2. D’une Révolution à l’autre : le choix d’une stratégie et d’une politique
p. 41-67
Texte intégral
1De la convocation des Etats généraux au régicide, les idées, la vie et les ambitions de Philippe Merlin sont bouleversées. Arraché à la carrière du barreau au printemps 1789, il est brutalement projeté sur une scène politique d’où il réussit à émerger : l’avocat devient législateur et s’impose comme un patriote de premier plan, avant de commencer une carrière de magistrat, puis de se montrer républicain intransigeant dès les premiers mois de la Convention. Le chemin parcouru par Merlin, de la défense de la monarchie au régicide peut étonner ; au printemps 1792 encore, tout paraissait l’éloigner de la République : son respect de la fonction royale, son amour de l’ordre, sa passion presque mystique de la loi, son refus de modifier la jeune constitution. En fait, l’examen de sa rapide évolution laisse penser qu’il s’est très vite résolu à accepter le cours des choses, surtout en matière politique, sans pour autant se soumettre entièrement aux événements. C’est probablement dans ce subtil mélange de pragmatisme et de volontarisme, peut-être commun à de nombreux juristes, qu’il faut chercher la clef d’une évolution à la fois rapide et contrastée.
De la naissance à l’éclatement du mouvement patriote : la progressive émergence d'un politique
2Avant l’automne 1788, Merlin paraissait rester à l’écart des débats politiques ; du mois de mai au mois d’octobre, sa correspondance le montre avant tout soucieux des conséquences de la réforme Lamoignon sur son office1. Sans aller, comme à Rennes ou à Grenoble, jusqu’à la révolte, l’opposition des juristes à l’instauration des grands bailliages était évidente et permettait l’union des parlementaires et des avocats. Dans le cas de Merlin, cette association reposait sur de simples circonstances et cachait mal de profonds désaccords qui concernaient la vision de la société, les idées économiques, la conception de l’Etat et bientôt les conditions de réunion des Etats généraux. Ainsi, même si, à la différence de Sieyès, de Mirabeau ou de Robespierre, Merlin ne publia aucun opuscule pour exprimer son opinion sur le mode de suffrage à adopter ou sur les réformes à accomplir, il est probable qu’il s’engagea dans le combat patriote dès le mois de septembre ou d’octobre 1788. En moins d’une année, le jeune avocat, désormais totalement engagé en politique, allait prendre pleinement conscience de l’importance des événements vécus.
3Il est vrai que, le 4 avril 1790, Merlin fut choisi, avec Simon de Maibelle, pour représenter le Tiers état du bailliage de Douai et Orchies aux Etats généraux2 ; il se trouva ainsi revêtu d’une mission de porte-parole et s’engagea à défendre les doléances de ses commettants, à la rédaction desquelles il avait participé3. Les cahiers de la ville et du bailliage de Douai, sans être radicaux, défendaient quelques grandes revendications comme l’abolition des lettres de cachet, la réunion régulière des Etats généraux, la responsabilité des ministres devant les élus, ou encore le contrôle de la nation sur les impôts, les finances publiques, les pensions versées par le roi, les emprunts de l’Etat et les traités de commerce avec l’étranger. Afin d’établir une véritable autonomie provinciale, ils préconisaient aussi le renvoi des intendants et l’installation d’états provinciaux annuels aux pouvoirs élargis. A ces revendications politiques s’ajoutaient des récriminations contre les abus et les injustices que supportait le Tiers état. Merlin n’attendait cependant pas une Révolution totale ; même s’il était favorable au doublement du Tiers et à de profondes réformes politiques et sociales, il ne reniait encore ni les libertés de sa province, ni la vénalité des offices, ni le pouvoir législatif du monarque.
4Merlin devait cependant trahir assez vite les revendications les plus conservatrices de ses commettants ; son adhésion à l’ensemble de l’idéal patriote ne se fit pourtant que progressivement, avec d’inévitables maladresses et erreurs d’appréciation. Le 9 juin, Philippe Merlin proposa ainsi à ses collègues d’aller se réunir au clergé, conformément à son invitation, afin de rapidement trouver des solutions au problème de subsistances qui touchait Paris. Mais nombre de députés des Communes y virent une abdication devant le refus des privilégiés de vérifier en commun leurs pouvoirs, et une renonciation au vote par tête et à l’Assemblée nationale annoncés par Sieyès dans Ou ’est-ce-que le Tiers état ? Un député alla jusqu’à déclarer que ceux qui avaient de « semblables choses à dire » prissent désormais « le parti de se taire »4. Sa vision de la fameuse séance du Jeu de Paume, est un autre signe de cette difficulté à maîtriser les enjeux et à apprécier la gravité des événements. Au soir du 20 juin, Philippe Merlin présentait à son ami Bertrand le serment du Jeu de Paume comme une opposition en grande partie formelle, comme une « réclamation » à la fermeture de la salle des Menus-Plaisirs5 ; il montrait également une grande confiance dans la personne du roi et pensait que la séance royale qui se préparait serait favorable aux intérêts du troisième ordre.
5Ces erreurs de jugement n’empêchaient cependant pas Merlin d’être reconnu par ses pairs comme un vrai patriote. Le 19 juin 1789, les députés de Flandre et d’Artois le nommèrent ainsi au Comité de Vérification des pouvoirs et de contentieux de la nouvelle Assemblée nationale6. C’est ce comité qui lui donna l’occasion de son premier rapport, consacré à la validité de l’élection des évêques d’Ypres et de Tournai. Prononcé le 14 juillet, avant que la nouvelle des événements parisiens n’arrive à Versailles, le discours du jeune avocat, émaillé de multiples références à Rousseau et Sieyès, trahissait cette fois un véritable sens politique7. Sans prendre directement parti, Merlin précisait que la majorité des commissaires s’était prononcée en faveur de l’invalidation des deux élections parce que les évêques n’étaient pas français ; le 20 juillet, l’Assemblée suivit cet avis. Comme il l’expliqua dans son Recueil de jurisprudence, Merlin approuvait cette annulation et lui accordait une grande importance qui ne résidait pas tant dans la décision prise, que dans l’acte même de décider, puisque la question de la validité des élections aux Etats généraux avait presque toujours relevé du Conseil du roi. Pour Merlin, le droit était rétabli : ce n'était pas « au pouvoir exécutif à prononcer sur l’éligibilité des membres de l’Assemblée législative » ; l’Assemblée nationale s’imposait comme le représentant du nouveau souverain8.
6Mais la Révolution fut également celle de la nation ; la première journée révolutionnaire, celle du 14 juillet, fut ainsi célébrée comme un événement exceptionnel. Dans son journal, en janvier 1790, Merlin la présentait comme un sursaut d’un peuple « furieux, versant des larmes de désespoir, & déterminé du moins à mourir libre » ; la prise de la Bastille, « ce repaire affreux du despotisme, du haut duquel un monstre décoré du titre de gouverneur, faisoit pleuvoir le fer & le feu sur des citoyens paisibles », semblait marquer le sauvetage de la Régénération par le peuple de Paris9. Le 14 juillet, la Révolution municipale puis la Grande peur donnaient au renouveau attendu une nouvelle dimension, en même temps qu’ils dessillaient les yeux de Merlin. Devant la détermination des Parisiens et des campagnes, il acceptait de ne pas limiter son action politique aux seules institutions. Alors qu’au printemps, le député ne pouvait imaginer la disparition complète de la féodalité et des privilèges provinciaux, il participa avec enthousiasme à la nuit du 4 août ; alors qu’il n’avait envisagé qu’une simple réduction de la dîme, il fut le premier à en demander la suppression pure et simple (10 août)10. Aux mois d’août et de septembre, dans les débats sur le veto royal et la forme que devait prendre l’Assemblée législative, il prit le contre-pied des Anglomanes, ce parti qu’il qualifierait bientôt de « soi-disant patriotique »11, et se prononça pour le monocamérisme et un veto suspensif12.
7Désormais, Merlin envisageait de transformer en profondeur les structures politiques et sociales du pays, sans cependant se cacher les difficultés de l’entreprise. La sanction tardive du décret des 5-11 août (3 novembre) lui fit une première fois douter du roi ; mais à l’automne, les difficultés du Trésor l’inquiétaient davantage et apparaissaient même comme la principale hypothèque sur l’avenir de la Révolution. Dans une lettre à son ami Bertrand, le 22 septembre, Merlin redoutait le pire : « S’il ne nous vient pas de secours extraordinaire, écrivait-il, il faut que les payemens cessent la semaine prochaine » ; une banqueroute lui semblait devoir entraîner la « dissolution » de l’Assemblée, et peut-être de plus grands maux encore13. Ce même mois, Necker proposa au roi de réduire les dépenses de gouvernement et aux députés d’instaurer un don patriotique obligatoire, fixé au quart des revenus. La taxe vaudrait pour les nobles comme pour les roturiers, les plus pauvres restant cependant libres de ne pas la payer. Plein de confiance et d’admiration en Necker, qu’il considérait comme le défenseur de « la cause du peuple »14, Merlin, suivi de ses collègues nordistes Breuvart et Simon, vota pour l’acceptation de ce « sacrifice » qui devait, selon lui, sauver l’Etat et rendre le peuple « à jamais tranquille et heureux »15. Dès le 28 septembre, avant même que l’Assemblée en fasse une obligation, le jurisconsulte offrit à la nation une somme de mille livres16. Ces mesures ne suffiraient cependant pas et, quelques semaines plus tard, les députés décréteraient la sécularisation des biens d’Eglise.
8Par ses choix politiques, par sa souplesse face aux événements, Merlin se rangeait dans les rangs des patriotes constitutionnels. En quelques mois, après d’inévitables maladresses et quelques déconvenues, il avait acquis une véritable expérience politique et pris conscience de la portée de l’événement révolutionnaire. Dès l’automne, il avait également compris que la résistance du roi, du clergé et de la noblesse, ainsi que les difficultés financières devraient être surmontées avant de voir triompher les idées nouvelles. Malgré ces obstacles, Merlin se montrait confiant et s’engageait résolument du côté du changement. Par son concours actif aux grandes réformes, il allait apparaître à ses contemporains comme l’un des premiers patriotes de l’Assemblée constituante.
Orateur, législateur et publiciste : portrait d’un patriote constitutionnel
9Dans les recueils biographiques qui parurent au lendemain de la séparation de l’Assemblée, Merlin est présenté comme un patriote sincère et talentueux dont l’œuvre force le respect17. Le jeune député avait acquis cette renommée par ses interventions à l’Assemblée, son travail de législateur et son œuvre de journaliste.
10Dans ses travaux sur les Constituants, Edna Lemay a isolé cinquante-trois grands orateurs, dont trente et un membres du Tiers état parmi lesquels Sieyès, Mirabeau, Lanjuinais, Treilhard, Reubell, Robespierre et Merlin18. Il est vrai que le député de Douai participa à tous les grands débats, que ce soit en son nom propre, ou au nom de l’un des comités dont il était membre. A maintes reprises, ses interventions furent déterminantes et s’imposèrent aux patriotes par la rigueur de leurs arguments. L’on peut citer son rapport et son projet de décret du 8 février 1790, par lesquels il organisa l’abrogation du régime féodal ; son discours du 24 mai de la même année, qui détermina l’Assemblée à établir un Tribunal de cassation unique et sédentaire ; ou encore son discours sur les princes possessionnés d’Alsace, en octobre 1790, par lequel il théorisa le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes19.
11En général, les grands textes de Merlin furent élaborés dans le cadre des comités de l’Assemblée, et notamment au sein du Comité de Féodalité, créé le 12 août 1789 et définitivement constitué le 9 octobre, qui était chargé de résoudre les problèmes soulevés par l’abrogation des seigneuries et de la féodalité. Il regroupait une trentaine de députés, presque tous choisis dans les rangs du Tiers état, qui représentaient chacun une ou plusieurs provinces, mais furent relativement peu connus excepté Goupil de Préfelne, qui en fut président, Reubell et Tronchet20. Afin de rapidement examiner les questions essentielles, le comité s’était scindé en deux sous-commissions : la première, présidée par Merlin, devait décider de la démarcation entre droits rachetables et droits supprimés sans indemnité tandis que la seconde, dirigée par Tronchet, était chargée de fixer les conditions du rachat. Une fois ces grandes mesures adoptées, Merlin se consacra à la correction des lacunes de la loi et veilla à sa bonne interprétation.
12Sans atteindre la même importance, le travail de Merlin au Comité d’Aliénation des domaines nationaux, présidé par La Rochefoucauld, n’est pas à négliger. Il y fut nommé le 22 mars 1790 et y siégea sans interruption jusqu’à la séparation de l’Assemblée constituante21, le plus souvent comme vice-président. Composé d’une douzaine de députés, le comité était divisé en deux sections dont la première, à laquelle appartenait Merlin, était chargée de la correspondance. Le rôle du représentant y était de répondre au courrier des particuliers et des municipalités pour les départements du Nord, du Pas-de-Calais et des Ardennes22, en provoquant au besoin un « avis » de sa commission ; comme dans le Comité de Féodalité, il veillait au respect des décrets et éclairait ses correspondants sur l’esprit de la loi, sans pour autant se muer en juge ou en législateur.
13Les préoccupations et la renommée de Merlin lui permirent également de tisser des liens étroits avec d’autres comités de l’Assemblée, dont il n’était cependant pas membre. Ainsi, les archives du Comité des Recherches, chargé du maintien de l’ordre dans les provinces, conservent de multiples lettres de dénonciation renvoyées par Merlin, avec le plus souvent une mention autographe23. La même remarque vaut pour le Comité des Rapports où Merlin semblait bien connaître Vieillard de Coutances24. Par son intérêt pour les réformes institutionnelles, de la départementalisation au renouveau de l’organisation judiciaire, Merlin était également fort proche du Comité de Constitution où siégeaient les ténors de l’Assemblée25. A plusieurs reprises, pour des questions qui le plus souvent intéressaient son département, il rédigea de sa propre main des lettres ou des avis que les membres de ce comité se contentèrent ensuite de ratifier26 ; d’autres fois, il proposa en leur nom des projets de décret à l’Assemblée27. Même si cette pratique n’était pas exceptionnelle au sein de cette commission surchargée de travail, elle prouve que Merlin jouissait de la confiance de l’un des premiers comités patriotes.
14Malgré sa renommée et son influence, Merlin n’usa cependant pas de son prestige pour s’imposer dans les clubs, et notamment à la Société des amis de la Constitution dont il était pourtant membre. Au fond, il restait peut-être plus juriste que politique ; il se voulait avant tout homme de comité et législateur, et ne brilla jamais par un quelconque talent de polémiste. Il n’était pas davantage l’homme d’un parti, et semblait tenir à son indépendance. D’après Duquesnoy, au début de l’année 1791, Merlin ne siégeait ni du côté des Jacobins, ni du côté de Quatre-vingt-neuf, ni à plus forte raison avec la droite :
Après 89, écrivait-il, vient une partie de l’Assemblée à peu près abandonnée et sans chef, c’est celle où se place M. Merlin, qui est bien jacobin, mais qui n’est pas vendu aux Jacobins28.
15Cette volonté d’indépendance et ce goût pour l’action dans le cadre des comités sont à rapprocher de sa vision du métier d’avocat, où le travail de cabinet l’attirait davantage que la plaidoirie, mais aussi de son choix de la modération et de l’indépendance proclamée des membres du barreau classique29. En fait, plus que Robespierre, Merlin s’imposait comme un juriste en politique. La nature du journal qu’il publia en 1790 semble confirmer cette analyse.
16La nouvelle liberté de la presse permit à Merlin de réaliser un rêve jusque-là contrarié par les autorités publiques ; quelques mois après un nouveau refus de la Librairie, en mai 178930, il avait en effet pu entreprendre la publication d’un journal de droit et de jurisprudence intitulé, comme dans son projet de 1786 : Recueil général et journalier de jurisprudence françoise. La découverte d’un exemplaire de ce périodique, jusque-là considéré comme perdu, permet de mieux connaître sa nature, son contenu et le sort que lui réserva le public31.
17Le Recueil général, dont le premier numéro est daté du 7 janvier 1790, se composait de vingt-quatre pages in-quarto32 et était distribué aux abonnés chaque jeudi. Comme dans le projet déposé en mai 1789, Merlin se proposait d’y présenter les transformations des institutions et du droit. Dans le premier numéro, il s’engagea à analyser et à expliquer les lois nouvelles, sans en excepter la constitution, à présenter les arrêts dont les thèmes et les conclusions importaient aux jurisconsultes, ainsi qu’à résoudre les principales questions qui lui seraient soumises par les lecteurs. Avec le temps, les trois thèmes du périodique évoluèrent, puis se fixèrent en trois parties consacrées à la constitution, aux lois nouvelles, et enfin aux arrêts des tribunaux et aux décisions de jurisprudence33.
18Pour rédiger son périodique, qui paraissait sous son seul nom, Merlin s’était entouré de quatre collaborateurs désignés par des initiales qui sont, par ordre d’importance croissant : D***, H***, G*** et Mo***. L’associé qui se cache derrière le D*** est probablement Barère de Vieuzac, dont le quotidien, Le point du jour, avait d’abord paru sous cette signature ; l’hypothèse est d’autant plus sûre que, faisant exception à la règle, Merlin signala nommément Barère comme auteur d'un important article sur les municipalités34. Derrière les autres signatures, l’on peut reconnaître trois anciens collaborateurs des publications de Guyot : H*** est probablement Henrion de Pansey, grand spécialiste des questions féodales et député à l’Assemblée ; G*** n’est autre que Garran de Coulon, lui aussi jurisconsulte et membre de l’Assemblée nationale ; quant à Mo***, le principal coauteur, il s’agit de Robin de Mozas, associé à Merlin dans tous ses projets de journaux de droit depuis 1786.
19L’essentiel du travail incombait cependant à Merlin qui, exception faite de l’article sur les municipalités, rédigea à lui seul les parties consacrées à la constitution française et aux lois nouvelles. En patriote, il y célébrait les conquêtes de l’Assemblée et commentait ses principales réalisations : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la Constitution, le décret des 5-11 août ou encore celui des 15-28 mars 1790 sur la féodalité. On lui doit également la présentation des questions de droit tranchées par les députés35. En fait, si l’on excepte l’article de Barère, les collaborateurs de Merlin n’intervenaient que dans la dernière partie du périodique, consacrée aux questions de jurisprudence.
20Malgré le soin qu’y apportèrent Merlin et ses amis, le Recueil général ne paraît pas avoir reçu du public l’accueil attendu. Il est vrai qu’à la différence de la presse politique, il se voulait à la fois posé, réfléchi et détaché de l’événement ; par une prudence toute juridique, il renonçait ainsi à un large public. Le prix de la souscription, qui était de neuf livres par trimestre, était le même que pour nombre de quotidiens comme le Patriote français ou les Révolutions de Paris, ce qui découragea probablement plus d’un notable. Finalement, dès la fin de 1790, Merlin renonça à éditer son recueil sous forme périodique et annonça des publications semestrielles qui ne virent jamais le jour.
21Malgré cet échec, ses travaux dans les comités de l’Assemblée, ses écrits, ses discours et ses rapports lui valurent la sympathie de ses collègues, la « haine honorable » des aristocrates36 et l’accession aux responsabilités honorifiques de l’Assemblée. Le 28 février 1790, peu après son rapport remarqué sur les droits féodaux, il fut élu secrétaire du nouveau président, l’abbé de Montesquiou, derrière les députés Croix et Guillaume37. Le 9 octobre de la même année, l’avocat devint le trente-cinquième président de l’Assemblée nationale38. Le mois suivant, le 25 novembre 1790, l’assemblée électorale du département de Paris le choisit, au second tour de scrutin, pour juge de l’un des six tribunaux d’arrondissement de la capitale. A l’issue des élections, Merlin fut nommé président du Tribunal civil du sixième arrondissement, où son mandat de député l’empêcha de siéger39.
22A la fin de l’été 1791, Merlin manifesta cependant le désir de reprendre le chemin de Douai. Le 28 août, il abdiqua sa place de juge40, et les invitations que Duport-Dutertre, ministre de la Justice, lui adressa pour qu’il se maintienne à son poste ne le détournèrent pas de son projet41. Ses responsabilités près de Philippe d’Orléans dont il était, depuis deux ans, un conseiller juridique écouté42, ne le retinrent pas davantage à Paris ; il quitta son Conseil privé avec toute l’estime du prince qui lui confia, peu avant son départ, l’administration de ses domaines dans les départements du Nord, de la Somme et de l’Aisne43. Bien que Merlin présentât son retour à Douai comme une « fuite du foyer de toutes les ambitions », le désintéressement n’explique pas à lui seul sa décision44. En rapport étroit avec des membres influents de l’assemblée électorale de son département, le député savait que l’élection du président du Tribunal criminel de Douai devait intervenir dans les jours suivants, et il est possible qu’il ait averti l’un de ses amis de son intérêt pour cette fonction. Quoi qu’il en soit, le 4 septembre 1791, il fut triomphalement porté, pour six ans, à la tête du nouveau tribunal45.
23Malgré tout, le discours du député sur son indifférence à la gloire et au pouvoir ne doit pas être négligé ; il nous paraît en effet à mettre en rapport avec son expérience d’avocat et avec la déontologie de cette profession46. Dans la justification de son engagement politique, comme dans les multiples tâches qu’il accomplit comme député ou journaliste, Merlin agissait avant tout en juriste sérieux, dévoué et prudent. Si son « caractère individuel » explique sa méfiance des partis et son pragmatisme politique, il nous semble que son désintéressement proclamé, son goût pour le travail de comité et, dans une moindre mesure, sa modération, trahissent avant tout le « caractère social » de l’avocat47. La « voix dissonante » d’un Robespierre, pour reprendre l’expression d’Edna Lemay48, ne doit pas faire oublier que la plupart des avocats de l’Assemblée, les Treilhard, les Reubell, les Le Chapelier, les Thouret et les Tronchet, brillèrent avant tout par leur modération et le soin apporté à leurs rapports et à leurs projets de décret.
24En octobre 1791, comme eux, Merlin croyait la Révolution achevée. En prenant la route de Douai, il s’inquiétait cependant du sort qu’allaient réserver les sept cent quarante-cinq nouveaux législateurs à l’œuvre constituante ; en effet, s’ils étaient généralement modérés, ils comptaient parmi eux quelques démocrates qui, comme Brissot ou Condorcet, s’étaient un moment déclarés en faveur de la république.
Le président du Tribunal criminel du Nord : un notable au temps de la Législative
25Dans un discours prononcé lors de l’installation du Tribunal criminel du Nord, le 1er janvier 1792, Merlin expliquait que les citoyens, enfin libres, avaient retrouvé des « institutions douces, populaires et conformes à l’égalité » ; tous les vestiges de l’arbitraire étaient détruits : « le gothique et immense édifice de la féodalité », « le régime dévastateur de l’ancien fisc », la fortune de l'Eglise, les intendants, les parlements et l’absolutisme royal. La mise en place de la juridiction criminelle permettait de considérer la Révolution comme « véritablement consommée »49. Derrière les mots transparaissait cependant une vive inquiétude, essentiellement née de l’incident de Varennes, que la politique de l’Assemblée législative ne ferait qu’attiser.
26Dans les derniers mois des travaux de l’Assemblée constituante, Merlin avait avant tout aspiré à un retour à l’ordre, comme le prouve son attitude lors de la fuite du roi. En effet, après avoir sévèrement condamné, à l’Assemblée, le manque de confiance du monarque dans les députés et la duplicité de la famille royale50, il s’attacha à limiter les conséquences politiques de cet incident. Dans sa correspondance avec les autorités de son département, il prétendit ainsi que le retour du roi et les mesures prises pour éviter une invasion éloignaient tout danger et mettaient « le sceau à la Révolution »51. Le mois suivant, comme la plupart des députés qui suivaient les séances des Jacobins, il quitta le club pour s’installer aux Feuillants. Ni la république prônée par des hommes comme Hébert ou Chaumette, ni l’abdication de Louis XVI et le maintien de la Constitution, proposés au peuple dans la pétition notamment rédigée par Danton, Lanthenas et Brissot ne pouvaient lui convenir. Merlin refusait toute remise en cause des institutions. Et si, vers la mi-août, il retournait au sein de la Société des amis de la Constitution, c’était parce qu’elle avait retrouvé « les bons principes »52.
27Même s’il savait que son œuvre comptait nombre d’ennemis, de la cour aux républicains, Merlin voulait avant tout assurer les bases du régime, au besoin en figeant le nouveau texte constitutionnel. Ainsi, le 30 août 1791, il avait soutenu la proposition de d’André, par laquelle l’Assemblée avait décrété qu’aucune convention ne pourrait modifier la Constitution avant trente années ; avec le temps, disait-il, toutes les idées « anciennes » disparaîtraient53. Quelques mois plus tôt, avec la même ambition, il avait cherché à confier la garde des nouveaux principes à ceux qui les avaient énoncés : pour ne pas « porter atteinte à la souveraineté nationale » et permettre à des hommes compétents de représenter la nation, il avait demandé que l’on autorisât les Constituants à briguer un nouveau mandat. Sous l’influence de Robespierre, la majorité des députés se prononça cependant contre cette idée ; le destin des institutions serait ainsi remis à des hommes dont le manque d’expérience législative risquait, selon l’avocat, de laisser « périr » la Constitution54.
28L’attitude de Merlin peut ainsi sembler paradoxale. Le 3 septembre 1791, lorsqu’il offre la Constitution à l’acceptation royale, le député n’a plus guère confiance dans le monarque et refuse pourtant toute révision de son œuvre ! Cette contradiction nous paraît s’expliquer par l’attachement de Merlin à un principe supérieur : l’ordre. S’il faut en croire Charles Vandepitte, l’un de ses biographes, à l’automne 1791, Merlin s’installa rue Malvaux, à Douai, dans une maison d’assez belle apparence, aux larges fenêtres, à la porte de chêne sur laquelle se détachait une plaque de cuivre avec ces mots : « Le roi, la loi, le droit »55. Dans cette formule, très proche de la devise du nouvel Etat, résidait l’essentiel de la philosophie du jurisconsulte. Le roi, c’était la clef de voûte des institutions nouvelles ; la loi, Merlin était chargé de la faire respecter au Tribunal criminel du Nord dont il venait d’être élu président ; le droit enfin, c’était sa passion de juriste. De ces trois termes, le dénominateur commun était la notion d’ordre. Pour Merlin, Louis XVI, issu d’une longue lignée de princes, demeurait un ferment d’unité pour la nation ; en donnant son adhésion à la Constitution, il renforçait les bases du régime nouveau et apparaissait comme le plus sûr garant de l’ordre.
29Même si Merlin affirmait que la Révolution était achevée, ses inquiétudes ne pouvaient cependant le laisser s’éloigner de la politique. D’ailleurs, à Douai, tout auréolé de son prestige de constituant, il reçut de ses concitoyens de multiples marques de confiance qui lui permirent de renouer avec la vie publique locale. A l’automne 1791, en compagnie de Pilat, ancien député, et de vingt-deux autres de ses concitoyens, il fût élu pour deux ans « notable » de sa commune56. Le 21 novembre, il fut le premier des quatre « notables » désignés pour gérer, avec le maire et trois officiers municipaux, les biens du Collège d’Anchin ; le même jour, avec Plouvain, son ancien condisciple d’études, le maire, et deux membres du corps municipal, on le nomma administrateur du pensionnat naguère appelé « hôtel des nobles »57. Peu de temps auparavant, le 12 novembre 1791, les administrateurs de l’hôpital de la charité générale de Douai l’avaient choisi comme gestionnaire de leur établissement58.
30A cet engagement administratif, assez traditionnel pour un avocat de province, Merlin ajouta une fonction politique nouvelle qui s’exerça dans la Société des amis de la Constitution de sa ville. C’est au sein de ce club qu’il fit sa rentrée publique, le 30 octobre 1791, après quelques semaines d’une laborieuse retraite où de pressantes obligations familiales et la gestion des biens du duc d’Orléans l’avaient absorbé59. Dans les mois qui suivirent, il domina les débats de son prestige ; on le vit prêcher l’attachement aux institutions, aiguillonner le zèle des patriotes et les appeler à fréquenter régulièrement le club qu’il considérait non seulement comme une école de civisme, mais aussi comme le plus sûr rempart de la Constitution ; en cas de trouble, assurait-il, les sociétés politiques pourraient rendre de grands services à la France60.
31L’engagement public de l’ancien avocat répondait à de multiples motivations. Il était certes un gage de prestige et de pouvoir social, comme sous l’Ancien Régime, mais il se doublait désormais d’un véritable enjeu politique. Même s’il n’était plus l’élu de la nation, l’ancien constituant continuait d’exercer en partie sa fonction de porte-parole ; pour les patriotes douaisiens, il était également un guide et un fidèle gardien de la Constitution. C’est d’ailleurs un rôle fort proche que Merlin entendit jouer au Tribunal criminel de son département.
32A Douai, la nouvelle juridiction criminelle s’était établie en bordure de la Scarpe, dans une partie des bâtiments de l’ancien Parlement où siégeaient également le Tribunal de district et le directoire du département. Merlin y bénéficia de la collaboration d’un personnel entièrement acquis à la Révolution. L’accusateur public, Ranson, était un ancien avocat du Quesnoy, patriote convaincu aux propos souvent hardis. Le commissaire du roi, Louis de Warenghien, était un homme discret, ancien conseiller au Parlement de Flandre et proche parent du jurisconsulte. Quant aux trois juges, le directoire du département les désignait chaque trimestre avec l’assentiment du président du Tribunal criminel ; en juin 1792, au mépris de la séparation des pouvoirs, ce fut même sur la proposition de Merlin que Wauthier, Danel et Fauvel furent nommés61. Entre l’administration et l’homme, pour reprendre les propos qu’ils échangèrent en décembre 1791 et en janvier de l’année suivante, régnait un commun désir de coopérer « au maintien de l’ordre public et à l’affermissement de la constitution »62.
33Cette simple phrase, nous indique assez bien la manière dont Merlin envisageait sa mission. Le juge, selon lui, n’était pas un citoyen exclu de la sphère du politique ; même si son rôle était d’abord d’appliquer la loi, sa responsabilité s’étendait au delà des limites de son tribunal. Ainsi, à maintes reprises, il usa de son autorité pour rappeler à l’ordre des personnes qui s’écartaient du droit. Le 8 janvier 1792, dans une lettre également signée de l’accusateur public, Merlin exigea du tribunal du régiment suisse de Courtan qu’il surveille ses soldats, dont la conduite troublait l’ordre public depuis plusieurs jours ; il concluait sa lettre en menaçant de violer leur immunité judiciaire s’ils ne répondaient pas incessamment à sa requête63 ! Merlin croyait en l’importance de sa mission ; par une constante vigilance, par une application stricte et sévère de la loi, il entendait préserver la tranquillité de son département.
34A partir de février 1792, le Tribunal criminel du Nord se réunit le 15 de chaque mois, pour une session dont la durée moyenne était de cinq à six jours. Les vols venaient largement en tête des causes portées devant le jury ; s’y ajoutaient des voies de fait, quelques meurtres et divers délits auxquels la guerre allait parfois donner un aspect contre-révolutionnaire. Dans tous les cas, la fermeté de Merlin fut indubitable ; le président usait de tous les pouvoirs qui lui étaient conférés par la loi et ne se privait pas de jouer un rôle actif dans les procès. Le résumé de l’affaire, qu’il devait lire aux jurés avant qu’ils ne se retirent pour délibérer, se transformait souvent en un véritable réquisitoire ; quant à son interprétation des réponses du jury, elle était parfois à la limite de la légalité, voire franchement illégale, comme pour les jeunes soldats Adrien Lepic et Pierre Bloïart, condamnés à mort pour complicité de meurtre, alors que la réponse des jurés ne portait pas sur leur responsabilité mais sur une éventuelle préméditation, d’ailleurs niée par le jury64 !
35La sévérité de Merlin était relayée par la presse et approuvée par le ministre de la Justice et l’Assemblée qui recevaient régulièrement les relevés de jugement de son tribunal65. Malgré cela, le président ne se montrait guère satisfait de la situation de son département. De fréquents renvois à l’Assemblée et les multiples imperfections du droit étaient autant d’entraves au bon fonctionnement de la justice ; le 20 mai 1792, dans une lettre également signée de Ranson et de Warenghien, Merlin écrivait à l’Assemblée législative :
La loy sur les jurés fourmille de défauts essentiels, elle pèche surtout par le pouvoir immense qu’elle confie aux directeurs des jurés [...] ; le code pénal est muet sur une foule de délits qui troublent journellement l’ordre public ; la loy sur la police correctionnelle est aussi extrêmement imparfaite ; en un mot, avec tout notre zèle, et tout notre patriotisme, nous ne pouvons faire qu’une partie du bien que la société a le droit d’attendre de nous66.
36Dix jours plus tard, Merlin adressa à l’Assemblée un projet d’organisation judiciaire qui n’eut aucune suite67. Le praticien du droit, qui assurait que dans son tribunal le « glaive de la justice » frappait indistinctement toutes les personnes qui dérangeaient l’ordre public68, et qui se montrait scandalisé par le laxisme de certains juges, se doublait ainsi d’un réformateur toujours vigilant.
37En fait, malgré ses fonctions, Merlin n’avait pas cessé son action politique et n’hésitait pas, en tant que citoyen, à prendre position dans de grands débats ; sa fonction de président du Tribunal criminel ne semblait lui imposer aucun devoir de réserve. A l’occasion du meurtre de Simoneau, maire d’Etampes, intervenu le 3 mars 1792 dans une émeute provoquée par la cherté des céréales et son refus de taxer le pain, la Société patriotique de Douai avait organisé un office funèbre au cours duquel il prononça un discours, aujourd’hui perdu, qu’il lut le même jour à la séance du club69. A n’en pas douter, il y parlait d’ordre et de liberté, condamnait le crime d’une foule aveugle et manifestait publiquement sa crainte des bouleversements sociaux et son rejet de toute remise en cause des acquis de la Constituante. Quelques semaines plus tard, en juin 1792, Merlin intervint dans les discussions qui précédèrent la réforme de la loi sur la féodalité. Afin de s’opposer à la remise en cause de la distinction entre droits personnels et droits réels, il exprimait, dans une lettre ouverte à un législateur, sa fidélité à l’œuvre de l’Assemblée constituante et sa crainte des changements70.
38Engagé dans la vie politique locale, et toujours séduit par les fonctions de porte-parole, le magistrat n’avait pas abandonné la scène publique. Au début de l’été 1792, malgré les difficultés extérieures, il demeurait vigilant et se montrait prêt à défendre l’œuvre politique et sociale de l’Assemblée constituante. Par conviction, mais aussi par crainte des désordres, il se refusait à toute relance de la Révolution ; les défaites militaires et le 10 août allaient cependant le contraindre à plus de souplesse.
Merlin, la guerre et le roi. Chronique d'une double désillusion
39Dans le cheminement politique de Merlin de Douai, l’année 1792 est une période charnière où le jurisconsulte se détache du roi et accepte une remise en cause de la Constitution. L’évolution est lente et n’est guère aisée à saisir ; il semble cependant qu’elle soit le fruit d’une double désillusion qu’entraînèrent et les défaites militaires, et l’évidence de la trahison royale.
40A l’automne 1791, Merlin de Douai croyait en la paix, affirmait « que la guerre étoit une chose impossible », et ne semblait craindre que les « prêtres perturbateurs »71. Au cours du mois de décembre, plusieurs événements allaient cependant modifier son attitude. Le 10 du mois, Léopold II accorda sa protection aux princes possessionnés d’Alsace pour les terres desquels, en octobre 1790, Merlin avait imposé le respect de la loi sur la féodalité. Quelques jours plus tard, l’empereur stigmatisa l’action des Jacobins et laissa planer sur le pays, comme dans la déclaration de Pillnitz, une vague menace d’intervention ; à la même époque, la dissolution des Etats de Brabant relançait la crise politique des Pays-Bas. Eclairé par les débats de l’Assemblée, Merlin allait bientôt se montrer sensible aux arguments de la Gironde et devenir un farouche partisan de la guerre.
41C’est dans ses lettres à Merlin de Thionville, un député cordelier, ancien avocat au barreau de Metz, que le jurisconsulte exprimait le mieux ses craintes et sa détermination72. Le 18 janvier 1792, Merlin lui dénonça ainsi la poursuite de l’émigration et assura son correspondant que, contrairement aux aristocrates, tous les patriotes du Nord désiraient la guerre73. Le jurisconsulte évoquait déjà une possible alliance avec les Brabançons même si, après l’échec de leur première Révolution, ils semblaient encore hésiter à reprendre la lutte. Mais c’est la crainte d’une nouvelle fuite du roi qui préoccupait le plus Merlin ; au-delà de la défection du prince, c’était le retour à l’Ancien Régime qu’il redoutait.
42Ainsi, son désir d’affronter l’Europe s’accompagnait d’une croissante méfiance envers le roi, qui ne le détachait cependant pas encore de la Constitution ; à la manière de Robespierre, il se voulait fidèle aux institutions en place ; d’esprit, il demeurait un patriote constitutionnel. Son amitié avec Merlin de Thionville reposait sur une simple communauté d’opinion sur les émigrés, les réfractaires et la guerre. Ainsi, il n’était pas démocrate, à la manière du « trio cordelier »74 ; il n’était pas davantage girondin, même s’il se montrait sensible au discours de Gensonné75 ; il n’était pas plus lamethiste, même s’il soutint et apprécia les ministres proches du Triumvirat comme Cahier de Gerville et Duport-Dutertre76. Merlin demeurait indépendant, comme sous l’Assemblée constituante.
43Au printemps 1792, comme nombre de ses contemporains, il pensait donc qu’un conflit pouvait être engagé, malgré la duplicité royale, sans aucun dommage pour les institutions. L’entrée en guerre contre le roi de Bohême et de Hongrie, le 20 avril, fut ainsi accueillie dans l’enthousiasme, tant la victoire paraissait proche et certaine. Mais la campagne du printemps allait bien vite dissiper toutes les illusions. Dumouriez, qui dirigeait les Affaires étrangères, lança dans les derniers jours d’avril une offensive contre les Pays-Bas autrichiens qui se solda par le repli précipité, avant même l’affrontement, de l’armée de Rochambeau vers Lille et Valenciennes. Merlin, comme la plupart des patriotes, ressentit ce premier insuccès comme un cuisant échec qu’il imputa à l’incapacité, voire à la trahison de certains chefs militaires. Dans une lettre datée du premier juin 1792, publiée dans L'Ami Jacques et Le Moniteur universel, il lança ainsi une sévère attaque contre Louis de Noailles, ancien député à l’Assemblée constituante, qui avait participé à l'offensive avortée contre Mons sous les ordres du général Biron77. Déçu par l’attitude des troupes, ce beau-frère de La Fayette avait quitté Funiforme pour manifester, avait-il écrit, sa réprobation des pillages et des vols commis par les soldats. Merlin, non sans ironie, s’étonnait de ses prétendues motivations :
C’est comme si, écrivait-il, par la crainte d’être confondu avec les juges insouciants ou anti-patriotes qui sont répandus sur toute la surface du royaume, je me dépouillais du pouvoir dont la loi m’a investi... Que croyez-vous donc qu’on dût penser de moi, si je prenais un parti aussi lâche ? [...] Tout cela est de l’Hébreu pour moi, concluait-il ; mais, dans mon gros bon sens, je prie Dieu qu’il ne nous prodigue ni de pareils patriotes ni de pareils défenseurs de la liberté française.
44Les accusations de Merlin étaient graves, le ton sans complaisance. Les attaques répétées contre son civisme allaient conduire Louis de Noailles à rejoindre l’Angleterre, puis les Etats-Unis, où jadis il avait combattu pour l’indépendance.
45Merlin ne voulait cependant pas être réduit au rôle de censeur des généraux. Constamment attentif à la sécurité de son département, il manifestait parfois ses préférences stratégiques. En juillet et en août 1792, il se montra ainsi farouche partisan du maintien du camp de Maulde, qui fermait la route de Valenciennes et semblait protéger le Hainaut et le Douaisis de toute menace78. Le gouvernement n’écouta cependant pas ses conseils et, dans les semaines qui suivirent, la progression des troupes autrichiennes en territoire français confirma la justesse des préoccupations de Merlin.
46Le président du Tribunal criminel ne fit cependant pas preuve d’une même clairvoyance à l’égard de la monarchie constitutionnelle et du roi, qu’il ne renia pas avant le 10 août 1792, dans des conditions d’ailleurs assez étonnantes. En effet, alors que la Commune de Paris venait d’interner le roi et sa famille au Temple, Merlin sombra dans une grave maladie dont on ne sait à peu près rien, si ce n’est que L'Ami Jacques annonça qu’elle mit sa vie même en danger79. La coïncidence peut paraître surprenante et laisser suspecter une maladie diplomatique, mais cette interprétation poserait plus de questions qu’elle n’en résoudrait et ne semble pas pouvoir être retenue. N’est-il pas impensable que Merlin ait pu faire croire à toute une ville qu’il était profondément affecté, s’il n’était touché que par un mal imaginaire ? N’est-il pas inconcevable que Ranson, l’accusateur public du Tribunal criminel, connu pour son jacobinisme exacerbé, ait pu être ou la dupe ou le complice d’une telle attitude ? Quoi qu’il en soit, ce n’est qu’à l’extrême fin du mois d’août 1792 que Merlin reprit ses fonctions de magistrat. Même si sa maladie ne fut pas feinte, elle arriva à point nommé et eut l’avantage de lui donner le temps nécessaire pour peser les conséquences de l’événement et choisir la voie à suivre ; il semble ainsi que Merlin ait accepté la suspension du prince sans enthousiasme, comme un événement douloureux mais nécessaire au salut de la Patrie. Pour le jurisconsulte, une attitude déloyale avait coûté au monarque et l’affection de ses sujets, et le droit aux égards. Le mois suivant, il marqua solennellement son abandon du roi en prêtant, devant le directoire du département et le conseil de sa commune, le serment que l’Assemblée exigeait de ses fonctionnaires ; désormais, il n’était plus question de fidélité à Louis XVI, mais d’attachement aux principes de liberté et d’égalité.
47Cette rapide évolution ne fut pas purement pragmatique et laisse probablement entrevoir un principe plus profond. En fait, tant que Louis XVI accomplit son métier de roi, tant qu’il sut conserver la considération de ses sujets, Merlin soutint la monarchie constitutionnelle et le prince, dans lequel il n’avait pourtant guère confiance. C’est que le maintien de l’ordre et le respect des lois étaient menacés par tout bouleversement des institutions. Avec le 10 août, Louis XVI perdit sa couronne et ne garantit plus la paix publique, il devint même un brandon de discorde, une menace d’autant plus grave que le pays était en guerre ; ce n’était plus qu’un citoyen qui avait abusé de la confiance des députés et de l’estime de la nation tout entière. Comme l’ordre n’était plus du côté du monarque, l’ancien constituant se muait en républicain. Face aux dangers qui menaçaient le pays, la forme du gouvernement n’était plus qu’une question accessoire.
Le nécessaire apprentissage de la République
48En septembre 1792, Merlin abandonna la monarchie et se rallia à la République pour des raisons essentiellement liées aux dangers extérieurs, car toute son attention était alors fixée sur les frontières du pays. De l’élection des députés à la Convention au début du procès du roi, son activité parut constamment marquée par l’image de la guerre qui le conduisit à accepter une certaine relance politique de la Révolution, puis le régicide.
49Lors de l’élection des conventionnels du Nord, dans l’église de la petite commune du Quesnoy, les travaux de l’assemblée électorale furent dominés par la peur des Autrichiens qui avaient emporté les places de Longwy et de Verdun, et menaçaient maintenant les villes de Flandre et du Hainaut. C’est dans une ambiance inquiète que, le matin du 4 septembre, dès le deuxième tour, Merlin fut choisi pour siéger à la Convention ; l’élection du premier député du Nord, comme d’ailleurs celles qui suivirent, fut annoncée au son de la cloche et accueillie par un Ca ira, ça ira. Du 4 au 6 septembre, onze autres députés furent choisis ; parmi ces hommes, tous patriotes, on comptait un ancien constituant, d’Aoust, et cinq membres de l’Assemblée législative : Duhem, Gossuin, Cochet, Carpentier et Sallengros. S’y ajoutaient quelques hommes nouveaux qui souvent avaient exercé des responsabilités locales : Briez, Lesage-Senault, Poultier, Boyaval et Fockedey, médecin dunkerquois dont la modération n’allait jamais être altérée par les événements80. C’est en compagnie de ce dernier que Merlin allait joindre la capitale.
50Le 22 septembre 1792, les deux hommes prirent la route de Paris, sans connaître encore les événements de la veille81 ; c’est à Saint-Quentin qu’ils les apprirent. Dans la salle du Manège où ils tenaient séance, les députés présents, parmi lesquels on ne comptait encore que trois nordistes sur douze82, avaient mis fin à huit siècles de royauté. Les mémoires de Fockedey nous apprennent que Merlin se montra surpris de la nouvelle, au point d’en douter, « vu que ces décrets avoient été rendus avant la réunion générale de tous les membres nouvellement élus »83. L’annonce de l’établissement de la République que longtemps, comme Rousseau, il n’avait crue possible et souhaitable que pour les petits Etats, ne semblait pas le scandaliser. L’échec de la monarchie constitutionnelle était si manifeste qu’il avait fini par en accepter l’idée. En juriste, son étonnement était lié à la seule forme de la décision ; la Convention l’avait votée précipitamment, alors que les députés présents ne représentaient encore qu’une part du souverain.
51Malgré les conditions discutables de sa naissance, la République fut pourtant adoptée par Merlin ; devant l’importance des enjeux et la détermination des Parisiens, les contestations ne pouvaient que s’effacer. L’essentiel n’était-il pas de repousser les ennemis du pays loin des frontières ? Ainsi, de septembre à décembre 1792, cet homme originaire d’une région longtemps menacée et maintenant atteinte par l’avanie et les dommages de l’invasion, sembla tout absorbé par les questions de défense. Cet intérêt presque exclusif porté aux menaces extérieures, Merlin l’affirma dès le début du mois d’octobre, lorsque chaque député déposa sa candidature pour participer aux travaux des comités de l’Assemblée. Même si nous ne connaissons pas l’ensemble de ses vœux, nous savons qu’il demanda à siéger au Comité de la Guerre et des Armes, dans lequel il fut effectivement porté, d’abord comme suppléant, puis comme membre à part entière84.
52Associé à la première des deux sections, dite des objets généraux de la guerre, Merlin devait examiner une abondante correspondance, essentiellement composée de demandes et de réclamations, à partir desquelles, avec ses collègues, il présentait des rapports à la Convention85. Le comité, réuni en assemblée générale, était également chargé de proposer des mesures propres à combler les lacunes des lois militaires ou à en corriger les défauts. D’une grande assiduité, Merlin participait à tous les débats et comptait parmi les membres influents et les principaux rapporteurs du comité, aux côtés de Delacroix, son président, de Carnot, de Dubois de Crancé, de Letourneur et de Fabre d’Eglantine. A compter de la fin du mois de novembre, sa présence se fit pourtant plus rare ; alors que la situation militaire du pays semblait redressée, d’autres préoccupations, parmi lesquelles émergeait le procès du roi, allaient désormais l’accaparer. Désigné par le sort, le 22 décembre, comme l’un des douze membres sortants du comité, il continua d’en fréquenter les séances jusqu’aux environs du 10 janvier 1793, époque de son renouvellement effectif86.
53A la Convention, la plupart des interventions de Merlin portèrent également sur les difficultés extérieures du pays. Il défendit parfois des officiers dont il respectait la valeur et reconnaissait le civisme, comme le général Duhoux, dont il rappela le courage pendant le siège de Lille et la popularité auprès des soldats87. Mais envers ceux dont les propos et les actes desservaient le pays, il se voulait d’une sévérité inflexible. Le 30 septembre, lors d’un débat sur la perte de Saint-Amand, il demanda ainsi qu’un conseil de guerre examinât la conduite du lieutenant-colonel Moreton-Chabrillant88. Le 11 octobre 1792, il s’en prit à Arthur Dillon, l’un des officiers généraux de Dumouriez à l’armée du Nord, qui avait proposé aux troupes du landgrave de Hesse-Cassel de « passer en sûreté près des armées françaises » si elles quittaient le territoire national89. Les généraux, de par l’étendue de leurs responsabilités, devaient être, selon lui, d’un civisme irréprochable ; le destin du pays en dépendait.
54Cette attention presque exclusive portée aux questions militaires n’est pas sans poser problème. Dans ces premiers mois de la Convention, Merlin ne participa ni aux travaux du Comité de Constitution, ni à ceux du Comité Diplomatique ou du Comité de Législation ; ce dernier comptait pourtant quarante-huit membres ! Certes, aux côtés d’hommes comme Grégoire ou Lanjuinais, Merlin siégea à la Commission centrale de la Convention, composée de dix-neuf députés représentant chacun l’un des comités de l’Assemblée90 ; pourtant, sa discrétion étonne, et l’on peut se demander si elle ne cache pas une importante réserve face à une probable remise en cause de quelques acquis économiques, politiques et sociaux.
55A la Convention nationale, Merlin ne se reconnaissait en effet ni dans les principes des Girondins, ni dans ceux des Montagnards, même s’il siégeait parfois sur leurs bancs91. Il se voulait homme de compromis, se rattachait à l’esprit de la Plaine et n’envisageait qu’une simple révision de l’édifice constitutionnel. Sa modération, sa crainte des divisions sociales, sa volonté de rétablir au plus vite l’ordre public le conduisaient à repousser simultanément la Terreur et une violente répression des excès populaires, comme les massacres de septembre. Déjà, au club jacobin de Douai, peu avant son départ pour Paris, il avait sévèrement réprouvé les propos incendiaires des commissaires de la Commune de Paris. Comme le rapporta Fockedey à la tribune de la Convention, les sans-culottes avaient cherché à soulever les Douaisiens : « Dressez des échafauds, avaient-ils dit, que vos remparts soient hérissés de potences, que tous ceux qui ne sont pas de notre avis y soient attachés »92 ; mais Merlin et Ranson avaient menacé de poursuivre ces personnes devant leur tribunal et leur avaient imposé silence. A l’Assemblée, le jurisconsulte resta tout aussi insensible à « l’esprit de Paris » que défendaient les adeptes de la Terreur et de la taxation ; contrairement à son habitude de constituant et à certains de ses collègues du Nord, comme Duhem, il ne fréquentait même plus le Club des Jacobins, ou tout au moins n’y parlait pas. En fait, il n’acceptait que les conséquences politiques du 10 août.
56Son abandon de la monarchie constitutionnelle apparaissait par ailleurs total, au point que la conscience de son échec et la peur de l’ennemi extérieur devaient le conduire au régicide. Comme la plupart des hommes de la Plaine, parce que le roi ne représentait plus rien à ses yeux, peut-être aussi parce qu’il voulait achever l’œuvre du 10 août, Philippe Merlin refusa toute compromission. Avec force arguments, dans un discours qu’il ne put prononcer mais dont l’Assemblée ordonna l’impression93, il rejeta ainsi le principe de l’appel au peuple qu’Albert Soboul présente comme l’ultime effort des Girondins pour sauver le roi. Selon Merlin, le souverain peuple avait délégué l’ensemble de ses pouvoirs à la Convention ; l'autorité de l’Assemblée était donc suffisante pour juger la trahison du roi et lui appliquer, comme à un simple citoyen, la peine prévue par le Code pénal pour son crime. Reprenant des arguments déjà exposés par son ami Barère94, il affirmait ainsi que le principe de l’appel au peuple limitait le pouvoir des députés et remettait en cause le système représentatif ; en bornant à quelques problèmes seulement le droit de regard des assemblées primaires, il violait également la souveraineté nationale.
57Cette façon de concevoir les rapports du souverain et du pouvoir constituant n’était pas neuve chez Merlin ; il l’avait déjà développée le 27 novembre 1792, lors du débat sur la réunion de la Savoie à la France. A Danton, qui prétendait que le rattachement de cette province, pour devenir définitif, devait être accepté par le peuple français, le jurisconsulte avait répondu :
Si jamais vous attachiez à une loi l’expression qu’elle doit être soumise à la sanction du peuple, vous diriez en même temps qu’il peut exister des lois qui pourraient n’y être pas soumises ; et si cela arrivait, la Convention nationale se serait érigée en despote95.
58On le voit, ici comme lors du procès du roi, Merlin soutenait avant tout l’idée que la souveraineté pouvait être représentée ; son raisonnement pour rejeter l’appel au peuple reposait donc, non sur des arguments de circonstance, mais sur des principes de droit depuis longtemps défendus.
59La même sincérité se retrouvait dans les autres motifs exposés par Merlin. Comme beaucoup, il pensait que la nation, qui n’avait entendu ni l’accusé ni ses défenseurs, ne pouvait légitimement se prononcer sur les faits imputés au roi ; l’époque ne se prêtait d’ailleurs pas à un tel débat. Comme Robespierre, le jurisconsulte déclarait que la réunion des assemblées primaires ne manquerait pas de semer « la plus affreuse discorde » au sein de la nation96. Il craignait les partisans de l’Ancien Régime et voulait éviter qu’au printemps, au moment où la guerre reprendrait, le pays fût agité par des querelles fratricides. La Convention, concluait-il, avait le devoir de juger le roi déchu, souverainement et en dernier ressort.
60Les débats clos, les députés se prononcèrent sur le sort de Louis XVI. Le 15 janvier 1793, l’Assemblée reconnut de manière presque unanime la culpabilité royale et rejeta à une large majorité le principe de l’appel au peuple. Le lendemain, elle se prononça sur la peine encourue par le roi ; à l’appel de son nom, chaque député se présenta à la tribune et rendit un verdict qu’il lui était possible de motiver. Merlin de Douai n’usa pas de cette faculté et dit simplement : « Je vote pour la mort »97. A l’issue de l’une des plus longues séances de la Convention, Louis Capet était condamné à mort à une courte majorité.
61Une fois le verdict prononcé, les défenseurs du roi furent admis à demander une dernière fois la clémence des députés. Tronchet, dont les Conventionnels s’accordaient à reconnaître les compétences, plaida pour une stricte application du Code pénal qui, selon lui, exigeait que la sentence fût prononcée à la majorité des deux tiers. Merlin de Douai, pour démontrer la ruse « grossière » de son illustre collègue, rappela que la loi sur les jurés distinguait le jugement des faits du jugement de la peine ; dans le premier cas, la loi exigeait dix voix sur douze, ou douze sur quinze ; mais dans le second, les juges décidaient à la majorité simple. La Convention s’était donc prononcée dans le respect du droit ; elle s’était presque montrée unanime sur la culpabilité, tandis que le verdict avait recueilli la majorité des suffrages98. Fidèle à sa décision, Merlin entendait veiller au prompt accomplissement du régicide. Lors du quatrième appel nominal il refusa, comme la majeure partie des députés, de surseoir à l’exécution du roi99. Deux jours plus tard, le 21 janvier 1793, Louis XVI montait sur l’échafaud.
62L’interprétation de certains votes en faveur du régicide, surtout lorsqu’ils ne sont pas motivés, pose encore problème. Ainsi, Albert Soboul expliquait par la crainte de Robespierre, qui les accusait de trahir la cause du peuple en cherchant à épargner le monarque déchu, les votes de Brissot, de Guadet et de Vergniaud en faveur de la mort100. C’est également par la peur que la plupart des biographes du jurisconsulte ont pensé expliquer l’intransigeance de Merlin101. Il est vrai qu’une lettre découverte dans l’armoire de fer, à la fin du mois de novembre 1792, avait un moment jeté le doute sur son civisme. L’affaire mise au jour remontait à l’époque de la Constituante, lorsque le Comité de Féodalité, dont il était l’un des principaux rapporteurs, examinait l’avenir des chasses royales. Laporte, intendant de la liste civile, ainsi que le garde des Sceaux, Champion de Cicé, avaient tenté de convaincre Merlin de se plier au verdict de la majorité du comité, favorable aux intérêts de Louis XVI, en lui promettant une « place » pour son beau-frère. Le 7 décembre 1792, à la tribune de la Convention, Philippe Merlin n’eut cependant aucun mal à prouver que les sollicitations des proches du roi n’avaient eu aucun effet sur lui102.
63Ainsi, l’incident n’atteint aucunement le prestige du personnage, dont on connaissait de longue date le patriotisme. En fait, comme beaucoup d’hommes de la Plaine, Merlin semble s’être résolu à voter la mort comme un sacrifice nécessaire au salut de la République et au maintien de l’ordre. S’il est probable qu’il hésita longtemps avant de prendre sa décision103, il est certain qu’il ne la renia jamais. Lors du procès, il tenta même de rallier à son choix certains de ses amis. Le roi Louis-Philippe rapporte ainsi que son père, Philippe-Egalité, semblait décidé à ne pas se rendre à la Convention le jour où les députés devaient se prononcer sur la peine104. Le matin du 16 janvier 1793, il reçut cependant, au Palais Royal, la visite de Treilhard et de Merlin de Douai qui le persuadèrent de se rendre à l’Assemblée où son absence, disaient-ils, serait interprétée comme une lâcheté. Sur les bancs de la Montagne, pressé par ses amis, Philippe-Egalité se serait alors résigné à voter la mort de son parent. Tout semble donc prouver que le régicide de Merlin fut raisonné, réfléchi ; il écrivit plus tard qu’il prit sa décision dans le « calme » de sa conscience105.
64Comme Sieyès, Merlin s’était résolu à brûler ce qu’il avait adoré. Après avoir présenté la monarchie constitutionnelle comme le meilleur des régimes possibles pour la France, il avait renié les institutions en place et s’était résolu à voter la mort du roi. Dans cette brutale évolution, essentiellement provoquée par la chute du trône, transparaît un pragmatisme politique probablement réfléchi. Si Merlin abandonnait la monarchie, c’est parce qu’un régime politique discrédité ne pouvait plus jouer son rôle : assurer la liberté des citoyens et préserver l’ordre public nécessaire au bonheur du peuple. A la même époque, Merlin montrait nettement moins de souplesse dans le domaine économique et social. Jusqu’en décembre 1792, il crut que le renouveau des institutions pouvait s’opérer sans remise en cause de l’organisation sociale et des règles économiques établies par l’Assemblée constituante. Malgré la guerre et le régicide, il se refusait à remettre sur le métier l’abrogation de la féodalité ou la liberté des échanges. A son pragmatisme politique, qui ne concernait d’ailleurs que la forme du gouvernement, répondait la stabilité de ses convictions économiques et sociales. Une même souplesse et de mêmes certitudes, parfois affermies par les menaces affrontées lors de ses missions du printemps 1793, devaient le conduire vers le soutien d’une Terreur, essentiellement politique, et en grande partie étrangère aux revendications des sans-culottes.
Notes de bas de page
1 Voir les lettres conservées dans les papiers Merlin, A.D. Nord, J 793/2.
2 B.M.Douai, ms. 990, tome II, p. 176-177.
3 A.P., tome III, p. 184-186, cahier de doléances du Tiers état de la ville de Douai ; p. 179-183, cahier du Tiers état de la gouvernance de Douai.
4 Creuze-Latouche Jacques Antoine, Journal des Etats généraux et du début de l’Assemblée nationale (18 mai-29 juillet 1789), publié par J. Marchand, Paris, Librairie Henri Didier, 1946, p. 77-78.
5 R.D.Nord, tome III, 1912, p. 298, lettre de Merlin à Bertrand, datée du 20 juin [1789].
6 Voir A.P., tome VIII, p. 136-137, séance du 19 juin 1789.
7 Rapport fait à l’Assemblée nationale, le 14 juillet 1789, par M. Merlin, député des communes de Douay, des contestations élevées sur les pouvoirs de MM. les évêques de Tournay et d’Ypres, suivi du jugement rendu en conséquence le 20 du même mois, s.l.n.d., 41 p. in-8° (B.M.Lille, 115210).
8 Recueil général..., op. cit., tome I, no 1 (7 janvier 1790) et no 2 (14 janvier), notamment p. 17, 41-42.
9 Ibid., tome I, no 2 du 14 janvier 1790, p. 29-30.
10 Voir notre chapitre 8.
11 Maeght Xavier, La presse dans le département du Nord sous la Révolution française (1789-1799), thèse d’histoire (dir. Louis Trénard), dactylographiée, Lille ΙII, 1971, tome II, p. 236 (C.H.R.N./Lille ΙII, Th. 126). La citation est extraite d’une lettre de Merlin datée du 12 avril 1791.
12 De la sanction royale. Par M. Merlin, député de Douay à l’Assemblée Nationale, s.l.n.d. [4 septembre 1789], 20 p. in-8° (B.M.Lille, 14524).
13 A.D.Nord, L 10316, copie d’une lettre de Merlin à Bertrand, datée du 22 septembre 1789.
14 Recueil général..., op. cit., tome I, no 2 du 14 janvier 1790, p. 29.
15 A.D.Nord, J 471 (CC 1), copie d’une lettre de Merlin, Breuvart et Simon à la commune de Marchiennes, datée du 27 septembre 1789.
16 Le Moniteur universel, no 63 des 25-28 septembre 1789, séance du 28 septembre, réimpression, tome I, p. 520. C’est par un décret du 6 octobre que le don patriotique devint obligatoire.
17 Dubois de Crance Edmond Louis Alexis, Le véritable portrait de nos législateurs, ou galerie de tableaux exposés à la vue du public depuis le 5 mai 1789, jusqu'au 1er octobre 1791, Paris, 1792, p. 159 ; [Laclos Choderlos de, Luchet Marquis de, Mirabeau comte de, et Rivarol comte de], Les grands hommes du jour, s.l., 1790, p. 132.
18 Lemay Edna Hindie, « Les révélations d’un dictionnaire : du nouveau sur la composition de l’Assemblée nationale constituante (1789-1791) », A.H.R.F., no 284, 1991, notamment p. 161-162 et 168-171.
19 Voir les chapitres 13, 11 et 10.
20 A.P., tome IX, p. 391, séance du 9 octobre 1789.
21 Ibid., tome ΧII, p. 299, séance du 22 mars 1790.
22 A.N., D ΧΧII 1, dos. 9, trois inventaires des papiers du Comité d’Aliénation des domaines nationaux remis par Merlin, le 29 septembre 1791.
23 Voir par exemple A.N., D XXIXbis 4, dos. 55, pièce 6, lettre du maire et des officiers municipaux de Ribeaucourt, sans destinataire, datée du 29 mars 1790 ; ou D XXIX bis 15, dos. 170, pièce 16, l.a.s. de Merlin au Comité des Recherches, datée du 6 décembre 1790.
24 Voir AN., D XXIXbis 10, liasse 110, pièce 23, l.a.s. de Merlin à Vieillard, datée du 12 juillet [1790],
25 Contrairement à ce qu’écrit Gruffy Louis, op. cit., p. 18, Merlin ne fut jamais membre du Comité de Constitution.
26 Voir notamment A.N., D IV 6, dos. 86, département du Nord, pièce 7. Lettre autographe de Merlin, au nom du Comité de Constitution, signée Le Chapelier, Target, Thouret (1er décembre 1790).
27 Voir A.P., tome XXI, p. 299, séance du 7 décembre 1790 ; et A.P., tome XXV, p. 397, séance du 28 avril 1791.
28 Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck pendant les années 1789, 1790 et 1791, publiée par Ad. de Bacourt, Paris, Librairie Veuve Le Normant, 1851, tome ΙII, p. 49, note de Duquesnoy datée du 9 février 1791.
29 Voir Karpik Lucien, Les avocats entre l’Etat, le public et le marché. XIIIe-XXe siècle, Paris, Gallimard, 1995, p. 59 et 148-149.
30 A.N., V1 551.
31 B.M.Lille, 65054.
32 Seul le no 14, qui contient vingt-six pages, fait exception à cette règle.
33 Voir le Recueil général..., op. cit., tome I, no 1 du 7 janvier 1790, p. 1 ; et no 26 du 1er juillet 1790, p. 626.
34 L’article parut dans les numéros 27 à 37 du Recueil général.
35 Cette rubrique disparut dès le no 13.
36 A.N., B I 1, procès-verbal de l’assemblée électorale du département de Paris du 29 novembre 1790, f° 3 v°.
37 Les secrétaires étaient élus pour un mois, et Merlin exerça cette fonction jusqu’au 27 mars 1790.
38 Le Moniteur universel, no 284 du 11 octobre 1790, séance du 9 octobre, réimpression, tome VI, p. 87.
39 A.N., B I 1, dos. 5, procès-verbaux des 25 novembre et 31 décembre 1790. Sur l’installation de Merlin voir Douarche Aristide, Les tribunaux civils de Paris pendant la Révolution (1791-1800), Paris, Léopold Cerf, Noblet et Quantin, tome I, 1905, p. 12, 17-18 et 22.
40 A.D.Nord, L 764, lettre de Merlin au directoire du district de Douai, datée de Paris, le 5 septembre 1791 ; et B.M.Lille, 67397, Lettre écrite à l’assemblée électorale du département du Nord, par M. Merlin, député de l'Assemblée nationale, le 6 septembre 1791, et parvenue le 8, Douai, s.d., 2 p. in-4°.
41 A.N., BB5 353, l.s. de Merlin à Duport-Dutertre, datée de Paris, le 7 septembre 1791.
42 Ce fut au lendemain de son rapport sur l'abrogation du régime féodal, en février 1790, que le duc sollicita les services de Merlin ; Orleans duc d’, Mémoires de Louis-Philippe, duc d’Orléans, Paris, Plon, 1974, tome II, p. 320 et Arnault A. V., Jay A., Jouy E. et Norvins J., op. cit., tome ΧΙII 1824, p. 231.
43 Bourg Edme Théodore, dit Saint-Edme, op. cit., p. 289.
44 A.D.Nord, L 764, lettre de Merlin à l’administration du département du Nord, datée du 5 septembre 1791.
45 A.N., BB5 353, extrait du registre aux procès-verbaux des séances de l’assemblée électorale du département du Nord.
46 Sur le désintéressement proclamé des avocats voir Karpik Lucien, « Le désintéressement », Annales E.S.C., 1989, no 3, p. 733-751 ; analyses reprises dans Les avocats..., op. cit., p. 81-91. Voir aussi notre article : « La communauté des avocats du Parlement de Flandre. Organisation et déontologie d’un barreau de province de Louis XIV à la Révolution », Revue de la Société internationale d’histoire de la profession d’avocat, no 6, 1994, p. 144-148.
47 Sur la modération des avocats, voir les stimulantes analyses de Lucien Karpik, qui mériteraient cependant d’être nuancées (Les avocats..., op. cit., p. 92 et 145-150).
48 Lemay Edna Hindie, « Une voix dissonante à l’Assemblée constituante : le prosélytisme de Robespierre », A.H.R.F., no 245, 1981, p. 390-404.
49 Discours prononcé à l’installation du Tribunal criminel du département du Nord, le premier janvier 1792, par M. Merlin, président de ce tribunal, s.l.n.d., p. 2-4 (A.D. Nord, L 4910).
50 A.P., tome XXVIII, p. 374, séance du 16 juillet 1791 ; Le Moniteur universel, no 239 du 27 août 1791, séance du 26 août, réimpression, tome IX, p. 498.
51 A.D.Nord, L 792, lettre de Merlin aux administrateurs du directoire du département du Nord, datée du 23 juin 1791.
52 Expression employée à la Société patriotique de Douai pour annoncer le retour de Merlin à la Société des Jacobins, A.M.Douai, registre D3 12bis, f° 10 v°, séance du 25 août 1791.
53 Le Moniteur universel, no 244 du 1er septembre 1791, séance du 30 août, réimpression, tome IX, p. 543.
54 Ibid., no 138 du 18 mai 1791, séance du 16 mai, réimpression, tome VIII, p. 417-419.
55 Vandepitte Charles, Merlin de Douai, un jacobin d’autrefois, Lille, Giard, 1904, p. 25.
56 Voir Aubert Georges, La société populaire de Douai (1790-1795), D.E.S. d’histoire et de géographie, manuscrit, Lille, 1922, p. 42-43 (C.H.R.N./Lille ΙII, no D 1922/1).
57 A.M.Douai, registre D1 39, f° 122 r°-123 r°.
58 A.M.Douai, registre D1 41, f° 173 r°.
59 Merlin avait été élu président dès le 29 septembre (A.M.Douai, registre D3 12bis, séances du 29 septembre 1791, du 23 et du 30 octobre) ; à ce titre, il ne dirigea que quatre réunions du club (30 octobre, 17 et 20 novembre, 11 décembre). Dès le 11 décembre 1791, il appela les sociétaires à renouveler, comme tous les deux mois, les officiers du bureau (ibid., p. 60. Michel fut élu président).
60 A.M.Douai, registre D3 12bis, p. 61-62, séance du 15 décembre 1791.
61 A.D.Nord, L 271*, no 6755, lettre du directoire du département à Merlin, datée du 22 juin 1792 ; et L 4911, lettre de Merlin aux administrateurs composant le directoire du département du Nord, datée du même jour.
62 A.D.Nord, L 268*, no 4681, lettre du directoire du département à Merlin, datée du 22 décembre 1791 ; et L 4910, lettre de Merlin et Ranson au directoire du département, datée du 5 janvier 1792, d’où est extraite la citation.
63 A.N., F7 3683/5, copie d’une lettre de Ranson et Merlin aux président et membres de la Cour souveraine du régiment suisse de Courtan.
64 Voir Gouillard Annie, Merlin de Douai et le Tribunal criminel du Nord en 1792, mémoire pour le D.E.A. de théorie du droit (dir. Renée Martinage), dactylographié, Lille II, 1993, p. 45-46 et 93-110.
65 L’Ami Jacques, no 60, du mardi 12 juin 1792, lettre de Duranthon, ministre de la Justice, à Merlin, datée du 4 juin 1792.
66 A.N., D ΙII 321, lettre de Merlin, Ranson et de Warenghien à l’Assemblée législative, datée du 20 mai 1792.
67 A.N., AA 53, pl. 6, pièce no 75. Voir le chapitre 11.
68 L’Ami Jacques, no 72 du 27-29 juin 1792. Discours prononcé par Merlin, le 22 juin 1792, en annonçant aux jurés de jugement la clôture de la session.
69 Voir A.M.Douai, registre D3 12bis, séance du club du 29 mars 1792 p. 101.
70 Voir le chapitre 13.
71 A.M.Douai, registre D3 12bis, p. 46, séance du 17 novembre 1791.
72 Très vite les deux hommes devinrent amis et échangèrent une correspondance assez suivie de 1792 à la Monarchie de Juillet (voir B.N., N.A.F. 245). La première lettre connue de Merlin à son homonyme est datée du 20 décembre 1791 (A.N., F7 3683/5).
73 B.N., N.A.F. 245, f° 188, l.a.s. de Merlin à son homonyme de Thionville, datée du 18 janvier 1792.
74 Merlin de Thionville, Basire et Chabot.
75 B.N., N.A.F. 245, f° 188, l.a.s. de Merlin à son homonyme de Thionville, datée du 18 janvier 1792.
76 En décembre 1791, Merlin s’était réjoui de la nomination de Cahier de Gerville au Ministère de l’Intérieur (A.N., BB5 353, l.a.s. de Merlin à Duport-Dutertre, datée du 3 décembre 1791) ; en mars 1792, il adressa à Duport-Dutertre, ministre de la Justice, une chaleureuse lettre où il l’invitait à rester à son poste, malgré les accusations que certains députés avaient lancées contre lui (A.N., AB XIX 702, pl. 9, pièce 2, copie d’une lettre des membres du Tribunal criminel du Nord à Duport-Dutertre, datée du 24 mars 1792). Sur les liens entre Gerville, Duport-Dutertre et le Triumvirat voir Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck..., op. cit., tome III p. 284.
77 L’Ami Jacques, no 53 du 4 juin 1792 ; Le Moniteur universel, no 160 du 8 juin 1792, réimpression, tome ΧII, p. 595.
78 A.D.Nord, Musée 297 (ancien L 2055), l.a.s. de Merlin au président du conseil général du département du Nord, Douai, 26 juillet 1792 ; et A.D.Nord, L 272*, f° 82 v°, lettre des administrateurs du département du Nord à Merlin, président du Tribunal criminel du Nord, datée du 2 août 1792.
79 Sur cette affection voir L’Ami Jacques, no 119 du 25 août 1792, lettre de Ranson à Fauteur du quotidien, datée du 23 août ; et no 121 du 28 août, adresse des amis de la liberté et de l’égalité de Douai aux administrateurs du département du Nord.
80 Voir Lepreux Georges, Nos représentants pendant la Révolution (1789-1799), Lille, G. Leleu, 1898, p. 33-37.
81 Fockedey Jean-Jacques, Les souvenirs de Jean-Jacques Fockedey, député du Nord à la Convention nationale, Dunkerque, 1926, p. 74.
82 Cochet, Carpentier et Poultier. Voir A.N., C II* 2, registre pour l’inscription des députés à la Convention nationale, f° 220 v°, 221 v° et 222 r°.
83 Fockedey Jean-Jacques, op. cit., p. 83.
84 A.N., AF II* 22, p. 11, séance du vendredi 19 octobre 1792 et CARON Pierre, Les papiers des comités militaires de la Constituante, de la Législative et de la Convention (1789-an IV), Paris, Comély, 1912, p. ΧIII
85 La seconde section, dite des armes, devait examiner les inventions militaires.
86 A.N., AF II* 22, séance no 62.
87 A.P., tome LII, p. 263, séance du premier octobre 1792.
88 Le Moniteur universel, no 275 du premier octobre 1792, séance de la Convention du 30 septembre, réimpression, tome XIV, p. 91-92.
89 Ibid., no 286 du 12 octobre 1792, séance du 11 octobre, réimpression, tome XIV, p. 182-184.
90 Séance de la Convention du 1er novembre 1792 ; voir A.P., tome LIII, p. 103.
91 Voir à ce propos Orleans duc d’, op. cit., tome II, p. 320. Alison Patrick montre bien que Merlin siégeait sur les bancs de la Montagne, mais classe, nous semble-t-il abusivement, ce personnage dans leur groupe. Voir Patrick Alison, The Men of the First French Republic. Political Alignments in the National Convention of 1792, Baltimore & London, The John Hopkins University Press, 1972, p. 324.
92 Séance de la Convention du 25 septembre 1792. Voir Aubert Georges, op. cit., p. 76.
93 Convention nationale. Opinion de Philippe-Antoine Merlin, député du département du Nord, sur le procès de Louis XVI ; Imprimée par ordre de la Convention nationale [15 janvier 1793], Paris, Imprimerie nationale, s.d., 4 p. in-8°.
94 Le 4 janvier 1793. Voir Soboul Albert, Le procès de Louis XVI, Paris, Gallimard-Julliard, 1966, p. 164-170.
95 A.P., tome LIII, p. 615, séance du 27 novembre 1792.
96 Ibid., tome LVII, p. 270. Robespierre avait tenu le même discours dans la séance du 28 décembre 1792. Voir Soboul Albert, Le procès de Louis XVI, op. cit, p. 148-153.
97 Le Moniteur universel, no 20 du 20 janvier 1793, séance du 16 janvier, réimpression, tome XV, p. 196.
98 Ibid., no 21 du 21 janvier 1793, séance de la Convention du 17 janvier, réimpression, tome XV, p. 230-231.
99 Ibid., no 24 du 24 janvier 1793, séance de la Convention du 21 janvier, réimpression, tome XV, p. 252-253.
100 Voir Soboul Albert, Le procès de Louis XVI, op. cit., notamment p. 213 et 217-219.
101 Voir Gruffy Louis, op. cit., p. 27-28 ; et Bourg Edme Théodore, dit Saint-Edme, op. cit., p. 28.
102 Le Moniteur universel, no 344 du 9 décembre 1792, séance du 7 décembre, réimpression, tome XIV, p. 680-681.
103 L’idée se retrouve notamment dans les mémoires du duc d’Orléans (op. cit., tome II p. 320).
104 Ibid., tome II, p. 319-320.
105 Ph. Ant. Merlin, membre de l’Institut national, au Conseil des Cinq-Cents, Paris, Desenne, an VII, p. 42.
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