Des choix politiques cohérents ?
p. 145-146
Texte intégral
1LA Révolution, c’est la liberté ; la monarchie absolue, l’esclavage. Tels sont les deux éléments d’une dialectique que Merlin et les patriotes construisent sous l’Assemblée constituante afin de souligner l’ampleur de la Régénération et de son principal acquis : la liberté. En février 1790, dans son Recueil de jurisprudence, Merlin la formule en ces termes :
La loi, reprenant son empire, a enfin substitué des citoyens à cette foule d’esclaves, qui, depuis deux siècles rampoient douloureusement sur la surface du royaume1.
21789 apparaissait comme l’an I de la liberté. A la différence d’un Dubois-Crancé très vite convaincu, comme le fut plus tard Tocqueville, que la Révolution avait été rendue possible par l’état de modernisation avancée du pays, Merlin entretenait une rhétorique qui rejetait la France Moderne dans l’âge de la Barbarie2. Bien que parfois rattaché à des époques anciennes de l’histoire, l’événement révolutionnaire recevait l’image qu’en conserve encore souvent l’imaginaire national : c’était un moment de création qui semblait rejeter tout l’héritage de l’Ancien Régime pour réinventer la société politique. La liberté individuelle, la souveraineté nationale, l’unité de la nation, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’Etat de droit apparaissaient comme des notions en grande partie nouvelles, auxquelles Merlin prétendit rester fidèle d’un bout à l’autre de sa longue et fluctuante carrière. Le discours était celui de la cohérence et de l’unité. Si l’on confronte ces principes à l’action du législateur et de l’homme de gouvernement, les contradictions apparaissent cependant multiples, et la cohérence du discours doit composer avec les ambiguïtés de l’action.
3Pour comprendre Merlin, il nous semble ainsi qu’une étude de son engagement politique s’impose. Qu’on n’attende cependant pas de cette partie, une présentation d’un système politique complet et cohérent, à la manière de celui que Paul Bastid a jadis reconstitué pour Sieyès3. D’abord, Merlin n’a pas l’esprit de système ; c’est avant tout un pragmatique, plus attaché à certaines valeurs, comme l’ordre et la liberté, qu’à n’importe quelle conception théorique d’un gouvernement ; c’est d’ailleurs là l’un des intérêts de ce personnage dont les principes sont souvent partagés par toute une génération. Ensuite, notre objet n’est pas uniquement de présenter une construction intellectuelle, idéale, mais de confronter les idées proclamées aux réalisations, et d’analyser par ce prisme la perception que Merlin avait du renouveau de l’Etat et de la nation.
4Si la pensée politique du jurisconsulte recèle quelque cohérence, il nous semble que cette démarche est capable de l’isoler ; elle permettra notamment de déterminer le poids de l’expérience révolutionnaire dans l’évolution de sa pensée et d’éclaircir les éventuelles raisons politiques de son adhésion à l’Empire.
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