10. Merlin et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes1 : de l’éclipse au renouveau de la raison d’État
p. 217-232
Texte intégral
1Dans l’analyse de la politique extérieure de la France révolutionnaire, l'historiographie insiste sur la rupture de l’an III qui consacrerait l’abandon définitif du principe de la libre détermination des peuples et l’émergence d’une conception des relations internationales sans aucune parenté avec les valeurs patriotes de 1790. Afin de marquer nettement la différence entre la politique de l’Assemblée constituante et celle de l'après Thermidor, nombre d’historiens semblent avoir parfois forcé le trait ; Jacques Godechot lui-même, dans La Grande Nation, défend l’image d’une rupture totale avec les idéaux constituants en écrivant :
La plupart des hommes qui avaient exposé ces grands principes, de 1789 à 1794, avaient, en 1795, disparu de la scène politique. Les membres du Directoire, les ministres, les généraux pouvaient les répéter, les reproduire par habitude, mais sans bien comprendre ni leur sens ni leur portée2.
2Ce rejet de toute continuité entre l’Assemblée constituante et le Directoire semble encore s’accentuer à la lumière de récents travaux sur l’abandon, voire le reniement des droits naturels dans la France thermidorienne et directoriale3.
3Sans prétendre nier le fossé qui sépare les proclamations des Constituants de la politique du Directoire, il nous paraît utile de revenir un instant sur leur éventuelle parenté. Ne remarque-t-on pas qu’à l’origine de la politique extérieure des Thermidoriens, à la tête du parti des « Grandes limites », se trouvent Sieyès, Merlin et Reubell, trois des Constituants jadis favorables au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? L’évolution personnelle de ces individus ne pourrait-elle pas nous permettre d’approcher l’origine de la politique thermidorienne et directoriale ? C’est tout au moins l’hypothèse de départ de ce chapitre. Une fois encore, le parcours de Merlin de Douai nous paraît particulièrement révélateur. C’est lui qui, à l’Assemblée constituante, donne au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes l’ampleur d’un principe politique ; trois ans plus tard, il rejoint les Girondins dans leur quête des frontières naturelles, sans pour autant abandonner son discours sur la Révolution libératrice ; c’est encore Merlin qui, en vendémiaire an IV, prétend donner une nouvelle légitimité au droit de conquête. Afin de comprendre les raisons de cette évolution, apparemment très proche de celle d’un Sieyès ou d’un Reubell, il convient d’en rechercher la logique et les contradictions, de se demander notamment si les germes du pré-nationalisme thermidorien4 ne se trouvent pas chez certains patriotes de l’Assemblée constituante5.
Le droit des peuples contre la guerre de conquête. Les contradictions originelles d’un principe
4Les bases idéologiques de la Révolution constituante ne pouvaient manquer de transformer les relations de la France avec les puissances étrangères ; la liberté proclamée des individus, la souveraineté reconnue à la nation, le concept de volonté générale ainsi que l’idéal universaliste des patriotes entraînaient une remise en cause des règles traditionnelles de la guerre et de la diplomatie : aux relations inter-dynastiques succédaient des relations internationales, tandis que la guerre de conquête semblait s’effacer devant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En ce domaine, la rupture n’était cependant pas aussi complète que le discours de Merlin pourrait le laisser penser.
5Avec la « Déclaration de paix au monde » (22 mai 1790), la France renonçait à toute conquête, s’engageait à respecter la liberté des peuples étrangers et prétendait rompre avec les pratiques de l’Ancien Régime. Même s’il ne participa guère aux débats du mois de mai, Philippe Merlin sembla adhérer à leurs conclusions ; il les reprit d’ailleurs quelques mois plus tard, le 28 octobre 1790, dans son célèbre discours sur les droits des princes allemands d’Alsace6. A la suite de nombreuses réclamations contre le décret des 5-11 août 1789, il s’agissait de déterminer si l’abrogation du régime féodal s’appliquait aux deux départements du Rhin, et particulièrement aux princes allemands qui y possédaient des biens ; en cas de réponse affirmative, il convenait d’étudier si la suppression des droits seigneuriaux devait donner lieu à indemnité, comme la lecture de certaines clauses du traité de Munster (1648) le laissait supposer.
6Au cours d’une longue démonstration, Merlin défendit l’idée que la réunion de l’Alsace à la France ne devait rien aux traités de Westphalie et s’était réalisée par la simple volonté du peuple alsacien :
Comme le peuple Corse, le peuple Alsacien a manifesté clairement, l’année dernière, le vœu d’être uni à la France. Comme le peuple Corse, le peuple Alsacien a, par ce vœu, légalement et librement émis, purifié ce qu’avait eu jusqu’alors d’injuste et d’illégal l’exercice que nos rois avaient eu sur lui d’une souveraineté qu’ils ne devaient qu’à des conquêtes et à des traités. Comme le peuple Corse, le peuple Alsacien est devenu Français parce qu’il y a consenti7.
7Afin de justifier cette assertion, rendue possible par l’idée de souveraineté nationale, Merlin définissait en des termes très précis ce que l’on appela par la suite le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Au cœur de sa démonstration résidait une définition du peuple, assez rigoureuse, qui rejoignait sa conception subjective et politique de la nation. Un peuple, dans le discours de Merlin, était un ensemble d’individus liés par un même pacte social ; c’était une communauté fondée sur la volonté de ses membres de vivre ensemble. Dans cette acception, le mot était synonyme de nation et correspondait nécessairement à un Etat, indépendant et souverain. Ainsi, la France comptait une seule nation qui s’était constituée, au cours des siècles, par l’agrégation de diverses communautés comme celle des Bretons, des Flamands, des Corses, des Alsaciens ou des Bourguignons ; en intégrant le sein de la France, ces petites nations avaient perdu leur caractère de peuple, pour devenir de simples sections du peuple français. Cette définition du mot peuple, à la fois rationaliste et subjective, permettait à Merlin de soutenir que deux nations indépendantes et souveraines pouvaient s’unir par leur simple volonté, sans que les traités de leurs chefs ne puissent à aucun moment remplacer leurs souhaits.
8Contrairement à ce que l’on a parfois écrit, Merlin rejetait cependant nettement tout droit de sécession8, non parce qu’impensable, mais parce que non réalisable. S’inspirant de Rousseau, il précisait que, pour rompre le pacte social, le consentement de l’ensemble de la nation s’imposait. Cette exigence se justifiait, selon lui, par l’intérêt de l’Etat qui ne pouvait, sans nuire au peuple, renoncer à l’une de ses parties : pour l’intérêt de tous, il y avait développé des forts, des routes, des canaux, des ports et bien d’autres infrastructures dont ne pouvaient disposer les seuls habitants de la région concernée. Son droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne concernait ainsi que les peuples déjà constitués en Etats, et ne s’appliquait aucunement aux minorités ethniques ou culturelles d’un pays. Afin de préserver l’intérêt de l’Etat, indissociable de celui de la nation dont il était l’émanation, le principe défendu se limitait au rejet du droit de conquête. La nouvelle notion permettait ainsi de concilier le désir d’unité du pays avec le respect de la souveraineté des Etats voisins. Telle qu’elle était définie en 1790, elle ne menaçait en rien l’intégrité territoriale de la France et ne contenait donc pas la contradiction dont elle souffre au XXe siècle, car aucun caractère objectif ne venait encore troubler l’acception du mot peuple9 ; l’identité des définitions de nation et de peuple rendait le principe proclamé réalisable. Derrière son apparente rigueur, la notion de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes était cependant, dès 1790, fragile à plus d’un titre.
9Comme la plupart des patriotes, Philippe Merlin, sans penser encore aux frontières naturelles, balançait l’idée d’unité nationale par le désir d’homogénéité du territoire. C’est la question du comtat Venaissin et d’Avignon, dont le sort inquiéta l’Assemblée dès l’été 1790, qui allait dévoiler le plus nettement cette préoccupation. Dès le mois de mai 1791, Merlin envisagea ainsi de déclarer françaises ces enclaves, mais ne fut pas suivi par les députés10. Dans une lettre du 18 mai, en juriste subtil, il interpréta cependant le vote de l’Assemblée non comme la négation de l’appartenance de ces principautés à l’Etat français, mais comme un simple refus de déclarer qu’elles en étaient partie intégrante11. Son explication trahissait son impatient désir d’annexer ces provinces et justifiait de nouveaux examens de la question. Quelques mois plus tard, le 14 septembre 1791, Merlin et la majorité des députés se prononcèrent effectivement pour le rattachement de ces territoires pontificaux à la France.
10Dans cette première réunion, les principes énoncés par Merlin pouvaient apparaître respectés. Même si Tronchet, le 24 août 1790, avait soutenu que le rattachement ne pouvait être obtenu que par un vote des sujets romains du pape, compatriotes des habitants du comtat et d’Avignon12, l’on peut penser que ces régions apparaissaient aussi indépendantes, aussi souveraines face au pape, que l’était l’Alsace face à l’empereur à la veille du traité de Munster. Pour Merlin, cette opération entrait ainsi dans la catégorie des réunions de peuple à peuple et pouvait s’effectuer par le simple consentement des habitants directement concernés. Comme les délégués de ces provinces s’étaient en majorité prononcés en faveur de l’intégration et que les représentants du peuple français avaient accepté leur vœu, les formes pouvaient sembler observées. Le désir unitaire de la majorité des Constituants, leur rêve d’un territoire homogène, créait cependant une dynamique qui risquait de glisser vers un désir d’élargissement des frontières du pays ; certes, tous ne céderaient pas à ce mirage, et des hommes comme Robespierre resteraient fidèles aux engagements de l’Assemblée constituante. Il n’en reste pas moins que la réunion d’Avignon et du comtat, opérée au nom du droit des peuples à disposer de leur sort, créait un précédent dangereux pour ce principe même.
11Le second danger qui menaçait, dès 1790, la notion définie par Merlin n’était autre que son aspect théorique et purement politique. Malgré les propos du jurisconsulte, malgré la volonté des Constituants, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne pouvait s’imposer dans le droit international positif qu’avec l’accord des puissances étrangères ; à la différence des idées de liberté ou de souveraineté nationale, qui intéressaient avant tout la vie interne du pays, le droit des peuples concernait inévitablement l’ordre extérieur et ne pouvait bénéficier d’une totale application immédiate, faute d’un consentement international. Malgré ses déclarations de principe, Merlin en était conscient dès son rapport du 28 octobre 1790. A l’issue de sa démonstration, le député avait conclu que l’Alsace n’avait pas été réunie à la France par le traité de Munster et que l’Etat ne devait en conséquence aucune indemnité aux princes allemands de cette région. Cependant, après avoir affirmé haut et fort que « ce n’[était] point par les traités des princes, que se règl[ai]ent les droits des nations », il exprima le désir de ne pas tous les « résilier indistinctement » ; après avoir affirmé qu’aucun dédommagement n’était dû aux princes allemands, il obtint ainsi que l’Assemblée s’engageât à leur accorder une juste indemnité. Certes, Merlin justifia ce choix par un attachement à « l’esprit d’équité, de paix et de fraternité »13 ; mais derrière ces propos se cachait un constat plus prosaïque : celui d’une nécessaire composition avec certaines règles de l’ancien droit inter-dynastique. Même si la logique l’exigeait, Merlin ne pouvait se résoudre à considérer comme nuls tous les traités, à faire table rase du passé diplomatique de la France.
12Ce pragmatisme, tout comme l’intérêt du député pour les réunions du comtat et d’Avignon, nous semblent révélateurs d’un certain état d’esprit. Malgré ses proclamations universalistes, Merlin de Douai semblait renoncer dès l’abord à appliquer strictement ses principes dans l’ordre international ; pour lui, l’essentiel était de réussir la Révolution en France, la Révolution pour la France. L’intérêt du pays était une priorité ; en ce sens, dès 1790, on rencontrait chez lui un embryon de pré-nationalisme. A l’Assemblée constituante, l'unanimité des patriotes sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’était ainsi peut-être qu’apparente ; dans ce cas, la guerre, habituellement présentée comme la cause d’une division des révolutionnaires entre partisans et adversaires d’un nouveau droit des gens, fut peut-être un simple révélateur d’oppositions déjà latentes.
La guerre, révélateur des contradictions. L’exemple de la Belgique (1792-1795)
13C’est par le biais de la Belgique que l’on approche le mieux l’évolution des idées de Merlin sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ainsi que sur l’application qu’il jugeait devoir en faire. Pour des raisons intimement liées à son origine géographique, Philippe Merlin montra en effet toujours beaucoup d’intérêt pour les Pays-Bas autrichiens, d’autant plus que la Révolution brabançonne, pourtant profondément différente de la Régénération française, semblait faire communier cet Etat et la France dans un même désir de liberté.
14Pendant longtemps, Merlin considéra qu’il n’était ni de l’intérêt, ni du droit de son pays d’intervenir dans les querelles internes à ces régions ; en 1790, la prudence prévalait. Une fois la guerre proche, l’attitude de Merlin changea et il se montra favorable à une alliance avec les Brabançons. Au printemps 1792, il ne prétendait cependant pas intervenir dans les choix politiques des Belges ; dans une lettre à Biron, chef d’état-major de Rochambeau à l’armée du Nord, il écrivait que la France devait se contenter de libérer ce peuple et de lui donner les moyens de s’organiser et de jouir de sa liberté ; peu lui importait le type de gouvernement qu’il adopterait14. Derrière cet apparent respect des principes se cachaient cependant des ambitions contraires au droit naturel des gens ; ainsi, dans une lettre aux députés de la Moselle, datée du 20 décembre 1791. Merlin faisait part de sa confiance dans la réussite de la Révolution brabançonne en ces termes :
Il y a à parier qu’avant un mois ils seront maîtres chez eux. Ils nous donneront luxembourg. si nous voulons reconnoître leur indépendance ce que surement nous aurons grand intérêt à faire15.
15Le discours libérateur, probablement encore sincère, côtoyait ainsi l’une des vieilles ambitions de la monarchie ! Moins d’une année plus tard, l’évolution du jurisconsulte paraissait plus nette encore, puisqu’il soutenait alors l’objectif des frontières naturelles. En se penchant sur sa correspondance de commissaire en Belgique, qui couvre les mois de janvier à mars 1793. l’on parvient à dénouer assez facilement les justifications et les raisons de ce choix.
16Dans les lettres des représentants en mission aux armées du Nord, deux discours se côtoient. Le premier, officiel et public, se retrouve essentiellement dans les écrits adressés à la Convention, qui se publiaient parfois dans les grands journaux du temps. Merlin et ses collègues voyaient dans la progression des armées une promesse de liberté, une victoire de l’égalité, une extension des idées révolutionnaires ; c’était le discours du décret du 15 décembre 1792. Présentée en ces termes, l’intervention extérieure n’apparaissait pas comme conquérante, mais comme libératrice ; dans une lettre à la Convention, datée du 11 février 1793, Merlin, Camus, Gossuin et Treilhard parlaient ainsi d’aller « briser les fers de la Hollande, de venger les amis de la liberté opprimée en Angleterre et de purger l’Europe de ses tyrans conjurés16.
17Malgré l’interventionnisme révolutionnaire, les engagements de la Constituante, et notamment la condamnation des conquêtes militaires, demeuraient à l’ordre du jour. Comme les Girondins, Merlin justifiait l’annexion des Pays-Bas autrichiens et de la province de Liège par la volonté des électeurs, réunis en assemblées primaires, autrement dit par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; comme ses collègues, il attachait une grande importance au respect, au moins apparent, des formes ; les pratiques, voire certains propos des commissaires, font cependant douter de sa sincérité. Sans revenir sur la validité des votes de réunion à la France, dont les historiens belges ont bien montré les irrégularités, excepté pour Liège17, nous pouvons remarquer que Merlin et ses collègues n’envisagèrent à aucun moment un vœu d’indépendance des électeurs. Derrière le respect proclamé du droit des peuples se cachait une inflexible volonté d’annexer ces provinces, plus forte encore que celle manifestée dans l’affaire d’Avignon ; il est vrai qu’ils croyaient trouver en Belgique les conditions militaires, et surtout financières, d’un redressement de la République. Ainsi, durant ces premiers mois de l’année 1793, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes eut davantage un rôle justificateur qu’une consistance réelle ; s’il demeurait dans le discours, c’était désormais pour légitimer une politique sourdement annexionniste et d’autant moins justifiable que les Français, en entrant dans le pays, s’étaient engagés à respecter la souveraineté de la nation Belge.
18Après la perte de la Belgique (avril 1793), par la voix de Danton, les Conventionnels renoncèrent à s’immiscer dans le gouvernement des autres puissances, engagement que respectèrent les Montagnards. Merlin n’abandonna cependant pas pour autant ses ambitions, qui ne firent que s’effacer devant des circonstances défavorables. A partir de 1795, après le rappel des Girondins, il retrouva ainsi les mêmes prétentions et les mêmes arguments pour les justifier ; de nouvelles conditions politiques lui permettaient même d’exprimer ses choix au grand jour.
19De retour d’une mission dans le Nord et le Pas-de-Calais, à la fin de messidor an III (juillet 1795), Merlin reprit sa place au Comité de Salut public, où on lui confia la rédaction d’un rapport sur le sort des pays conquis et particulièrement sur l’avenir des provinces belges ; il s’agissait de savoir s’il fallait ou non exécuter les décrets de réunion du printemps 1793. A la différence du parti des « petites limites », hostile à toute annexion, Merlin demanda la réunion des Pays-Bas et de la province de Liège à la France18. Son projet de décret fut adopté après de longues discussions dans lesquelles le député intervint à plusieurs reprises ; le 9 vendémiaire (1er octobre 1795), avant que la Convention ne passât aux voix, il défendit même une nouvelle fois à la barre la position du comité. Dans ses interventions lors du débat, et notamment dans ses deux discours, les arguments de Merlin mariaient cette fois ostensiblement le respect de la souveraineté des Etats voisins et la défense des intérêts de la France.
20Dans son rapport daté du 2 vendémiaire an IV (24 septembre 1795), et présenté le 8 de ce mois, le premier argument en faveur de la réunion des provinces belges faisait référence au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Comme en 1793, Merlin soutenait avec vigueur la légalité des référendums organisés en Belgique ; selon lui, les votes avaient été obtenus sans pression, dans le respect de la liberté des citoyens, et représentaient donc la volonté du peuple belge. Les demandes de rattachement lui paraissaient tout aussi légitimes que les décrets par lesquels la Convention les avait acceptées, ce qui donnait à la réunion une valeur de contrat : « Les Belges ont acquis, disait-il, par un contrat formel, le droit de devenir Français »19 ; le devoir de la Convention était de l'honorer.
21Pour Merlin, cet engagement était d’autant plus facile à remplir que « l’intérêt même de la République s’accordait avec son devoir » ; les avantages que la France pourrait tirer de la réunion étaient cependant présentés comme des arguments secondaires, incapables d’influer sur la décision finale des députés : « Ce que la justice nous commande, écrivait-il, nous devons le faire, sans réfléchir aux avantages et aux inconvénients qui peuvent en résulter »20. Face aux fortes résistances de certains Conventionnels, il convenait de défendre l’idée du respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Dans les faits, l’on peut penser que les arguments militaires, économiques et financiers étaient d’un bien plus grand poids que les principes moraux. Malgré tout, ce fut d’abord au nom de la volonté des nations belge, liégeoise et française que Merlin obtint, le 9 vendémiaire (1er octobre 1795), la confirmation des réunions de 1793.
22Si les représentants s’en étaient tenus à ces mesures, les apparences eussent été sauves ; Merlin, au nom du Comité de Salut public, était pourtant allé au-delà en s’interrogeant sur le sort du Limbourg et du Luxembourg, dont les habitants ne s’étaient jamais réunis en assemblées primaires et n’avaient donc pas exprimé leur désir de se réunir à la République. Cette fois, pour demander le rattachement de ces provinces, la notion de droit des peuples ne lui était d’aucune utilité et Merlin ne pouvait évoquer que l’intérêt de la France. Pour justifier l’annexion, le 8 vendémiaire an IV (30 septembre 1795)21, le conventionnel avança alors une notion nouvelle, celle d’un droit de conquête que justifieraient les dépenses engagées par un pays dans une guerre non désirée. Ces propos obtinrent le soutien de la majorité des députés et, le 9 vendémiaire (1er octobre 1795), le Limbourg et le Luxembourg furent réunis à la France en même temps que les territoires annexés en 1793 et les régions cédées par les Provinces-Unies à La Haye. Cette fois, des exceptions au principe de l’autodétermination des peuples étaient nettement envisagées par le député.
23Dans le discours du thermidorien, deux principes paraissaient ainsi tenter une impossible cohabitation : la notion de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, inhérente à la nouvelle conception de la souveraineté, et l’intérêt impérieux de la France. Pour un pragmatique comme Merlin, l’aspect inconciliable de ces deux exigences obligeait à en privilégier l’une ou l’autre ; ce choix fut celui du pré-nationalisme. C’est probablement dans une lettre à son ami Merlin de Thionville, datée du 15 nivôse an III (4 janvier 1795), où il évoquait le possible rattachement de la rive gauche du Rhin à la France, que Merlin de Douai exprima le plus clairement ce choix. Parlant des négociations avec la Prusse, il écrivait :
Si tu as quelques bonnes idées sur ce projet de paix, communiques-les moi. Le plus difficile, je crois, sera de trouver une forme qui puisse n’être pas désapprouvée par nos virtuoses car au fond, nous pouvons, par un partage bien concerté de l’Allemagne, faire une opération superbe et durable. Mais il faut pour cela mettre un peu la philosophie de côté ; et je n’appréhende toujours qu’il n’y ait encore parmi nous des hommes plus attachés au genre humain qu’à leur patrie22.
24Merlin de Douai ne pouvait dire plus clairement sa préférence pour les intérêts de la France et, s’il continuait à évoquer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il avouait que c’était généralement dans un pur souci formel.
25Peut-on en conclure pour autant, en suivant les analyses classiques, qu’après une période d’idéalisme, Merlin et ses amis politiques avaient renié le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Un jugement aussi abrupt nous semble tronquer la réalité. D’abord, le discours sur ce principe, même s’il n’était pas toujours strictement respecté, avait inévitablement marqué le comportement des députés, leur imposant, en règle générale, un respect minimum des populations étrangères ; de plus, le droit de conquête des Conventionnels n’était plus tout à fait celui de l’Ancien Régime23. Pourtant, Merlin n’avait jamais totalement renoncé à la raison d’Etat24. Certes, sa raison d’Etat était profondément différente de celle des Bourbons, ou de celle défendue par les « Noirs » en 179025 ; même transformée, elle n’en existait pas moins et laissait subsister des liens avec les pratiques de l’Ancien Régime ; en ce domaine, la rupture était moins totale que Merlin voulait bien le dire.
Les usages de la guerre et de la diplomatie : le poids des traditions
26Dans L’Europe et la Révolution française, Albert Sorel soutenait que la Convention avait repris les usages et les objectifs de la diplomatie d’Ancien Régime26 ; dans leur recherche des frontières naturelles, les hommes au pouvoir n’auraient fait que reprendre un vieux dessein de la monarchie. Quelques années plus tard, René Johannet alla plus loin en affirmant que la continuité était presque parfaite entre l’Ancien Régime et la Révolution, tant l’Assemblée constituante lui semblait avoir poursuivi les rêves de conquête des rois27. Depuis Gaston Zeller28, qui démontra que l’objectif des frontières naturelles était étranger à la politique extérieure des Bourbons, la thèse de la continuité avec la France Moderne est abandonnée et la rupture avec l’Ancien Régime paraît d’autant plus importante que les réunions se différenciaient des annexions d’Ancien Régime parce qu’elles étaient de véritables intégrations où les coutumes, les privilèges et l’identité même des peuples réunis se perdaient ; comme l’écrivit Henri Pirenne, les annexions portaient autant sur les habitants que sur le sol29. A trop mettre l’accent sur les indéniables ruptures, l’on risque cependant de ne plus comprendre les origines de cette nouvelle raison d’Etat dont nous voulons établir les contours. Dans notre entreprise, une brève analyse de la politique extérieure de Merlin dans la France thermidorienne peut nous aider.
27L’on sait qu’au sein du Comité de Salut public de l’an III, Merlin eut longtemps en charge les dossiers diplomatiques et s’occupa particulièrement, en compagnie de Sieyès et de Reubell, des négociations avec l’Espagne, la Prusse et les Provinces-Unies. Dans sa correspondance, où le rappel des nouveaux principes revient fréquemment, l’on retrouve ainsi également les signes d’une continuité avec les usages de la France d’Ancien Régime : il lui paraissait normal que les armées françaises vivent sur le territoire ennemi, il lui semblait juste que la République compense ses dépenses par des conquêtes ou des contributions forcées. La fidélité aux anciens usages se retrouvait également dans le rétablissement d’une diplomatie secrète, pourtant condamnée par l’Assemblée constituante. Les négociations étaient ainsi marquées du sceau du secret, comme sous l’Ancien Régime, et tous les traités négociés par Merlin prévoyaient quelques clauses non divulguées ; avant même que la Convention, par un décret du 27 ventôse an III (17 mars 1795), n’autorisât cette pratique, Merlin engageait ainsi Goupilleau de Fontenay, chargé de négocier la paix avec l’Espagne, à « détacher du traité ostensible » les articles que l’intérêt des deux pays avait à maintenir secrets30.
28Dans leurs négociations, les membres du Comité de Salut public n’oubliaient pas davantage les intérêts économiques de leur pays, et l’on ne s’étonnera pas que dans tous les projets de traité élaborés par Merlin, dans toutes les instructions adressées aux plénipotentiaires, une clause était réservée à un futur traité de commerce31. Les intérêts économiques ou financiers de la France étaient également pris en compte dans les indemnités demandées aux vaincus. Assez fréquemment, ces exigences étaient même assorties de revendications territoriales. C’est probablement là que résidait la violation la plus manifeste des principes proclamés sous la Constituante, même si, nous l’avons vu, il ne s’agissait pas vraiment d'un simple retour aux pratiques de l’Ancien régime. En fait, Merlin, Reubell, Sieyès et Cambacérès sacrifiaient le droit des peuples au rêve des frontières naturelles. Certes, Merlin continuait de condamner toute guerre entreprise dans le but d’acquérir des territoires et donnait aux annexions le nom de « compensations » ; mais n’était-ce pas là une justification de circonstance ? N’en revenait-on pas inévitablement au « Qui ne gagne rien, perd », que Catherine II avait prononcé l’année précédente à propos de la Pologne ?
29Tout semble en effet indiquer que la politique thermidorienne était dominée par une nouvelle raison d’Etat, en partie héritée de l’Ancien Régime. Certes, cette raison d’Etat ne fut jamais directement évoquée par Merlin et les membres du Comité de Salut public, qui se montraient souvent assez mal à l’aise dans leurs revendications et sentaient le besoin de les légitimer en les rattachant au rappel d’un dommage subi ; elle n’en existait pas moins et se dévoilait le plus nettement dans la politique conquérante de la Grande Nation.
Grande Nation et frontières naturelles : l’épanouissement d’une nouvelle raison d’Etat
30Il n’est pas douteux que, dès sa mission en Belgique, Merlin ait envisagé de donner à la France les frontières que semblait lui destiner la nature ; c’est cependant pendant l’an III, au sein du Comité de Salut public, qu’il définit le plus précisément ses objectifs. C’est également à l’époque thermidorienne qu’il montra ostensiblement sa préférence pour l’intérêt national et parfois un réel mépris pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
31En 1795, Merlin ne portait ainsi guère intérêt au droit des peuples voisins. Dans une lettre adressée à Goupilleau, représentant en mission près de l’armée des Pyrénées, en ventôse an III (mars 1795), il confiait son désir de conclure une paix rapide avec l’Espagne et transmettait les instructions du Comité de Salut public à cet égard. Dans le dixième article, le jurisconsulte exigeait de l’Espagne la cession de l’est de Saint-Domingue, qu’il pensait faciliter par une étonnante proposition :
Il y aurait peut-être un moyen de rendre le gouvernement espagnol très facile sur ce point comme sur les autres. Ce serait de lui faire entendre que s’il connoit assez bien ses intérêts pour réduire le Portugal à son ancien état, c’est-à-dire pour en faire une province espagnole, le gouvernement français s’engagerait volontiers à l’aider dans la conquête de ce pays.
32La justification apportée à une aussi évidente violation du droit des peuples était l’hostilité du Portugal à l’égard la France ; la République, écrivait-il, avait le droit de « détruire » cet adversaire32.
33Merlin ne renonçait cependant pas aux seuls droits des peuples ennemis, mais aussi à ceux des nations qui entraient dans son rêve des frontières naturelles. Avant même qu’il ne réhabilitât les pouvoirs de la diplomatie et le droit de conquête, le 8 vendémiaire an IV (30 septembre 1795), il avait ainsi, à plusieurs reprises, tenté d’obtenir de nouveaux territoires pour la France. Dans ses plans de négociations avec l’Espagne, par exemple, certaines clauses concernaient des compensations destinées à donner davantage d’homogénéité au territoire français. Dans ses lettres et ses projets, Merlin envisageait de conserver Saint-Sébastien et Fontarabie, occupés par les Français33, ainsi que le Guipúzcoa : « Les montagnes qui sont au sud de ce petit pays, écrivait-il le 28 germinal an III (17 avril 1795), forment une limite plus naturelle que la ligne de l’ancienne frontière sur ce point-là » ; il envisageait également l’annexion du val d’Aran qui était, remarquait-il, « dans nos versans »34. Si le besoin s’en faisait sentir, Merlin reconnaissait également certaines règles de l’ancien droit inter-dynastique, et notamment le pouvoir des traités et de la diplomatie ; il accordait ainsi une légitimité aux traités de Bâle et de La Haye qui, rappelait-il, apportaient à la République la Flandre hollandaise, Maëstricht, Venlo et la partie espagnole de Saint-Domingue35. C’est également par les négociations que Merlin entendait faire de la rive gauche du Rhin un territoire français.
34Les victoires aidant, le pré-nationalisme du député était devenu plus arrogant ; de 1795 à 1799, le jurisconsulte rêvait d’une France limitée par les frontières naturelles et d’une Révolution imposée à certains Etats voisins ; la France était devenue une Grande Nation, sûre de ses forces et sûre de son bon droit. Ainsi, la Révolution, dans ses rapports avec ses ennemis, ne demandait pas la paix, mais l’accordait. A maintes reprises, Merlin recommandait aux plénipotentiaires français de ne jamais faire le premier pas, de laisser l’initiative aux puissances ennemies. Dans la plupart de ses instructions, il insistait aussi sur la nécessité de préserver la dignité nationale : « Attention à ne jamais compromettre la dignité du peuple français », écrivait-il à Goupilleau, le 17 ventôse an III (7 mars 1795)36.
35En fait, dès 1795, l’image de la nation était devenue presque mythique. Dans la correspondance et les discours de Merlin, ce « Grand peuple37 » cette « Grande Nation »38, apparaissait comme un véritable peuple élu dont le destin dépassait celui des civilisations de l’Antiquité. Dans son discours en l’honneur des plénipotentiaires assassinés à Rastadt, en prairial an VII (juin 1799), Merlin de Douai, président du Directoire exécutif, écrivait :
Il est une nation puissante autant que généreuse, dont la destinée est de sauver l’Europe de l’invasion, de la barbarie et du déchaînement de toutes les puissances du mal39.
36Merlin entretenait encore le mythe d’une révolution libératrice. A l’écouter, il semblait que l’universalisme des Constituants n’avait pas totalement disparu. Le même espoir habitait les patriotes des Etats étrangers, et notamment les Irlandais auxquels Merlin avait promis que la France ne ferait pas la paix avec l’Angleterre sans obtenir l’indépendance de leur patrie40. En fait, l’universalisme des Thermidoriens et des Directoriaux, s’il n’était pas totalement feint, n’en était pas moins marqué par le souci des intérêts de la France. A n’en pas douter, l’espoir de libérer l’Irlande répondait autant, sinon plus, à des calculs politiques, qu’à de simples principes, et les engagements internationaux de Merlin étaient devenus une justification de sa politique extérieure. L’exemple des Républiques sœurs nous paraît à cet égard particulièrement révélateur. Contrairement aux engagements pris en novembre 1792, la France ne portait pas seulement aide et secours aux peuples qui le lui demandaient, mais à tous les Etats dont le contrôle servait ses intérêts.
37Au sein du Directoire exécutif, les affaires étrangères avaient incombé un moment à Reubell, qui y associait parfois certains de ses collègues, comme Treilhard et Merlin ; le jurisconsulte participa ainsi à l’établissement des Républiques sœurs, et notamment à la rédaction des Constitutions helvétique, romaine et batave41. Sans reprendre ici l’analyse de ces textes, il peut être utile de se pencher sur la minute de la Constitution helvétique, annotée de la main de Merlin, que possèdent les Archives nationales42. Alors que la plupart des corrections du directeur concernent avant tout l’expression, le titre XV, consacré aux « Moyens de mettre la constitution en activité », est entièrement de sa main. La procédure retenue était celle d’une consultation électorale, dont l’initiative était laissée à la population suisse ; il appartenait aux citoyens de réclamer la réunion des assemblées primaires afin de délibérer sur l’acceptation ou le refus de la Constitution, puis de choisir les membres du corps électoral chargés, au niveau du canton, d’élire les députés des conseils et les administrateurs du canton. Dans son projet, Merlin ne laissait cependant guère le choix aux citoyens hostiles à la « Constitution de Paris ». Ainsi, l’article quatre prévoyait que les communes qui « par lacheté, bassesse ou stupidité », refuseraient de demander la convocation des assemblées primaires, seraient « censées représentées par les communes fidèles à la cause de la liberté et de l’égalité, ou par les hommes courageux qui s’en détacheroient pour les représenter ». De plus, même si le vote des assemblées primaires était libre, aucun article du titre XV n’envisageait un refus du texte soumis à ratification. Dans ces conditions, il faut bien reconnaître que, même s’ils y mettaient des formes, Merlin et les directeurs allaient imposer aux Suisses une Constitution. En fait, bien que le discours universaliste persistât, comme en 1793, Merlin et les Directoriaux recherchaient avant tout l’intérêt national.
38La contradiction entre le discours libérateur et la politique annexionniste se dénouait ainsi au profit de la France, et le pré-nationalisme de Merlin et des Directoriaux apparaissait en pleine lumière. Faut-il pour autant en conclure que la politique extérieure des Thermidoriens, puis celle des Directoriaux, n’avait plus aucune parenté avec la politique de l’Assemblée constituante ? Nous ne le pensons pas. Le cas de Merlin de Douai nous semble au contraire démontrer que, si certains constituants furent prêts à sacrifier les intérêts de la France à une nouvelle conception des rapports entre nations, d’autres ne se montrèrent guère disposés à franchir le pas. Merlin de Douai appartient à cette seconde mouvance qui, lorsque les principes furent confrontés aux réalités politiques, choisit de servir avant tout l’intérêt de l’Etat, qui était aussi celui de la nation. Dès 1790, lors de l’affaire d’Avignon, il commença ainsi d’élaborer une nouvelle conception des relations internationales qui, tout en privilégiant les intérêts de la France, ne pouvait totalement faire fi des engagements des patriotes. Dans les années suivantes, les principes de souveraineté nationale et d’égalité des citoyens transformèrent ainsi le rattachement des pays conquis en l’union de deux patries, en la fusion de deux peuples, qui s’accomplissaient dans un complexe compromis entre des valeurs impossibles à entièrement renier, des usages et des objectifs proches de ceux de la monarchie moderne et un pré-nationalisme issu de l’époque constituante.
Notes de bas de page
1 Cette expression, certes tardive, a le mérite d’évoquer tout à la fois la souveraineté, la liberté et le droit à l’autodétermination reconnus aux peuples par les Constituants.
2 Godechot Jacques, La Grande Nation, Paris, Aubier, 1956 ; 2e éd., Paris, Aubier, 1983, p. 535.
3 Voir par exemple Gauthier Florence, « Les déclarations des droits naturels », dans Vovelle Michel, s.dir., L’état de la France pendant la Révolution (1789-1799), Paris, La découverte, 1988, p. 420.
4 Précisons d’emblée que le pré-nationalisme dont nous tentons ici de souligner l’émergence nous semble reposer sur une conception nouvelle et essentiellement politique et subjective de la nation ; il ne nous paraît donc aucunement annoncer le triomphe certain du principe des nationalités, car aucun « pacte ethnique » ne venait remplacer, ni même concurrencer, le « pacte social » proposé aux populations que les Conventionnels puis les Directoriaux réunirent à la République. Sur ce point, nos analyses se détachent de celles de Jean-Yves Guiomar (La nation entre l'histoire et la raison, Paris, La découverte, 1990, p. 127).
5 Cette problématique a été développée dans notre article : « Révolution et guerre de conquête. Les origines d’une nouvelle raison d’Etat », R.D.Nord, no 299 1993, p. 21-40.
6 A.P., tome XX, p. 75-84.
7 Ibid., p. 82.
8 Voir notamment l’article « Annexation » de J.P. Mc Laughlin, dans Scott Samuel F., Rothaus Barry, s.dir. Historical Dictionary of the French Revolution, 1789-1799, Westport (Connecticut), Greenwood Press, 1985, tome I, p. 18-19.
9 Cf. Guilhaudis Jean-François, Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, thèse de droit, Grenoble, P.U.G., 1976, p. 136-137.
10 A.P., tome XXV, p. 581, séance du 4 mai 1791.
11 Maeght Xavier, op. cit., tome II, p. 237. L’auteur cite une lettre de Merlin, datée du 18 mai 1791.
12 Cf. Johannet René, Le principe des nationalités, Paris, Nouvelle librairie nationale, 1918, p. 102-104.
13 A.P., tome XX, p. 83-84.
14 Chuquet Arthur, Les guerres de la Révolution, tome IV, Jemappes et la conquête de la Belgique (1792-1793), Paris, Léopold Cerf, 1890, p. 180. L’auteur cite une lettre de Biron à Merlin, datée du 7 mai 1792.
15 A.N., F7 3683/5, l.a.s. de Merlin de Douai à Messieurs les députés du département de la Moselle à l’Assemblée, chez Monsieur Merlin [de Thionville], datée de Douai, le 20 décembre 1791.
16 Aulard Alphonse, Recueil des actes du Comité de Salut public..., op. cit., tome II, p. 114.
17 Pirenne Henri, Histoire de la Belgique, des origines à nos jours, Bruxelles, M. Lamertin, 1920-1932 ; rééd., La renaissance du livre, tome IV, 1974, p. 119-120.
18 Godechot Jacques, Les Révolutions (1770-1799), Paris, P.U.F., 1970 ; 4e éd., Paris, P.U.F., 1986, p. 211.
19 Le Moniteur universel, no 11 du 11 vendémiaire an IV (3 octobre 1795), séance du 8 vendémiaire (30 septembre 1795), réimpression, tome XXVI, p. 87.
20 Ibid., p. 88.
21 Le Moniteur universel, no 12 du 12 vendémiaire an IV (4 octobre 1795), séance du 8 vendémiaire (30 septembre 1795), réimpression, tome XXVI, p. 90.
22 B.N., N.A.F. 245, f° 200, lettre de Merlin de Douai à Merlin de Thionville, datée de Paris, le 15 nivôse an III (4 janvier 1795).
23 Cf. infra.
24 Pierre Vergnaud a développé une analyse assez proche, sans cependant l’étendre à l’époque Constituante. Cf. Vergnaud Pierre, L'idée de la nationalité et de la libre disposition des peuples dans ses rapports avec l’idée de l’Etat. 1870-1950, thèse de droit, Paris, Domat-Montchrestien, 1955, p. 30.
25 Cf. Belissa Marc, Le droit des gens dans les discours sur la guerre et la paix à l’époque révolutionnaire, 1790-1792, mémoire de D.E.A., dactylographié, Paris I (dir. J.-P. Bertaud), 1991, p. 52-53.
26 Sorel Albert, L’Europe et la Révolution française, Paris, Plon, Nourrit et Cie, 8 vol., 1885-1904.
27 Johannet René, op. cit., p. 122-126.
28 Zeller Gaston, « Histoire d’une idée fausse », Revue de synthèse, tome XI, fév.-déc. 1936, p. 115-131 ; « La monarchie d’Ancien Régime et les frontières naturelles », Revue d'histoire moderne, tome VIII, 1933, p. 305-333.
29 Pirenne Henri, op. cit., tome IV, p. 137.
30 A.N., AF III 61, dos. 243, pl. 1 (dos. 3, pièce 10), lettre du Comité de Salut public, autographe de Merlin de Douai, à Goupilleau de Fontenay, représentant du peuple près de l’armée des Pyrénées orientales, 17 ventôse an III (7 mars 1795).
31 Voir A.N., 284 AP 10, dos. 6, plan de négociation arrêté le 24 ventôse an III (en fait le 23-13 mars 1795-), entre Merlin, Reubell et Sieyès pour les diriger dans les conférences avec les envoyés bataves, art. 8 ; A.N., AF III 61, dos. 243, pl. 1, pièce 10, lettre du Comité de Salut public, autographe de Merlin de Douai, à Goupilleau de Fontenay, représentant du peuple près l’armée des Pyrénées orientales, 17 ventôse an III (7 mars 1795), art. 9.
32 A.N., AF III 61, dos. 243, pl. 1 (dos. 3, pièce 10), m.a. de Merlin, au nom du Comité de Salut public, à Goupilleau de Fontenay, représentant du peuple envoyé à l’armée des Pyrénées orientales. 17 ventôse an III (7 mars 1795).
33 Ibid., article 5.
34 A.N., AF III 61, dos. 243, pl. 1 (dos. 4, pièce 15), m.a. de Merlin, au nom du Comité de Salut public, aux représentants du peuple envoyés à l’armée des Pyrénées orientales, datée du 28 germinal an III (17 avril 1795), art. 6.
35 Le Moniteur universel, no 12 du 12 vendémiaire an IV (4 octobre 1795), séance du 8 vendémiaire (30 septembre), réimpression, tome XXVI, p. 90.
36 A.N., AF III 61, dos. 243, pl. 1 (dos. 3, pièce no 10), lettre du Comité de Salut public, autographe de Merlin de Douai, à Goupilleau de Fontenay, représentant du peuple près de l’armée des Pyrénées orientales, 17 ventôse an III (7 mars 1795).
37 A.N., AF III 89, dos. 381, pièce 27, minute de Merlin, au nom du Comité de Salut public, du 5 germinal an III (25 mars 1795), intitulée : instructions pour Lallement, dans sa mission pour la pacification entre la République française et le gouvernement napolitain.
38 « La Nation n’a jamais été aussi grande », écrit-il aux représentants du peuple près des Pyrénées orientales au lendemain de la prise de Cologne. 16 vendémiaire an III-7 octobre 1794 (A.N., AF III 61, dos. 243, pl. 1, dos. 1, pièce 4 ; l.a. de Merlin au nom du Comité de Salut public).
39 Le Moniteur universel, no 265 du 25 prairial an VII (13 juin 1799), réimpression, tome XXIX, p. 708.
40 Guyot Raymond, Le Directoire et la paix de l’Europe, des traités de Bâle à la deuxième coalition (1795-1799), Paris, Félix Alcan, 1911, p. 738.
41 Voir aux A.N., AF DI 81, dos. 337, pièce 33, plan de Constitution pour la République helvétique ; AF III 70, plan de Constitution pour la République batave ; AF III 78, plan de Constitution pour la République romaine.
42 A.N., AF III 81, dos. 337, pièce 33, plan de Constitution pour la République helvétique.
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