut le 31 août 181018. Moins de deux ans plus tard, le premier janvier 1812, l’empereur accorda une nouvelle dotation à Merlin. Le comte dut cependant attendre une année pour en apprendre la composition et commencer les démarches habituelles ; il n’entra finalement en sa possession que le 15 juillet 181319. Les biens reçus, d’un revenu net de dix mille cent cinq francs, se situaient dans la province d’Illyrie et se composaient, à parts à peu près égales, de mines et de fonderies, de baux ruraux, et de rentes emphytéotiques et foncières. Qu’on ne se fasse cependant pas d’illusion sur le produit réel de ces derniers biens ; dès 1813, les difficultés économiques, l’atonie des autorités locales et les revers des armées impériales rendirent les revenus des dotations situées hors de France pratiquement nuls, surtout pour un « modeste » donataire comme Merlin, qui ne disposait évidemment pas d’un intendant sur place. Certes, les statuts impériaux prévoyaient qu’avec l’autorisation de Napoléon, les biens reçus pouvaient être cédés et convertis en rentes sur le grand-livre, en actions de la banque impériale ou en terres situées à l’intérieur des frontières de l’Empire ; le décret du 3 mars 1810 en fit même une obligation, laissant cependant de longs délais aux donataires20. Mais Merlin n’eut pas le temps de procéder à ces transactions.
Les revenus de Merlin de Douai sous l’Empire
ORIGINE DES REVENUS | 1805 | 1809 | 1813 |
Traitements et indemnités : | |||
Procureur général impérial à la Cour de cassation | 30000 | 30000 | 30000 |
Conseiller d’Etat | * | 25 000 | 25 000 |
Commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur | 2000 | 2000 | * |
Grand officier dans l’ordre de la Légion d’honneur | * | * | 5 000 |
Commandeur de l’ordre impérial de la Réunion | * | * | ? |
Membre de l’Institut de France | ? | ? | ? |
>32 000 F | >57 000 F | >60 000 F | |
Dotations impériales : | |||
Quatre actions sur le canal du Midi | * | * | 2 000 |
Bien situés en Illyrie | * | * | 10 000 |
0 | 0 | 12 000 F | |
Revenus immobiliers : | |||
Rente foncière | >13 900 F | >34 400 F | >27 050 F |
>13 900 F | >34 400 F | >27 050 F | |
Revenus mobiliers : | |||
Intérêts de créances | ? | >2 250 F | >4 353 F |
Revenus de placements mobiliers | ? | ? | ? |
Travaux de jurisprudence | ? | ? | ? |
? | >2 250 F | >4 353 F | |
Evaluation des retenus de Merlin | >45 900 F | >93 650 F | >103 403 F |
15Malgré ces difficultés, surtout sensibles à partir de la campagne d’Allemagne, les traitements, indemnités et dotations arrivaient indubitablement en tête des ressources de Merlin. Généreux autant que réguliers, ils lui avaient permis de se constituer un vaste domaine foncier qui à son tour produisait de confortables revenus. Pour apprécier leur importance, nous avons appliqué au capital foncier du jurisconsulte un taux de rendement forfaitaire de 5 %, qui correspond au rendement des terres que Cambacérès possédait en Normandie et en Seine-et-Marne21, ainsi qu’aux usages les plus fréquents du temps. Ce taux a également été utilisé par Louis Bergeron et Guy Chaussinand-Nogaret dans leurs travaux sur les notables de l’Empire22. A examiner les résultats de nos calculs, l’augmentation des revenus fonciers de Merlin semble rapide jusqu’en 1810 ; d’environ quatorze mille francs en 1804, ils passèrent à près de trente-cinq mille francs cinq ans plus tard, pour ensuite diminuer quelque peu.
16A côté des traitements et indemnités, comme à côté des revenus fonciers, il est certain que les revenus mobiliers de Merlin faisaient assez pâle figure ; faute de documents, il nous est malheureusement impossible d’en apprécier l’exacte importance. Possédait-il des actions, autres que celles reçues en dotation ? des bons du Trésor ? Nous ne le savons pas. Nous ne sommes pas davantage renseignés sur les profits de la réédition du Répertoire et de la publication des Questions de droit. Nous avons cependant retrouvé, dans les fonds notariaux, la trace de deux importantes créances. Les deux débiteurs sont des proches du jurisconsulte puisqu’il s’agit de son libraire, Garnery, et de son beau-frère, François-Xavier Dumonceaux. Les créances, d’un montant total de quatre-vingt-sept mille cinq cent cinquante-huit francs, avaient été fondées à un taux de 5 %, qui était loin d’être usuraire, et rapportaient, dès 1810, un intérêt de quatre mille trois cent soixante-dix-huit francs23.
17Avec de telles lacunes, nous ne pouvons évidemment fournir une vision précise des ressources de Merlin, mais simplement avancer quelques évaluations. Dès 1804, ses revenus dépassèrent à coup sûr les quarante mille francs, et à partir de 1808 approchèrent les cent mille francs, niveau auquel ils se stabilisèrent jusqu’aux environs de 1813 ou de 1814. Ainsi, avant même le début de l’Empire, Merlin disposa des moyens de se bâtir une belle fortune, essentiellement foncière. Pour un homme sûr de ses talents, elle devait représenter la juste récompense de toute une vie de travail.
1811 : la fortune du comte Merlin
18Une enquête menée dans les archives des notaires, des hypothèques et de l’enregistrement, nous a permis de reconstituer la fortune de Merlin de Douai en 1811, l’année de la mort de sa femme. Notre étude se fonde, au départ, sur un important acte notarié, daté du 15 juin 1815, par lequel le jurisconsulte procéda à la liquidation de la communauté de biens qui l’avait attaché à la défunte comtesse24. Si la source n’est pas irréprochable, car les clauses du partage révèlent une volonté de mettre en sécurité des richesses jugées menacées par une éventuelle chute de l’Empire, elle nous permet cependant d’apprécier l’importance et la composition du patrimoine de Merlin alors qu’il était au faîte de sa carrière.
La fortune du comte Merlin (septembre 1811)1
NATURE DES BIENS | VALEUR | IMPORTANCE RELATIVE |
Biens mobiliers : | ||
« Valeur des meubles meublants, effets mobiliers, habits, linge, hardes, chevaux, voitures, bibliothèques, bijoux, vaisselle d'argent, créances recouvrées & des deniers comptants ». | 109 660 | |
« Fruits et revenus échus au jour du décès de Made la comtesse Merlin ». | 95 792 | |
Créances : | ||
- sur Garnery (depuis novembre 1807) | 45 000 | |
- sur Dumonceaux (depuis janvier 1810) | 42 558 | |
293 010 | 26,3 % | |
Hôtel particulier : | ||
Hôtel du 99, rue de Grenelle, faubourg Saint-Germain, évalué 60 000 francs mais acheté 72 000 francs en 1810 | 72 000 | |
72 000 | 6,4 % | |
Biens fonciers : | 560 376 | |
Seine-et-Marne : 189 ha | 150 000 | |
Nord et Pas-de-Calais : 758 ha | ||
947 ha | 710 376 | 63,7 % |
Dotation attachée au titre de comte : | ||
Quatre actions sur le canal du Midi, de 500 francs de rente chacune | 40 000 | |
40 000 | 3,6 % | |
Evaluation de la fortune du comte Merlin | 1 115 386 | 100 % |
19En 1811, la fortune de ce grand notable était considérable. Elle se composait d’abord d’un vaste domaine foncier de neuf cent cinquante-quatre hectares, répartis entre les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Seine-et-Marne25, régions où la grande propriété demeurait particulièrement vivace26. En capital, il représentait plus de sept cent mille francs, qui pesaient pour 64 % dans la composition de son patrimoine. Merlin de Douai se classait parmi les plus riches personnages de l’Empire ; comme eux, il disposait d’un vaste domaine foncier, comme eux aussi, il résidait principalement dans un luxueux hôtel particulier de la capitale. Depuis 1810, en effet, il avait quitté le Marais pour le 99 rue de Grenelle, dans le faubourg Saint-Germain, où il habitait un vaste et bel hôtel, acheté soixante-douze mille francs aux héritiers du lieutenant-général Marbeuf, ancien gouverneur de la Corse27.
20Afin de poursuivre la description de la fortune du jurisconsulte, il nous faut aborder un domaine plus obscur, celui de ses biens mobiliers, dont il est difficile de connaître avec précision l’importance et la composition. Si l’on tient compte des revenus échus mais non encore perçus, ces biens composeraient environ 26 % du patrimoine de Merlin. Le pourcentage est ici assez élevé comparé aux estimations connues et analysées, notamment par Jean Tulard, qui précise que les biens mobiliers représentaient, en règle générale, de cinq à vingt pour cent du patrimoine des grands notables28. En fait, vu la rareté des établissements de crédit, l’importance relative des biens mobiliers devait énormément varier d’une année à l’autre. La plupart des achats immobiliers d’un grand notable comme Merlin, s’ils n’étaient pas conclus en viager, se réglaient comptant ou dans un terme très court ; le notable commençait donc par amasser des fonds qui grossissaient l’importance relative de son patrimoine mobilier, puis transformait son capital en immeubles, renversant ainsi la tendance.
21A l’époque où nous analysons la composition de la fortune de Merlin, sa situation mobilière peut ainsi paraître assez haute. Notre personnage vient de vendre son domaine de Pelves (Pas-de-Calais), pour au moins cinquante-cinq mille francs, et n’a acheté que peu de terres depuis trois ans. Sa fortune mobilière est donc importante, mais se trouve en grande partie bloquée. On peut la décomposer en trois ensembles : les propriétés mobilières et les liquidités, évaluées à un peu plus de cent neuf mille francs ; les traitements, les indemnités et les autres revenus non encore perçus, qui se montaient à environ quatre-vingt-seize mille francs ; et enfin les créances, qui s’élevaient à au moins quatre-vingt-sept mille francs, mais n’étaient pas mentionnées dans l’acte de succession, parce qu’écartées par une clause préliminaire, de même que la dotation attachée au titre de comte, transmissible au seul fils de Merlin.
22Après ajustement des données, notre estimation de la fortune de Merlin de Douai, pour l’année 1811, s’élève à environ un million cent quinze mille francs. Avec un tel patrimoine, le comte pouvait rivaliser de luxe et d’aisance avec de grands dignitaires du régime, créations de l’Empire, comme Cambacérès, dont le capital se montait, cette même année, à un peu plus de quatre millions29. Il pouvait rivaliser aussi avec la haute noblesse ralliée et les grands négociants, dont le patrimoine atteignait souvent et dépassait parfois le million de francs. Par son importance, la fortune de Merlin s’apparentait à celle des grands de l’Empire ; par sa composition, où dominaient les biens nationaux et les dotations impériales, elle trahissait cependant l’ascension récente et rapide du personnage. Alors que sous l’Ancien Régime la première composante de son patrimoine était son office, sous l’Empire, les biens fonciers en formaient l’essentiel. Il ne faudrait cependant pas en conclure que son attachement à la terre fût récent ; bien au contraire, il existait avant 1789, mais une aisance nouvelle lui permettait désormais de réaliser toutes ses ambitions.
L'attrait de la terre
23Pour Philippe Merlin, fils et petit-fils de censiers, la terre fut toujours d’une grande importance ; ses rapports avec elle ne furent pourtant ni simples, ni immuables. La reconstitution de sa fortune foncière nous permet de les approcher et de comprendre leur évolution sur une longue durée, puisque ses acquisitions commencèrent en 1781 pour se terminer dans les dernières années de l’Empire30.
24Sous l’Ancien Régime, la terre était un bien cher et étroitement soumis aux servitudes du système seigneurial et féodal ; elle était aussi un placement dont le prestige, la sécurité et le rapport étaient unanimement appréciés. Mais Merlin, jeune avocat aux revenus pourtant élevés, n’avait guère les moyens d’acquérir un petit domaine, et moins encore une véritable seigneurie ; sa priorité avait été l’achat d’un office qui immobilisait l’essentiel de sa fortune. Malgré tout, l’avocat se laissa tenter à deux reprises au moins par la terre. En 1781, par l’entremise de ses parents, il acquit environ deux hectares de terre à labour dans sa commune natale d’Arleux (Nord)31, et six ans plus tard, par l’intermédiaire de son frère Nicolas, il acheta un peu plus de trois hectares dans la commune voisine d’Oisy (Pas-de-Calais)32. Progressivement, Merlin confortait son ascension sociale par l’acquisition de quelques terres qui l’attachaient plus étroitement au terroir de ses aïeux.
25Avec la Révolution et la mise en vente des biens du clergé, les motivations de Merlin et les enjeux de ses acquisitions se modifièrent brutalement. La vénalité des charges supprimée, Merlin reçut pour prix de son office cinquante-cinq mille neuf cent livres en espèces sonnantes et trébuchantes qu’il importait de faire fructifier33. De plus, en 1791, l’aisance de sa mère et de son frère, qui reposait essentiellement sur l’exploitation de la ferme de la Cour les Moines, propriété de l’abbaye d’Anchin, paraissait menacée par la vente des biens nationaux. Certes, afin de protéger les fermiers, l’Assemblée constituante avait exigé des nouveaux propriétaires le respect des baux en cours ; malgré tout, au terme du contrat, les Merlin risquaient de perdre leur plus belle source de revenus, voire leur statut social.
26Un tel enjeu et d’importantes sommes d’argent à placer conduisirent naturellement Merlin vers les placements fonciers. L’investissement ne manquait d’ailleurs pas d’intérêt : la terre était de qualité, se présentait souvent en parcelles assez vastes, était libérée de toute contrainte et pouvait s’acquérir à des prix nettement inférieurs à ceux des dernières années de l’Ancien Régime ; Merlin profita de l’occasion pour se constituer un petit domaine à Oisy (Pas-de-Calais). Le 15 janvier 1791, il se déplaça en personne à Bapaume, et emporta aux enchères les bâtiments et les quatre-vingt-un hectares de la ferme exploitée par sa mère pour soixante-deux mille neuf cents livres34. L’affaire parut si intéressante qu’il tenta, dès les mois suivants, d’agrandir son domaine sans pour autant en confier l’exploitation exclusive à ses parents. Le 30 mars 1791, il acheta vingt-huit hectares de terres labourables appartenant à l’ancienne abbaye du Verger, qui étaient situés dans les terroirs de Cauchy-Lestré, Sauchy-Cauchy et Rumaucourt (Pas-de-Calais) pour vingt-quatre mille neuf cents livres35. Un an plus tard, vers le mois de mars 1792, Merlin racheta pour environ mille quatre cents livres, un peu plus d’un hectare issu de la cure d’Oisy ; l’acquéreur avait été son frère, Nicolas, qui lui céda la terre mais en demeura fermier36. En 1791, Merlin se laissa également tenter par des terres situées à plusieurs lieues de sa commune d’origine ; pour la première fois il achetait au-delà du périmètre d’Arleux et d’Oisy. Le 24 février 1791, il se porta ainsi acquéreur de vingt-sept hectares de terre dans les communes de Râches et d’Anhiers, au nord de Douai, pour une somme de trente-cinq mille six cent cinquante livres37.
27En l’espace de deux années. Merlin avait ainsi acquis une ferme et cent trente-sept hectares de terre, d’une valeur totale de cent vingt-quatre mille huit cent cinquante livres. L’opération était inespérée. Elle l’était d’autant plus que la loi permettait aux acquéreurs de biens nationaux d’acquitter leur dette en douze annuités, au taux de 5 %. En septembre 1793, le jurisconsulte devait encore « à la Nation » 51,5 % des sommes à payer ; la dépréciation de l’assignat lui permit ainsi de régler une partie de sa dette avec un papier-monnaie sans grande valeur38. En effet, seule la loi du 3 messidor an III (21 juin 1795) permit à l’Etat de ne plus recevoir les assignats selon leur valeur nominale ; encore donna-t-elle aux acquéreurs de biens nationaux un délai de quarante jours pour apurer leurs comptes selon les anciennes règles, possibilité dont profita peut-être Merlin39. Après que l’Assemblée eut proclamé le mérite comme seul critère de distinction sociale, le jurisconsulte parvenait ainsi à se bâtir un important domaine foncier qui assurait le confort de sa famille et prouvait l’importance de sa réussite. Ces terres, essentiellement concentrées autour de la commune d’Oisy, devaient bientôt constituer le noyau d’un vaste patrimoine foncier.
28Cette fortune, nous l’avons précisé, Merlin de Douai la bâtit sous le Consulat et l’Empire. A cette époque, après dix années de retenue dues à un tarissement de ses ressources, sa politique d’acquisition reprit et changea d’échelle. Des revenus importants lui permirent de multiplier les achats, parfois très rapprochés dans le temps, comme de 1806 à 1808 où, en l’espace de trois années, il fit entrer six cents hectares d’une valeur de trois cent quatre-vingt mille francs dans son patrimoine ! Cette véritable rage d’acquérir s’explique à la fois par des raisons sociales et économiques.
29Sous l’Empire, la propriété foncière demeurait un gage de réussite et un placement de prestige ; en ce domaine, les mentalités n’avaient guère évolué depuis l’Ancien Régime. Pour Merlin, l’investissement foncier paraissait également plus sûr que le placement mobilier ; ici aussi, le poids de méfiances séculaires, ravivées par les difficultés révolutionnaires, n’était pas absent. Enfin, la terre restait d’un prix très abordable, surtout si l’on ne boudait pas les biens nationaux. Les hommes qui faisaient confiance en leur temps pouvaient ainsi se constituer, en quelques années et à bon compte, de vastes domaines fonciers. Ce fut le cas de Merlin qui n’acheta, excepté sa propriété de la Jonchère, en Seine-et-Marne, que d’anciens biens d’Eglise. Cette politique, qui laissa bien peu de place au hasard, peut se décomposer en deux actions complémentaires, illustrant toute la complexité des objectifs de ce grand notable : pendant toute la période, Merlin voulut à la fois profiter d’un domaine de prestige, près de Paris, et développer l’étendue de ses propriétés de rapport dans le Nord et le Pas-de-Calais.
30Dans les premières années du XIXe siècle, Merlin demeurait profondément attaché à sa province d’origine. Ses liens avec la terre du Nord ne s’expliquent cependant pas uniquement, loin de là, par de simples raisons affectives ; entrent également en jeu bien d’autres motifs comme les exigences d’une bonne gestion, la recherche du profit et la défense d’intérêts familiaux. Pour un grand propriétaire foncier, il était en effet judicieux de rassembler ses propriétés dans une même région, surtout si des membres de sa famille y résidaient. Afin de gérer ses domaines, il disposait ainsi de personnes de confiance, aptes à le représenter chez le notaire lors du renouvellement d’un bail, à surveiller le bon entretien des fermes louées ou encore à percevoir les rentes foncières. Ainsi, les frères de Merlin firent parfois office de procureurs dans la signature d’actes notariés. Mais en ce domaine, la première place revint à un certain Malisset-Godart, négociant à Arras, qui se présentait comme le « chargé d’affaires » de Merlin40.
31Le choix d’un homme de confiance, dévoué et compétent, était capital, car le grand notable tirait de ses terres du Nord et du Pas-de-Calais l’essentiel de sa rente foncière. Le premier objectif de ses acquisitions de biens dans ces provinces fut en effet le profit. Cette remarque explique que le centre d’intérêt de Merlin se soit élargi par rapport aux époques précédentes. Le jurisconsulte se préoccupait désormais, outre des terres d’Arleux et d’Oisy, de trois autres petites régions : le Béthunois, le Douaisis et surtout l’Arrageois. Ses acquisitions consistaient tantôt en de petites parcelles de terres, comme dans le Béthunois où il acheta quelques hectares à diverses reprises en 1803, 1807 et 1810, tantôt en de plus vastes ensembles, comme à Gouy-sous-Bellonne, dans le Douaisis, en 1808, voire en de grands domaines avec terres à labour, prés et bâtiments d’exploitation ; le plus bel exemple de ce type se retrouve à Berneville, dans l’Arrageois, où Merlin acquit, en 1806, une immense ferme de cent quatre-vingt-douze hectares41.
32Les villages contigus d’Oisy et d’Arleux, dont ses deux frères étaient maires, demeuraient cependant, pour des raisons affectives, le véritable centre de ses propriétés. Merlin s’y montrait attentif à toutes les opportunités ; ainsi, en 1804, 1810 et 1811, il y agrandit progressivement son domaine42. C’est également la conscience de ses obligations familiales qui explique quelques-unes de ses acquisitions dans le Cambrésis et dans la région de Bapaume, en 1807. En l’occurrence, le vendeur ne fut autre que son beau-frère, François-Xavier Dumonceaux, qui connaissait de graves difficultés financières en partie corrigées par des prêts ou de généreux achats de terres de Merlin. De mêmes obligations familiales expliquent les investissements du jurisconsulte en Flandre ; en 1809, en effet, par l’achat d’un tiers d’une ferme de Flêtre et de soixante-dix hectares de pâtures, de prés, de bois et de terres labourables situés sur cette même commune et dans la ville voisine de Bailleul, il permit à son beau-fils, d’Haubersart, acquéreur du reste du domaine, d’enrichir son patrimoine d’un beau fleuron43. Ici, comme précédemment, Merlin usait de sa fortune pour faciliter la réalisation d’ambitions familiales. Cela est plus net encore lorsque l’on examine le cas du domaine de Pelves, pourtant dans l’Arrageois. Le 25 avril 1808, cent cinquante-cinq hectares de terres à labour furent achetés pour moitié par le jurisconsulte, pour moitié par Louis Jérôme Gohier, ancien président du Directoire exécutif et beau-père d’Eugène Merlin44. Cette acquisition était toute temporaire, car le grand notable avait simplement voulu se rendre agréable à son ami Gohier ; dès le 5 septembre 1811, il lui revendit d’ailleurs sa moitié du domaine45. On le voit, dans les départements septentrionaux, la politique d’acquisition foncière de Merlin mariait intimement le respect d’obligations familiales et la recherche du profit.
33Il n’en fut pas de même pour le domaine de la Jonchère, au nord de Melun. Acquis dès l’an IX et situé aux abords de la capitale, il était probablement destiné à devenir la résidence de campagne du jurisconsulte. C’était une vaste propriété de deux cent quarante-quatre hectares, essentiellement située sur la commune de Lésigny. A la différence des autres terres de Merlin, la Jonchère n’était pas seulement tournée vers la production, car dans cette ancienne résidence aristocratique, le confort et l'agrément du propriétaire n’étaient pas négligés. Le domaine comptait trente-quatre hectares de parc composés de jardins d’agrément, de bois, mais aussi il est vrai de potagers, d’un verger, de vignes, de prés et de quelques terres labourables46. La maison d’habitation était présentée comme un « ci-devant château » récemment rénové, que Merlin avait acheté entièrement meublé. Elle ouvrait sur une vaste terrasse percée de deux pièces d’eau vive, dont la plus grande était bordée d’un pavillon appelé la « maison du berger ». Deux bassins, dont l’un garni d’un jet d’eau, des bosquets et un jardin invitaient les propriétaires à la promenade. Malheureusement, Merlin ne profita guère des beautés de son domaine, acheté en viager, car une réserve d’usufruit laissait aux vendeurs la jouissance de l’habitation principale, des meubles et du droit de chasse leur vie durant. Or, près de dix ans après la conclusion de la transaction, l’ancien propriétaire vivait encore ! Merlin s’impatientait... Dès 1810, il vendit cinquante-cinq hectares du domaine ; deux ans plus tard, peu après la mort de sa femme, il céda le reste de la propriété47. Remarié à la comtesse de Wargemont, son regard se tournait désormais vers la Normandie.
34Certes, sa nouvelle femme n’était pas vraiment riche, même si elle possédait un petit patrimoine. La statistique personnelle de 1809 la crédite d’un revenu foncier de deux mille francs, soit un domaine d’une valeur d’environ quarante mille francs48 ; en 1812, Isabelle Caroline Rohart l’agrandirait par deux acquisitions dans l’arrondissement de Dieppe, d’une Valeur de soixante-deux mille francs49. L’on comprend, dans ces conditions, que Merlin fit de Wargemont, non loin de Dieppe, sa résidence de campagne, et qu’il s’intéressa aux biens qui s’échangeaient dans cette région. En mai 1813, il acheta ainsi dix-neuf hectares de terres, dont deux de bois, à Sauchay-le-Haut pour une valeur de vingt-sept mille francs50. Pour le comte, la possession d’une maison de campagne ne suffisait pas ; il fallait aussi qu’il se sente « propriétaire » et soit reconnu comme tel.
35Chez Merlin, la terre apparaît ainsi simultanément comme un instrument de prestige et de richesse. Sa politique foncière se distinguait cependant de celle d’autres « magnats », comme Cambacérès, et de la plupart des nobles ralliés, beaucoup plus sensibles à l’honneur qu’à l’argent. A la différence de ces hommes, il se tourna peu vers les biens patrimoniaux ou les propriétés de grand prestige comme les bois et les vignes. Quelques arpents de forêt situés dans son domaine près de Paris et en Normandie lui suffisaient, et le reste de ses terres était simplement destiné à produire une rente. Sa politique foncière allait réussir au-delà de ses espérances et faciliter l’établissement de ses enfants et petits-enfants.
Les héritiers du jurisconsulte : la naissance de dynasties bourgeoises
36Dans la préparation de l’avenir professionnel et social de ses enfants, les mariages, les carrières comme la transmission des richesses et des avantages qu’elles conféraient furent pour Merlin autant d’enjeux et de préoccupations. Ainsi, il s’intéressa de très près à l’avenir de son patrimoine, non qu’il voulût lui conserver une quelconque intégrité ou qu’il désirât l’attacher à son nom par l’intermédiaire de son fils, mais simplement parce qu’il entendait le transmettre à ses trois enfants. En 1811, tous étaient mariés et établis. Chacun d’eux avait été doté de cent mille francs, qui ne furent cependant intégralement versés qu’en 181551. Comme leur père appartenait à la haute société, ils avaient naturellement pris place dans des familles riches et honorables qui leur assuraient un avenir sans difficulté.
37L’aîné, le maréchal de camp Eugène Merlin, avait épousé Louise Jeanne Madeleine Gohier, fille unique de l’ancien directeur, consul général de France en Hollande jusqu’à la réunion de ce pays à l’Empire, avec qui le procureur général paraissait entretenir d’amicales relations. Depuis longtemps dans les bonnes grâces de l’empereur, dont il avait été l’aide de camp en Egypte, Eugène Merlin menait une assez brillante carrière, quoique sa promotion fût au départ assez lente : chevalier, membre de la Légion d’honneur et donataire d’un revenu de deux mille francs sur la Westphalie, il devint général de brigade le 14 juillet 1813, non sans l’appui de Merlin52. Conformément aux deux statuts impériaux du 1er mars 1808, l’établissement d’un majorat pouvait le destiner à succéder au titre de comte de son père. Sensible aux honneurs, Merlin de Douai n’hésita pas à en demander l’institution, dès 181153. Une telle décision ne remettait pas en cause l’égalité dans les successions et ne faisait pas de l’enfant aîné un privilégié, puisque les deux filles du comte conservaient un droit égal à celui de leur frère.
38Marie Merlin, veuve en premières noces de Jean-Baptiste Dubois de Crancé54, colonel du premier régiment de chasseur à cheval55, avait épousé Alexandre Florent Joseph d’Haubersart56. Son second mari, d’abord inspecteur de l’enregistrement et des domaines à Dunkerque, lut promu directeur des domaines de la Somme et s’installa à Amiens, où il demeurait en 1811. Il était le fils aîné d’Alexandre Joseph Séraphin d’Haubersart, ancien subdélégué de l’intendant de Flandre, qui menait une brillante carrière de juge et d’homme public : premier président de la Cour d’appel de Douai dès 1800, il lut député au Corps législatif en 1805 et sénateur en 1813. La première Restauration allait faire de lui un Pair de France.
39La fille cadette du comte, Pauline Merlin, avait quant à elle épousé Louis Simon Andryane, devenu auditeur au Conseil d’Etat après une brève carrière militaire. Le père de ce dernier, Gengulphe Andryane de la Chapelle, négociant, banquier et fournisseur aux armées, avait bâti une énorme fortune en spéculant sur les biens nationaux. Vers 1812, son capital foncier avoisinait les deux millions de francs57 ! Il disposait de l’une des deux plus grosses fortunes du département de l’Aube. A sa mort, en 1828, ce patrimoine fut partagé entre deux enfants seulement. Sous l’Empire, Gengulphe Andryane jouait son rôle de notable : il fut conseiller général de l’Aube en l’an XI et député à la chambre des Cent-Jours.
40Les Merlin s’allièrent ainsi à des familles d’origines diverses ; les militaires y côtoyaient les fonctionnaires impériaux, les anciens directoriaux des profiteurs de la Révolution. Mais au delà de cette apparente diversité, l’on remarque que les gendres et la bru de Merlin sont enfants de notables. Même si l’Empire ne devait anoblir que Merlin de Douai, son fils Eugène et le premier président d’Haubersart, tous les membres de cette famille se retrouvaient dans de mêmes principes et une même richesse assise sur la terre ; entre eux, la fortune paraissait le lien le plus étroit, presque un facteur de fusion sociale. Désormais, la terre formait le trait d’union entre les diverses élites de la société impériale : les nobles, les négociants, les militaires et les fonctionnaires.
41Au mois de juin 1815, le partage de la succession de leur mère renforça encore davantage l’aisance des trois enfants de Merlin ainsi que leur communion dans de mêmes valeurs. Redoutant une nouvelle Restauration, voire des mesures contre les soutiens du régime impérial, le jurisconsulte chercha à mettre ses biens immobiliers à l’abri de toute atteinte. Il s’attribua ainsi des richesses facilement transportables : ses meubles, son argenterie, ses bibliothèques, ses chevaux, de l’argent comptant et des créances. Quant à ses trois enfants, ils reçurent toutes ses propriétés immobilières : son hôtel de la rue de Grenelle et les terres qu’il possédait au moment du décès de sa femme, hormis le domaine de la Jonchère, vendu en 1810 et 1812, dont il conserva le montant de la transaction. En passant à ses trois enfants, la fortune foncière et immobilière de Merlin était mise à l’abri de tous les orages politiques. Les clauses de la succession renforçaient également l’importance sociale des héritiers du jurisconsulte, les transformant en de grands propriétaires fonciers58. De véritables dynasties bourgeoises semblaient prendre naissance ; elles n’allaient cependant pas porter le nom de Merlin, car le seul fils du comte, Eugène, devait mourir sans postérité.
42Des trois enfants de Merlin de Douai, Eugène ne fut pourtant pas le moins bien servi par le sort. La Restauration ne fut qu’un palier dans sa carrière ; il connut certes le déplaisir d’être injustement soupçonné de complicité dans l’affaire des sergents de La Rochelle, mais cette mésaventure n’eut aucune suite. La Révolution de Juillet lui permit d’ailleurs de reprendre du service. En septembre 1832, Louis-Philippe le nomma lieutenant-général et, deux ans plus tard, il lui confia le commandement de la 18e division militaire, autour de Dijon. Malgré ses fonctions qui le transportaient de région en région, et malgré son domicile parisien, le général ressentait le même attachement que son père pour le Nord. Comme lui, il fut également attiré par la vie publique. C’est pour répondre à ce double appel qu’il se fit élire député du département du Nord en 1834. Après la mort de son père, Eugène Merlin troqua son titre de baron pour celui de comte, et Louis-Philippe le nomma Pair de France (7 novembre 1839). Cette dernière promotion, si proche de la disparition du jurisconsulte, laissa penser que le général lui devait cet honneur ; il semblait que Merlin de Douai fut trop marqué par son passé de conventionnel pour recevoir personnellement une telle distinction. Quoi qu’il en soit, le général Merlin, après une belle carrière, s’éteignit sans postérité, le 29 août 1854, dans son domaine d’Eaubonne (Val-d’Oise).
43Marie Merlin, mariée à Alexandre d’Haubersart, devint comtesse à la mort de son beau-père, en 1823. Son mari, qui mena une brillante carrière dans l’administration de l’enregistrement, reçut également, le 17 avril 1824, le titre de Pair de France ; commandeur dans l’ordre de la Légion d’honneur, il bâtit une belle fortune qui comprenait, en 1858, à la mort de sa femme, son hôtel de la rue Neuve des Mathurins ainsi qu’un vaste domaine foncier réparti entre les départements de Seine-et-Oise, de Seine-Inférieure, de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord59. Quant à Pauline, mariée à Louis Simon Andryane, auditeur au Conseil d’Etat et chevalier de la Légion d’honneur, elle hérita probablement de l’immense fortune de son beau-père. Les deux filles du jurisconsulte ne devaient pas disparaître sans postérité et le comte, voyant la carrière et les mariages de ses petits-enfants, n’avait guère de souci à se faire, tant il est clair que les succès de sa politique foncière et sociale avaient entraîné leur propre réussite. La présentation de ceux-ci est pour le moins éloquente !
44Marie Merlin et Alexandre d’Haubersart eurent trois enfants. L’aîné, Alexandre Auguste, commença une carrière d’auditeur au Conseil d’Etat sous la Restauration ; dès le mois d’août 1830, suite à son ralliement, il fut nommé maître des requêtes ; dans les années suivantes, il s’engagea en politique, fut élu député du Nord (en 1835, 1842 et 1848) puis promu officier de la Légion d’honneur. Au début de la Monarchie de Juillet, Casimir Périer l’avait pris en amitié et en avait fait son secrétaire au Ministère de l’Intérieur. Le deuxième enfant du couple, Lodoïse Marie, se maria à Victor Alexis Bérard, réalisant l’alliance de l’administration et de la haute finance. La cadette enfin, Clémence, épousa Marie Louis François Constant Himbert, baron de Flégny, fils de l’ancien conventionnel et préfet d’empire ; il fut auditeur au Conseil d’Etat, sous-préfet et officier de la Légion d’honneur. Des trois enfants de Marie Merlin, seule madame Bérard laissa des héritiers que l’on retrouve, aujourd’hui encore, dans le monde de la finance, de l’industrie et de la diplomatie60.
45Du côté de Pauline Merlin, il n’y eut pas davantage de mésalliances, même si les héritiers parurent plus tentés par les arts que par la politique ou les finances. Les Andryane ne semblent avoir eu qu’une fille, prénommée Louise Pauline, qui épousa Sébastien Tarbé des Sablons, un officier d’artillerie, auteur d’un livre sur les poids et mesures. Elle s’illustra en son temps par la production de plusieurs livrets d’opéras. La fibre artistique ne quitta plus la famille et, parmi les petits-enfants des Andryane, on trouve Edmond Joseph Louis Tarbé des Sablons, co-fondateur du journal Le Gaulois et romancier sous le pseudonyme de baronne de Saint-Ange ; on retrouve aussi Eugène Tarbé des Sablons, critique musical au Figaro, et auteur de morceaux de chant et de musique de chambre61.
46Parmi les enfants et beaux-enfants du comte Merlin, deux sur trois accédèrent ainsi à la pairie. Quant à ses quatre petits-enfants : le seul garçon fut un député proche des orléanistes de la résistance, et les demoiselles épousèrent, la première un banquier, la deuxième un futur sous-préfet et la dernière un militaire. Faute d’héritiers mâles, les noms de Merlin et d’Haubersart, ainsi que les titres de pair et de comte qui y étaient associés, furent certes perdus, mais les descendants du conventionnel ne s’en rattachèrent pas moins au monde des notables, à cette élite des citoyens électeurs qui, en 1830, malgré la Révolution de Juillet, représentait moins de deux pour cent de la population masculine du pays !
47Pour ces héritiers du jurisconsulte, 1848 apparut probablement comme une révolution de trop ; l’on peut d’ailleurs remarquer que nombre d’entre eux se retirèrent alors de la vie publique. L’abolition de la royauté entraîna tout d’abord la suppression de la pairie ; de plus, le général Eugène Merlin fut mis à la retraite dès le mois de mai ; quant à Alexandre d’Haubersart, il rentra dans la vie privée, de même que son fils, alors député du Nord. Pour comprendre un tel mouvement, il faut rappeler que ces trois hommes, dans leur engagement politique, avaient choisi la voie du libéralisme conservateur. Pour eux, comme pour Merlin de Douai, la Révolution était achevée depuis 1830.
48Dès l’Ancien Régime, Merlin avait exalté le mérite, considéré comme le premier critère de distinction sociale. Ses succès professionnels, son enrichissement, son ralliement à Napoléon et son anoblissement ne le détachèrent pas, en apparence tout au moins, d’une telle conviction. S’il accepta l’Empire et s’il lui demeura attaché après 1808, ce ne fut pas seulement par opportunisme, par un aveugle respect de l’Etat ou par crainte des désordres ; ce fut aussi parce que le régime nouveau réalisait les ambitions du jeune député aux Etats généraux : le mérite restait le premier critère de distinction sociale et les honneurs, comme la fortune, le récompensaient. Une nouvelle élite prenait cependant forme, dont le caractère principal, avec le temps, glisserait du mérite à la fortune. En ce domaine, la monarchie censitaire confirma l’innovation impériale en confiant aux seuls grands propriétaires la parcelle de pouvoir laissée à la nation. L’élite de la fortune, qui était fréquemment celle de la naissance, remplaçait la noblesse d’Ancien Régime tout en l’assimilant en grande partie. Dans cette organisation sociale, la place réservée aux talents n’était plus celle revendiquée en 1789 ; Merlin ne voulait pourtant pas s’en apercevoir et soutenait ce mode d’organisation sociale qui préservait l’ordre tout en laissant entrouverte l’élite citoyenne et propriétaire.
Notes de bas de page
1 Recueil général..., op. cit., no 3 du 21 janvier 1790, tome I, p. 52-53.
2 A.D.Nord, 8 B2ème série 1162.
3 Cf. notre thèse, op. cit., tome II, p. 654-655.
4 Recueil général..., op. cit., no 7 du 18 février 1790, tome I, p. 158 (note 2).
5 Voir Fontaine de Resbecq comte de, « La sainte et noble famille de Lille (1686-1793) », Bulletin de la Commission historique du département du Nord, tome XII, 1873 p. 157 ; Marie Merlin serait entrée dans cette maison « par ordre de l’Assemblée nationale ». Voir aussi : A.M.Lille, 15210, dos. 2661, un mémoire des ouvrages faits par Gachet pour les demoiselles de la maison dite noble famille, en mai 1793.
6 A.M.Lille, 17881, dos. 22, observations par les administrateurs de la noble famille relativement au mémoire que les officiers municipaux leur ont fait communiquer, s.d. [février 1791].
7 Voir par exemple, A.N., 138 AP 101, l.a.s. de Merlin à Daru, datée du 15 mai 1812.
8 Baudot Marc-Antoine, op. cit., p. 18.
9 Dumonceaux François-Xavier, op. cit.
10 A.D.Nord, J 793/5, « Etat de ce qui est dû à Merlin jusqu’à la publication du tome dix inclusivement » ; et J 793/3, « Compte courant de M. Merlin, député aux Etats généraux avec Filliard et Compie de Valenciennes ».
11 Le Moniteur universel, no 63 du 25 au 28 septembre 1789, réimpression, tome I, p. 520.
12 Ces terres, qui étaient des biens nationaux achetés le 24 février 1791 (A.D.Nord, 1 Q 248, no 38), ne se retrouvent plus dans le patrimoine de Merlin sous l’Empire.
13 Voir A.M.Douai, G2 4, déclaration de fortune de Merlin en septembre 1793 ; et A.D.Nord, 4 Q 20/17, case 181.
14 A.N., F7 4269, dos. 8, m.a. d’une lettre de Merlin au ministre de l’Intérieur, datée du 18 brumaire an IV (9 novembre 1795).
15 Ibid., l.a.s. de Merlin au ministre des Finances, datée du 23 nivôse an IV (13 janvier 1796).
16 Voir notre tableau des revenus de Merlin.
17 Tulard Jean, « Les composants d’une fortune : le cas de la noblesse d’Empire », R.H., no 513, 1975, p. 136.
18 A.N., BB30 1063, dossier pour la constitution d’un majorat.
19 Ibid.
20 Voir Senkowska-Gluck Monika, « Les donataires de Napoléon » R.H.M.C., 1970, p. 688.
21 Marquant Robert, « La fortune de Cambacérès », Bulletin d’histoire économique et sociale de la Révolution française, 1971, p. 182-183.
22 Bergeron Louis et Chaussinand-Nogaret Guy, Les « masses de granit ». Cent mille notables du premier Empire, Paris, E.H.E.S.S., 1979, p. 51.
23 Pour la créance de Dumonceaux, voir A.D.Pas-de-Calais, 4 E 21/6, en date du 29 janvier 1810 ; pour celle de Garnery, voir A.N., MC ét.III 1319, 26 novembre 1807.
24 A.N., MC ét. III 1363, 15 juin 1815.
25 Dans la Seine-et-Mame, Merlin détenait le domaine de la Jonchère (189 ha, 150 000 francs) ; dans le Nord et le Pas-de-Calais, ses propriétés étaient situées à Fiers (16 ha, 11 200 F), à Linzeux, Linghem et Glen (30 ha, 13 000 F), à Puisieux, Ecoust-Saint-Mein, Tilloy et Gonnehem (23 ha, 10 000 F), à Gouy-Sous-Bellonne (56 ha, 59 200 F), à Berneville (192 ha, 130 600 F), à Heninel (182 ha, 74 076 F), à Flêtre (15 ha, 17 500 F), à Bailleul (9 ha, 13 500 F), à Bévillers, Beauvois et Boussières (74 ha, 70 000 F), à Labourse et Sailly-Labourse (20 ha, 19 200 F), à Oisy (114 ha, 110 000 F), à Oisy (14 ha, 12 000 F), à Oisy et Gonnehem (6 ha, 6 000 F), et à Arleux et Cantin (7 ha, 14 100 F).
26 Boursier Anne-Marie et Soboul Albert, « La grande propriété foncière à l’époque napoléonienne », A.H.R.F., no 245, 1981, p. 406.
27 A.N., MC ét. III 1331, 17 avril 1810.
28 Tulard Jean, « Les composants d’une fortune... », op. cit., p. 129. Le cas de Cambacérès étudié par Marquant Robert, op. cit., p. 177, semble tout à fait particulier : les biens meubles eurent toujours une très grande importance dans la composition de sa fortune, évoluant de 81 % (an XI) à 42 % (1813).
29 Marquant Robert, op. cit., p. 252.
30 Une étude développée de cette fortune foncière peut être consultée dans notre thèse, op. cit., tome II, p. 677-690.
31 A.D.Nord, Tabellion de Douai 434, bail de Merlin à ses parents pour sa terre d’Arleux, daté du 27 février 1781. La valeur du bien n’est pas mentionnée.
32 Pour six mille trois cent douze livres. Voir A.D.Nord, J 793/14, saisine du 27 février 1787.
33 A.M.Douai, D1 41, f° 112 r.
34 A.D.Pas-de-Calais, 1 Q, biens nationaux de première origine, district de Bapaume, canton d’Oisy, commune d’Oisy, dos. 113, vente du 15 janvier 1791.
35 Ibid., dos. 118, vente du 30 mars 1791.
36 Voir A.M.Douai, G2 4 ; et A.D.Pas-de-Calais, 1 Q, biens nationaux de première origine, district de Bapaume, canton d’Oisy, commune d’Oisy, dos. 113, acte du 14 février 1792.
37 Voir AD.Nord, 1 Q 248, no 38 ; et 1 Q 2755, no 38.
38 A.M.Douai, G2 4. En septembre 1793, la dette de Merlin se montait encore à soixante-quatre mille cent trente-trois livres.
39 Cf. Marion Marcel, La vente des biens nationaux pendant la Révolution, Paris, Honoré Champion, 1908, p. 103-104.
40 Voir notamment A.D.Pas-de-Calais, 4 E 21/6, obligation du 29 janvier 1810.
41 A.D.Pas-de-Calais, 4 E 21/2, contrat de vente daté du 26 mai 1806.
42 Cf. notre thèse, op. cit., tome II, p. 682-683.
43 A.D.Nord, 4 Q 33/31, art. 71, f° 111 v°-116 v°, contrat du 30 juin 1809.
44 A.D.Pas-de-Calais, 5 Q Arras I, no 45, art. 160, f° 153 r°-158 r°.
45 A.D.Pas-de-Calais, 5 Q Arras I, no 285, art. 99, E 154 v°.
46 Voir le contrat d’acquisition daté du 9 fructidor an IX (27 août 1801), aux A.N., MC ét.XLV 673, à la date.
47 Voir A.N., MC ét. XCII 1059, 14 mars 1812.
48 A.N., F7* 2532, 9e arrondissement, fi 74 v°, no 2337.
49 A.D.Seine-Maritime, répertoire des formalités hypothécaires, arrondissement de Dieppe, vol. 3, case 338, compte d’Isabelle Caroline Rohart. Le 15 avril 1812, elle acheta une propriété d’une valeur de 58 350 francs et, le 29 juillet, une autre de 4 000 francs.
50 A.D.Seine-Maritime, répertoire des formalités hypothécaires de l’arrondissement de Dieppe, vol. 37, case 279, compte de P.A. Merlin. Voir aussi A.N., MC ét. III 1508, 27 mars 1839.
51 Voir A.N., MC ét.III 1363, 15 juin 1815, liquidation de la communauté de biens entre les époux Merlin, f° 1 v°.
52 Cf. notre thèse, op. cit., tome II, p. 687-688.
53 A.N., BB30 1063, dossier de demande de majorat.
54 Il s’agit probablement du fils du conventionnel. Signalons que A. Révérend prétend, à tort, que Marie Merlin avait épousé en premières noces un certain Charles Léonard, comte de Villoutreys, dont elle aurait ensuite divorcé (voir Reverend A., Armorial du premier Empire. Titres, majorais et armoiries concédés par Napoléon Ier, Paris, Bureau de l’annuaire de la noblesse, tome III, 1896, p. 231) ou qui serait décédé (voir Reverend A., op. cit., tome II, 1895, p. 299).
55 Il fut tué au passage du Rhin, vers le mois d’avril 1799. Voir B.M.Douai, ms. 1617/2, f° 248.
56 Le mariage eut lieu le 3 mai 1801, dans un lieu qu’il nous est impossible de préciser. B.M.Douai, ms. 1006, p. 24.
57 Voir Bergeron Louis et Chaussinand-Nogaret Guy, s.dir., Grands notables du premier Empire, tome 7, Aube, Marne, Haute-Marne, par Georges Clause et Georges Viard, Paris, C.N.R.S., 1981.
58 Voir A.N., MC ét.III 1363, 15 juin 1815.
59 A.D.Paris, D Q7 3845, f° 29 r°, art. 95 ; D Q7 10534, f° 1 v°, no 452, 6 mai 1858.
60 Voir notre thèse, op. cit., tome I, p. 12, note 16.
61 Voir Vapereau Gustave, Dictionnaire universel des contemporains, Paris, Hachette, 1893, p. 1487-1488 et Houze de L’aulnoit Aimé, op. cit., passim.
Notes de fin
1 Voir A.N., MC ét. III 1363, MC et. III 1319 ; A.D.Pas-de-Calais, 4 E 21/6 ; voir aussi notre thèse, op. cit., tome II, p. 671-690.
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