3. Une Terreur nécessaire ?
De la défense au reniement d’un intermède politique
p. 69-94
Texte intégral
1A lire les réflexions des anciens Conventionnels sur l’an II, on est souvent confronté à un discours qui met l’accent sur la servilité obligée des députés, dénonce le despotisme du peuple de Paris et présente la Terreur comme une perversion tragique de la Révolution : c’est une « déviation malheureuse » selon Thibaudeau1 ; le « J’ai vécu » de Sieyès semble être repris en chœur par bien des Thermidoriens. Pour les hommes de la Plaine qui, en l'an III, avaient cherché à minimiser leur collaboration à la politique montagnarde, c’était un moyen commode de rejeter sur d’autres la responsabilité de l’étape la plus violente de la Révolution. Conformément à cette tradition, Merlin est souvent présenté comme une victime des Robespierristes ; dans sa biographie du jurisconsulte, Louis Gruffy, s’inspirant des interprétations d’Auguste Mignet, nous le présente comme un homme faible qui « tremblait sous la Terreur » ; son œuvre de rédacteur du droit terroriste n’aurait été accomplie que sous l’empire de la crainte2. Tout semble pourtant prouver que sa collaboration fut, dans une large mesure, librement acceptée comme un expédient temporaire, mais radical, pour sauver la République menacée.
L’expérience des dangers
2Tandis que la situation militaire du pays se redressait brusquement, à l’automne 1792, la Convention détacha certains de ses membres aux armées : En mission en Belgique puis en Bretagne, de janvier à juillet 1793, Merlin fut ainsi confronté, loin de Paris, à toutes les menaces qui pesaient sur la jeune République : de l’hostilité des populations belges à l’offensive des armées de Cobourg, du soulèvement vendéen à l’insurrection « fédéraliste3 » ; à n’en pas douter, cette expérience des dangers contribua à radicaliser ses choix politiques. L’étude des missions de 1793 rejoint ainsi l’interrogation sur les origines de la Terreur, et notamment la question très discutée du poids des événements dans son déclenchement.
3En Belgique, où il avait été nommé commissaire le 13 janvier 1793, Merlin, assisté des députés Treilhard, Gossuin, Danton, Delacroix et Camus, avait pour première mission de veiller à la bonne organisation des armées en inspectant les places fortes, en passant les régiments en revue et en conservant un contact étroit avec les chefs militaires. Les défaillances et les difficultés des troupes, des ports et des villes de la région, étaient cependant d’une telle ampleur qu’il ne parvint pas toujours à les réduire. La situation paraissait d’autant plus grave que les Brabançons, dont Merlin avait longtemps espéré l’alliance, se montraient rétifs à l’occupation française. Il est vrai que, depuis Valmy, la Convention prétendait propager en Europe les principes de la Révolution. Par un décret adopté dans la séance du 15 décembre 1792, elle avait entrepris de révolutionner les régions qu’occupaient ses troupes ; avant l’organisation d’un « gouvernement libre et populaire », la Convention avait cependant placé sous séquestre « tous les biens meubles et immeubles appartenant au fisc, au prince, à ses fauteurs [...], aux établissements publics, aux corps et communautés laïques et ecclésiastiques » de ces pays4. Cette décision allait provoquer une véritable fracture entre les Français et leurs voisins.
4Merlin se montra pourtant dès l’abord convaincu de la nécessité et de l’opportunité de cette mesure, et ne renia jamais sa prise de position, même après la perte de la Belgique. Ainsi, il ne remit aucunement en cause la politique religieuse des commissaires, qui méconnaissait cependant la souveraineté des Belges et blessait leur sens religieux. Si la recherche des biens des émigrés et du clergé français qui se trouvaient en Belgique laissait la population presque indifférente, il n’en allait pas de même du séquestre des biens de l’Eglise du pays. Le 5 mars 1793, par crainte de la progression des armées autrichiennes, Merlin, Gossuin, Danton et Delacroix avaient ainsi chargé les commissaires nationaux de mettre à l’abri l’argenterie placée sous séquestre en la transportant à Lille5. Appliquant avec zèle ces consignes, les agents de l’Etat avaient saisi, à tort, les argenteries des églises paroissiales et les objets nécessaires à l’exercice du culte dans les églises des chapitres et des abbayes ; l’enlèvement s’était d’ailleurs accompagné de vols et de profanations, notamment à Bruxelles, qui avaient parfois provoqué le soulèvement des populations.
5Merlin ne condamna pas davantage le rattachement précipité de ces provinces à la France, dont il fut, il est vrai, l’un des principaux artisans. Ainsi, dans le Brabant, que les commissaires jugeaient bien mal disposé envers la République, les consultations électorales furent soigneusement organisées par Merlin et Gossuin, et non par les généraux comme le demandaient les décrets de la Convention6. Afin d’obtenir le vote souhaité et d’éviter tout désordre, les commissaires firent contrôler les élections par la force publique. Accompagnés de troupes, ils se déplacèrent de ville en ville où, pour des raisons de sécurité, chaque assemblée primaire avait été convoquée à un jour différent. A Bruxelles, le 25 février, puis dans les autres communes de la province, ils obtinrent ainsi une grande majorité de votes en faveur de la réunion ; l’enthousiasme annoncé des électeurs était cependant en grande partie factice.
6Dans son analyse de l’échec des Français en Belgique, Merlin ne sembla pourtant retenir que la résistance des prêtres, le complot des émigrés, l’échec militaire et les trahisons de l’étranger. Dans cette attitude, il est difficile de faire la part de l’aveuglement et celle du calcul politique. L’on peut cependant penser que depuis les révoltes du mois de mars, et probablement avant, Merlin devait être conscient des causes du mécontentement des Belges ; ses objectifs politiques ne lui permettaient cependant ni d’y mettre un terme, ni de les reconnaître officiellement. En fait, l’intérêt financier de l’Etat semblait justifier les mesures les plus impopulaires.
7De retour de mission. Merlin entendit ainsi faire peser la responsabilité de l’évacuation de la Belgique sur les seuls généraux, coupables de n’avoir pu endiguer la contre-offensive de Cobourg. A la Convention, il dénonça sévèrement la trahison des chefs militaires ; celle de Dumouriez, bien sûr, qu’il n’avait aucunement pressentie ; mais aussi celle de l’adjudant major Devaux, dont il obtint, le 7 avril, la mise en jugement devant le Tribunal criminel extraordinaire7. Cinq jours plus tard, ce fut une fois encore Merlin qui obtint que les généraux Lanoue et Stengel, accusés de n’avoir pas protégé Aix-la-Chapelle alors qu’ils connaissaient les menaces qui pesaient sur ce point de la frontière, fussent déférés devant la même juridiction8. Pour Merlin, en 1793 comme en 1792, la responsabilité de l’échec militaire reposait avant tout sur les officiers. A la Convention, il n’évoquait ni l’indiscipline des troupes, ni la supériorité des armées autrichiennes, ni l’indécision dont les commissaires avaient souvent fait preuve. Malgré un discours volontairement réducteur, le député n’en avait pas moins commencé à tirer les leçons de son expérience et à reconnaître les imperfections ou les erreurs de la politique menée ; de mai à juillet 1793, une difficile mission en Bretagne et aux marches de la Vendée acheva cette douloureuse prise de conscience.
8Le 30 avril 1793, moins d’un mois après son retour dans la capitale, Merlin de Douai lut nommé commissaire près de l’armée des Côtes de Brest, dont l’autorité s’étendait sur toute la Bretagne, de Nantes à Saint-Malo ; la Convention y délégua également les bretons Sevestre et Gillet, et l'aquitain Cavaignac. Pendant trois mois, ils affrontèrent d’importants obstacles, qui furent cependant différents de ceux rencontrés dans les anciens Pays-Bas autrichiens, même si les difficultés d’organisation des troupes n’étaient pas absentes : à la contre-offensive autrichienne et aux résistances des populations occupées correspondaient ici les dangers vendéen et « fédéraliste ».
9Au mois de mai, dans les premiers jours de leur mission, Merlin, Gillet, Sevestre et Cavaignac considéraient avec un certain mépris le soulèvement vendéen. Dans leur esprit, il semblait qu’il dût rapidement s’éteindre, comme s’étaient calmées les insurrections de Bretagne déclenchées par la levée des trois cent mille hommes. En attendant une puissante offensive, les commissaires se préoccupaient cependant de séparer la Vendée de l’Océan, et tentaient de frapper l’opinion publique tantôt par des promesses de clémence, tantôt par l’usage de la répression. Mais l’Armée catholique et royale était organisée, bien armée et bien commandée. Le 9 juin, elle s’empara de Saumur ; le 12, elle prit Cathelineau pour chef et prépara l’attaque d’Angers et surtout de Nantes, que les commissaires durent contribuer à défendre dans les journées des 28 et 29 juin 1793. 11 fallut attendre le 20 juillet, pour que Merlin et Cavaignac reconnussent enfin l’enlisement du conflit9.
10Le deuxième danger que dut affronter Merlin fut celui du « fédéralisme ». La nouvelle du soulèvement sans-culotte du 31 mai 1793 fut très mal accueillie en Bretagne, où les discours de Marat, les prétentions de la Commune de Paris et la politique des Montagnards irritaient nombre de citoyens. Face aux événements parisiens et aux réactions locales, la position de Merlin parut longtemps incertaine. Le 1er juin, à Vannes, il reçut les échos des incidents de la veille, en mesura l’impact sur l’opinion et s’en inquiéta auprès du Comité de Salut public10. Quelques jours plus tard, à la nouvelle de l’arrestation des principaux députés girondins (2 juin 1793), les commissaires se montrèrent cette fois désemparés. Longtemps ils hésitèrent. Le silence du Comité de Salut public et de la Convention, qui ne leur donnaient aucune nouvelle, ne faisait qu’accentuer leur malaise.
11C’est dans ce délicat contexte que l’on doit replacer leur arrêté du 14 juin 1793, dont le préambule ne manquait pas d’ambiguïté. Merlin, Gillet et Cavaignac y chargeaient Sevestre, dépêché pour l’occasion à Paris, de décrire à la Convention « l’effet désastreux » des journées du 31 mai et du 2 juin dans toute la Bretagne ; ils écrivaient :
Que ce mécontentement a été provoqué par les excès auxquels on s’est porté contre la Convention Nationale, dans les journées des 31 Mai, 1er & 2 Juin ; par la foiblesse qu’elle a montrée en accédant aux vœux d’hommes armés qui, entourant le lieu de ses Séances, lui ont dicté des Loix.
12Ils insistaient aussi sur la remise en cause de l’autorité de la Convention et de ses commissaires, et appelaient de leurs vœux de promptes mesures capables de rétablir la confiance11. Il ne faudrait cependant pas interpréter ce document comme une condamnation sans appel de la chute de la Gironde. En fait, son sens était double : d’un côté, il est indubitable que Merlin et ses collègues réprouvaient les mouvements du peuple de Paris et la violation de la représentation nationale ; mais de l’autre, ils ne pouvaient accepter que cet événement allumât en France de nouveaux foyers de rébellion. De plus, il leur paraissait instant de préserver leur autorité et leur liberté, déjà menacées dans le Finistère. Les commissaires ne pouvaient ainsi qu’accepter le fait accompli. Leur texte, par son aspect peut-être volontairement équivoque, révèle ainsi la détermination des députés à poursuivre leur mission sans entrave, au besoin en feignant d’épouser la cause bretonne. La préservation de leur autorité semblait être à ce prix, mais la paix ne put pour autant être rétablie.
13De retour à Paris, à la fin du mois de juillet 1793, Merlin parut ainsi prêt à tirer de ses missions quelques enseignements essentiels. Le manque d’hommes, aussi vif aux armées du Nord qu’en Bretagne, le préparait à soutenir la levée en masse ; l’accaparement et les difficultés d’approvisionnement des troupes lui permettraient d’accepter le maximum général, non sans réticences ; la trahison de quelques généraux et la confrontation aux dangers « fédéraliste » et vendéen, faciliteraient son adhésion à la Terreur judiciaire. Au cours de ses missions, il avait d’ailleurs à maintes reprises montré une sévérité qui annonçait les prochaines mesures d’exception : à son retour de Belgique, en avril 1793, il avait fait déférer plusieurs généraux devant le Tribunal criminel extraordinaire nouvellement créé ; en Bretagne, il avait établi des commissions militaires chargées de punir rapidement les insurgés, avait approuvé l’incarcération de suspects et s’était montré inflexible face à l’insurrection « fédéraliste » de Nantes.
14A l’issue de ses missions, Merlin décida ainsi d’accepter les récents bouleversements politiques. Comme Hentz et Guiot, il fut d’ailleurs choisi par le Comité de Législation, où il venait d’être élu, pour rédiger, aux côtés de quatre membres du Comité de Sûreté générale, l’acte d’accusation contre les Girondins arrêtés le 2 juin, travail qu’il chercha à accomplir avec une grande célérité12. A la même époque, il se rangea également parmi ceux qui condamnaient le meurtre de Marat. Certes, à aucun moment il n’avait épousé ses idées ni apprécié son outrance ; il s’était pourtant toujours refusé à attaquer de front l’ami du peuple. Le 13 avril 1793, tandis que la Plaine et la Gironde prononçaient l’inculpation de Marat et rejetaient l’ajournement demandé notamment par Cambacérès, Merlin s’était abstenu de voter13. A la fois par prudence et par désintérêt pour les querelles de partis, il se refusait à intervenir dans les joutes politiques de l'Assemblée. En août 1793, Merlin conservait les mêmes convictions et ne paraissait pas désapprouver le culte des « martyrs de la liberté », sans pour autant accepter le mouvement déchristianisateur qui commençait à l’accompagner14.
15En s’inspirant des analyses d’Albert Soboul, on pourrait interpréter ces premiers choix de Merlin comme le signe de sa reconnaissance du nécessaire appui sans-culotte à la Révolution ; en acceptant la chute de la Gironde et le culte des « martyrs », il aurait manifesté sa conviction que, pour triompher, la République devait se ménager l’appui du peuple de Paris. Il ne semble cependant pas que ce schéma puisse s’appliquer à Merlin. Le pragmatisme dont il fit preuve, pendant l’été 1793, ne paraît pas se justifier par un quelconque besoin de la sans-culotterie, mais plutôt par une évidente conscience du pouvoir et des dangers qu’elle représentait ; en fait, tout en acceptant la politique montagnarde, Merlin regrettait probablement le poids des sans-culottes, des sections et de la Commune de Paris dans la vie politique du pays.
16Quoi qu’il en soit, les Montagnards reconnaissaient en Merlin de Douai un homme de confiance et de talent, l’un de ceux dont les comités aimaient à s’attacher le concours. Le 19 août 1793, la Convention décida de mettre à profit son expérience de missionnaire et le nomma, comme Gossuin et quatre autres députés, membre de la Commission chargée d’examiner la conduite des agents publics en Belgique et plus généralement toutes les affaires de ce pays15. Le Comité de la Guerre, débordé de travail, réclamait lui aussi la collaboration du jurisconsulte. Dans la séance du 27 août, il obtint que douze membres lui fussent adjoints, parmi lesquels on trouvait une fois encore Merlin et Gossuin16. Le député croyait impossible d’assurer simultanément tant de responsabilités. Comme il montrait une nette préférence pour le Comité de Législation, dont les travaux l’absorbaient mais répondaient à ses attentes, il exprima le désir de s’y investir complètement ; le vœu était d’autant plus vif que, depuis le 22 août, sous la présidence de Robespierre, ses journées étaient occupées par les fonctions de secrétaire de la Convention où les députés l’avaient élu, pour un mois, en compagnie de Lakanal et de Lavicomterie17. Le 27 août 1793, Merlin s’éleva ainsi contre la multitude des tâches qu’on lui confiait et obtint de quitter le Comité de la Guerre et la Commission des Affaires de Belgique18. Il se consacra dès lors à l’élaboration du droit nouveau, ainsi qu’à la lutte contre les ennemis intérieurs de la République.
17Depuis le 3 juin 1793, le Comité de Législation était partagé en deux « divisions » dont la première, appelée « systématique », se consacrait à la préparation des procédures et des lois civiles et criminelles19. La seconde division, dite « des rapports », devait se prononcer sur les pétitions, les questions et les affaires qui lui étaient renvoyées par les députés. Comme le comité ne pouvait ni prendre de décisions, ni émettre d’avis, son rôle était de présenter à l’Assemblée des rapports et des projets de décrets.
18A l’intérieur du comité, ordinairement composé de quarante-huit membres, le travail reposait essentiellement sur un petit groupe de députés. En décembre 1792, Cambacérès avait violemment protesté contre le manque d’assiduité des commissaires, qui n’étaient jamais plus de dix-huit en séance ! Six mois plus tard, le problème demeurait et paraissait même s’être aggravé. Certes, d’août à octobre 1793, le nombre des présents atteignit couramment la quinzaine ; cependant, dès le second mois de l’an II, il n’oscilla plus qu’entre quatre et huit. Cette surprenante désaffection se poursuivit jusqu’à la fin de thermidor an II20. Ainsi, l’essentiel du travail était effectué par quelques rares députés, dont les quatre principaux étaient Pons de Verdun, Bezard, Cambacérès et Merlin ; venaient ensuite Oudot, Berlier et Treilhard. Par son assiduité et l’investissement de travail qui en était le prix, Merlin devint l’un des premiers rapporteurs du Comité de Législation. Pendant l’an II, l’essentiel de ses interventions à la tribune de l’Assemblée consistait en des analyses de questions soulevées par les tribunaux, les administrations départementales ou de simples citoyens. Certaines lois gardent également son empreinte ; il lui échut ainsi de compléter les décrets sur la féodalité et l’institution des jurés, qu’il avait pourtant longtemps considérés comme définitifs21. Il participa encore à l’élaboration d’un premier projet de Code civil, adopté mais jamais promulgué22.
19Comme la plupart des hommes de la Plaine, Merlin avait ainsi accepté le nouvel élan révolutionnaire et consenti à remettre sur le métier des réformes qu’il estimait achevées. Mais là ne se limita pas son travail au Comité de Législation. Il reçut également l’ingrat privilège de rédiger et de présenter certains grands textes terroristes, comme la loi des suspects ou la division du Tribunal criminel extraordinaire. De cette étroite collaboration à la Terreur, dont on lui fit souvent reproche, il allait conserver l’éloquent et peu flatteur sobriquet de « Merlin suspect ».
« Merlin suspect », un rédacteur du droit terroriste
20Pour Hippolyte Taine, obsédé par l’image de la Terreur, Merlin de Douai est « Le légiste atroce, l’inquisiteur laïque, le bourreau en chambre »23. Cette condamnation, Merlin la doit essentiellement à la rédaction de la loi des suspects du 17 septembre 1793, dont la plupart de ses biographes ont pourtant tenté de le disculper partiellement. Louis Gruffy, persuadé de la pusillanimité du personnage, explique ainsi qu’il accepta cette tâche sous la pression de ses collègues du Comité de Législation qui menaçaient de dénoncer à l’Assemblée sa « protestation » du 14 juin 179324. L’interprétation peut cependant difficilement être retenue, tant il paraît que le jurisconsulte soutint avec conviction la Terreur.
21Le 12 août 1793, avec la volonté de mettre tous les ennemis de la République hors d’état de lui nuire, Danton et Legendre avaient proposé l’arrestation de tous les suspects. Le soin d’élaborer le mode d’exécution de ce décret revint au Comité de Législation. Pour éviter les abus, et notamment les arrestations arbitraires ou les élargissements injustifiés, il convenait avant tout de définir le terme de suspect. Au comité, le choix du rapporteur se fixa sur Merlin25, qui ne semble aucunement avoir accepté cette tâche pour sauver sa vie. Cambacérès, Charlier, Bar, Hentz et Oudot, ses collègues présents au comité le 16 août, ne se distinguaient pas tous par leur extrémisme politique et n’étaient aucunement en mauvais termes avec lui. Quant à son arrêté du 14 juin, dont nombre d’exemplaires étaient parvenus à la Convention, on conçoit mal comment le rappel de son existence eût pu le menacer de l’échafaud.
22Il est ainsi probable que le député, peut-être de mauvaise grâce26, se soit mis au travail sans qu’on ait eu besoin de le menacer. Dès le 19 août, il présenta au comité un projet de décret dont le texte ne nous est pas parvenu, mais qui devait être encore bien modéré puisqu’il fut ajourné, tandis que Guyton et Hentz étaient adjoints au rapporteur afin, dit le procès-verbal, qu’ils présentassent « de concert de nouvelles vues sur cet objet important »27. Un nouveau projet fût élaboré, reçut l’aval du comité, mais fut mal accueilli par la Convention le 31 août, bien que l’essentiel de la loi du 17 septembre s’y retrouvât déjà28. D’après le Procès-verbal d'un beau dîner, favorable à Merlin, certains députés auraient même lancé qu’il paraissait dicté de Coblence29.
23Merlin et ses collègues prirent alors le parti de rédiger une loi conforme à l’attente des meneurs de la Convention, particulièrement sensibles aux pressions des sans-culottes parisiens. Parallèlement, il est possible que l’aggravation de la crise « fédéraliste » et l’accumulation des déboires militaires renforcèrent le député dans sa conviction que la Terreur pouvait sauver le pays. De même, vers la mi-septembre, les rumeurs d’un nouveau massacre populaire donnèrent à sa loi une justification supplémentaire ; ne pouvait-elle, en effet, être envisagée comme une mesure capable d’éviter une hécatombe et d’endiguer la poussée sans-culotte30 ? Le 17 septembre 1793, le nouveau projet de Merlin ne fut cependant adopté qu’après de nombreux amendements31. Ce second texte élargissait considérablement la notion de suspect, jusqu’à la rendre souvent très floue. Les partisans de la tyrannie, les ennemis de la liberté, les citoyens qui ne pouvaient justifier de leurs moyens d’existence ou de l’accomplissement de leurs devoirs civiques étaient, comme au 31 août, mis en cause. Outre ces personnes, Merlin dénonçait les individus à qui l’on avait refusé des certificats de civisme, les citoyens suspendus de leurs fonctions par la Convention ou ses commissaires, et les ci-devant nobles et agents d’émigrés qui n’avaient « pas constamment manifesté leur attachement à la révolution » ; ainsi, la définition du suspect faisait fréquemment appel à des jugements subjectifs. Les députés ne se contentèrent cependant pas de cette liste déjà longue et, sans le concours de Merlin de Douai, y ajoutèrent tous les émigrés, même rentrés dans le délai fixé par la loi. Le projet du 17 septembre se distinguait encore du précédent par la précision que les suspects resteraient incarcérés jusqu’à la paix. A l’époque, il n’était ni question de les juger, ni prévu de séquestrer leurs biens32, mais simplement de les nourrir et de les garder à leurs propres frais.
24Même si Merlin ne nous a laissé aucun témoignage sur sa collaboration à cette loi, il semble possible de soutenir qu’après quelques hésitations il en accepta la sévérité, voire l’arbitraire ; le chemin parcouru rappelle d’ailleurs son acceptation de la République, où la crainte du peuple et des dangers extérieurs avait été déterminante. Ainsi, le 21 octobre 1793, Merlin conclut une lettre à Simon de Maibelle, son ancien professeur de droit, en qualifiant sa loi de « rigoureuse mais nécessaire et indispensable »33. Le même jour, dans une lettre également signée de Cambacérès, Guiot et Bezard, il proposa au Comité de Salut public de déclarer suspect tout citoyen qui refuserait, de manière injustifiée, de remplir une fonction où l’appellerait un représentant du peuple en mission34. Un mois après l’adoption de la loi du 17 septembre, Merlin de Douai ne manifestait aucune opposition de principe à ce texte dont il cherchait même à étendre la portée ; selon Carnot, Merlin avait été « séduit, comme beaucoup d’autres », par les avantages politiques de cette mesure35.
25Ainsi, dans les mois qui suivirent, et pendant toute la Terreur, Merlin de Douai ne tenta jamais d’adoucir les dispositions de sa loi, même s’il intervint parfois en faveur de parents ou d’amis qui s’en trouvaient victimes comme l’ancien constituant Simon de Maibelle36, le conventionnel Fockedey37, l’imprimeur douaisien Lagarde38 ou encore son parent Warenghien de Flory, ancien commissaire du roi au Tribunal criminel du Nord39. Pour comprendre l’attitude de Merlin, il ne faut pourtant pas se laisser abuser par ces indices d’une modération encore latente. Le jurisconsulte ne fut pas cet homme faible et craintif qui aurait, pendant près d’une année, subi la Terreur. Ses interventions ponctuelles ne remettaient aucunement en cause son acceptation de la politique terroriste ; en pragmatique, il acceptait les mesures d’exception et croyait probablement en leur efficacité. Son adhésion à la Terreur était sincère, calculée, réfléchie ; un actif concours à l’élaboration du droit révolutionnaire en est une preuve supplémentaire.
26En fait, Merlin s’imposa comme l’un des rédacteurs du droit d’exception avant même la loi des suspects. Dès le 5 septembre 1793, peu avant l’entrée en scène des sections parisiennes, il présenta à la tribune de la Convention deux des textes qui devaient fonder la Terreur judiciaire. Au nom du Comité de Législation, il obtint tout d’abord la division du Tribunal criminel extraordinaire en quatre sections, et l’augmentation du nombre de ses juges de cinq à seize, et celui de ses jurés de douze à soixante40. Le même jour, le jurisconsulte s’éleva contre les « conspirateurs » qui discréditaient le papier-monnaie et obtint que fût appréhendée toute personne « prévenue d’avoir vendu ou acheté des assignats ; d’avoir arrêté ou proposé différents prix, d’après le paiement en numéraire ou en assignats ; d’avoir tenu des discours tendant à discréditer les assignats ; d’avoir refusé les assignats en paiement »41. Les peines encourues pour ces délits étaient fixées par les lois ordinaires, sauf si le coupable les avait commis « dans l’intention de favoriser les entreprises des ennemis de la République » ; il méritait alors la peine capitale et la confiscation de tous ses biens. Afin de stimuler la recherche de ces malfaiteurs, dans un dernier article, Merlin n’hésitait pas à encourager la délation et promettait une « gratification » de cent livres aux citoyens qui permettraient l’arrestation et la condamnation de l’un de ces coupables.
27Ainsi, loin de réprouver la sévérité et l’intransigeance des mesures terroristes, Merlin semblait plutôt les encourager ; témoin une disposition qu’il prit l’initiative de faire adopter dans la séance du 7 septembre 1793. Tandis qu’à Toulon, sur les frontières des Pyrénées, des Alpes et du Nord, les coalisés envahissaient les marches de la République, Merlin proposa de sévir contre les Français qui accepteraient ou auraient accepté des emplois publics dans les régions occupées. Afin de les mettre au ban de la société, il les fit déclarer traîtres à la Patrie et hors-la-loi42 ; cette dernière mesure, abondamment employée pendant la Terreur, menaçait les coupables de la confiscation de tous leurs biens et d’une exécution immédiate, sur simple vérification d’identité43. Le 17 septembre, ce jour même où il proposa la loi des suspects, Merlin élargit les dispositions de ce décret à tout employé de l’Etat qui conserverait son poste en cas d’invasion ennemie44. Dans la séance du 24 frimaire an II (14 décembre 1793), le jurisconsulte exposerait, au nom de son comité cette fois, la manière de procéder contre ces mauvais citoyens45.
28Dans les mois qui suivirent, Merlin continua de prêter sa plume à la rédaction des lois d’exception et s’intéressa notamment à l’élargissement des compétences révolutionnaires des tribunaux criminels46, sans pour autant limiter les prérogatives du Tribunal criminel extraordinaire dont il protégea au contraire le domaine réservé. Le 22 nivôse an II (11 janvier 1794), Merlin rappela ainsi, dans une réponse à une question de l’accusateur public du département du Nord, que les juridictions criminelles n’avaient aucunement le pouvoir de connaître les causes réservées au Tribunal révolutionnaire, sauf si les représentants du peuple en mission leur confiaient, par un arrêté formel, l’autorité nécessaire pour les juger47.
29Ainsi, ce législateur inflexible s’imposa comme l'un des pères du droit terroriste ; en janvier 1794, en participant aux travaux de la commission chargée de réviser la législation sur les émigrés, il en devint également l’un des codificateurs48. Pourtant, Merlin restait homme de la Plaine ; sa discrétion dans les débats de la Convention, comme son attitude au 9 thermidor an II en sont des signes tangibles.
Un homme de la Plaine devant la lutte des factions
30Par son passé de constituant, comme par son rôle au Comité de Législation, Merlin de Douai jouissait d’une influence et d’une autorité incontestées à la Convention. Il n’était pourtant l’homme d’aucun parti ; pendant l'an II, il se plaçait ostensiblement au-dessus des factions, et se gardait bien de conquérir la parole ou d’affronter « les signes d’improbation et les murmures », pour reprendre la description que Thibaudeau fit des débats49. Ainsi, excepté pour présenter un rapport ou un projet de décret au nom de son comité, il n’intervenait presque jamais en séance. Cette expectative est probablement à mettre au compte d’une grande méfiance pour les querelles qui agitaient la Convention.
31Certes, dans les rares pièces de correspondance retrouvées, Merlin n’émet aucun jugement personnel sur la lutte des factions ; à chaque fois, il se contente de reprendre la thèse officielle, sans la commenter. Il est cependant probable que la chute des Hébertistes puis celle des Indulgents, durent l’inquiéter. Il est possible aussi que le culte de l’Etre suprême ait agacé ce catholique.
32Quoi qu’il en soit, Merlin se détacha progressivement des Montagnards. Dans cette lente évolution, les succès militaires du printemps ont probablement eu leur rôle, notamment en calmant sa peur des contrerévolutionnaires ; mais il semble bien que ce fut la dérive de la Terreur judiciaire qui le sépara le plus nettement du Comité de Salut public. Ainsi, en pluviôse an VI (janvier-février 1798), le directeur Merlin analysait la chute de Robespierre comme une conséquence d’une recherche immodérée et irréaliste de la Vertu :
Les hommes que nous avions été dans la nécessité de condamner au 9 thermidor, disait-il [...], poussèrent sans doute trop loin la rigueur de la morale : ils en avaient le luxe, qui est souvent l’hypocrisie ; ils en avaient même la férocité, puisqu’ils pensaient qu’il fallait mettre à mort tous les hommes qui s’écarteraient de la morale dans la plus faible nuance50.
33Dans sa pensée, la chute de la Montagne était une conséquence d’un renforcement injustifié de la Terreur. Les débats de la Convention semblent prouver que Merlin adopta cette interprétation dès l'an II.
34Le 22 prairial (10 juin 1794), sur la proposition de Couthon, vigoureusement soutenu par Robespierre qui exigea un vote immédiat et unanime, la Convention adopta des mesures qui accéléraient les jugements devant le Tribunal révolutionnaire. Les accusés perdaient le droit de prendre un conseil pour leur défense, l’audition des témoins était laissée à la discrétion du tribunal, et l’on ne permettait plus aux juges que le choix entre l’acquittement et la mort. Les opposants au projet ne se manifestèrent guère, et ce fut le 23 prairial (11 juin 1794), profitant de l’absence des membres du Comité de Salut public, que Bourdon de l’Oise lança l’offensive et tenta de revenir sur le décret. Il affirma que la Convention n’avait aucunement permis aux Comités de gouvernement et à l’accusateur public du Tribunal révolutionnaire de mettre un député en accusation sans l’aval des représentants, et demanda à ses collègues de le rappeler sans ambages51. C’était sous-entendre que Couthon et Robespierre avaient voulu duper ou trahir les députés. Lorsque Merlin demanda la question préalable avec un considérant, on murmura sur les bancs des modérés. Le jurisconsulte entendait ménager la susceptibilité du Comité de Salut public et éviter que Ton mette en doute ses intentions ; mais parallèlement, il paraissait prendre au sérieux les inquiétudes de Bourdon et ne cherchait qu’à adoucir les contours de sa proposition. Les députés se laissèrent convaincre et Merlin fit adopter la question préalable motivée par T affirmation « que le droit exclusif de la représentation nationale de décréter ses membres d’accusation et de les faire mettre en jugement [était] un droit inaliénable »52.
35Le 24 prairial (12 juin 1794), Couthon dénonça le procès d’intention fait au Comité de Salut public et demanda que l'on passât à Tordre du jour sur les propositions de la veille ; la Convention, craintive, applaudit. Bourdon de l’Oise, directement mis en cause par les orateurs, tenta de se justifier mais subit une attaque violente de Robespierre qui stigmatisa les « intrigants » guidés par l’ambition ou l’opportunisme, et dénonça leurs projets de séparer le peuple de la Montagne et des Comités de gouvernement. Merlin, qui se crut également mis en cause, se justifia à son tour, avec succès puisque Robespierre et Barère l’assurèrent de leur confiance53.
36L’interprétation de cet incident n’est guère aisée. Il nous semble cependant que l’affirmation de Robespierre, selon laquelle la motion de Merlin cherchait simplement « à atténuer et à combattre celle de Bourdon »54, ne peut être retenue sans nuance. N’est-il pas étonnant, en effet, que Merlin ait choisi de quitter sa prudente expectative lors d’un débat d’une telle importance ? Son intervention ne peut-elle apparaître comme le signe d’un désaccord avec le principe d’un renforcement de la Terreur ? Il semble en effet possible que, dès cette époque, pour des raisons liées au contexte militaire et à l’arbitraire du décret. Merlin ait réprouvé ce texte qu’il dénonça au lendemain du 9 thermidor. De plus, le député n’était pas sans s’apercevoir que, sous la pression des Robespierristes, la Terreur judiciaire avait changé de fonction et n’était plus uniquement destinée à éliminer les dangers liés à la guerre civile ou extérieure ; depuis le printemps 1794, comme l’ont nettement démontré François Furet et Mona Ozouf, elle était devenue une arme destinée à purifier la nation55. Dans l’esprit de Merlin, les Robespierristes avaient dévié la Terreur de son but, ils en avaient fait l’instrument de leur quête excessive de la vertu et l’avaient trop facilement utilisée contre de simples ennemis politiques, comme les Hébertistes ou les Indulgents.
37Malgré cette probable opposition, Merlin se garda bien d’intervenir de nouveau dans les débats. Comme tous les hommes de la Plaine, sans nécessairement craindre pour sa vie, il attendait la suite des événements. Le 9 thermidor, peut-être convaincu de l’imminence d’une offensive contre la Convention56, il se rallia aux conjurés et se blanchit ainsi, comme tant d’autres, non pas de neuf mois de collaboration au terrorisme, mais de cinq mois de soumission à la Terreur robespierriste.
38Même si les conséquences de la rupture n’allaient s’affirmer que progressivement, celle-ci était indubitable dès les jours qui suivirent la chute de Robespierre. Le changement du personnel politique, notamment dans les comités, désormais soumis à un renouvellement mensuel par quart, en était un signe évident. Chez Merlin, qui s’imposa bien vite comme l’un des Thermidoriens les plus en vue, la chute de Robespierre marquait une étape décisive dans la Révolution : elle permettait le « règne de la justice » ; derrière les mots se cachait cependant un programme qui ne reniait qu’en partie l'an II, et se concevait avant tout comme un réajustement de la politique de l’Assemblée. En juillet 1794, Merlin ne condamnait aucunement la Terreur dans son ensemble, mais simplement l’aspect que lui avaient donné les Robespierristes depuis le printemps 1794.
L’inflexion thermidorienne : de la « Terreur » au « règne de la justice »
39Prenant le contre-pied d’une analyse apparemment inébranlable, Françoise Brunei a récemment soutenu que la chute de Robespierre n’annonçait aucunement une « réaction ». Insistant sur l’idée que ni la Montagne, ni le gouvernement révolutionnaire ne disparaissaient lors de cette journée, elle transformait le 9 thermidor en un « non-événement » et soutenait que seul le tournant de frimaire-nivôse an III (novembre 1794janvier 1795), qui ouvrit une grande offensive contre les Jacobins et l’héritage montagnard, détermina le sort de la Révolution57. Stimulante à plus d’un titre, son approche n’en soulève pas moins quelques difficultés lorsqu’on tente de l’appliquer aux Merlin et aux Cambacérès, à tous les hommes de la Plaine qui investirent dès thermidor la scène politique. Car si la chute de Robespierre est l’œuvre des Montagnards, elle profite surtout à l’opinion publique qui déclenche peu à peu, comme l’écrit Bronislaw Baczko, une « surenchère anti-robespierriste et anti-terroriste »58 ; elle profite aussi à la Plaine, qui envahit dès lors les comités de l’Assemblée. Ainsi, pour Merlin de Douai, la journée du 9 thermidor est une véritable rupture politique qui permet de remettre partiellement en cause l’héritage de l'an II. Sans revenir à la notion de « réaction », dont Françoise Brunei démontre l’aspect réducteur, il nous semble ainsi qu’il existe bien une inflexion thermidorienne, dont Merlin exprime d’ailleurs dès l’été l’enjeu politique et social.
40Sans avoir participé à la journée du 9 thermidor, pendant laquelle il resta silencieux, Merlin s’imposa très vite comme l’un des dirigeants de la nouvelle Assemblée, dont il fût d’ailleurs nommé président le 16 thermidor (3 août 1794)59. Le mois suivant, il entra au nouveau Comité de Salut public où, durant la dernière année de la Convention, il fut élu à trois reprises60. Parallèlement, il continua de fréquenter les séances du Comité de Législation, où il fut réélu le 19 nivôse an III (8 janvier 1795)61, quelques jours seulement après sa première sortie du Comité de Salut public ; dès sa nomination, ses anciens collègues, parmi lesquels Berlier, Garran, Pons de Verdun et Eschassériaux, le choisirent pour président62. Par son rôle déterminant à la Convention et sa participation aux travaux de deux des trois Comités de gouvernement, Merlin de Douai apparut ainsi comme l’un des hommes forts du régime et contribua puissamment à la définition de sa politique.
41Dans sa correspondance, dès l’été 1794, le conventionnel manifestait son espoir que la chute de Robespierre permît à la justice d’être « véritablement à l’ordre du jour »63, mais aussi à l’Assemblée de reconquérir son indépendance ; dès thermidor, il envisageait un indéniable tournant politique. Il espérait tout d’abord remplacer ce qu’il appelait la « Terreur » par la « Justice ». Il ne faut cependant pas se laisser abuser par les mots. Dans son discours, la « Terreur » ne recouvrait que les derniers mois du gouvernement de salut public, et se résumait pour l’essentiel aux atrocités commises par certains représentants en mission et à la loi du 22 prairial (10 juin 1794), abrogée dès le 14 thermidor (1er août 1794) ; quant à la « Justice », elle n’excluait aucunement les lois et les tribunaux d’exception, qu’il désirait simplement réformer. Merlin ne reniait ainsi qu’en partie la Terreur judiciaire.
42Son projet de décret sur la réorganisation du Tribunal révolutionnaire, présenté le 17 thermidor an II (4 août 1794) au nom des Comités de Législation, de Salut public et de Sûreté générale, permet de mieux comprendre ses idées64. Dans un rapport préliminaire, Merlin précisait que son texte avait pour unique objectif d’améliorer le fonctionnement du tribunal, d’épurer la procédure et de donner davantage de droits à la défense. Ainsi, dans l’article1er, qui définissait les délits contre-révolutionnaires en s’inspirant du décret du 10 mars 1793, seuls les chefs d’accusation introduits depuis le 22 prairial (10 juin 1794), comme celui d’altération de l’énergie du gouvernement révolutionnaire, disparaissaient. Dans le respect de ces principes, le député proposait une simple recomposition du Tribunal révolutionnaire où siégeraient désormais vingt-quatre juges, un accusateur public et quatre substituts, tous nommés par la Convention sur la proposition des Comités de Législation, de Salut public et de Sûreté générale. Renouvelés par tiers chaque trimestre, les magistrats devraient être mensuellement répartis par le sort en quatre sections de six juges chacune65. Par ces différentes mesures, les Comités de gouvernement voulaient assurer une rotation des tâches et éviter que le tribunal ne devienne une institution indépendante. Parallèlement, l’accusé retrouverait quelques droits : il assisterait désormais aux dépositions des témoins et disposerait de la faculté de se justifier ; au cours des débats, sa culpabilité serait appréciée par un jury de onze membres, tirés au sort sur une liste de soixante, dont les fonctions ne seraient plus permanentes mais temporaires66.
43Une fois la culpabilité prononcée, il ne resterait plus au juge qu’à appliquer à l’infraction la peine prévue par la loi. Dans son nouveau projet d’organisation judiciaire, Merlin ne prévoyait que trois cas de figure : si l’accusé était reconnu coupable de crime contre-révolutionnaire, la seule peine à lui appliquer était la mort avec confiscation de ses biens ; une déclaration d’innocence, au contraire, devait entraîner sa libération immédiate, excepté s’il devait justifier d’autres délits devant les juridictions de droit commun, ou s’il pouvait être maintenu en état d’arrestation au titre de l’article 10 de la loi du 17 septembre 1793. Merlin, s’inspirant du décret du 10 mars 1793, prévoyait en outre le cas d’un coupable troublant l’ordre public sans violer une loi positive ; dans cette hypothèse, précisait-il, le tribunal devait condamner l’accusé à la déportation à perpétuité avec confiscation de ses biens67.
44Excepté quelques Montagnards comme Charlier, Ruamps et Duhem qui, sans défendre la loi du 22 prairial (10 juin 1794), jugèrent certains aspects du projet de Merlin par trop libéraux68, la Convention accueillit favorablement le texte du député. Discuté du 21 au 23 thermidor an II (8-10 août 1794), il fut adopté sans modification majeure. L’Assemblée paraissait cependant se satisfaire de l'abrogation de la loi du 22 prairial, d’autant plus que le procès des membres de la Commune insurgée n’était pas achevé69. Le décret de Merlin fut ainsi rapporté dès la fin de thermidor ; ce ne fut que six mois plus tard, en nivôse an III (décembre 1794), que le député eut de nouveau l’occasion de proposer, puis de faire adopter sa réorganisation du Tribunal révolutionnaire.
45Ainsi, de thermidor an II (août 1794) à nivôse an III (décembre 1794), Merlin n’entendit aucunement condamner l’ensemble de l’héritage judiciaire de l’époque jacobine. Malgré sa réprobation de ce qu’il appelait la « Terreur », il voulait maintenir tout à la fois le Tribunal révolutionnaire et la loi des suspects ! Le « règne de la justice », selon lui, ne pouvait s’établir sans le secours des lois d’exception et du gouvernement révolutionnaire. En fait, T inflexion thermidorienne apparaissait d’abord comme l’abrogation des mesures d’exception jugées les plus arbitraires, au premier rang desquelles il plaçait la loi du 22 prairial, comme une condamnation des excès de certains représentants en mission, ainsi que comme un essai de contrôle de tous les pouvoirs par l’Assemblée.
46Après avoir tenté de limiter les compétences du Tribunal révolutionnaire, Merlin avait ainsi cherché à rendre à la Convention l’entier contrôle du gouvernement, d’abord par une diminution de l’indépendance des représentants en mission dont les arrêtés furent désormais soumis à l’approbation du comité de gouvernement compétent (12 septembre 1794)70, et ensuite par la réorganisation de la Commune de Paris, dont l’administration fût partagée entre onze commissions, étroitement soumises au contrôle du pouvoir législatif (31 août 1794)71. Il semblait que, par fidélité à la loi du 14 frimaire an II (4 décembre 1793), Merlin et les Thermidoriens cherchaient de nouveau à faire de leur Assemblée « le centre unique de l’impulsion du gouvernement ».
47Un mois à peine après la chute de Robespierre, le visage et la politique de la Convention avaient ainsi profondément changé, même si les députés restaient en majorité fidèles à la Terreur judiciaire et au gouvernement révolutionnaire. L’équilibre n’allait cependant pas se trouver dès l’été ; à partir de brumaire (octobre-novembre 1794), en effet, Merlin accentua ses attaques contre l’an II et se plaça au cœur d’une nouvelle inflexion politique. Ce fut lui qui, après que la Convention eut passé à l’ordre du jour sur la dissolution du Club des Jacobins, fit adopter, la nuit suivante, ce principe par les Comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation ; le lendemain, 22 brumaire an III (12 novembre 1794), la Convention approuva72. Une décade plus tard, Merlin voyait dans la mise en accusation de Carrier la manifestation éclatante du rejet des excès de la Grande Terreur73. Le tournant de l’hiver 1794 n’était cependant pas la simple accentuation de celui de l’été, et son originalité s’affirmait par le rappel des soixante-treize députés décrétés d’arrestation au lendemain de la chute de la Gironde ; ce fut encore à Merlin de Douai, rapporteur des trois Comités de gouvernement, que revint la tâche de faire adopter cette mesure, le 18 frimaire an III (8 décembre 1794)74.
48Ainsi, Merlin avait participé à une transformation de l’Assemblée qui, dès l’été 1794, ne pouvait être sans conséquence sur ses orientations politiques, d’autant plus que l’opinion publique renaissante accentuait progressivement la condamnation de l’épisode jacobin. Au printemps 1795, le retour des Girondins modifierait cette fois en profondeur le visage de la Convention et contraindrait Merlin à revoir ses positions, notamment à propos de la Constitution de 1793. Tout en poursuivant sa lutte contre les sans-culottes et les Jacobins, avec lesquels il n’avait partagé que le souci circonstanciel de défendre la République menacée, Merlin allait rejoindre les Boissy d’Anglas et les Lanjuinais dans leur quête du terme de la Révolution.
Terminer la Révolution : la recherche d'un nouvel équilibre politique et social
49Les mesures adoptées dans les mois de brumaire et de frimaire an III (octobre-décembre 1794), qui étaient en partie la suite de celles prises au lendemain de la chute de Robespierre, lancèrent une dynamique de destruction de tous les vestiges politiques de l'an II : la condamnation et l’exécution de Carrier ouvrirent la voie à la mise en cause des « Montagnards réacteurs » ; quant au retour des Soixante-treize, il transforma la majorité de l’Assemblée et entraîna le rappel des derniers Girondins exclus. Pour autant, Merlin prétendit longtemps rester fidèle à la ligne politique qu’il avait contribué à tracer dès la fin du mois de thermidor ; assurément, au début de l’année 1795, il ne pensait pas aller jusqu’à l’adoption d’une nouvelle constitution.
50Le projet de réorganisation du Tribunal révolutionnaire, présenté à la Convention dans la séance du 8 nivôse an III (28 décembre 1794), semble être une illustration des choix politiques de Merlin au tournant des années 1794-179575. A la demande de l’Assemblée, il présentait à nouveau la loi des 22-23 thermidor an II (9-10 août 1794), qui avait été rapportée peu après son adoption. Le texte n’était guère transformé, même si le conventionnel y avait introduit quelques modifications concernant d’une part la composition du tribunal, dont l’effectif était réduit de manière à composer deux sections seulement, et d’autre part le mode de renouvellement des juges et des jurés, qu’il proposait de changer ensemble et entièrement tous les trois mois, ce que la Convention adopta sans restriction. L’esprit de la loi restait cependant en grande partie le même qu’en thermidor an IL Dans son rapport préliminaire, Merlin reprenait les grandes idées développées pendant l’été 1794 comme le remplacement de la « Terreur » par la « Justice » et le nécessaire maintien de la sévérité à l’égard des contre-révolutionnaires76.
51Cette fidélité aux lois et à la justice d’exception n’empêchait cependant pas Merlin d’accepter la mise en cause des derniers Montagnards77. Non seulement ces « Thermidoriens de gauche », comme les appelait Aulard, rattachaient la Convention à une époque qu’elle condamnait, mais ils étaient de plus liés à un mouvement sans-culotte et jacobin encore inquiétant. Dès février 1795, le député tenta d’ailleurs d’affaiblir cette dernière opposition en plaçant les anciens agents de la République jacobine sous étroite surveillance dans leur commune d’origine, leur liberté et leurs déplacements étant perçus comme des menaces pour Tordre public78. Malgré ses efforts, la situation ne pouvait cependant le rasséréner, et ce fut peut-être pour consolider les forces conservatrices qu’il accepta le rappel de tous les anciens Girondins. Alors qu’il s’y était opposé le 27 frimaire an III (17 décembre 1794), il obtint ainsi, le 18 ventôse (8 mars 1795), que tous les Brissotins compris dans les décrets du 28 juillet et du 3 octobre 1793 retrouvent leur siège à l’Assemblée79, exception faite de Delahaye, député de la Seine-Inférieure, contre lequel circulaient de graves accusations80. Dans son rapport, il assurait que, dès frimaire an III, lui-même et la majorité de la Convention désiraient le retour des proscrits, mais que l’instabilité politique et le poids des Jacobins rendaient cette mesure trop dangereuse pour l’ordre public. L’affirmation peut sembler suspecte ; en effet, si la crainte de l’opposition jacobine avait effectivement été évoquée par Merlin, le 27 frimaire (17 décembre 1794), l’on peut remarquer que le danger n’avait pas disparu trois mois plus tard ! Son acceptation du rappel des Girondins n’était ainsi pas dénuée de pragmatisme : dans ces hommes, le député espérait avant tout trouver des alliés.
52En ces débuts de l’an III, Merlin recherchait également la fin de la Révolution, que devait marquer une paix proche, totale et glorieuse. C’est probablement dans son discours du 14 frimaire an III (4 décembre 1794) qui fut, à la demande d’André Dumont, traduit dans les principales langues de l’Europe et envoyé à toutes les armées et à toutes les communes, qu’il exprima le mieux cette idée81. A nom du Comité de Salut public, Merlin mettait en garde les Français contre les bruits de paix que les ennemis répandaient dans le pays afin, assurait-il, d’étouffer la pugnacité des armées et d’accuser la Convention de retarder à plaisir la fin du conflit. Pour contrer les « perfides pacificateurs » qu’étaient l’Angleterre et l’Autriche, il précisait que le Comité de Salut public entendait maintenir la pression militaire qui seule, le moment venu, permettrait d’obtenir les concessions désirées. Il adressait également des ouvertures de paix ostensibles à trois pays : à l’Espagne, que l’on mettait en garde contre la convoitise de l’Angleterre sur l’Amérique ; aux Provinces-Unies, que l’on présentait comme le concurrent commercial de la perfide Albion ; à la Prusse, enfin, dont il rappelait la rivalité avec l’Autriche et la Russie. En encourageant les négociations avec quelques Etats, Merlin cherchait à briser l’unité de la coalition et à provoquer des paix séparées. Au Comité de Salut public, dans la division des affaires étrangères, ce fut cette politique qu’il tenta de mettre en pratique, avec d’autant plus de succès que, du traité de paix avec le grand duc de Toscane, qu’il soumit à la ratification de la Convention en pluviôse an III (février 1795)82, jusqu’aux traités de paix avec la Hollande et l’Espagne, il s’imposa, aux côtés de Reubell et de Sieyès, comme l’un des grands responsables de la diplomatie thermidorienne83.
53Au tout début du printemps 1795, malgré son acceptation du rappel des Girondins et son active recherche de la paix, Merlin n’envisageait cependant pas encore de renoncer aux principes de 1793. Dans la séance du 8 germinal an III (28 mars 1795), afin de calmer les sans-culottes irrités par le manque de pain et la politique de l’Assemblée, il proposa ainsi, en son propre nom, que Ton applique sans attendre la Constitution de Tan I, il est vrai profondément amendée84. Dans l’article 9 de son projet, il proposait en effet l’adoption de trois « principes », qui peuvent être considérés comme de véritables lois organiques. Le premier prévoyait que la police et la direction de la force armée appartiendraient au corps législatif dans la ville où il tiendrait ses séances ; le second, que dans les communes de plus de cent mille habitants, l’administration municipale serait divisée en autant de sections qu’il y aurait d’arrondissements de cinquante mille âmes ; le dernier précisait que les sociétés populaires étaient des assemblées « dans lesquelles tous les citoyens se réunissent pour s’instruire à la connaissance de leurs droits et de leurs devoirs, à la constitution démocratique, à la haine des tyrans, à l’obéissance aux lois »85. Merlin entendait ainsi donner aux députés les moyens de se défendre, d’éviter la reconstitution de la Commune de Paris et de limiter l’importance contestataire des clubs. La mesure, cependant, fut rejetée par la Convention86.
54Quelques jours plus tard, le 14 germinal an III (3 avril 1795), Merlin de Douai accepta son élection, aux côtés de Cambacérès, de Sieyès, de Mathieu, de Thibaudeau, de Lesage d’Eure-et-Loir et de Creuzé-Latouche, dans une commission chargée de préparer les lois organiques de la Constitution87 ; le 29 germinal (18 avril), celle-ci fut remplacée par la Commission des Onze, chargée de « mettre en activité la Constitution », où Merlin fut à nouveau élu88. Comme un décret du 15 floréal (4 mai 1795) déclara incompatibles les fonctions de membre de la Commission des Onze avec l’appartenance aux Comités de Salut public ou de Sûreté générale, Merlin de Douai, comme Cambacérès et Sieyès, donna cependant sa démission et renonça à participer à la réforme qui s’annonçait, sans pour autant condamner a priori son principe89.
55Merlin avait d’ailleurs conçu entre temps le projet d’une Déclaration des principes essentiels de l’ordre social et de la République, qu’il présenta le 23 germinal (12 avril 1795)90. Afin de mettre un terme aux querelles intestines de la Convention et de rappeler au peuple ses devoirs, il entendait proclamer les principes dont la méconnaissance, selon lui, avait entraîné la Terreur et menaçait encore le pays. Contrairement à ce qu’affirme Louis Gruffy, la Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen qui précède la Constitution de Tan III n’est pas une simple copie du texte de Merlin, dont elle se distingue d’ailleurs très nettement91. En germinal an III (mars-avril 1795), les principes du jurisconsulte étaient nettement plus avancés que ceux d’un Daunou ou d’un Boissy d’Anglas : dans son texte, il continuait d’évoquer les droits naturels des individus, et notamment le droit à l’insurrection ; Merlin demeurait fidèle, dans une large mesure, à la tradition de 1789, et même encore partiellement à celle de 179392. Ainsi, ce projet de déclaration ne reçut pas de la Convention l’accueil qu’en avait espéré Merlin : renvoyé à la Commission des Sept, qui vivait ses derniers jours, il ne fut ni discuté ni voté, peut-être parce que certains des principes qui y étaient exposés apparaissaient comme potentiellement dangereux.
56Quoi qu’il en soit, le 5 messidor an III (23 juin 1795), un mois à peine après l’insurrection sans-culotte du 1er prairial (20 mai), un nouveau projet de Constitution fut présenté par Boissy d’Anglas. De retour d’une mission dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, une quinzaine de jours plus tard, Merlin n’allait guère prendre la parole durant les débats et se contenterait d’approuver tacitement, et sans enthousiasme, les nouvelles institutions93.
57Dans cette évolution, qui devait accentuer son rejet de la Convention montagnarde, sa mission dans les départements septentrionaux, aux mois de juin et de juillet 1795, a probablement joué un rôle déterminant. Du 20 prairial (8 juin) au 13 messidor(1er juillet), il avait visité inlassablement, en compagnie de Delamarre, les villes situées dans un quadrilatère borné par Lille, Maubeuge, Avesnes et Arras, pour y affaiblir l’opposition jacobine et résoudre les difficultés frumentaires94. Malgré de nombreux arrêtés, les commissaires n’avaient cependant pu rétablir l’ordre dans ces régions. Ainsi, une fois encore, ce fut après avoir été confronté aux dangers qui menaçaient la République qu’il adoptait une nouvelle ligne politique : son expérience de commissaire aux armées, au printemps 1793, l’avait préparé à son rôle de rédacteur du droit terroriste ; pendant l’été 1795, sa nouvelle mission achevait de le convaincre de la nécessaire orientation conservatrice du régime.
58Parallèlement, Merlin reniait de plus en plus nettement sa collaboration à la politique de l'an II. Il paraissait par ailleurs retrouver une certaine virginité politique qui le transformait presque en victime de la Terreur, mythe si souvent avalisé par ses biographes. A Douai, dès la fin de Tannée 1794, circulait la rumeur selon laquelle Robespierre et Lebon avaient envisagé la perte du jurisconsulte. Le 7 pluviôse an III (26 janvier 1795), dans une lettre adressée à Merlin de Douai, l’homme de loi Thellier y faisait allusion en ces termes :
Ce qui doit t’engager à prendre à cœur mes intérêts, c’est ton humanité, c’est ta haine prononcée contre les hommes de sang auxquels ta sœur et ta nièce elles-mêmes eussent été en proie, à ce qu’elles m’ont dit, sans la journée mémorable du 9 thermidor et l’arrestation de Joseph le Bon qui, à ce qu’on assure, les avait mises sur sa liste de proscription pour satisfaire la vengeance qui animait l’infâme Robespierre contre toi95.
59Certes, il est possible que Tune de ces personnes, qui est Madame Hachez, une belle-sœur de Merlin, ait connu quelques difficultés sous la Terreur. Dans ses mémoires, le comte de Cheverny écrit que Joachim Alphonse Deffosse, le second mari de cette femme, lui avait rapporté qu’elle « avait été fort persécutée pendant le règne de Robespierre ; Merlin, poursuit-il, antagoniste décidé, était poursuivi même dans ses parents »96. Il paraît cependant difficile de croire que les ennuis de la famille Hachez aient un rapport direct avec le jurisconsulte. L’on comprend mal, en effet, pourquoi Merlin n’aurait jamais fait lui-même allusion à cette prétendue hostilité de Robespierre et de Lebon contre sa personne ; l’emploi d’un tel argument lui aurait pourtant été utile à maintes reprises. Ainsi, il nous semble plutôt que le député se contenta de laisser se propager cette anecdote, au demeurant fort utile. En le transformant en ennemi de Robespierre, elle pouvait atténuer, aux yeux de l’opinion, non seulement son adhésion tacite à la Terreur robespierriste, reniée dès thermidor an II, mais aussi sa responsabilité dans la mise en place de la Terreur judiciaire, qu’il semblait désormais également réprouver ; l’image de Merlin sous le Directoire montre cependant qu’elle n’y parvint pas.
60Du printemps 1793 à l’été 1795, Merlin de Douai avait ainsi suivi un parcours politique complexe, d’autant plus difficile à restituer qu’il se trouva très vite en partie occulté par des justifications a posteriori. Son cheminement paraît cependant assez proche de celui d’un Cambacérès, et assez représentatif de l’évolution générale de la Plaine. Après avoir contribué à l’établissement de la Terreur, après en avoir observé la transformation robespierriste, Merlin voulut la purifier, la ramener aux formes d’avant le 22 prairial et lui rendre ses objectifs de l’automne 1793 ; la chute de Robespierre, le rappel du centralisme gouvernemental et de premières mesures contre les pouvoirs jacobins, modifièrent cependant, dès l’été 1794, l’équilibre de la Convention. Sous la pression de l’opinion publique, le tournant de brumaire-nivôse an III (octobre 1794-janvier 1795), accentua ce virage et déclencha une véritable dynamique anti-jacobine, puis réactionnaire. Chez Merlin pourtant, le choix du conservatisme ne s’opéra que vers le printemps ou l’été 1795, lorsque la persistance du danger jacobin et l’espoir d’une paix prochaine le conduisirent à renier non plus seulement la Terreur robespierriste, mais l’ensemble de l’héritage de l’an II.
Notes de bas de page
1 Thibaudeau Antoine Claire, Mémoires sur la Convention et le Directoire, Paris, Baudouin frères, tome I, 1824, p. 58.
2 Gruffy Louis, op. cit., p. 38.
3 Une étude détaillée de ces missions peut être consultée dans notre thèse, op. cit., tome I, p. 118-184 ; voir aussi notre article : « Un conventionnel en Belgique : la mission de Merlin de Douai dans la province de Liège et les Pays-Bas autrichiens (janvier-avril 1793) », R.D. Nord, no 282-283, 1989, p. 835-854.
4 Aulard Alphonse, Recueil des actes du Comité de Salut public, Paris, Imprimerie nationale, tome I, 1889, p. 331-335, séance de la Convention du 15 décembre 1792.
5 Convention nationale. Rapport des citoyens Delacroix, Gossuin, Danton, Merlin (de Douai), Treilhard, Robert, membres de la Convention nationale, et nommés par elle commissaires près l'armée et dans les pays de la Belgique, de Liège, etc. Imprimé par ordre de la Convention, Paris, Imprimerie nationale, 1793, p. 224 (A.D.Nord, bibliothèque 1759 ou A.N., AD XV 47).
6 Ibid., p. 239.
7 A.P., tome LXI, p. 401, séance du 7 avril 1793.
8 Ibid., p. 629, séance du 12 avril 1793.
9 Bouloiseau Marc, Recueil des actes du Comité de Salut public. Supplément, Paris, Bibliothèque nationale, tome I, 1966, p. 443-444, lettre de Merlin et Cavaignac au Comité de Salut public, datée d’Ancenis, le 20 juillet (la minute, de la main de Merlin, est conservée au S.H.A.T., B5 14).
10 Aulard Alphonse, Recueil..., op. cit., tome IV, p. 435-437, lettre de Merlin et Gillet au Comité de Salut public, datée de Lorient, le 3 juin 1793.
11 A.D.Loire-Atlantique, L 96, dos. 6, arrêté imprimé de Merlin, Gillet, Sevestre et Cavaignac, daté du 14 juin 1793. Sur l’interprétation discutée de ce document, voir notre thèse, op. cit., tome I, p. 177-178.
12 A.N., D IIΙ* 55, registre des procès-verbaux du Comité de Législation, séance extraordinaire du mardi 20 août 1793 ; A.N., F7 4443, pl. 4, pièce 179, lettre de Merlin de Douai et Guiot au Comité de Sûreté générale, datée du 26 septembre 1793.
13 A.P., tome LXII, p. 69-72, séance du 13 avril 1793.
14 Voir ibid., tome LXX, p. 181, séance de la Convention du 3 août 1793, et tome LXXX, p. 116, séance du 5 frimaire an II (25 novembre 1793).
15 Ibid., tome LXXII, p. 380, séance du 18 août 1793 ; et p. 446, séance du 19 août 1793.
16 Ibid., tome LXXIII, p. 90, séance du 27 août 1793 ; A.N., AF II* 29, f° 35 v°, lettre aux nouveaux membres du Comité de la Guerre, datée du 27 août 1793.
17 Le Moniteur universel, no 236 du 24 août 1793, séance de la Convention du 22 août, réimpression, tome XVII, p. 468.
18 A.P., tome LXXIII, p. 90, séance du 27 août 1793.
19 Ibid., tome LXVI, p. 4, séance du 3 juin 1793.
20 Voir A.N., D III* 55 et D III* 56, registres des procès-verbaux du Comité de Législation.
21 Sur la féodalité, voir le chapitre 13, et sur les jurés, le chapitre 12.
22 Voir le chapitre 14.
23 Taine Hippolyte, Les origines de la France contemporaine, Paris, Hachette, 1876-1894, 6 vol. ; rééd., Paris, Robert Laffont, collection Bouquins, 1986, tome I, p. 331.
24 Gruffy Louis, op. cit., p. 35-36.
25 A.N., D ΙII* 55, procès-verbaux du Comité de Législation, séance du vendredi 16 août 1793.
26 Bourg Edme Théodore, dit Saint-Edme, op. cit., p. 294.
27 A.N., D III* 55, procès-verbaux du Comité de Législation, séance du 19 août 1793.
28 Convention nationale. Projet de décret sur le mode d’exécution du décret du 12 août, qui ordonne l'arrestation des gens suspects, présenté à la Convention nationale, au nom du Comité de Législation, par Ph. Ant. Merlin (de Douai). Séance du 31 août 1793. Imprimé par ordre de la Convention nationale, Imprimerie nationale, s.d., 3 p. in-8°.
29 Procès-verbal d’un beau dîner ou Merlin traité comme il le mérite, s.l.n.d., p. 11.
30 Voir Soboul Albert, Précis d'histoire de la Révolution française, Paris, Editions sociales, 1962 ; rééd., La Révolution française, Paris, Gallimard, collection TEL, 1984, p. 317.
31 Convention nationale. Projet de décret sur le mode d'exécution du décret du 12 août, qui ordonne l’arrestation des gens suspects, présenté à la Convention nationale, au nom du Comité de Législation, par Ph. Ant. Merlin (de Douai). Imprimé par ordre de la Convention nationale [17 septembre 1793], Imprimerie nationale, s.d., 4 p. in-8° ; et pour le décret, Le Moniteur universel, no 262 du 19 septembre 1793, séance du 17 septembre, réimpression, tome XVII, p. 680-681.
32 C’est le 8 ventôse an II (26 février 1794) que la Convention nationale ordonna le tri des suspects : l’élargissement des innocents et le jugement des autres devant le Tribunal révolutionnaire.
33 A.D.Nord, L 1032, mémoire justificatif imprimé de Simon de Maibelle, p. 4.
34 A.N., AF II 150, pl. 1217, pièce 32, lettre de Merlin, Cambacérès, Guiot et Bezard au Comité de Salut public, datée du 30, premier mois an II (21 octobre 1793).
35 Carnot Lazare, Second mémoire de Carnot, Hambourg, 1799, p. 23.
36 A.D.Nord, L 1032, mémoire justificatif imprimé de Simon de Maibelle, p. 4 (21 octobre 1793).
37 Fockedey Jean-Jacques, op. cit., p. 98-108.
38 Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne, Paris, 2e édition, s.d., tome XXII, p. 515.
39 A.D.Nord, L 10317, lettre de Merlin à Guiot, datée du 3 germinai an II (23 mars 1794).
40 Le Moniteur universel, no 249 du 6 septembre 1793, séance du 5 septembre, réimpression, tome XVII, p. 575.
41 Ibid., no 250 du 7 septembre 1793, séance du 5 septembre, réimpression, tome XVII, p. 587.
42 A.P., tome LXXIII, p. 495, séance du 7 septembre 1793.
43 Voir Mari Eric de, La mise hors de la loi sous la Révolution française (19 mars 1793-9 thermidor an II), thèse de droit, Montpellier I, 1991.
44 Le Moniteur universel, no 262 du 19 septembre 1793, séance du 17 septembre, réimpression, tome XVII, p. 681. Sur la violation du principe de la non-rétroactivité des lois dans ces décrets, voir infra, chapitre 7.
45 A.P., tome LXXXI, p. 458, séance du 24 frimaire an II (14 décembre 1793).
46 Le Moniteur universel, no 92 du 2 nivôse an II (22 décembre 1793), séance du 30 frimaire (20 décembre), réimpression, tome XIX, p. 14 ; no 69 du 9 frimaire an II (29 novembre 1793), séance du 7 frimaire (27 novembre), réimpression, tome XVIII, p. 533-534 ; no 232 du 22 floréal an II (11 mai 1794), séance du 21 floréal (10 mai), réimpression, tome XX, p. 436.
47 Ibid., no 113 du 23 nivôse an II (12 janvier 1794), séance du 22 nivôse (11 janvier), réimpression, tome XIX, p. 185-186.
48 A.P., tome LXXXIII, p. 527, séance du 2 pluviôse an II (21 janvier 1794).
49 Thibaudeau Antoine Claire, op. cit., tome I, p. 10.
50 Barras Paul, Mémoires de Barras, membre du Directoire, publiés par G. Duruy, Paris, Hachette, tome III, 1896, p. 178.
51 Le Moniteur universel, no 264 du 24 prairial an II (12 juin 1794), séance du 23 prairial (11 juin), réimpression, tome XX, p. 699.
52 Ibid., p. 700.
53 Ibid., no 266 du 26 prairial an II (14 juin 1794), séance du 24 prairial (12 juin), réimpression, tome XX, p. 714-719.
54 Ibid., p. 718.
55 Furet François, « Terreur », dans Furet François et Ozouf Mona, s.dir., Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, 1988, p. 166-169 ; et Ozouf Mona, « Guerre et Terreur dans le discours révolutionnaire », dans L’école de la France, Paris, Gallimard, 1984, p. 109-127.
56 Sur cette rameur et les imaginaires listes de proscription de députés, qui rendirent l’union des Conventionnels possible au 9 thermidor, voir Baczko Bronislaw, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, 1989, p. 44.
57 Voir Brunel Françoise, Thermidor. La chute de Robespierre, Bruxelles, Complexe, 1989, p. 127-128.
58 Baczko Bronislaw, « L’expérience thermidorienne », dans Lucas Colin, The French Revolution and the Creation of Modem Political Culture, tome II, The Political Culture of the French Revolution, Oxford, Pergamon Press, 1988, p. 346.
59 Le Moniteur universel, no 318 du 18 thermidor an II (5 août 1794), séance du 16 thermidor (3 août), réimpression, tome XXI, p. 393.
60 Du 15 fructidor an II (1er septembre 1794) au 15 nivôse an III (4 janvier 1795), du 15 pluviôse (3 février 1795) au 15 prairial (3 juin 1795), puis à partir du 15 thermidor (2 août 1795). Voir notre thèse, op. cit., tome I, p. 206-207.
61 Procès-verbal de la Convention nationale. Imprimé par son ordre, tome LIII, Paris, Imprimerie nationale, an III, p. 51, séance du 19 nivôse an III (8 janvier 1795).
62 A.N., D ΙII* 58, 13 pluviôse an III (1er février 1795).
63 A.N., AB XIX 701, pl. 5, pièce 10, lettre de Merlin à la citoyenne Liebaud, datée du 1er fructidor an II (18 août 1794).
64 Le Moniteur universel, no 318 du 18 thermidor an II (5 août 1794), séance du 17 thermidor (4 août), réimpression, tome XXI, p. 395.
65 Ces mesures furent adoptées, mais le nombre des substituts fut porté à six. Voir A.P., tome XCIV, p. 183, séance du 17 thermidor an II (4 août 1794) ; et ibid., tome XCIV, p. 349, séance du 21 thermidor (8 août), titre II article 4. Voir aussi ibid., tome XCIV, p. 183, séance du 17 thermidor an II (4 août 1794).
66 A.P., tome XCIV, p. 400, séance du 22 thermidor an II (9 août 1794). Titre V, art. 27, 29 et 30.
67 Ibid, p. 402-403. Titre VH : « Du jugement ».
68 Ibid., tome XCIV, p. 432-434, séance du 23 thermidor an II (10 août 1794).
69 Baczko Bronislaw, Comment sortir de la Terreur..., op. cit., p. 96.
70 Le Moniteur universel, no 2 du 2 vendémiaire an III (23 septembre 1794), discours de Merlin à la séance du 26 fructidor an II (12 septembre 1794), réimpression, tome ΧΧII, p. 10.
71 Ibid., no 346 du 16 fructidor an II (2 septembre 1794), séance du 14 fructidor (31 août 1794), réimpression, tome XXI, p. 647.
72 Ibid., no 54 du 24 brumaire an ΙII (14 novembre 1794), tome XXIV, p. 489-490, séance du 22 brumaire (12 novembre).
73 B.N., N.A.F. 245, f° 190, l.a.s. de Merlin de Douai à Merlin de Thionville, Paris, 3 frimaire an IIΙ (23 novembre 1794).
74 Le Moniteur universel, no 80 du 20 frimaire an III (10 décembre 1794), séance du 18 frimaire (8 décembre 1794), réimpression, tome ΧΧII p. 699.
75 Ibid., no 104 du 14 nivôse an III (3 janvier 1795), réimpression, tome XXIII, p. 105-110.
76 Convention nationale. Rapport fait à la Convention nationale, au nom des Comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, sur la réorganisation du Tribunal révolutionnaire, par Ph.-Ant. Merlin (de Douai), séance du 8 nivôse, an 3 de la République ; suivi du décret rendu le même jour ; imprimé par ordre de la Convention nationale [28 décembre 1794], Imprimerie nationale, nivôse an ΙII, p. 4.
77 Voir Le Moniteur universel, no 99 du 9 nivôse an III (29 décembre 1794), séance du 7 nivôse (27 décembre), réimpression, tome ΧΧΙII p. 71 ; et A.N., AF IIΙ 61, dos. 243, pl. 1 (dos. 4, pièce 11), m.a.s. d’une lettre de Merlin, au nom du Comité de Salut public, à Lallement, envoyé de la République à Venise, datée du 17 germinal an ΙII (6 avril 1795).
78 Le Moniteur universel, no 159 du 9 ventôse an III (27 février 1795), séance du 5 ventôse (23 février), réimpression, tome ΧΧIII p. 548.
79 Ibid., no 171 du 21 ventôse an III (11 mars 1795), séance du 18 ventôse (8 mars), réimpression, tome ΧΧΙII, p. 645-647.
80 C’est par un décret du 23 germinal (12 avril 1795), toujours présenté par Merlin, que ce dernier exclu, lavé de tout soupçon, fut autorisé à siéger de nouveau dans le sein de l’Assemblée. Le Moniteur universel, no 206 du 26 germinal an III (15 avril 1795), séance du 23 germinal (12 avril), réimpression, tome XXIV, p. 205-207.
81 Ibid., no 77 du 17 frimaire an ΙII (7 décembre 1794), séance du 14 frimaire (4 décembre), réimpression, tome ΧΧII, p. 671.
82 Ibid., no 148 du 28 pluviôse an ΙII (16 février 1795), séance du 25 pluviôse (13 février), réimpression, tome XXIII, p. 464.
83 Merlin assura en grande partie la correspondance relative aux négociations avec la Prusse, les puissances italiennes, l’Espagne et, dans une moindre mesure, les Provinces-Unies. Voir le chapitre 10.
84 Convention nationale. Projet de décret, présenté par Ph. Ant. Merlin (de Douai). A la séance du 8 genninal de l’an troisième. Imprimé par ordre de la Convention nationale [28 mars 1795], Imprimerie nationale, germinal an ΙII, 3 p. in-8°. A la séance du 10 germinal an III (30 mars 1795), Merlin précisa cependant que son projet avait été discuté au sein du Comité de Salut public avant sa présentation à la Convention. Le Moniteur universel, no 193 du 13 germinal an III (2 mai 1795), séance du 10 germinal (30 mars), réimpression, tome XXIV, p. 100.
85 Le Moniteur universel, no 192 du 12 germinal an ΙII (1er avril 1795), séance du 8 germinal (28 mars), réimpression, tome XXIV, p. 91.
86 Ibid., no 193 du 13 germinal an III (2 avril 1795), séance du 10 germinal (30 mars), réimpression, tome XXIV, p. 99-101.
87 Ibid., no 198 du 18 germinal an ΙII (7 avril 1795), séance du 14 germinal (3 avril), réimpression, tome XXIV, p. 142.
88 Ibid., no 217 du 7 floréal an III (26 avril 1795), séance du 4 floréal (23 avril), réimpression, tome XXIV, p. 293.
89 Voir Aulard Alphonse, Histoire politique de la Révolution française (1789-1804), Paris, A. Colin, 1901 ; 5e éd., Paris, A. Colin, 1921, p. 547.
90 Convention nationale. Discours et projet de déclaration des principes essentiels de l’ordre social et de la République française, prononcés à la Convention nationale, dans la séance du 23 germinal, an 3, par Ph.-Ant. Merlin (de Douai) ; imprimés par ordre de la Convention nationale [12 avril 1795], Paris, Imprimerie nationale, s.d., 16 p. in-8°.
91 Gruffy Louis, op. cit., p. 47.
92 Voir notre thèse, op. cit., tome II, p. 379-383.
93 Voir cependant Le Moniteur universel, no 295 du 25 messidor an III (13 juillet 1795), séance du 21 messidor (9 juillet), réimpression, tome XXV, p. 195-196.
94 Sur cette mission voir notre thèse, op. cit., tome I, p. 225-231.
95 A.N., D III 188, lettre de Thellier à Merlin, datée de Paris, le 7 pluviôse an IIΙ (26 janvier 1795).
96 Dufort Jean Nicolas, comte de Chevemy, Mémoires sur les règnes de Louis XV et de Louis XVI et sur la Révolution, par Jean Nicolas Dufort, comte de Cheverny, introducteur des ambassadeurs, lieutenant général des Blaisois (1731-1802), Paris, E. Plon-Nourrit, 1886, tome II, p. 393.
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