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« Il suffirait de voir qui je suis, ce que je suis : Corps et Voix » : le problème de l’incarnation anorexique dans Si tu me regardes, j’existe (2009) de Francesca Volchitza Cabrini

p. 171-183


Texte intégral

1« Il suffirait de voir qui je suis, ce que je suis : Corps et Voix » est l’ultime réplique de Si tu me regardes, j’existe1, la première pièce de l’auteure et metteuse en scène italienne Francesca Volchitza Cabrini. Formulé par Claire, le personnage principal, cet énoncé ouvre l’horizon d’une réconciliation entre le corps et la voix de celle qui, à la fin de la pièce, s’avance pour la première fois au miroir d’elle-même. Mais c’est d’abord le problème de leur articulation qu’il révèle, problème qui s’inscrit au cœur du projet dramatique de Cabrini. La pièce, créée en juin 2009 au Théâtre du Tremplin à Paris dans une traduction française d’Enrico Cobianchi, explore en effet la relation complexe du corps et de la voix dans l’urgence de la souffrance psychique et physique d’une jeune fille anorexique. Elle porte sur scène une maladie mentale dont la représentation demeure rare et difficile malgré la médiatisation croissante dont elle a fait l’objet ces deux dernières décennies. Cabrini propose donc une réflexion sur le corps et la voix au théâtre à partir d’une problématique pathologique : c’est depuis la perspective de l’anorexie et dans une alternance, voire une confusion, des points de vue subjectif et objectif que s’opèrent sous nos yeux le dérèglement du corps et l’éclatement de la voix. Dans le trouble anorexique, où la chair se trouve niée, le propos vidé – l’alexithymie s’y trouve fréquemment associée – et le stade du miroir en quelque sorte renversé, le corps et la voix sont mis à mal jusqu’à être anéantis, s’entraînant mutuellement dans leur chute. Comment, dès lors, dire et incarner sur scène le sujet évanescent, la désincarnation muette, l’être qui se spectralise, autour d’un personnage divisé et en souffrance qui fuit les regards autant que l’échange verbal et se replie dans un espace mental clos sur lui-même ? L’introduction sur scène de cette pathologie qui donne sa thématique et sa structure à la pièce met en abyme les paradoxes fondamentaux autour du corps et de la voix du personnage en crise dans le théâtre très contemporain.

Modalités d’une psychopoétique de la scène

2Entre mise en scène des fantasmes hallucinatoires et mise en voix de la réalité quotidienne de Claire, Si tu me regardes, j’existe nous plonge dans l’intimité de la maladie en donnant à voir, de l’intérieur, l’univers fait de rituels, d’obsessions et de perceptions affolées d’une jeune fille qui, confrontée à l’irrémédiable de la mort, a décidé de ne pas grandir. Les causes de la maladie sont suggérées avec subtilité, les symptômes évoqués et décryptés avec pudeur. La description du système dans lequel Claire s’est enfermée alterne avec des réflexions personnelles nourries d’angoisse et des scènes symboliques ou anecdotiques du quotidien qui donnent vie à ses hantises, ses souvenirs plus ou moins altérés, déformés ou inventés, et à ses peurs délirantes. L’espace dramatique est essentiellement un espace mental : aucune action ne se passe en dehors de la psyché de Claire, qui avoue souvent ignorer si elle a « vécu des situations dans la réalité ou l’imagination ».

3L’entrée de Claire dans le monde adulte est marquée par l’avènement de la puberté (l’apparition des règles) et la rencontre avec la mort (le décès de sa grand-mère). Dans son refus en bloc d’une évolution où le corps échappe à la sécurité originelle et où la vie se montre étroitement associée à la mort, Claire décide de s’opposer à l’ordre existant au nom d’une idée fixe : celle d’une rétrogénèse qui doit rétablir « le sens de l’éternité » figé dans l’« Âge d’Or » de l’enfance. Il s’agit pour elle de revenir à l’état d’infans, conformément au fantasme d’auto-engendrement que la clinique psychanalytique identifie dans la pathologie anorexique. C’est ce qu’indique l’image utérine à l’aide de laquelle Claire évoque les « parois » de sa chambre, symboliquement érigée en un espace prélinguistique et prévocal protégé qui se substitue au ventre maternel : « Je me remets à l’abri. Dans une chambre. Filtrer. Tout. Sauf la musique, peut-être. Un réseau contre les mots avant de dire. Une membrane qui étouffe. Avant de dire ».

4Dans un décor épuré, minimaliste, cette poésie de la scène joue avec la fonction métaphorique des mots, les mouvements des corps dans l’espace et les images vives de quelques accessoires symboliques qui construisent un univers clos autour d’un petit lit blanc en fer forgé qui sert aussi, à l’occasion, de table à manger, de cercueil ou de divan. Là, Claire dialogue avec trois autres voix, tantôt en opposition les unes avec les autres, tantôt ses complices, tantôt encore alliées contre elle. Sortes d’ombres d’elle-même qui décrivent et matérialisent les conflits intérieurs qui l’animent, les « Indifférenciés » assument alternativement, voire confusément, les fonctions de narrateurs, commentateurs tentateurs, guides de conscience et porte-parole, tout en incarnant les voix grotesques ou d’outre-tombe des êtres chers et les objets de ses souvenirs ou de son quotidien dans une forme de théâtre dans la pièce. Ils se font ainsi les voix de sa psyché hantée par les scènes de sa mémoire et par les perceptions imaginaires associées à la maladie, se donnant sur scène comme des hallucinations visuelles et auditives. En réalité, la jeune fille est seule avec les projections, les visions cauchemardesques et les doutes affolés qui l’assaillent et qui donnent lieu à ce que l’on peut considérer comme un long monologue éclaté en plusieurs voix. Le phénomène de dissociation qu’expérimente Claire, un mécanisme de défense psychologique stylisé ici à travers cette polyphonie de l’intime incarnée sur scène, confère ainsi à chaque énoncé une dimension fortement ironique.

5La topologie du sujet-personnage anorexique est ainsi éclatée en plusieurs instances sans que celles-ci soient proprement (id) entitaires : les Indifférenciés ne constituent pas des personnages à part entière mais n’évident et ne résument pas totalement le personnage de Claire. Dans Le Personnage théâtral contemporain : décomposition, recomposition, Jean-Pierre Ryngaert et Julie Sermon rappellent que

celui qui parle se révèle être parlé, il agit moins à travers le monde que dans et par le discours qu’il tient sur ce monde. La psychanalyse a ainsi plus ou moins fait admettre que le sujet était tissé de voix (il se fonde en parlant et il est fondé par la parole des autres).2

En nous donnant littéralement à entendre une telle plurivocité sur scène, Cabrini élabore une mise en forme dramatique de cette découverte fondamentale de la psychanalyse ; à l’image de la maladie, elle re-métaphorise ce « tissu de voix » qui, dans leur besoin de se faire entendre, au lieu de constituer le sujet tendent ici à le désagréger, à le « décomposer ». De la même façon, l’anorexie se structure autour de la symbolique du corps et de la nourriture en incarnant à la lettre des idiotismes recourant à des métaphores alimentaires (« rester en travers de la gorge », « une pilule dure à avaler », « ne pas digérer » quelque chose, « être gavé », etc.), lesquelles reflètent notre rapport poétique au monde. L’anorexie, véritable métaphore à vif, donne corps à ce que Ricœur appelle « vérité métaphorique »3.

6Corps dansants, démultipliés et diversifiés, voix stridentes, doucereuses ou menaçantes : en in-carnant le dé-charné et en voisant le mutisme, les Indifférenciés métaphorisent le trouble mental sur la scène en suggérant la confusion à la fois solitaire et peuplée de Claire. À travers cette dramatisation de la clinique anorexique, la pièce définit ainsi les modalités d’un réalisme psychiatrique à la base d’une psychopoétique de la scène. Le choix dramatique de quatre personnages qui représentent deux entités, Claire et les Indifférenciés, permet de représenter le processus psychique par lequel la voix de Claire se fractionne, littéralement « dis-loquée », sous l’effet d’un clivage structurel. Au niveau diégétique, une telle configuration fondée sur le principe d’une autonomisation pathologique des discours intérieurs pose la question du statut, de l’identité et de la responsabilité éthique des locuteurs et du nombre d’instances énonciatives réelles. La diffraction des points de vue et l’alternance des rôles endossés par les Indifférenciés qui tantôt jouent des personnages, tantôt commentent l’action, causent aussi une collision entre les niveaux intradiégétique et métadiégétique. Au final, de telles catégories sont mises à mal, voire invalidées, dans une écriture qui creuse la brèche du « moi » jusqu’à la fragmentation et la disparition du sujet monologique, à l’image de ce qui peut se jouer dans la psychose. Le tutoiement des voix intérieures lorsque les Indifférenciés s’adressent à Claire évoque les possibles hallucinations ou le trouble dissociatif par lequel l’anorexique peut connaître des expériences de dépersonnalisation et de déréalisation. La distinction même entre dialogue et monologue n’est donc plus opératoire puisque les interactions polylogiques de la pièce se jouent exclusivement sur la scène du conflit intrapsychique.

De l’autre côté du miroir : images du corps et mises en voix

7Le passage à la troisième personne et au mode descriptif met à mal l’illusion dramatique à travers un discours clinique ou analytique qui produit un effet soudain de distanciation et de contraste. Dans la scène du repas dominical, cette alternance des pronoms, couplée au recours au vocabulaire scientifique du corps, cède finalement la place à une métaphore hyperbolique qui fait rebasculer le propos dans l’affect et l’irrationnel de la maladie :

8Indifférencié 2 (Alice) : Elle était nerveuse, elle serrait fort ses mâchoires.

Claire : Je serrais mes jambes l’une contre l’autre, je sentais la pression entre les genoux et les adducteurs contractés. Je serrais mes fessiers. Indifférencié 2 (Alice) : Pour décharger la rage.
Indifférencié 3 (Stéphanie) : Pour tonifier les cuisses et les fessiers et pour augmenter le gaspillage de son corps.
Claire : Les os du sacrum frottaient contre la chaise dure. Mon cœur battait la chamade. J’étais un poulet à empâter.

L’irruption régulière du régime narratif semble d’abord permettre de sortir ponctuellement du point de vue subjectif en introduisant un regard clinique extérieur et objectif. En fait, le passage du « elle » au « je » et inversement se fait indifféremment : on le voit, les propos tenus sont interchangeables, qu’ils soient énoncés par un Indifférencié (lui-même sensé incarner un autre personnage) ou par Claire. Cette valse des pronoms personnels et des voix est une métaphore qui porte sur le plan d’une poétique des discours une expérience de dépersonnalisation et d’aliénation au cours de laquelle le « je » intermittent d’un sujet singulier – Claire – ne s’appréhende que dans des moments de lucidité relative. L’effet produit par ces relais de parole et cette confusion généralisée des personnages est celui d’un discours unique morcelé à travers une pluralité d’instances d’énonciation successives et superposées. Ici aussi, c’est la partition vocale et les effets musicaux créés par un tel dialogue de voix qui sont mis en avant. Quant à l’intellectualisation du rapport de Claire à son corps à travers l’usage de termes (« adducteurs », « sacrum »), elle constitue un mécanisme de défense qui compte parmi les symptômes de la maladie, récupéré ici dans une poésie du langage scientifique. Celle-ci culmine à la fin de la pièce dans des expressions comme « une mandibule et une mâchoire encastrées dans le silence de la faim ».

9Ce brouillage des voix, des pronoms et des frontières entre le dramatique, l’épique et le langage poétique permet de mimer ce qui se joue dans la tête de Claire pour qui les frontières s’anéantissent entre soi et autrui, où se mêlent le refus de manger pour maîtriser le traumatisme de la séparation et le désir de retourner à la relation fusionnelle d’avec le ventre maternel. De telles confusions se répercutent sur l’image déformée que Claire se forge de son corps, en particulier devant le miroir où elle ne reconnaît pas son reflet ou au souvenir de cette amie anorexique décédée, Sylvie, à laquelle elle s’identifie et qui devient son alter ego. Ces deux scènes sont des exemples de dissociation et de projection fantasmatique qui disent la spectralité du corps dans le regard même de Claire. Dans la brève scène du miroir, Cabrini met en scène ce phénomène de distorsion de la perception de soi qui est un autre symptôme de l’anorexie en plaçant Claire et Indifférencié 1 face à face, effectuant une série de gestes symétriques simultanés. Le spectateur est ainsi confronté par équivalence poétique à la même vision que Claire : celle d’une étrangère devant une étrangère. Dans la scène où Indifférencié 2 incarne Sylvie, Claire évoque cette jeune fille qui n’avait elle aussi que « la peau sur les os » et dont elle a partagé la chambre à l’hôpital. Double de soi au « regard énorme » grâce à qui Claire a pu « se mirer dans une autre comme [elle] », Sylvie n’a pas survécu à la maladie ; de ce reflet usé par l’anorexie, il ne restait déjà plus qu’« une ombre, cette voix faible et un corps en train de disparaître ». C’est pourtant dans cette image de l’autre en train de disparaître que Claire se reconnaît et peut voir son propre regard énorme, alors même que le souvenir dédouble le caractère spectral du corps remémoré mais non remembré (puisque l’image de Sylvie reste disloquée dans l’évocation d’un corps fragmenté – peau, os, yeux, voix).

10Avec les scènes du miroir et du double, on voit ainsi se déployer d’autres modalités d’une « spectropoétique de la scène »4. Les différences physiques entre les corps des actrices représentent l’impossibilité de se reconnaître dans le miroir et le sentiment de s’entrevoir comme une forme fantôme qui échappe à la compréhension du regard. Claire ne parvient finalement à s’appréhender qu’à travers l’image gémellaire d’une autre alors qu’elle essaie en vain de saisir son image en se tenant « nue, devant la glace tous les matins pour contrôler si l’espace qu’[elle] occup[e] est toujours le même ». C’est ici le vide, le creux, le manque de chair, l’absence de corps qui permettent à Claire de se forger une image d’elle-même en négatif, par des délimitations incertaines. Ce mouvement est l’inverse symétrique du stade du miroir par lequel l’enfant se reconnaît dans la glace et s’identifie avec son reflet qu’il comprend comme une image de soi et de son propre corps. Le désir de retour à l’enfance associé à la maladie anorexique provoque un mouvement régressif par lequel Claire est ramenée en-deçà de ce stade. Ce n’est qu’à la fin de la pièce qu’elle ose enfin se regarder vraiment et qu’Indifférencié 1, qui incarne son reflet mais aussi l’ombre de la maladie et le regard déformé porté sur soi, s’éloigne dans le noir pour la laisser se découvrir seule sur scène.

11Dans la boulangerie où elle doit faire des courses, Claire garde les yeux mi-clos, fixés sur le carrelage au sol pour ne pas succomber à la tentation de la nourriture. Mais si la vue représente une menace potentiellement catastrophique, les voix extérieures, qu’il est plus difficile pour Claire de ne pas laisser « entrer » dans sa tête, sont autrement plus perfides :

Indifférencié 2 (Mlle Lafon) : […] Il n’était pas facile d’ignorer les odeurs, les couleurs, les formes et les voix.
Indifférencié 1 (Mlle Rocher) : Surtout les voix.
Indifférencié 2 (Mlle Lafon) : Il était important de fuir les mots. Les mots étaient dangereux. Les mots construisaient une image si claire dans son esprit qu’elle semblait réelle. Elle n’aimait pas écouter combien de croissants et combien de parts de tarte Madame Rocher apporterait chez elle.

C’est la voix qui donne à voir : pour Claire, l’image formée par les mots est plus claire que celle renvoyée par le miroir. Alors que la jeune fille détourne son regard, la voix est ce qui s’insinue en elle malgré tout, ouvrant la porte à un cortège d’images que les yeux veulent éviter :

Indifférencié 1 (Mlle Rocher) : Cependant quelque chose pouvait entrer. Des voix comme de la musique. Elle n’arrivait pas à les refouler.
Indifférencié 2 (Mlle Lafon) : Les voix poussaient à l’intérieur tout ce qu’elle voulait laisser à l’extérieur.

C’est pourtant le mouvement inverse qui domine la pièce. Les voix des Indifférenciés poussent à l’extérieur tout ce que Claire voudrait laisser à l’intérieur, tout en se prêtant tour à tour aux absents, aux inanimés et aux morts (à Sylvie, l’amie anorexique, mais aussi à la grand-mère chérie dont le souvenir fantasmé surgit également sur scène). C’est dans la scène des biscuits que l’on trouve la prosopopée la plus monstrueuse. Sous l’effet du regard fugace de Claire, les biscuits prennent vie et voix – celle de la tentation et celle de la maladie : « Tu nous as vus ! », s’exclament-ils, avant d’ajouter dans un éclat de rire : « regarder, c’est comme si tu nous avais mangés ». Leur prise de parole et leurs propos reflètent la confusion qui s’accomplit dans l’esprit de Claire entre le réel et l’imaginaire, son propre corps et le corps étranger. Dévorer des yeux les biscuits, comme le pain au chocolat de la cliente qui sort de la boulangerie, revient effectivement à les ingérer : le regard se fait performatif, le délire littéralisant de Claire reflétant un rapport au monde qui sollicite pensée magique et phénomènes d’introjection et de projection paranoïaque. C’est un processus similaire de déplacement sur le plan littéral qui s’opère lorsque Claire est saisie de panique à l’idée d’être vue : pour « la petite fille qui ne voulait pas se faire regarder » (sic), être l’objet du regard d’autrui équivaut à subir un viol symbolique, comme le suggère l’expression « un regard pénétrant ».

12La mise en place de stratégies symptomatiques de la maladie, de la restriction alimentaire à l’utilisation de laxatifs en passant par l’exercice physique, permet à Claire de transporter tout le poids et la place de son corps dans sa tête. De fait, si le corps se spectralise et se cache, il devient aussi de façon proportionnellement inversée un objet mental envahissant, de plus en plus encombrant, d’où son omniprésence sur la scène de théâtre à l’image d’une psyché saturée par les images. Cabrini dévoile ainsi les coulisses d’une intimité extériorisée sur scène par le biais de la métaphore et du geste théâtral, et en ce sens c’est à travers le langage et l’image que son écriture travaille une poétique de l’obscène, voire de l’excrémentiel, puisque la jeune fille se vide de toutes les manières possibles dans le rituel quotidien épuisant de son effacement. La transparence du corps de Claire traversé par les regards, celle-là même de son existence, s’inscrit d’ailleurs jusque dans son prénom. Sous « le poids des yeux » et des « orbites qui frottent [s]on corps », le personnage de la fiction s’use jusqu’à l’invisibilité.

L’anorexie, paradigme de l’incarnation et de la ventriloquie au théâtre

13La scène de théâtre, comme le corps de Claire, se fait theatrum mentis. Dans l’anorexie, le corps tout entier n’est que le théâtre du symptôme psychiatrique auquel il donne prise et une visibilité en creux à travers sa propre (spectaculaire) disparition. Effets de distanciation et écriture poétique travaillent ici cette dimension métaphorique en transposant sur scène une image du corps évanescent de Claire par le recours paradoxal à une pluralité de corps et de voix. En personnifiant ce théâtre intérieur, Cabrini propose de fait une réflexion sur l’incarnation – celle, existentielle et phénoménologique, du sujet dans le monde comme celle, poétique et scénique, du personnage au théâtre. Que nous disent l’individu anorexique, qui procède à un évidement sacrificiel du corps, et le personnage de théâtre contemporain qui, dans les théâtres de la voix5, va jusqu’à se « décarner »6 et s’absenter de la scène ? Dans la pièce de Cabrini, les paradoxes autour de l’incomplétude et de l’effacement du sujet anorexique et du personnage contemporain convergent et se réfléchissent. L’un et l’autre s’inscrivent dans une forme d’absence du corps et dans ce qu’Élisabeth Angel-Perez a nommé « la déprise identitaire »7 de la voix sur scène – à laquelle correspond, sur le plan psychiatrique, le phénomène de dépersonnalisation.

14Être de voix, le personnage de théâtre contemporain comme on le voit depuis Beckett chez comme Novarina, Pinter, Jelinek, Crimp ou Kane est fondé par une ou plusieurs instances vocales. Sous des formes plurielles et pour des effets variés, au corps sacrificiel du personnage dont la substance s’évide à l’image du sens de l’humain se substituent des voix transitionnelles, atopiques, indifférenciées, asexuées, anonymes, d’outre-tombe, qui viennent dire et incarner le désastre. La scène se passe du personnage, qui n’est plus qu’un référent linguistique ou bien tend une « figure » inscrite dans sa seule empreinte vocale. Il advient dans le dire ou l’être dit d’une parole performatrice et/ou narrative dépersonnalisée, se nourrissant de sa propre voix ou nourri de celle d’autrui, tandis que le corps se fait support de voix ou objet de discours. Ombre de lui-même, le sujet anorexique de son côté se déleste littéralement du poids du corps. Le corps transparent de Claire disparaît pour céder la place à des voix obsédantes et omniprésentes, bien en chair sur la scène, mais qui résonnent dans l’espace purement mental du drame. C’est dans cet espace psychique et non physique que le corps acquiert un poids écrasant : la logorrhée de Claire et des Indifférenciés fait ainsi contrepoids à ce corps qui se retire. Marqués du sceau de la spectralité, le sujet anorexique de Cabrini et les personnages dramatiques du théâtre des voix, ces « non-personnages » ou ces « absences de personnages »8 pour citer Martin Crimp, semblent des éclipses ou des ombres qui échappent au regard mais dont la présence s’inscrit dans de la voix.

15Le personnage anorexique se fait donc le paradigme de ces instances de parole qui traversent les dramaturgies de la voix. Mais Claire est aussi le double inversé du personnage traditionnel qui apparaît alors comme une métaphore de la santé ou de la guérison. C’est ce vers quoi tend la fin de la pièce : le rétablissement de Claire, parce qu’il passe par l’affirmation d’un corps ému – capable d’« une larme » ou d’« un sourire » – et loquace – à même d’écouter « Une idée. Une pensée. Un désir », nous place au seuil de la naissance véritable du personnage central et unique de la pièce. Cette réunification du corps et de la voix de Claire dans le moment final de son départ pour une « vie incarnée en équilibre instable » arrive au terme d’un renversement progressif, dans un mouvement inverse à celui de 4.48 Psychose (2000) de Sarah Kane. L’antithèse se donne comme un chiasme : alors que la patiente chez Kane convoque le regard d’autrui comme témoin imminent d’un effacement définitif : « Regardez-moi disparaître »9, Claire dit : « il suffirait que je me regarde ». Ici, le rideau tombe donc paradoxalement sur le moment où Claire s’apprête à se reconnaître enfin dans la plénitude d’un « je » actif et réconcilié face au miroir. Son ultime énoncé, plein de promesses, « il suffirait de voir qui je suis, ce que je suis : Corps et Voix », ouvre la voie à cette synthèse impossible chez Kane. Il peut aussi s’entendre comme un commentaire métathéâtral par lequel non seulement Claire s’offre comme une jeune fille qui prend corps dans le monde, mais où le personnage de théâtre se reconnaît en tant que tel et se définit lui-même comme « corps et voix ». Recomposé, réconcilié, il ne se donne donc plus en creux (anorexique) mais en plein (« affamé »). Cet avènement du personnel au singulier, du sujet total, intégré et intégral, entraîne naturellement la disparition simultanée des Indifférenciés qui se retirent dans l’ombre et s’effacent du champ de la parole. Est ainsi mis en abyme, à rebours, le drame entier de la pièce comme réflexion sur le processus d’incarnation au théâtre dont Claire, seule et entière, remembrée sur le devant de la scène, offre une image auto-réflexive qui renvoie à son tour le spectateur à son propre corps et à sa propre voix.

16La métaphore de la ventriloquie permet d’approfondir les liens forts entre le problème de l’incarnation anorexique et celui de l’incarnation théâtrale. Si le théâtre est un art ventriloque, comme l’a montré Élisabeth Angel-Perez, de ce que l’acteur prête sa voix au personnage qu’il incarne, l’image est ici dédoublée. Les comédiennes engagent leurs corps pour donner voix aux figures des Indifférenciés, lesquels prêtent eux-mêmes leurs voix à Claire, se faisant les porte-parole de ses pensées et les projections de ses discours intérieurs. Dire que les Indifférenciés sont des personnages ventriloques est d’autant plus intéressant qu’ils sont la voix du ventre – comme lorsqu’ils incarnent les biscuits. Mais ils donnent aussi du ventre à un personnage qui n’en a littéralement plus. La ventriloquie s’impose pour indiquer la corporéité évanouie de Claire et l’aphonie du ventre vide ; elle répond à la nécessité de dire le manque et de donner voix et chair à un corps épuisé, affamé et creux – un pantin figurativement « éventré », manipulé par la maladie.

17La sémantique du ventre constitue donc un point d’articulation nodal entre l’anorexie et le théâtre. Dans la ventriloquie, le ventre est le lieu d’origine de la voix venue des entrailles, celle qui ancre l’origine du sujet dans l’intime de la chair et qui résonne dans le corps, par opposition à la voix de tête. Avec le mouvement du diaphragme prend naissance un souffle qui s’incarne et s’expulse depuis le centre de gravité du sujet. Mais le ventre est d’abord le lieu de la digestion, l’image du corps affamé, glouton, abject : il doit ici se vider et disparaître. Le ventre, c’est enfin le corps féminin, maternel, celui que Claire rejette avec ses premières menstruations. La psychanalyse a mis au jour le glissement métonymique qui s’opère chez l’anorexique entre ces deux dernières fonctions du ventre, une confusion entre oralité et sexualité que confirme l’enchaînement immédiat entre le moment où Claire a ses règles et le moment où elle décide d’arrêter de manger, avant d’user de laxatifs pour ne plus « fai[re] corps avec l’égout ». Annihiler le corps, c’est d’abord exténuer le ventre, synecdoque centrale du corps tout entier.

18En évacuant le ventre, Claire se départit donc du corps sexuel, du corps vorace, du corps caniveau, mais aussi du corps vocal, de cette voix qui s’origine dans le ventre. La parole ventriloque des Indifférenciés est un dispositif théâtral qui permet de faire résonner sur scène la persistance éclatée du monologue intérieur et qui contrebalance, à défaut de le réparer, le déventrement progressif de Claire qui s’enferme dans « le silence de la faim ». Cette présence multivocale fait signe vers l’épuisement à la fois physique et existentiel de l’anorexique devenue la marionnette vide de la maladie, et fait contrepoids à une voix étranglée par un ventre noué. C’est qu’en effet Claire a la peur au ventre : peur de la disparition, de l’absence, de l’abandon, de la mort de ses proches, et peur d’elle-même aussi. Dans le monde de conte de fées où Claire s’est réfugiée, cette peur envahissante s’exprime à travers l’image de Barbe-Bleue, l’ogre terrifiant qui dévore et engloutit le féminin :

Claire : J’avais peur. J’avais peur.
Indifférencié 1 : De quoi ?
Claire : Des vampires, de l’ogre, des gnomes difformes, de Barbe-Bleue derrière la porte.

Tapi derrière « la porte de son âme », Barbe-Bleue évoque autant le monstre de la maladie qui la ronge que ce qu’elle cache. Figure de cauchemar, il symbolise sa part d’ombre, ce reflet gargantuesque que Claire, dans l’obscurité de la nuit, craint de voir dans le miroir qu’elle fuit.

Indifférencié 3 (Jeanne) : Pour cacher l’évidence.
Indifférencié 2 (Lucien) : Pour ne pas voir.
Claire : Pour ne pas regarder.
Indifférencié 3 (Jeanne) : Pour ne pas se regarder dans la glace.
Indifférencié 1 : En sautant du lit elle aurait sûrement rencontré le miroir. Elle avait peur de se regarder dans la glace.
Claire : J’avais peur de me regarder dans la glace et de voir Barbe-Bleue.

Barbe-Bleue est donc à la fois le monstre affamé qu’est devenue Claire – le ventre personnifié de la faim – et la force de la maladie matérialisée à travers des projections délirantes ou hallucinées.

19À la fin de la pièce, Claire parvient à partir « loin de Barbe-Bleue, de ses ongles noirs et forts, de sa main velue qui s’écrasait sur [sa] bouche, toujours plus bas, jusque dans la gorge, pour qu[’elle] ne pousse pas [s]on cri perçant ». Le vide créé par l’éloignement de l’ogre libère l’espace nécessaire à la naissance d’une voix, tandis que monte une « envie qui grandit dans le ventre » comme un embryon de guérison. Cette capacité à ressentir de nouveau des émotions dit le sujet en vie qui s’apprête à accoucher de lui-même, libre enfin de pousser son cri perçant de nouveau-né après la mort même du fantasme d’auto-engendrement propre à la maladie.

20Comme l’a analysé Bernard Vialettes10, l’anorexie entretient un rapport intime avec le théâtre, ce qu’illustrent aussi plusieurs autres pièces récentes écrites et parfois jouées par d’anciennes patientes et dont elle est le thème11. Parmi elles, la pièce de Cabrini semble pouvoir être abordée comme un jeu de miroir métathéâtral où le paradigme anorexique se fait la métaphore d’une poétique de la scène. Le personnage s’absente dans le hors-scène ou du moins se retire du champ du visible, prenant corps dans la seule chair fragile et toute-puissante de la voix, la sienne ou celle d’autrui. Claire se fait à l’image de ce personnage contemporain spectral, en souffrance et en manque de soi, dont des voix indéterminées, anonymes, tentent de cerner les contours évanescents que ce soit à travers une parole subjective et poétique (comme dans 4.48 Psychose de Sarah Kane) ou d’une parole narrative objectivante (comme dans Atteintes à sa vie de Martin Crimp).

21Dans le cadre d’un projet thérapeutique, Si tu me regardes, j’existe a été présentée en novembre 2010 à l’hôpital Sainte-Anne à Paris devant un public de patientes anorexiques hospitalisées dans le département des troubles du comportement alimentaire. Dans cette salle d’hôpital, l’anorexie s’est vue au miroir de soi et s’est entendue prendre la parole de vive voix sur la scène. Le spectacle était double, constitué de ce qui se jouait à la fois devant les jeunes filles – la pièce à proprement parler – et dans la salle. La violence de la pièce et l’émotion véhiculée par elle, qui se communiquait des comédiennes aux patientes et réciproquement, étaient augmentées par la conscience partagée de l’effet miroir à l’œuvre dans le présent immédiat de la représentation. À l’issue de la représentation, le dialogue a été difficile à initier. Les patientes sont restées très majoritairement silencieuses – dirait-on estomaquées ? – comme pour « digérer » un spectacle qui les avait laissées sans voix, les comédiennes s’étant faites ventriloques pour elles. Les deux seules jeunes filles qui ont véritablement pris la parole pour exprimer leurs impressions et ressentis étaient sorties de la spirale anorexique et avaient quitté l’hôpital. Elles avaient manifestement retrouvé corps et voix.

Bibliographie

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Notes de bas de page

1 Les citations de la pièce sont extraites d’une traduction française d’Enrico Cobianchi dont l’auteure nous a aimablement remis un exemplaire en mai 2010.

2 Jean-Pierre Ryngaert et Julie Sermon, Le Personnage théâtral contemporain : décomposition, recomposition, Paris, Éditions Théâtrales, 2006, p. 84.

3 Voir Paul Ricœur, La Métaphore vive, Paris, Le Seuil, 1975.

4 Voir Élisabeth Angel-Perez, « Spectropoétique de la scène : modalités du spectral dans quelques pièces du théâtre anglais contemporain », dans La Lettre et le fantôme : Le spectral dans la littérature et les arts (Angleterre, États-Unis), éd. Élisabeth Angel-Perez et Pierre Iselin, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, Paris, 2006, p. 145-157 et Voyages au bout du possible, Klincksieck, Paris, 2006, p. 197-212.

5 Voir Sandrine Le Pors, Le Théâtre des voix. À l’écoute du personnage et des écritures contemporaines, Rennes, PUR, 2011.

6 « Au théâtre, art ventriloque s’il en est, la voix pose la question double de l’incarnation et de la “décarnation”. » Élisabeth Angel-Pérez, « Je(ux) de voix : le théâtre de Martin Crimp », Tropismes, n° 17, 2011, <http://ojs.u-paris10.fr/index.php/tropismes/article/view/121/html> [consulté le 8/08/2012].

7 Ibid.

8 « a lack of character ». Martin Crimp, Atteintes à sa vie [Attempts on Her Life, 1997], dans Le Traitement. Atteintes à sa vie, trad. Christophe Pellet, Paris, L’Arche, 2002, p. 149.

9 « Watch me vanish / […] Watch me / […] Watch ». Sarah Kane, 4.48 Psychose [4.48 Psychosis, 2000], trad. Évelyne Pieiller, Paris, L’Arche, 2001, p. 55. Les deux jeunes femmes partagent jusque-là une commune blemmophobie. Comme la patiente chez Kane qui crie à trois reprises « NE REGARDEZ PAS VERS MOI » [ « LOOK AWAY FROM ME ». Ibid., p. 36], Claire implore : « Ne regarde pas. Ne me regarde pas, s’il te plaît. Ce sont des choses à moi. […] Je ne supporte pas le poids des yeux. Trop de regards. Tant autour. Et les orbites qui frottent mon corps. Ce qu’il en reste ».

10 Voir Bernard Vialettes, L’anorexie mentale, une déraison philosophique, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 94-95.

11 On peut citer, entre autres : Geneviève Brisac, Je vois des choses que vous ne voyez pas, Arles, Actes Sud, 2009 ; Maria Landgraf, La Princesse anorexique, spectacle de marionnettes, création 2008, Lyon, texte inédit ; Sandie Masson et Fred Nony, Annabelle M, une histoire sans faim, création 2011, Paris, texte inédit ; Alana Ruben Free, Beginner At Life, création 2004, New York, texte inédit ; Laura Stevens, Thin Toes, création 2008, Londres, texte inédit ; Roxane Von Allmen Lheureux, Vers Ana, création 2009, Paris, texte inédit ; Mark Wheeller, Hard to Swallow, Cambrigde, Cambridge University Press, 1999.

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