4. L’échec d’un régime, l’échec d’un homme : Merlin et l’impossible « règne de la loi »
p. 97-118
Texte intégral
1L’etablissement d’une nouvelle constitution devait marquer, pour Merlin et les Thermidoriens, le terme de la Révolution ; avec les événements de vendémiaire an IV (septembre-octobre 1795), la République apparut cependant bien fragile, et la réconciliation des citoyens dans un rejet simultané des royalistes et des néo-Jacobins encore lointaine. Jusqu’en 1799, comme ministre de la Justice ou de la Police générale avant le 18 fructidor an V (4 septembre 1797), comme membre du Directoire exécutif ensuite, Merlin allait tenter d’affermir les bases du régime et de rétablir l'union des républicains, accordant un prix tout aussi grand au retour à la paix qu’à l’établissement de ce qu’il appelait le « règne de la loi ». Dans l’un et l’autre cas, sa quête fut vaine et le Directoire allait disparaître de cet impossible retour à Tordre et à la paix.
Vendémiaire an IV, le dernier combat ?
2Dans les derniers mois de la Convention, l’écrasement du mouvement sans-culotte, une nouvelle constitution et la conquête progressive de la paix, pouvaient laisser présager la fin des désordres. Merlin se montrait cependant persuadé que la transition ne serait pas facile, même s’il espéra un court moment que la victoire du 13 vendémiaire (5 octobre 1795) contre les modérés pourrait « amener le règne des lois et terminer la révolution »1.
3A l’approche du terme des travaux de la Convention, Merlin avait très tôt pressenti l’imminence d’une nouvelle crise. Dès le 4e jour complémentaire an III (20 septembre 1795), il soupçonna en effet les sections de vouloir tenter « un mouvement dans Paris »2. A l’Assemblée, ainsi qu’au Comité de Salut public, dont il demeurait l’un des membres les plus influents, il faisait preuve de vigilance et se montrait prêt à étouffer tous les germes d’insurrection. Le 4 vendémiaire (26 septembre 1795), en réponse à des assemblées primaires qui s’étaient autorisées à requérir la force publique, il obtint ainsi que les personnes qui feraient marcher « une troupe quelconque » dans Paris fussent réputées :
Fauteurs, auteurs et complices de la conjuration tendant à anéantir la représentation nationale, à renverser le gouvernement, à affamer la ville de Paris, en la livrant à l’anarchie, à empêcher l’établissement de la constitution acceptée par le peuple français, et à allumer la guerre entre les citoyens3.
4La gravité des chefs d’inculpation proposés par Merlin, et acceptés par la Convention, montre à quel point le député craignait une insurrection ; le soir même, il obtint d’ailleurs que l’on interdît aux assemblées de section toute arrestation arbitraire4.
5Devant l’imminence du soulèvement, les Comités de gouvernement étaient prêts à agir ; et lorsque sept sections, à commencer par celle de Le Peletier, se déclarèrent en état d’insurrection, le 11 vendémiaire (3 octobre 1795), leur réaction ne se fit pas attendre. Le soir même, les Comités de Sûreté générale et de Salut public, par souci d’efficacité, établirent une commission de cinq membres chargée « d’arrêter toutes les mesures de sûreté générale et de salut public que les circonstances exige[aie]nt5 » ; « on m’y a fourré, et 96 heures de travail continu en ont été la suite », écrivit Merlin quelques jours plus tard6. Ce fut en effet dans son cadre, en compagnie de Daunou, de Letourneur de la Manche, de Barras et de Colombel, que Merlin organisa la lutte contre l’insurrection. Les destitutions des officiers Menou, Desperrières et Debar, la nomination de Barras au commandement de la force armée de Paris et de l’Intérieur, le contrôle et l’action des soldats dans la capitale furent décidés par cette commission dont Merlin minuta fréquemment les arrêtés. La détermination des Conventionnels et de leurs généraux eut ainsi tôt fait de maîtriser une troupe nombreuse, mais sans chef et dépourvue d’objectifs clairs.
6Une fois les mécontents violemment dispersés devant la Convention (13 vendémiaire an IV-5 octobre 1795), Merlin choisit de se consacrer à son travail d’homme de comité, sans pour autant croire que tout combat devait cesser. Ainsi, au Comité de Salut public, où il gérait le mouvement des armées, il s’investit dans l’examen des multiples dossiers en suspens. Parallèlement, il entendit achever l’appareil législatif nécessaire pour maintenir le bon ordre dans le pays. Le 30 vendémiaire an IV (22 octobre 1795), au nom de la Commission des Onze que l’on avait chargée, un mois plus tôt, de rédiger un « projet de police de sûreté et de police constitutionnelle, adapté à la constitution », il présenta aux députés le Code des délits et des peines, dont le nom rappelait l’œuvre de Beccaria7. Son texte, déjà fort de cinq cent quatre-vingts articles, rigoureusement organisés, n’était cependant pas complet ; tandis que les deux premiers livres, consacrés à la police et à la justice, présentaient un tableau à peu près achevé de la procédure pénale, le livre III, consacré aux peines, n’était qu’ébauché8. Pour autant, son œuvre, dont l’essentiel allait être maintenu jusqu’à la mise en place des codes napoléoniens, ne fut pas simplement de circonstance. Elle était l’aboutissement d’une année et demie de travaux ; c’était en effet depuis le 3 floréal an II (22 avril 1794), comme membre du Comité de Classification des lois, que Merlin s’occupait de la compilation des règles de droit pénal et rédigeait, seul, ce que l’on appellerait désormais le Code de brumaire9.
7En réalisant ainsi l’une des grandes réformes de la Convention thermidorienne, Merlin croyait, comme en 1791, que le temps de la Régénération s’achevait. A l’automne 1795, malgré les nombreuses protestations soulevées par les décrets des deux tiers, les résultats des élections aux Conseils lui donnèrent même un peu de baume au cœur, puisque les Constitutionnels y obtinrent une confortable majorité10 ; ses propres résultats, même s’ils furent sévères dans le département du Nord, où sa récente mission lui coûta une volontaire et totale mise à l’écart, parurent par ailleurs assez satisfaisants. Elu député dans la Loire-Inférieure et le Maine-et-Loire, il fut également placé sur la liste supplémentaire de Conventionnels dans vingt-huit départements. Même si la popularité du jurisconsulte ne pouvait être comparée à celle de Lanjuinais, de Boissy d’Anglas ou d’Henry-Larivière, unanimement plébiscités, elle n’était pas moins indiscutable. En partie élu grâce à sa participation au rappel des Girondins, Merlin choisit de représenter le département du Maine-et-Loire et siégea au Conseil des Anciens. Moins de deux semaines plus tard, dès la formation des six ministères prévus par la Constitution, il reçut le portefeuille de la Justice. Pendant deux années, hormis un passage de trois mois à la tête d’un nouveau Ministère de la Police générale de la République11, c’est à ce poste qu’il tenta de contribuer à l’établissement du règne tant attendu des lois. Dans ce vaste projet, sa première tâche fut, à deux reprises, d’organiser totalement un nouveau ministère.
Justice et Police générale : l'’organisation de deux ministères sous le Directoire
8C’est avec un grand souci d’efficacité que Merlin se chargea de l’organisation du département de la Justice, puis de celui de la Police générale du nouveau gouvernement. Le remplacement des comités par des ministères n’était guère aisé, puisqu’il exigeait une distribution des rôles entre divers services, le choix d’un personnel compétent et la définition du travail quotidien de chaque employé. Le jurisconsulte, qui avait d’indubitables qualités d’organisateur, ainsi qu’un profond sens de l’ordre, s’acquitta cependant sans grand-peine de cette première mission.
9Le parcours ministériel de Merlin, avant le 18 fructidor an V (4 septembre 1797), semble d’ailleurs prouver que ces aptitudes lui étaient unanimement reconnues ; sa première nomination, intervenue dès le 12 brumaire an IV (3 novembre 1795), était ainsi une reconnaissance de ses talents, de son républicanisme inébranlable et de sa haine farouche des royalistes12. Les débuts du Directoire assuraient son triomphe d’homme d’Etat, mais aussi le sacre de ses qualités de jurisconsulte. Le ministre de la Justice ne fut-il pas nommé, dès le 19 frimaire an IV (10 décembre 1795), dans la classe des Sciences morales et politiques de l’Institut13 ? Intégré dans la section dite de Science sociale et législation, où l’on retrouvait Daunou, Cambacérès, Garran-Coulon, Pastoret et Baudin des Ardennes, ces deux derniers membres étant bientôt remplacés par Champagne et Bigot Préameneu14, il apparaissait comme l’un des principaux légistes de la France régénérée.
10Même si ses préférences allaient vers la gestion de la Justice, la situation politique du pays devait très vite l’éloigner de la place Vendôme. Par la loi du 12 nivôse an IV (2 janvier 1796), reconnaissant l’urgence entraînée par la persistance des manœuvres contre-révolutionnaires, les Conseils décidèrent la création d’un nouveau ministère auquel ils attribuèrent la Police générale, auparavant dévolue au ministre de l’Intérieur. Après un refus de Camus, le Directoire proposa le poste à Merlin de Douai qui se montra peu empressé à l’accepter : « Je tiens par goût, par habitude, peut-être par amour-propre, au Ministère de la Justice », écrivit-il aux directeurs15. Après s’être montré déçu que son ami Treilhard, en qui il plaçait toute sa confiance, eût refusé de prendre sa succession à la Justice, il accepta cependant sa nouvelle nomination et s’installa dans la maison Juigné, sur le quai Voltaire16. Le 14 germinal an IV (3 avril 1796), il rejoignit pourtant la place Vendôme17.
11A deux reprises, Merlin de Douai eut ainsi la tâche d’organiser de véritables ministères, et notamment d’y partager le travail entre plusieurs divisions. Comme ministre de la Justice, tandis qu’il avait en charge la surveillance des juridictions et des magistrats du pays, ses principaux bureaux se virent attribuer la gestion et le contrôle d’un pan entier de l’édifice judiciaire, tout au moins si l’on excepte les services du secrétariat, des expéditions, du dépôt des lois et de la comptabilité. En brumaire an IV, lors de la première organisation du Ministère (novembre 1795), ces divisions proprement judiciaires étaient cinq18 ; par souci de rationalité, leur nombre fut rapidement réduit à trois : le bureau de cassation, la division de la justice civile et celle de la justice criminelle19. A elles seules, bien qu’elles ne représentent qu’une petite proportion des services et du personnel, elles géraient l’ensemble des relations entre l’administration centrale et les tribunaux du pays.
12Le ministre avait également mis en place deux services dont il recruta lui-même les membres et qui devinrent très vite essentiels, tant pour la conception que pour l’application de sa politique : le bureau de consultation et le bureau particulier du ministre. Le premier, créé dès le mois de brumaire an IV, était l’héritier de l’ancien « Conseil judiciaire », chargé de réunir les renseignements concernant l’imperfection des lois ou leur difficile application20, et se composait de quatre à cinq jurisconsultes dont Merlin appréciait les compétences. Au début de l’an IV, on y retrouvait surtout d’anciens avocats qui avaient servi la Révolution comme magistrats ou membres du Comité de Législation, notamment pendant l’an III ; parmi les plus connus et les plus fidèles de ces hommes, l’on reconnaissait notamment Vermeil, qui avait appartenu au Comité de Législation, et Guyot, l’éditeur du Répertoire de jurisprudence, ancien juge au Tribunal de cassation21. Le bureau particulier du ministre était quant à lui chargé d’examiner les affaires sans « département fixe », et celles que Merlin entendait se réserver22. Ses membres, en contact constant avec le ministre, devaient faire preuve d’une grande disponibilité et jouir de toute la confiance de leur chef. Encore embryonnaire en brumaire an IV, ce bureau compta vite huit membres parmi lesquels, à des postes parfois modestes, Merlin avait placé des hommes qu’il connaissait de longue date comme Pierre Joseph Dorigny, qui avait assuré son secrétariat pendant ses missions en Belgique et en Bretagne23, ou Jean-Baptiste Desoubry, expéditionnaire particulier du ministre, qui avait appris au jeune Merlin à lire et à compter24.
13Merlin de Douai était si attaché à certains de ses proches collaborateurs, comme Dorigny et Desoubry, qu’il les emmena avec lui lors de sa nomination au Ministère de la Police générale, en nivôse an IV (janvier 1796)25. Il y avait créé quatre divisions, dont l’une était chargée des dépêches, de la comptabilité et du secrétariat général, tandis que les trois autres se consacraient aux grandes responsabilités du nouveau Ministère : le commerce, la salubrité et la voie publique ; la surveillance et la sûreté ; et enfin les mœurs et l’opinion publique26. La principale division était sans conteste la seconde, dite de « surveillance et sûreté », où le travail était partagé entre trois bureaux, dont deux seulement étaient mentionnés dans l’organigramme publié par l'Almanach national : le bureau de surveillance et celui de sûreté. Le troisième, chargé des « affaires secrètes », était un véritable service de renseignement et d’action dont l’enceinte était interdite à toute personne étrangère au service, excepté si elle était accompagnée du chef de division ou disposait d’une autorisation spéciale du ministre27.
14Le soin apporté dans le choix du personnel ne put cependant toujours égaler celui qu’avait mis Merlin dans le recrutement des membres de son bureau ou de ceux des services sensibles. Dans l’organisation de ses deux ministères, il se contenta généralement de nommer les cadres, les emplois mineurs, comme ceux de noticeurs, d’enregistreurs, de rédacteurs de la correspondance ou d’expéditionnaires étant laissés à la disposition des chefs de bureau ou de division, qui étaient chargés de lui présenter des candidats28. Au Ministère de la Justice, pour lequel plusieurs états permettent de bien comprendre la démarche de Merlin, il recruta essentiellement des personnes connues pour leurs compétences et leur expérience administrative. Mis en cause dans un article du Journal des hommes libres29, où on l’accusait d’avoir préféré à de vrais républicains de la Commission des Administrations civiles, police et tribunaux, des patriotes douteux du Comité de Législation, Merlin exposa en peu de mots sa démarche :
J’ai dû prendre ce que je connaissois personnellement et ce qu’on m’a indiqué, de plus patriote, de plus instruit, de plus laborieux, dans les divers comités et commissions supprimés30.
15Logiquement, en plus de membres de la Commission des Administrations civiles, police et tribunaux, ancêtre du Ministère de la Justice, Merlin recruta nombre de collaborateurs sur les recommandations d’anciens collègues, comme Berlier, et surtout dans les comités qu’il avait lui-même fréquentés, au premier rang desquels il faut citer ceux de Législation et de Salut public. En brumaire an IV, il avait également fait appel à d’anciens représentants de la nation, comme le constituant Bouteville, nommé chef du bureau de la police judiciaire et des tribunaux correctionnels, ou le constituant Lombard-Taradeau, promu chef du bureau du dépôt des lois31.
16Dans les locaux de la place Vendôme, l’importance du personnel crût progressivement pour se fixer à un peu plus de cent employés : en brumaire an IV (novembre 1795), soucieux de ne pas s’entourer d’un « bataillon de comis »32, Merlin en avait pourtant limité le nombre à cinquante-cinq ! Mais très vite, l’importance des travaux à accomplir l’avait conduit à étoffer ses services33. Au Ministère de la Police générale, il semble que l’inflation du personnel fût plus importante encore ; ainsi, dès prairial an IV (juin 1796), deux mois à peine après son départ, il ne comptait pas moins de cent quatre-vingt-dix employés34.
17Dans l’un et l’autre ministère, des bureaux aux compétences nettement délimitées et un personnel strictement sélectionné, devaient permettre d’expédier promptement les affaires. Merlin n’acceptait aucun retard et prenait, le cas échéant, des mesures sévères. Le 29 pluviôse an V (17 février 1797), le ministre de la Justice, désireux de solder rapidement le retard accumulé par certains de ses collaborateurs, leur demanda de traiter le plus d’affaires possibles avant la fin de la première décade du mois suivant ; pour les bureaux dont le retard demeurerait à la date du 9 ventôse (27 février 1797), il précisait :
La division ou le bureau à qui il restera à expédier un nombre d’affaires tel qu’elles ne puissent normalement être traitées en cinq jours, ne prendra point de congé le décadi suivant, et sera tenu en outre, s’il est jugé nécessaire par le ministre, de consacrer au travail, hors des heures ordinaires, tout le tems qu’il faudra pour se mettre au courant35.
18C’est par un même souci d’efficacité que le ministre exigeait de contrôler toute la correspondance et toutes les décisions issues de ses services. Au Ministère de la Justice, chaque minute, une fois revue par le chef de son bureau d’origine et par les employés du bureau des révisions, était placée sous les yeux de Merlin ; renvoyé pour expédition, le document passait une nouvelle fois entre les mains du ministre, cette fois pour signature36. Ces exigences n’étaient pas vaines ; Merlin prenait le temps de relire, même sommairement, toutes les minutes qu’on lui remettait, les approuvant du paraphe « M. ». Assez fréquemment, il leur apportait quelques corrections et plus rarement les remaniait profondément37. Lorsque la correspondance lui paraissait importante, et notamment lorsqu’elle concernait ses collègues de la Police générale et de l’Intérieur, avec lesquels il était toujours en étroit contact, Merlin prenait lui-même la plume38. Pour cet homme travailleur et exigeant, occupé par les affaires de l’Etat du « grand matin » à plus de dix heures du soir39, un ministère devait être une machine rapide, efficace et entièrement dévouée aux buts politiques définis par le gouvernement. Même si les missions des deux ministères qu’il organisa étaient profondément différentes, elles semblaient se rejoindre dans un but commun : le service de la loi et le maintien de l’ordre public.
Les missions d’un ministre : le service de l’ordre et de la loi
19Le rétablissement de l’ordre fut l’une des priorités du Directoire et Merlin, durant les deux premières années du régime, tenta, avec les moyens et les pouvoirs dont il disposait, de contribuer à sa réalisation. Il paraissait urgent de réduire toutes les oppositions intérieures, de restaurer le « règne de la loi » et de donner aux nouvelles administrations toute la célérité que le service public exigeait.
20Pour réaliser ces objectifs, les ministres devaient d’abord veiller à la prompte application de la Constitution de l’an III. Dans le domaine de la justice, Merlin supervisa la rapide installation et la bonne marche des tribunaux ; dès son entrée en fonction, il prit de nombreuses décisions destinées à permettre au Directoire de remplacer les juges manquants, d’accélérer la mise en place des nouvelles juridictions ou d’assurer le traitement des magistrats. Un soin tout particulier fut accordé à la justice pénale, dont le but rejoignait sa soif d’ordre. Lors de son retour à la place Vendôme, en germinal an IV (avril 1796), Merlin lança, pour répondre aux questions du Conseil des Cinq-Cents sur l’état de la justice, une grande enquête sur la situation des tribunaux criminels et correctionnels du pays ; les résultats en furent décevants, tant les difficultés paraissaient nombreuses40. Certes, la plupart des juridictions étaient organisées et fonctionnaient presque normalement, mais les griefs adressés au ministre étaient nombreux et d’importance : les maisons d’arrêt étaient trop rares ; les huissiers, greffiers et commis greffiers n’étaient pas rémunérés, car la loi ne précisait pas le montant de leur traitement ; l’argent faisait défaut pour acheter les fournitures ou le papier, et ces objets manquaient parfois presque totalement ! Faute de moyens, Merlin se montrerait incapable de résoudre la plupart de ces problèmes, dont le plus important fut incontestablement celui du traitement des fonctionnaires, et il fallut attendre Ramel et l’esquisse d’un redressement des finances pour voir la situation s’améliorer.
21Si le ministre de la Justice ne pouvait dominer une situation financière critique, son obligation de veiller à une juste, rapide et exacte application de la loi semblait plus réalisable. En jurisconsulte, il prit d’ailleurs un réel plaisir à expliquer l’esprit des textes législatifs et à dénoncer leur mauvaise interprétation ou leur méconnaissance41. En frimaire an IV (novembre 1795), il écrivit aux directeurs des jurys d’accusation :
Citoyens, j’aimerai toujours à m’entretenir des lois avec les magistrats chargés de les appliquer et ces relations seront les plus douces occupations de mon ministère. Lever les obstacles qui peuvent vous arrêter, rendre la marche de la justice la plus facile et la plus uniforme, tel est le but principal de ces communications42.
22En tant que ministre, Merlin n’était autorisé qu’à étudier les doutes soulevés par les fonctionnaires et les autorités constituées ; aux particuliers qui sollicitaient une consultation ou un conseil, il rappelait que le contentieux d’intérêt privé ou la réponse aux interrogations du public n’étaient pas de sa compétence43. Pourtant, en quelques rares occasions, le ministre usa de son crédit pour tenter de dénouer certaines affaires. En messidor an IV (juin 1796), lorsque la veuve Gauné-Porcie lui adressa une réclamation contre un ancien avoué qui retenait, au mépris des lois, les papiers de son divorce parce qu’elle lui devait encore trois cents livres, Merlin prit personnellement la plume pour appeler l’homme au respect de la loi du 3 brumaire an II (24 octobre 1793)44. En étendant jusqu’aux limites de la constitutionnalité ses interventions, le ministre entendait contribuer, par tous les moyens en son pouvoir, à l’établissement du règne de la loi.
23Pendant son court passage à la tête de la Police générale de la République, Merlin défendit exactement les mêmes idées en donnant à sa politique quatre axes majeurs, dont les deux premiers concernaient essentiellement la capitale. A Paris et dans les grandes villes du pays, il dut assurer la police de la salubrité, qui consistait à maintenir la propreté des rues, l’entretien des réverbères ou encore la liberté de la voie publique ; ce fut également dans les grandes villes, et surtout à Paris, qu’il fit étroitement contrôler la régularité des échanges, s’en prenant notamment aux agioteurs et aux falsificateurs des poids et mesures45. Même si Merlin ne négligea aucunement ces obligations, il privilégia cependant le contrôle de la morale et de l’esprit public ainsi que le maintien de la sûreté intérieure du pays, qui furent ses deux principaux domaines d’action. L’ordre public était sa préoccupation quotidienne ; il est vrai que la tâche était immense puisqu’à la surveillance des cultes, à la répression du brigandage, de la mendicité et du vagabondage, au contrôle des frontières, à la recherche des émigrés et des agents de l’étranger s’ajoutait la difficile lutte contre l’apathie des citoyens46.
24En fait, au Ministère de la Police générale comme à celui de la Justice, les décisions de Merlin revêtaient fréquemment un évident caractère politique. Comme sous la Convention thermidorienne, il semblait rechercher un équilibre de juste milieu qui ne le rapprocherait ni des néo-Jacobins, ni des royalistes. Proclamée par la plupart des Directoriaux, cette ambition a été fréquemment mise en doute ; nombre d’auteurs ont ainsi dénoncé l’iniquité de la politique directoriale en soulignant, comme le fit Jean-René Suratteau, que le Directoire, avant le 18 fructidor an V (4 septembre 1797), avait frappé les Jacobins d’un « glaive tranchant » et les royalistes d’un « sabre de bois »47. L’examen des mesures prises par Merlin, l’un des principaux responsables de la République conservatrice, nous semble cependant devoir nuancer ce jugement.
25Certes, dès la fin de l’année 1795, nombre de contemporains se demandèrent si les Directoriaux, et notamment Merlin, n’avaient pas décidé de lutter avant tout contre les patriotes les plus avancés. Le 10 nivôse an IV (31 décembre 1795), le Journal des hommes libres s’étonna ainsi que face au danger d’un prochain « massacre des républicains », le ministre de la Justice ait donné l’ordre d’arrêter le journaliste Lebois, l’auteur de l'Ami du peuple ; il se demandait si l’on voulait conduire la France à la monarchie48 ! En fait, très attaché aux valeurs du pré-libéralisme, Merlin refusait toute idée de redistribution des propriétés et exigeait la punition de tous ceux qui la prônaient, conformément à la loi du 29 mars 1793. Ce fut la même peur d’une loi agraire qui le porta à rester constamment attentif à l’instruction du procès de Babeuf et de ses amis49. Soucieux d’obtenir un jugement rapide et sévère contre les inculpés, il incita les magistrats à mener promptement le « grand procès » dont ils étaient chargés50. Mais les verdicts de la Haute Cour, qui épargnèrent la vie de la plupart des responsables babouvistes, le déçurent et l’irritèrent. Dans les mois qui suivirent, persuadé que les chefs néo-jacobins devaient être au plus vite politiquement éliminés, Merlin chercha à les inquiéter par tous les moyens en son pouvoir ; en messidor an V (juillet 1797), il demanda ainsi que Vadier, pourtant acquitté à Vendôme, fût déporté en vertu d’un ancien décret de la Convention51.
26La rigueur du ministre n’épargna cependant pas les royalistes et les Feuillants ; l’on peut même affirmer que ce fut surtout contre les émigrés, parmi lesquels se trouvaient nombre de prêtres déportés ou émigrés après la loi du 26 août 1792, que le ministre dirigea ses attaques. Durant toute l’année 1796, il considéra la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) comme « le palladium de la liberté »52, et chercha à faire strictement appliquer les lois contre les réfractaires et les émigrés rentrés en France, comme nombre de ses circulaires en témoignent53. Le meilleur exemple de cette sévérité reste son attitude dans l’affaire des naufragés de Calais54. Trois navires danois faisant route vers Calcutta, chargés de soldats de diverses nationalités, s’étaient échoués non loin de Calais, dans la nuit du 13 au 14 novembre 1795 ; parmi les rescapés se trouvaient cinquante-trois émigrés français appartenant au régiment de Hussards organisé Tannée précédente par le duc de Choiseul-Stainville. Considérant le fait objectif, Merlin voulut leur appliquer la loi dans toute sa sévérité et les faire condamner comme émigrés saisis les armes à la main ; le ministre n’obtint cependant pas le résultat attendu. La commission militaire, spécialement établie pour les juger, se déclara incompétente ; Merlin les fit alors comparaître devant une autre commission militaire qui refusa, elle aussi, de se prononcer et préconisa de renvoyer les accusés devant les tribunaux ordinaires. S’obstinant, Merlin parvint à faire comparaître sept émigrés devant le Tribunal criminel du Nord, en août 1796 ; mais la juridiction, prétextant l’imprécision des lois, usa de la procédure du référé législatif. Finalement, malgré sa persévérance, Merlin ne put faire condamner et exécuter ces émigrés qui demeurèrent incarcérés à Lille jusqu’au Consulat.
27Pour prouver que Merlin ne ménagea guère sa droite, Ton peut également rappeler l’intérêt qu’il porta, de pluviôse à germinal an V (janvier-avril 1797), au procès des conspirateurs royaux Brottier, Berthelot de La Villeheurnois et Proli. C’est sur son rapport que ces hommes, dont il démontra le crime d’embauchage, furent traduits devant un conseil de guerre55. La compétence du tribunal mise en cause par les accusés et leurs conseils, ce fut encore Merlin qui rejeta leur recours, demanda aux jurés de ne pas interrompre leurs travaux et de mener cette affaire à terme avec « de la célérité »56. A n’en pas douter, le ministre espérait une condamnation prompte et sévère de ces hommes. D’ailleurs, quelques semaines plus tard, il se montra fort mécontent de la commutation des sanctions capitales infligées à Brottier, Duveme de Presle et La Villeheurnois en peines de réclusion. Dans ses mémoires, Barras rapporte que le jour même où Merlin l’apprit, il proposa au Directoire exécutif de renvoyer les accusés devant un tribunal criminel, cette fois pour crime contre la sûreté de la République. Dans l’esprit de Merlin, le conseil militaire n’avait jugé que le crime d’embauchage et il était ainsi possible, sans violer la règle non bis in idem, d’obtenir une révision du jugement de ces contre-révolutionnaires ; Barras remarquait : « L’idée est lumineuse, et Merlin, dont la rédaction est aussi prompte que son esprit est subtil, a déjà minuté sur le coin du bureau l’arrêté de renvoi »57.
28En germinal an V (avril 1797), comme à la veille du « coup d’Etat du 22 floréal » (11 mai 1798), Merlin sembla ainsi rester fidèle à une véritable politique de ni droite ni gauche, qui l’opposait tout à la fois aux néo-Jacobins et aux royalistes. C’est cette politique du juste milieu, peut-être plus fréquente qu’on ne le croit généralement, qui explique sa double adhésion au 18 fructidor an V (4 septembre 1797) et au 22 floréal an VI (11 mai 1798).
Face à des élections contraires, le choix de la fermeté
29Dans la capitale, Merlin était la cible de bien des attaques. Pour les uns, il était l’agent du royalisme, et pour les autres, un crypto-Jacobin ou au mieux un terroriste repenti. Les anecdotes ne manquent pas pour illustrer cette mauvaise image dans le public. Le 17 thermidor an V (4 août 1797), le Théâtre français donnait Les trois frères rivaux de Lafont, dont l’un des personnages, le valet Merlin, était joué par Larochelle. A la réplique : « M. Merlin, vous êtes un coquin », les spectateurs applaudirent avec entrain ; et quand l’acteur poursuivit, ne sachant à quoi attribuer le plaisir du public, par un cinglant : « M. Merlin, vous serez pendu », ce furent des applaudissements, des rires, des cris et des trépignements qui soulevèrent la salle pendant de longues minutes58. Par prudence, les régisseurs du théâtre retirèrent la pièce de l’affiche. La politique du second Directoire, à laquelle Merlin fût intimement associé, devait encore accentuer l’hostilité du public à son égard.
30Certes, Merlin ne fut aucunement l'un des initiateurs du coup d’Etat du 18 fructidor (4 septembre 1797), destiné à éliminer l’opposition feuillante, majoritaire dans les Conseils depuis les élections du printemps 1797 ; sa méfiance de la force armée le poussait plutôt, comme nous le verrons pour l’an VI, vers des méthodes plus subtiles. Nous savons cependant qu’il fut mis dans le secret le 17 fructidor59, et qu’il ne s’opposa pas à ce projet. Bien au contraire, l’arrestation des chefs clichyens, la fuite de Carnot, l’arrestation de Barthélémy, de Cochon et de Pichegru, ainsi que l’exclusion de cent quatre-vingt-quinze députés60, lui apparurent comme une victoire contre la réaction. Le 19 fructidor (5 septembre 1797), une fois approuvées par les Conseils la déportation des deux directeurs déchus et de cinquante-trois députés, l’annulation des élections dans quarante-neuf départements et le rétablissement de la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) sur les émigrés, il s’empressa d’annoncer la nouvelle à l’un de ses amis en commençant sa lettre par ces mots : « La République est sauvée »61.
31Quelques jours plus tard, le 22 fructidor (8 septembre 1797), le Conseil des Anciens choisit Merlin pour remplacer Barthélemy au Directoire exécutif ; à une courte majorité62, les députés montraient leur préférence pour un homme aux qualités d’administrateur indiscutées, ainsi que pour un ancien ministre dont la fermeté était connue de tous. Derrière sa nomination, il y avait autant l’appel à un ferme républicain qu’un message adressé à l’opinion publique.
32Installé le 24 fructidor (10 septembre 1797), le même jour que François de Neufchâteau, élu en remplacement de Carnot, Merlin attacha vite son nom à ce que l’on appelle la « Terreur fructidorienne ». Certes, contrairement à ce qu’affirmait Victor Pierre, la loi du 19 fructidor (5 septembre 1797), qui est à l’origine de la répression, ne fut pas rédigée par Merlin mais bien par quelques députés des Conseils63 ; il n’est cependant pas douteux qu’il en apprécia toute la sévérité, puisqu’il encouragea avec conviction la déportation des prêtres perturbateurs et l’exécution des émigrés rentrés au pays64. Parallèlement, Merlin surveilla, plus étroitement encore que sous ses deux ministères, les différentes administrations du pays, prescrivant au besoin la destitution des fonctionnaires infidèles. En l’espace de quelques mois, soixante-trois administrations départementales et cent soixante-dix-huit municipalités furent ainsi épurées avec son accord65.
33Progressivement, l’influence de Merlin se fit d’ailleurs prépondérante au sein du Directoire exécutif. Sans avoir une stratégie consciente de contrôle du pouvoir, il se donna les moyens d’imposer sa politique, notamment en s’entourant de quelques ministres dont il était fort proche. Dès vendémiaire an VI (septembre 1797), il obtint que le juriste Letourneux fût nommé au Ministère de l’Intérieur66 ; quelques mois plus tard, tandis que le danger jacobin se précisait, il assura le remplacement du ministre de la Police générale Sotin par Dondeau, un ancien avocat au Parlement de Flandre devenu maire de Douai (février 1798)67. Avec Letourneux et Dondeau, deux ministres qui lui devaient leur carrière, Merlin était prêt à relancer l’offensive contre tous les ennemis du régime.
34Pour la pérennité des institutions de l’an III, en laquelle il croyait encore, Merlin voulait renoncer à tout véritable coup d’Etat et assurer le succès de sa politique dans le respect de la légalité. Ainsi, il s’opposa à toute révision constitutionnelle ; au lendemain du 18 fructidor (4 septembre 1797), il résista aux « amis de la prorogation » qui pensaient assurer le salut de la République en portant à sept ans les pouvoirs des députés et à dix ceux des directeurs68. De la même manière, il n’attendit pas le résultat des élections de l’an VI pour réagir à la montée des oppositions ; afin d’éviter la victoire des néo-Jacobins, qui devinrent le premier danger vers nivôse et pluviôse, Merlin s’investit dans la préparation du scrutin, puis occupa un rôle central dans l’organisation du coup de force du 22 floréal (11 mai 1798).
35Albert Meynier puis Jean-René Suratteau ont bien montré comment, au printemps 1798, le Directoire exécutif s’inquiéta de l’état d’esprit des départements par l’intermédiaire de Letourneux. En ventôse an VI (février-mars 1798), sous le prétexte d’étudier les conditions d’établissement de péages destinés à lever une taxe pour l’entretien des routes, des commissaires-inspecteurs furent envoyés dans la plupart des départements français ; placés directement sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, ils étaient particulièrement chargés de s’enquérir de l’esprit public et de préparer les élections, au besoin par des distributions d’argent69. A partir du moment où les résultats de l’enquête furent connus, Merlin devint le maître d’œuvre de l’opération et s’associa à chacune de ses étapes : à la fermeture des cercles ou des journaux hostiles, à la publication de circulaires et de proclamations destinées aux électeurs, comme à l’organisation des scissions. Merlin n’avait d’ailleurs pas attendu les résultats de l’enquête de Letourneux pour veiller à l’esprit public. A Paris et en province, dès germinal et floréal an VI (mars-mai 1798), le Directoire exécutif avait multiplié, par des arrêtés fréquemment minutés par Merlin de Douai, les prohibitions de quotidiens et ordonné la fermeture de nombreux cercles constitutionnels, le plus souvent accusés de correspondre avec d’autres clubs ou de professer des opinions contraires à la Constitution70. Parallèlement, il avait procédé à de multiples destitutions d’administrateurs dont la fidélité au gouvernement n’était pas acquise71.
36Pour Jean-René Suratteau, cette politique répressive frappa avec plus de vigueur les Jacobins que les royalistes72. Les mesures contre les cercles et les journaux des premiers furent, en effet, de loin les plus fréquentes ; pour autant, le Directoire exécutif ne ménagea pas les modérés, et s’il frappa plus souvent à gauche qu’à droite, ce fut aussi parce que le danger néo-jacobin était plus présent. A Paris comme en province, les cercles royalistes étaient fort rares ; dans le domaine de la presse, par contre, l’opposition contrerévolutionnaire paraissait bien implantée et les mesures du Directoire exécutif la touchèrent de plein fouet73. Pour Merlin, il importait de frapper à la fois à droite et à gauche. Dans les considérants des nombreux arrêtés de prohibition ou de destitution adoptés, qu’ils fussent ou non minutés par Merlin, la fréquente accusation de propager « la haine contre la constitution et contre le gouvernement fondé sur elle »74, par son imprécision même, rappelait que le directeur entendait mener une politique de juste milieu qui n’épargnât aucun des ennemis du régime. Le 9 germinal an VI (29 mars 1798), dans une proclamation au peuple français, Merlin pouvait ainsi prendre « l’engagement solennel de purger le sol de la République de tous les brigands, de quelques parti qu’ils soient, de quelques masque qu’ils soient couverts et de quelque part qu’ils se trouvent »75 ; comme Reubell et La Révellière, il prétendait frapper d’un même élan tous les opposants à la Constitution de l’an III.
37Les élections de l’an V avaient cependant prouvé le peu d’efficacité des proclamations, et Merlin ne se contenta pas de préparer l’esprit public à un possible coup de force. Selon Barras, ce fut également lui qui entreprit d’étendre la pratique des scissions d’assemblées électorales76. Même si elle est impossible à prouver, cette affirmation est reprise par tous les historiens et semble difficile à contrarier, tant son ingéniosité rappelle le juriste subtil. La manœuvre réussit dans une mesure inespérée puisque vingt-sept des quatre-vingt-dix-huit départements métropolitains y eurent recours77. Malgré ce succès, le Directoire considéra comme insuffisante une simple validation du choix des assemblées les plus proches du pouvoir ; en effet, parmi les vingt départements qui s’étaient prononcés en faveur des Jacobins, onze seulement avaient connu une scission. De plus, le temps paraissait manquer pour achever cette manœuvre avant le 30 floréal an VI (19 mai 1798), terme qu’imposait la loi du 12 pluviôse (31 janvier 1798)78. Afin de renforcer la majorité directoriale, qui comptait désormais au moins trois cent quatre-vingt-sept députés, il semblait nécessaire d’éliminer les cent soixante-quinze Jacobins et les cent quinze royalistes ou contre-révolutionnaires du nouveau Corps législatif79. Sans s’ingérer directement dans la vie des Conseils, Merlin et les directeurs tentèrent alors d’influencer par des messages le choix des députés80 ; parallèlement, ils organisèrent des discussions informelles avec certains élus comme Régnier, Bailleul et Chénier, également inquiets du résultat des élections81. Par le biais d’une « collusion » entre le Directoire exécutif et la commission qui élabora la loi du 22 floréal (11 mai 1798), les hommes soupçonnés de jacobinisme ou de royalisme furent ainsi écartés de la nouvelle législature82.
38Même si, au lendemain du « coup d’Etat » du 22 floréal (11 mai 1798), la répression se fit essentiellement anti-jacobine, Merlin ne voulut aucunement esquisser une politique réactionnaire ; il continua d’ailleurs de se montrer d’une grande sévérité envers les émigrés et les prêtres réfractaires83. Par une politique du ni royalistes ni Jacobins, il pensait imposer au pays un nouvel équilibre politique ; convaincu que la seule voie possible était celle du juste milieu, il allait longtemps croire en la proche réalisation de ses objectifs.
L’échec d’un régime, l’échec d’un homme
39Au lendemain de floréal an VI (mai 1798), tandis qu’il demeurait, avec La Révellière, l’homme fort du régime, Merlin croyait une nouvelle fois entrevoir la fin de la Révolution. Dans ses nombreux discours, il célébrait l’avènement d’une ère nouvelle où, dans une République inébranlable, régneraient des lois acceptées par tous. Le regard qu’il jetait sur les années passées était celui d’un homme convaincu d’être parvenu au terme d’une longue route ; l’événement révolutionnaire était désormais géré comme un héritage souvent encombrant, et Merlin n’hésitait pas à en rendre, par une volontaire et trompeuse réécriture, certains aspects plus acceptables.
40Afin de renforcer la République et la Constitution de l’an III, il feignait ainsi de croire qu’une marche inéluctable avait permis leur établissement. En messidor an VI (juillet 1798), dans un discours prononcé au Champ-de-Mars pour la fête anniversaire du 14 juillet, le directeur rattachait l’origine de l’esprit républicain à la grande journée révolutionnaire de 1789, cette « première victoire » comme il l’appelait84 ; même s’il précisait que le « prestige des formes monarchiques » lui avait survécu, il assurait que la République était dès ce moment désirée par la plupart des patriotes. Le compromis de trois ans avec la monarchie était condamné comme une erreur contre nature, subie plus que désirée ; il y avait là, surtout de la part de Merlin, une évidente volonté de transformer l'histoire. Pour conserver au 14 juillet sa valeur symbolique, il paraissait indispensable qu’il débouchât au moins sur une marche nécessaire vers la seule véritable libération politique, celle du 10 août 1792, « journée fatale aux tyrans » que Merlin célébrait comme le symbole universel de la liberté reconquise des peuples85.
41La chute du trône, même si elle annonçait la République, ne pouvait cependant apparaître comme le début du renouveau tant attendu. Bien que Merlin ait un moment soutenu la politique de la Montagne, il dénonçait désormais « ces tems dont les erreurs et les crimes [avaient] été si funestes à la liberté »86. Sa relecture de l’histoire rejetait à la fois le royalisme et le terrorisme, comme si seuls la Convention thermidorienne et le Directoire réalisaient l’idéal révolutionnaire. Condamnant désormais la monarchie constitutionnelle et le gouvernement de salut public, Merlin tentait de purifier la mémoire de la Révolution. Seule la République, celle issue de l’an III, était pure et bonne. Elle était désormais établie sur des fondements solides, inébranlables, contre lesquels, affirmait Merlin, viendraient se briser « toutes les forces des tyrans conjurés »87.
42La politique extérieure du second Directoire, à l’élaboration de laquelle Merlin fut intimement associé88, n’apporta cependant pas toutes les satisfactions espérées. De l’automne 1798 au printemps de l’année suivante, les événements extérieurs semblèrent même systématiquement contrarier ses espoirs. L’échec de l’expédition irlandaise du général Humbert, la guerre des paysans en Belgique, la naissance d’une seconde coalition, les défaites en Italie et la réorganisation de la Vendée exacerbèrent les critiques contre le Directoire exécutif. L’intransigeance politique de Merlin, surtout lorsqu’elle s’exerçait à l’encontre des Jacobins, ne fit que les intensifier ; entre les Conseils et la majorité directoriale, un nouvel affrontement se préparait.
43Le renouvellement annuel du Directoire exécutif, en prairial an VII, accentua nettement l’inquiétude de Merlin. Le remplacement de Reubell par Sieyès, dont le peu d’enthousiasme pour la Constitution était connu, contribua à affaiblir la majorité au pouvoir. Même si, comme Treilhard, Merlin s’était montré hostile à l’élection de l’ancien abbé89, il tenta pourtant de se lier avec lui, évoquant dans son discours de bienvenue le succès et la gloire que seule pouvait apporter « l’union » de tous les républicains90. Il était cependant déjà trop tard. Dès le 17 prairial (5 juin 1799), les néo-Jacobins et les Constitutionnels des Conseils lançaient l’offensive finale contre le Directoire exécutif, l’invitant à s’expliquer sur les défaites subies par les armées depuis trois mois91. Restée sans réponse, la question fut une nouvelle fois posée, le 28 prairial (16 juin 1799), par un Conseil des Cinq-Cents qui se plaça en permanence jusqu’au moment où il obtiendrait les explications attendues92. Le lendemain, la nomination du directeur Treilhard fut invalidée, et l'ami de Merlin remplacé par Gohier. L'équilibre du Directoire était cette fois rompu ; dans leur opposition aux Conseils, Merlin et La Révellière se trouvaient désormais bien seuls.
44Aux Cinq-Cents, le 30 prairial (18 juin 1799), Arena assura que Merlin voulait employer l’armée pour « décimer la représentation nationale » ; Digneffe de l’Ourthe s’en prit au gouvernement de la Belgique et du pays de Liège, et accusa le jurisconsulte d’avoir « ambitionné d’y jouer le rôle du duc d’Albe »93 ; Boulay de la Meurthe, un proche de Sieyès, dénonça quant à lui la création d’une « dictature », qu’il attribuait à La Révellière et surtout à Merlin, dont il brossait un portrait peu flatteur :
Merlin, homme à petites vues, à petites passions, à petites tracasseries, à petites vengeances, à petits arrêtés, a mis en vigueur le machiavélisme le plus rétréci et le plus dégoûtant ; il était digne d’être le garde-des-sceaux d’un Louis XI, et fait tout au plus pour diriger l’étude d’un procureur94.
45Une députation du Conseil des Cinq-Cents se rendit, le jour même, au palais directorial, afin de demander la démission de Merlin et de La Révellière-Lépeaux ; pour obtenir satisfaction, elle précisa que le retrait de ces directeurs entraînerait l’abandon de toute tentative de mise en accusation. Dans l’après-midi, une seconde députation, cette fois composée de membres du Conseil des Anciens, se présenta devant le Directoire exécutif ; après maintes hésitations, les deux hommes, depuis longtemps abandonnés par leurs collègues Sieyès et Barras, cédèrent à leurs injonctions. La Révellière rédigea une lettre de démission où, par fierté, il précisait qu’il se retirait non par peur, mais pour le salut de la République, et qu’il demeurait prêt à rendre compte de sa conduite ; Merlin recopia textuellement la lettre95.
46Malgré la promesse des députés, une Commission des Onze examina les accusations portées contre Treilhard, La Révellière et Merlin. Aux Cinq-Cents, les défaites militaires furent imputées aux négligences, voire à la malhonnêteté des directeurs et de leurs agents, accusés d’avoir laissé les places fortes sans approvisionnement, d’avoir envoyé des armées se perdre sur l’Adige, d’en avoir « déporté » d’autres en Egypte ; les Jacobins dénoncèrent également le remplacement du général Championnet par Schérer et l’intervention du gouvernement dans la vie politique de la République cisalpine. La politique intérieure du Directoire exécutif ne fut pas plus épargnée et l’on reprocha tout à la fois aux « Triumvirs », de n’avoir pu empêcher le renouveau de la chouannerie, d’avoir contrarié la liberté des élections et abusé de leur droit de contrôle des administrations96. Merlin et La Révellière-Lépeaux, les deux premières personnes mises en cause, étaient non seulement présentés comme des incapables, mais aussi comme des traîtres.
47Ces accusations officielles furent rapidement amplifiées dans le public, avec d’autant plus de facilité, en ce qui concerne Merlin, que le personnage était depuis longtemps la proie des chansonniers et des libellistes. Durant l’été 1799, plusieurs dizaines de pamphlets s’attaquèrent violemment aux « Triumvirs », ainsi qu’à Schérer et Rapinai, que Ton considérait comme leurs agents les plus corrompus. Dans ces petits opuscules où les directeurs étaient tantôt dépeints comme des orgueilleux épris de gloire et de fortune, tantôt comme des crypto-royalistes, pointait souvent un vif esprit jacobin qui n’épargnait guère Merlin. A la suite de sa chute, certains l’imaginaient prenant la fuite vers l’étranger, suivi « d’une quantité de voitures d’or, d’argent et effets précieux enlevés au garde meuble »97, tandis que d’autres annonçaient qu’il s’était « brûlé la cervelle » par crainte d’être arrêté98. Sous leur plume, la politique menée par Merlin devenait le reflet d’ambitions essentiellement personnelles : « Il voulait être dictateur », dit l'un des pamphlétaires99. Les rapprochements avec la chute de Robespierre paraissaient s’imposer et nombre d’auteurs rappelaient que, comme au 9 thermidor, le Corps législatif avait reconquis sa liberté et renversé les dictateurs. Ces reproches, souvent insensés, n’étaient cependant guère pris au sérieux et ne se retrouvaient pas dans les multiples adresses de félicitations reçues par les Assemblées en messidor, où le discours dominant était pourtant d’inspiration jacobine100.
48Sous cette avalanche de critiques, Merlin et ses compagnons d’infortune reçurent cependant le soutien de quelques députés dont Gillet, Creuzé-Latouche, Daunou et Chénier, qui rappelèrent que l’erreur et l’échec n’étaient pas des motifs suffisants pour une mise en accusation101. De leur côté, les directeurs tentèrent de se disculper ; comme La Révellière102, Merlin publia, en thermidor an VII, un long mémoire justificatif qu’il adressa au Conseil des Cinq-Cents. Afin de prouver qu’il était encore digne de l’estime « des vrais amis de la République », il reprenait une à une les accusations de Montpellier de l’Aude103. Il y retraçait tous les efforts du Directoire exécutif pour assurer, avec les moyens dont il disposait, l’organisation des troupes, l’approvisionnement des places et les plans de campagne ; il y justifiait les choix stratégiques et tentait d’expliquer l’échec de certains d’entre eux ; il affirmait surtout avoir toujours agi pour le bien de la République et dans la légalité, rejetant toute accusation d’arrestation arbitraire ou de violation de la Constitution. A ceux qui mettaient en cause son attachement aux institutions ou à la Révolution, il rappelait son régicide, sa contribution à l’abrogation de la féodalité, son rôle lors du 13 vendémiaire (5 octobre 1795) et sa lutte obstinée contre les émigrés et les prêtres réfractaires. Il terminait sa défense en demandant justice de toutes les accusations dont on l’accablait.
49Dans les semaines qui suivirent, l’apaisement des esprits lui permit d’obtenir raison. Au Conseil des Cinq-Cents, dans les premiers jours de fructidor an VII (août 1799), les trois dénonciations rédigées contre les « Triumvirs » furent écartées104. Même si le pire était évité, Merlin ne sortait cependant pas indemne de cette mésaventure ; il se montrait déçu, amer, et s’en prenait à un régime qu’il considérait désormais comme une « machine mal organisée »105. Cette expression, employée dans une lettre à Sieyès, trahissait son rejet de la Constitution de l’an III et sa conscience de l’échec ; elle annonçait aussi son prochain ralliement aux thèses des révisionnistes.
50Au-delà de la césure de fructidor an V (septembre 1797) qui marque, dans l’histoire du Directoire comme dans la carrière de Merlin, un tournant politique certain, le parcours de cet homme, entre 1795 et 1799, n’est pas sans recéler d’importantes continuités, voire une certaine cohérence. Comme ministre et comme directeur, il fut à la recherche d’un même but : une paix victorieuse et un rapide retour à l’ordre. Si, dans le domaine extérieur, ses positions furent celles de la plupart des Directoriaux, dans le domaine intérieur, ses préoccupations semblent à première vue détonner. Ne remarque-t-on pas, en effet, que Merlin refusa toujours simultanément le royalisme et le néo-jacobinisme ? Cette constatation invite à nuancer l’idée d’une politique directoriale incertaine, variant au gré de l’équilibre des forces ; elle rappelle que dans la préparation du « coup d’Etat du 22 floréal » (11 mai 1798), comme dans la dernière année du régime, les mesures adoptées contre les Jacobins eurent pour contrepartie la rage de certains directeurs à proscrire les prêtres réfractaires et à pourchasser les émigrés. Même si l’essentiel des mesures répressives, en fonction de l’actualité et de l’importance des dangers, penchait ou vers la droite ou vers la gauche, un homme comme Merlin refusa toujours de se compromettre avec les extrêmes. Ainsi, durant toute la durée du Directoire, Merlin rechercha le juste milieu, convaincu que la Révolution devait se terminer en refusant à la fois les projets des aristocrates et ceux des néo-Jacobins. Faute d’avoir su rétablir la paix, la prospérité et l’union des Républicains autour des principes de l’an III, il échoua dans sa quête du « règne de la loi » ; son échec, qui fut aussi celui d’un régime, l’éloigna presque définitivement de la politique.
Notes de bas de page
1 Rapport fait au nom des Comités de Salut public et de Sûreté générale, sur les événemens des 11, 12, 13 et 14 vendémiaire de l'an quatrième de la République française ; par Philippe-Ant. Merlin (de Douai). Imprimé par ordre de la Convention nationale, Arras, Lemaistre, s.d., p. 1 (A.D. Pas-de-Calais, coll. Barbier, A 1561).
2 B.N., N.A.F. 245, f° 217-218, l.a.s. de Merlin de Douai à Merlin de Thionville, datée de Paris, le 4e jour complémentaire an III (20 septembre 1795).
3 Le Moniteur universel, no 8 du 8 vendémiaire an IV (30 septembre 1795), séance du 4 vendémiaire (26 septembre), réimpression, tome XXVI, p. 60.
4 Ibid., p. 62.
5 A.N., AF II 52, pl. 387, pièce 9, arrêté des Comités de Sûreté générale et de Salut public (minute autographe de Merlin), daté du 11 vendémiaire an IV (3 octobre 1795).
6 B.N., N.A.F. 245, fo 219, l.a.s. de Merlin de Douai à Merlin de Thionville, datée de Paris, le 18 vendémiaire an IV (10 octobre 1795).
7 Le Moniteur universel, no 35 du 5 brumaire an IV (27 octobre 1795), séance du 30 vendémiaire (22 octobre), réimpression, tome XXVI, p. 274.
8 Convention nationale. Rapport et projet de Code des délits et des peines, présentés au nom de la Commission des Onze, par Ph.-Ant. Merlin (de Douai). Séance du 10 vendémiaire, an IV. Imprimés par ordre de la Convention nationale [2 octobre 1795], Paris, Imprimerie nationale, vendémiaire an IV, 142 p. in-8o. Sur les mesures proposées voir infra, chapitres 11 et 12.
9 Le Code adopté comptait six cent quarante-six articles. Voir Lois de la République française. An IVe de la République une et indivisible, no 204.
10 D’après Jean-René Suratteau, les sept cent quarante et un députés peuvent se classer de la manière suivante : quatre-vingt-huit contre-révolutionnaires, soixante-treize royalistes modérés, cent trente-neuf républicains constitutionnels modérés, deux cent quarante-deux républicains constitutionnels centristes (dont Merlin), soixante-quatre républicains constitutionnels avancés, quatre-vingt-quatre indécis et cinquante-deux indéterminés. Suratteau Jean-René, « Les élections l’an IV », A.H.R.F., no 125, 1952, p. 47.
11 Du 14 nivôse au 14 germinal an IV (4 janvier-3 avril 1796).
12 Bulletin des lois, an IV, no 1, p. 2, arrêté du Directoire exécutif daté du 12 brumaire an IV (3 novembre 1795).
13 Franqueville comte de, Le premier siècle de l’Institut de France (25 octobre 1795-25 octobre 1895), Paris, J. Rothschild, tome I, 1895, p. 20-21.
14 Organisé par la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), l’Institut national des sciences et des arts comptait cent quarante-quatre fauteuils, répartis entre trois « classes » (littérature et beaux-arts, sciences physiques et mathématiques, sciences morales et politiques), divisées chacunes en plusieurs « sections ». Franqueville comte de, op. cit., tome I, p. 18-19.
15 A.N., F7 4269, dos. 8, m.a.s. d’une lettre de Merlin au Directoire exécutif, datée du 15 nivôse an IV (5 janvier 1796).
16 Bulletin des lois, an IV, no 17, texte no 98, daté du 14 nivôse an IV (4 janvier 1796).
17 Ibid., no 37, texte no 285, arrêté du 14 germinal an IV (3 avril 1796).
18 A.N., BB4 1, imprimé du ministre de la Justice Merlin de Douai, où sont mentionnées les nominations aux principaux emplois de son Ministère (Paris, 16 brumaire an IV-7 novembre 1795).
19 Ibid., composition des bureaux du ministre de la Justice arrêtée par Merlin, le 26 germinal an IV (15 avril 1796).
20 Voir Durand-Barthez Pascal, Histoire des structures du Ministère de la Justice (1789-1945), Paris, P.U.F., 1973, p. 30.
21 Voir A.N., ΒΒ4 1, imprimé du ministre de la Justice Merlin de Douai, où sont mentionnées les nominations aux principaux emplois de son Ministère (Paris, 16 brumaire an IV-7 novembre 1795) ; ibid., état nominatif des citoyens qui composent les bureaux du ministre de la Justice (1er brumaire an VI-22 octobre 1797).
22 Durand-Barthez Pascal, op. cit., p. 27.
23 Voir A.N., BB4 1, état nominatif des citoyens qui composent les bureaux du ministre de la Justice (1er brumaire an VI-22 octobre 1797).
24 Sur sa carrière, voir ibid.
25 Voir ibid.
26 Almanach national de France, l’an quatrième de la République françoise, une et indivisible, Paris, chez Testu, s.d., p. 88 ; et A.N., F7 3006, dos. 2, pièce 27.
27 A.N., F7 3006, dos. 2, pièce 27.
28 Voir notamment A.N., BB4 1, imprimé du ministre de la Justice Merlin de Douai, où sont mentionnées les nominations aux principaux emplois de son Ministère (Paris, 16 brumaire an IV-7 novembre 1795).
29 Journal des hommes libres de tous les pays ou le républicain, no 12, du 19 brumaire an IV (10 novembre 1795), p. 47 (B.H.V.Paris, 109097).
30 A.N., F7 4269, dos. 8, document autographe de Merlin intitulé : « Observations du ministre de la Justice sur la note qui le concerne dans le no 12 du Journal des hommes libres », s.d., probablement fin brumaire an IV.
31 A.N., BB4 1, imprimé du ministre de la Justice Merlin de Douai, où sont mentionnées les nominations aux principaux emplois du Ministère (Paris, 16 brumaire an IV-7 novembre 1795).
32 Termes employés dans sa réponse au Journal des hommes libres, en brumaire an IV. A.N., F7 4269, dos. 8, Observations du ministre..., document cité.
33 Voir A.N., BB4 1, et notre thèse, op. cit., tome I, p. 253.
34 A.N., F7 3006, dos. 2, pièces 13 et 22.
35 A.N., BB4 9, arrêté autographe de Merlin, ministre de la Justice, daté du 29 pluviôse an V (17 février 1797).
36 Ibid., règlement autographe de Merlin de Douai, ministre de la Justice, daté du 18 germinal an IV (7 avril 1796).
37 Sur cette méthode de travail voir A.N., BB3 22, pièces 145, 184 et 147.
38 Ibid., pièces 206, 207 et 247.
39 A.N., BB4 1, rapport autographe du ministre de la Justice Merlin au Directoire exécutif, daté du 17 messidor an V (5 juillet 1797).
40 Voir la circulaire imprimée du 27 germinal an IV (16 avril 1796), dont un exemplaire est conservé à la B.M.Douai (ms. 1710, pièce 8), et les réponses à cette enquête aux A.N., dans le carton BB2 28.
41 A.D.Nord, L 10666, nombreuses lettres de Merlin de Douai à l’accusateur public du Tribunal criminel du Nord (an IV).
42 A.D.Nord, L 10666, copie d’une lettre du ministre de la Justice Merlin aux directeurs du jury d’accusation, datée de Paris, le 5 frimaire an IV (26 novembre 1795).
43 Une lettre imprimée, rappelant les limites des pouvoirs du ministre, était prête (Bureau civil. Le ministre de la justice à..., 2 p. in-4°. A.N., BB2 27).
44 Qui défendait aux avoués de retenir des pièces pour défaut de paiement. A.N., BB16 708, l.a.s. de Merlin, ministre de la Justice, à Boudard, datée du 5 messidor an IV (23 juin 1796).
45 Sur ces questions voir B.A.V.Paris, ms. 11, pièce 2, fi 5-6, circulaire du ministre de la Police générale Merlin aux commissaires de police du canton de Paris, datée du 5 pluviôse an IV (25 janvier 1796).
46 Voir notre thèse, op. cit., tome I, p. 260-262.
47 Suratteau Jean-René, Les élections de l'an VI et le « Coup d'Etat du 22 floréal » (11 mai 1798), Paris, Les belles lettres, 1971, p. 72.
48 Journal des hommes libres..., no 63, du 10 nivôse an IV (31 décembre 1795), p. 252.
49 On retrouve des dizaines de lettres de Merlin sur cette affaire dans les cartons BB3 20 et BB3 21 des A.N.
50 A.N., BB3 21, pièce 334, m.a. d’une lettre de Merlin, au nom du président du Directoire exécutif, au président de la Haute Cour de justice de Vendôme (21 fructidor an IV-7 septembre 1796) ; et pièce 387, m.a.s. d’une lettre de Merlin au citoyen Vieillard de Coutances, accusateur national près de la Haute Cour (21 brumaire an V-l 1 novembre 1796).
51 Il s’opposa sur ce dossier à son collègue de l’Intérieur, beaucoup moins rigoriste. A.N., BB3 22, pièce 108, m.a. d’un message au Conseil des Cinq-Cents, s.d. [en haut : 16 messidor an V-4 juillet 1797],
52 B.A.V.Paris, ms. 11, pièce 17, F 32, circulaire du ministre de la Police générale Merlin aux administrations centrales des départements, 10 ventôse an IV (29 février 1796).
53 Voir par exemple : A.D.Nord, L 10665, circulaires imprimées du ministre de la Justice Merlin, du 18 frimaire an IV (9 décembre 1795) et du 4 brumaire an V (25 octobre 1796) ; B.A.V.Paris, ms. 11, pièce 13, T 20-21, circulaire du ministre de la Police générale Merlin, 23 pluviôse an IV (12 février 1796).
54 Voir Bezegher Général, « Un drame de l’émigration. Les naufragés de Choiseul-Hussards (1795-1799) », Bulletin trimestriel de la Société académique des antiquaires de la Morirne, tome XXI, septembre 1972, p. 609-621.
55 Rapport du ministre de la Justice Merlin au Directoire exécutif, daté du 14 pluviôse an V (2 février 1797), reproduit dans Le Moniteur universel, no 143 du 23 pluviôse an V (11 février 1797), réimpression, tome XXVIII, p. 559-560.
56 Lettre du ministre de la Justice, au président du Conseil de guerre [29 ventôse an V-19 mars 1797], imprimerie de la veuve Gorsas [Paris], s.d., 15 p. in-8° (B.H.V.Paris, 967802). Voir aussi : Barras Paul, op. cit., tome II, 1895, p. 352-355 ; Le Moniteur universel, no 182 du 2 germinal an V (22 mars 1797), Conseil militaire, séance du 29 ventôse (19 mars 1797), réimpression, tome XXVIII, p. 623-624.
57 Barras Paul, op. cit., tome II, p. 376.
58 Anecdote rapportée par Guibert Noëlle et Razgonnikoff Jacqueline, Le journal de la Comédie française (1787-1799). La Comédie aux trois couleurs, Antony, SIDES-Empreintes, 1989, p. 291.
59 Barras Paul, op. cit., tome III, p. 18.
60 Voir Suratteau Jean-René, Les élections de l'an VI..., op. cit., p. 32-34.
61 A.D.Nord, L 810, copie incomplète d’une lettre de Merlin, sans destinataire, datée de Paris, le 19 fructidor [an V-5 septembre 1797],
62 Au Conseil des Anciens, Merlin obtint soixante-quatorze voix sur cent trente-neuf (Bulletin des lois, an V, no 143, article no 1404, p. 11).
63 Voir Pierre Victor, 18 fructidor. Documents pour la plupart inédits, Paris, Alphonse Picard, 1893, p. XIV. Thibaudeau Antoine Claire, op. cit., tome II, p. 273-274.
64 Voir infra, chapitres 7 et 8.
65 Suratteau Jean-René, Les élections de l’an VI..., op. cit., p. 75.
66 Voir Barras Paul, op. cit., tome III, p. 40-41.
67 Ibid., tome ΙII, p. 156.
68 Ph. Ant. Merlin, membre de l’Institut national..., op. cit., p. 43-44.
69 Voir Meynier Albert, Les coups d’Etat du Directoire, tome II, Le vingtdeux floréal an VI (11 mai 1798) et le trente prairial an VII (18 juin 1799), Paris, P.U.F., 1928, p. 43-51 ; Suratteau Jean-René, Les élections de l’an VI..., op. cit., p. 104-182.
70 Voir les arrêtés du Directoire exécutif, notamment aux A.N., F7 4372 : no 1497, 24 ventôse (Gand. 14 mars 1798) ; no 1516, 29 ventôse (Versailles. 19 mars) ; no 1519, 29 ventôse (Marseille. 19 mars) ; no 1523, 6 germinal (Nevers. 26 mars) ; no 1579, 11 germinal (Cahors, Montauban, Moissac. 31 mars) ; etc.
71 Voir A.N., AF ΙII 516, dos. 3301, pièce 39, minute d’arrêté autographe de Merlin, daté du 22 germinal an VI (11 avril 1798), par lequel il destitue presque tous les administrateurs du département de la Nièvre.
72 Suratteau Jean-René, Les élections de l’an VI..., op. cit., p. 190.
73 Ainsi, la Feuille politique fut interdite le 12 floréal (1er mai 1798. Voir A.N., F7 4372, no 1632), et Le cercle, ou journal des arts et des plaisirs le lendemain (ibid., arrêté du Directoire exécutif daté du 13 floréal an VI-2 mai 1798).
74 A.N., AF ΙII 515, dos. 3284, pièce 71, minute d’arrêté autographe de Merlin, daté du 13 germinal an VI (2 avril 1798), qui destitue le commandant de la garde nationale du Mans (signé à la minute : Merlin, La Révellière et Reubell).
75 A.N., AF III 514, dos. 3276, pièces 52 et 53, minute de la proclamation du Directoire exécutif aux Français du 9 germinal an VI (29 mars 1798), presque entièrement autographe de Merlin. Publiée dans Le Moniteur universel, no 191 du 11 germinal an VT (31 mars 1798), réimpression, tome XXIX, p. 220.
76 Barras Paul, op. cit., tome III, p. 203 et 211-212.
77 Certaines assemblées électorales se scindèrent même en trois. Suratteau Jean-René, Les élections de l'an VI..., op. cit., p. 231.
78 Ibid., p. 261 et 293.
79 Le nouveau Corps législatif comptait également quatre-vingts Directoriaux supposés, et cinquante élus aux convictions indéterminées. Chiffres de Suratteau Jean-René, Les élections de l'an VI..., op. cit., p. 305.
80 Voir Meynier Albert, op. cit., tome II, p. 75-77 et Suratteau Jean-René, Les élections de l’an VI..., op. cit., p. 320-322.
81 Barras Paul, op. cit., tome III, p. 217-218 ; Suratteau Jean-René, Les élections de l'an VI..., op. cit., p. 339.
82 Voir Meynier Albert, op. cit., tome II, p. 81-85 et Suratteau Jean-René, Les élections de l'an VI..., op. cit., p. 324-329.
83 Sur ce point, nous nous détachons quelque peu des analyses de Jean-René Suratteau (voir Les élections de l’an VI..., op. cit., p. 101).
84 Le Moniteur universel, no 299, 29 messidor an VI (17 juillet 1798), p. 1198-1199.
85 Ibid., no 327, 27 thermidor an VI (14 août 1798), p. 1310 : discours prononcé au Champ-de-Mars, par le citoyen Merlin, président par intérim du Directoire exécutif, le 26 thermidor (13 août 1798).
86 Ibid., no 314, 14 thermidor an VI (1er août 1798), p. 1258-1259 : discours prononcé par Merlin, président du Directoire exécutif par intérim, le 10 thermidor (28 juillet 1798), au Champ-de-Mars.
87 Ibid., no 265, 25 prairial an VII (13 juin 1799), réimpression, tome XXIX, p. 707-708, discours de Merlin sur l’assassinat des plénipotentiaires français à Rastadt.
88 Voir notre chapitre 10.
89 Barras Paul, op. cit., tome III, p. 355.
90 Le Moniteur universel, no 266 du 26 prairial an VII (14 juin 1799), réimpression, tome XXIX, p. 708.
91 Voir Mac Dougall Ronald, « La "consomption" de la première République et le "coup d’Etat du 30 prairial" (18 juin 1799) », A.H.R.F., no 275, 1989, notamment p. 58-61.
92 Le Moniteur universel, no 272 du 2 messidor an VH (20 juin 1799), p. 1108, séance du Conseil des Cinq-Cents du 28 prairial (16 juin).
93 Ibid., no 274 du 4 messidor an VII (22 juin 1799), p. 1116-1117, séance du Conseil des Cinq-Cents du 30 prairial (18 juin).
94 Ibid., no 273 du 3 messidor an VU (21 juin 1799), p. 1114, séance du Conseil des Cinq-Cents du 30 prairial an VH (18 juin 1799).
95 A.N., C 579, dos. 124. Voir aussi, sur cette séance, Meynier Albert, op. cit., tome II, p. 221.
96 Rapport de Montpellier de l’Aude, reproduit dans Le Moniteur universel, no 297 du 27 messidor an VII (15 juillet 1799), séance du Conseil des Cinq-Cents du 24 messidor (12 juillet 1799).
97 Savy de la Corèze, Arrestation de Schérer, de Merlin, et Lareveillère près de Hambourg, Denis, s.d., p. 1 (B.H.V.Paris, 703449, no 21) ; Lebeau, Trente-six chandelles et le nez dessus..., imprimerie de Meunier, s.d., p. 3 et 8 (B.H.V.Paris, 961858).
98 Cochois, Accusation par le corps législatif, contre les ex-directeurs. Fuite de Merlin, ex-directeur, qui s'est brûlé la cervelle, pour ne pas périr sur l'échafaud. Détail cruel de sa mort, Lachave, s.d., p. 5 (B.H.V.Paris, 703449, no 14).
99 Permanence d’une grande conspiration et la fuite de Bailleul, imprimerie de Markey, s.d., p. 3-4 (B.H.V.Paris, 703449, no 28).
100 Documents conservés aux A.N., C 685 et C 686. Ils ont été récemment étudiés par Gainot Bernard, « Les adresses de félicitations parvenues au Corps législatif pour les journées des 29-30 prairial an VII », A.H.R.F., no 273, 1988, p. 265-288.
101 Le Moniteur universel, no 325 du 25 thermidor an VII (12 août 1799), p. 1319, Comité Secret du Conseil des Cinq-Cents du 21 thermidor (8 août) ; ibid., no 327 du 27 thermidor (14 août 1799), p. 1328, Comité Secret du Conseil des Cinq-Cents du 24 thermidor (11 août) ; ibid., no 328 du 28 thermidor (15 août 1799), p. 1331, Comité Général du Conseil des Cinq-Cents du 24 thermidor (11 août).
102 La Revelliere-Lepeaux Louis Marie de, Réponses de L.-M. Revellière Lépeaux aux dénonciations portées au Corps législatif, contre lui et ses anciens collègues, 15 thermidor an 7 [2 août 1799], Paris, imprimerie E.J. Jansen, s.d., 91 p. in-8°.
103 Sa justification s’articule en quinze points. Voir Ph. Ant. Merlin, membre de l’Institut national..., op. cit.
104 Le Moniteur universel, no 334 du 4 fructidor an VU (21 août 1799), p. 1358, séance du Conseil des Cinq-Cents du 1er fructidor (18 août 1799), rejet des dénonciations de Deléchaux et des citoyens du 5e arrondissement ; ibid., no 335 du 6 fructidor an VII (23 août 1799), p. 1362, séance du Conseil des Cinq-Cents du 2 fructidor (19 août), rejet de la dénonciation de l’agent diplomatique Ruelle.
105 A.N., 284 AP 16, dos. 3, l.a.s. de Merlin à Sieyès, datée du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799).
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