Politique de la passion : Calvary de W.B. Yeats et The Story Brought by Brigit de Lady Gregory
p. 31-45
Texte intégral
1Depuis la fin du XVIIIe siècle, le nationalisme irlandais présente deux visages : d’un côté, le séparatisme républicain, d’abord Protestant puis essentiellement Catholique, vise à rompre tout lien constitutionnel avec l’Angleterre puis le Royaume-Uni (1801) en instaurant par un coup de force une République indépendante. Tout au long du XIXe siècle, plusieurs insurrections se soldent par des échecs militaires et sont réprimées dans le sang par le pouvoir colonial. Parallèlement, un nationalisme constitutionnel cherche à faire évoluer la nature du lien qui unit l’Irlande à l’Angleterre en restant dans le cadre des institutions existantes. À la fin du XIXe siècle, cette tendance est incarnée par Charles Stewart Parnell, un grand propriétaire terrien protestant qui s’est assuré une immense popularité au début des années 1880 en contraignant le gouvernement britannique à faire voter des réformes agraires permettant aux paysans catholiques d’acquérir à des prix raisonnables les terres qu’ils cultivaient. Après ce premier succès, Parnell fait campagne pour le « Home Rule », un projet de loi qui donnerait à l’Irlande une autonomie interne (un Parlement à Dublin) tout en la gardant sous la tutelle de l’Angleterre. Soutenue par Gladstone, la loi est plusieurs fois retoquée au Parlement, mais Parnell continue de la défendre jusqu’au moment de sa brutale disgrâce. En 1889, au sommet de sa popularité, celui qu’on appelle « le roi sans couronne » voit soudain révélée publiquement la liaison qu’il entretient de longue date avec la femme d’un parlementaire britannique, le Capitaine O’Shea, avec qui elle est en instance de divorce. La révélation fait scandale : du jour au lendemain, toute la classe politique tourne le dos à Parnell, dont la carrière politique connaît un terme brutal. En Irlande, l’Église catholique, profondément choquée par le divorce de Mrs. O’Shea, encourage tous les fidèles à vilipender celui qu’ils avaient porté aux nues, et qui meurt dans l’oubli deux ans plus tard.
2La chute de Parnell disqualifie durablement le constitutionalisme comme stratégie efficace du nationalisme irlandais, et laisse un vide sur la scène politique que vient partiellement combler l’émergence d’une nouvelle forme de nationalisme : le nationalisme culturel. Dès le milieu des années 1880, l’idée surgit dans les milieux artistiques et intellectuels qu’il ne saurait exister de nation irlandaise sans un retour à la culture irlandaise, effacée par des siècles de colonisation. La « Renaissance celtique » regroupe des mouvements politiquement disparates, mais fédérés par la volonté de revenir aux sources d’une culture nationale oubliée : redécouverte des sports gaéliques, de la langue irlandaise, des grandes sagas mythiques et du folklore, etc. C’est dans ce contexte qu’est créé en 1899, le théâtre national irlandais, qui devient en 1904 l’Abbey Theatre. L’objectif des fondateurs du théâtre, au premier rang desquels se trouvent deux Protestants, le poète W.B. Yeats et la mécène et folkloriste Lady Gregory, est de créer un répertoire national pour se démarquer du théâtre anglais et des stéréotypes qu’il véhicule sur l’Irlande, et laisser aux poètes irlandais le soin d’élaborer eux-mêmes des représentations « authentiques » de la nation.
3Après quelques soubresauts, le théâtre national prend son essor et connaît l’un de ses premiers grands succès en 1902 avec Cathleen ni Houlihan, écrite conjointement par Yeats et Lady Gregory. Bien qu’extrêmement ambiguë, cette pièce en un acte est interprétée comme une apologie du républicanisme, et encourage toute une génération à se reconnaître en Michael, le jeune héros qui accepte de donner sa vie pour l’Irlande, incarnée sous les traits de l’inquiétante Cathleen. Le motif du sacrifice héroïque est ensuite repris inlassablement dans la rhétorique républicaine, en particulier dans les discours et la poésie de Padraic Pearse, l’un des instigateurs du Soulèvement de Pâques 1916. Cette année-là, tandis que de nombreux irlandais se sont engagés volontairement dans la guerre aux côtés des forces alliées et combattent dans la Somme, un petit groupe de républicains et de socialistes scellent une alliance improbable et décident de profiter de l’affaiblissement militaire de l’Angleterre pour mener une insurrection sur le sol irlandais. L’opération, lancée le lundi de Pâques 1916, est circonscrite à Dublin et se déroule dans l’indifférence de la population locale ; mais l’opinion bascule lorsque les autorités coloniales, après avoir jugulé l’insurrection en une semaine, en font exécuter tous les chefs de file, les transformant en martyres de la cause nationale. En 1919, dopée par le renouveau du sentiment anti-anglais en Irlande, l’IRA, emmenée par Michael Collins, déclenche une campagne de guérilla contre l’Angleterre. En 1921, cette guerre d’indépendance se solde par la négociation du Traité Anglo-Irlandais, qui propose la création de l’État libre d’Irlande, comprenant vingt-six comtés du sud de l’île, tandis que 6 comtés du nord, à majorité protestante, demeurent dans le Royaume-Uni. Le Traité, négocié par Michael Collins, est jugé inacceptable par une partie des combattants de la guerre d’indépendance, qui considèrent qu’il trahit les idéaux de 1916 en instituant la partition de l’Irlande et en acceptant pour l’État libre le statut de dominion. Pendant deux ans, une guerre fratricide oppose les jusqu’au-boutistes Républicains aux pragmatiques partisans du Traité, qui finissent par l’emporter en 1923, sept ans après le cataclysme de Pâques 1916.
4Le Soulèvement de Pâques aurait pu n’être qu’une parenthèse de l’histoire, mais une fois le schème sacrificiel de Cathleen ni Houlihan et des écrits de Pearse concrétisé par les exécutions des rebelles, il devient le mythe fondateur du nationalisme du XXe siècle. Indéfiniment relayée par l’iconographie et l’historiographie nationaliste, l’histoire du sacrifice des rebelles pendant la semaine de Pâques se superpose à l’histoire de la Passion du Christ, dont elle partage le caractère éminemment spectaculaire. Les exécutions clôturent la représentation que constitue le Soulèvement en théâtralisant la mort des rebelles, dont les corps martyrisés deviennent les icônes de la résistance à l’oppresseur. On retrouve ici précisément le même renversement qui est au fondement du mythe chrétien. Avant même de devenir une forme théâtrale, la Passion est un dispositif spectaculaire : la croix est une manière de tréteau vertical, où le corps supplicié s’expose aux regards, le temps de son agonie. Ce spectacle manifeste en premier lieu le pouvoir du politique, son emprise sur les corps et les esprits de ses sujets qui devront se plier à sa discipline ou en subir les conséquences. Par un coup de force symbolique, la Passion chrétienne renverse cependant ce dispositif au profit de la victime : c’est le sacrifice librement consenti du Christ, bien plus que le pouvoir impérial, qui s’y donne à voir. D’objet exhibé par le pouvoir, le Christ en croix devient alors sujet de sa propre dramaturgie ; le Dieu chrétien témoigne de son passage sur terre en offrant lui-même aux regards le spectacle de son supplice, dont chaque représentation ultérieure, dans la liturgie et l’iconographie, réitère l’adresse : « ceci est mon corps ». Le Christ s’érige ainsi en contre-pouvoir et constitue autour de son corps martyrisé une communauté réunifiée. De même, en faisant de leurs exécutions un rite sacrificiel, les rebelles de 1916 transforment un fiasco militaire en triomphe symbolique et galvanisent la communauté reformée dans le deuil autour de l’idéal républicain.
5En conséquence, les nationalistes culturels, habitués à se considérer comme une élite intellectuelle chargée de définir les valeurs et les mythes fondateurs de la nation en devenir, se trouvent soudain destitués de leurs prérogatives, et s’inquiètent de leur potentielle marginalisation dans la nouvelle Irlande qui se dessine dans le sillage du Soulèvement de Pâques. Quelques jours après les événements, Yeats écrit à Lady Gregory : « Aujourd’hui, j’ai le sentiment que tout le travail effectué pendant des années est réduit à néant : tous nos efforts pour rassembler les classes sociales, pour libérer la littérature et la critique irlandaises de la politique »1. On sait toute l’ambivalence de Yeats envers l’insurrection, magnifiquement condensée dans le refrain de son célèbre poème « Easter 1916 » : « Une terrible beauté est née ». Malgré sa sincère admiration pour le sacrifice des rebelles, il exprime ici la crainte que le travail des fondateurs de l’Abbey pour construire une identité nationale plurielle (où les Protestants puissent trouver leur place au même titre que les Catholiques) ne soit balayé par le Soulèvement et l’émergence d’une historiographie républicaine univoque.
6Quelques années après le Soulèvement de Pâques, au cœur des soubresauts historiques qui mènent à la création de l’État libre, Yeats puis Lady Gregory écrivent chacun une pièce sur la Passion du Christ : Calvary est écrite en 1920 et publiée dans le recueil Four Plays for Dancers en 1921, mais ne sera jamais jouée du vivant de Yeats ; The Story Brought by Brigit est écrite en 1923 et créée à l’Abbey Theatre l’année suivante. Je me propose de montrer qu’en réécrivant la Passion, ces deux pièces de factures très différentes touchent indirectement à l’histoire, rapidement cristallisée en mythe national, du Soulèvement de Pâques. Recréer la Passion christique au théâtre serait, pour Yeats et Lady Gregory, une façon de reprendre des droits sur l’écriture de l’histoire qui leur échappe soudain, et d’affirmer l’importance de l’artiste individuel dans le processus historiographique. En particulier, c’est au traitement dramaturgique du corps et de la voix de la victime sacrificielle comme intervention politique que je souhaite m’intéresser dans chacune des deux pièces.
I
7Dans une lettre de 1918 à Lady Gregory, Yeats évoque la nouvelle pièce qu’il commence tout juste à concevoir, « où un Sinn Feiner dialoguera avec Judas dans les rues de Dublin »2. La pièce finale ne comporte pourtant plus aucune allusion au contexte politique. Empruntant certains principes formels à la dramaturgie du Nô japonais, que Yeats avait découverte en 1913 grâce à Ezra Pound, Calvary est une réécriture peu orthodoxe de l’épisode culminant de la Passion, la montée au Calvaire et l’agonie du Christ sur la croix. Le Christ est d’abord pris à parti par Lazare, qui lui reproche de l’avoir privé de sa mort, et lui réclame la sienne en échange. C’est ensuite Judas qui l’apostrophe et revendique sa trahison comme le seul acte libre possible, celui qui lui assurait d’échapper au dessein rédempteur du Christ :
It was decreed that somebody betray you – / I’d thought of that – but not that I should do it, / I the man Judas.3
Dans la séquence finale, les soldats romains dansent devant le Christ, indifférents à son agonie. La pièce est traditionnellement lue comme l’illustration du système ésotérique élaboré par Yeats, qui oppose les personnalités objectives (le Saint, le Réformateur politique), trop portées au sacrifice pour pouvoir atteindre à l’Unité de l’être, aux personnalités subjectives (le Héros, l’Artiste), caractérisées par l’autosuffisance et l’indifférence au monde extérieur. La Passion yeatsienne est celle du Christ qui se désespère de l’inutilité de son sacrifice à l’égard de ceux qui, comme les oiseaux évoqués dans les chants des musiciens, se suffisent à eux-mêmes et échappent au salut qu’il entend offrir à toute l’humanité. Dans leur étude sur les Nôs de Yeats, Masaru Sekine et Christopher Murray se réjouissent que Yeats ait délesté Calvary de toute portée politique : « Politics would have been the ruination of Calvary, which is perhaps Yeats’s most purely spiritual play »4. Le drame spirituel se double toutefois d’un commentaire politique qui s’articule sur le traitement dramaturgique du corps sacrificiel.
8Le choix du Nô pour une pièce consacrée à la Passion chrétienne est insolite : en acculturant le mythe chrétien pour le couler dans une dramaturgie de tradition orientale, Yeats redouble dans la forme la torsion violente qu’il lui imprime déjà au niveau diégétique. Du Nô japonais, Yeats retient d’abord le caractère ultra-codifié de tous les éléments de la représentation : la présence sur scène de musiciens-narrateurs s’accompagnant à la flûte, à la cithare et aux percussions, le rituel du dépliement et du repliement d’une large étoffe au début et à la fin de la pièce, la danse des soldats, le décor minimaliste, autant d’éléments qui imposent une dramaturgie intimiste et ritualiste, conçue pour être entièrement contrôlée par l’auteur et (le cas échant) le metteur en scène. Une telle dramaturgie est aux antipodes de celle de la Passion médiévale, et de sa forme populaire telle qu’elle se pratique encore aujourd’hui dans certaines communautés catholiques au moment des fêtes pascales. La Passion traditionnelle implique une large participation populaire, fait appel à des comédiens amateurs locaux comme à des professionnels, et se joue souvent hors des théâtres – dans les églises, ou en extérieur. Plus qu’un simple spectacle, la Passion théâtrale est un rituel où la mort et la résurrection du Christ sont littéralement re-présentées. L’analyse d’Anne Ubersfeld selon laquelle « la caractéristique de la communication théâtrale, c’est que le récepteur considère le message comme non réel ou plus exactement comme non vrai. […] Tout ce qui se passe sur la scène […] est frappé d’irréalité »5 trouve ici sa limite : car si chaque spectateur fait la différence entre le Christ et l’acteur qui l’incarne, et sait bien au fond que l’acteur n’est pas véritablement crucifié, le caractère rituel de la Passion théâtrale implique la possibilité de croire quand même, simultanément, à la littéralité du sacrifice. La Passion théâtrale permet à la communauté assemblée autour du corps sacrificiel de se refonder en réaffirmant ses valeurs communes ; elle autorise en outre chacun à participer au processus artistique par lequel ces valeurs sont définies et figurées. En créant sa propre dramaturgie ultra-ritualisée lointainement inspirée de celle du Nô, Yeats s’éloigne radicalement du rituel traditionnel que constitue la Passion médiévale et en inhibe l’efficacité. Il prive ainsi la représentation de la Passion, dont la pièce conteste précisément le pouvoir rédempteur, du pouvoir d’unifier la communauté autour des valeurs qu’elle aura elle-même définies, et qui se cristallisent autour du spectacle du corps sacrificiel. En neutralisant l’efficace rituelle de la Passion, Yeats touche du même coup, par métonymie, à cette réécriture de la Passion que constitue le Soulèvement de Pâques et en dément également le pouvoir rédempteur, selon des modalités qu’il faut à présent préciser.
9Comme dans la Passion traditionnelle, le corps sacrificiel est exposé aux regards, ceux du public réel et ceux de la foule ricanante qui assiste à l’agonie du Christ, constituée en spectacle dans le spectacle. L’acteur qui joue le Christ entre en portant la croix et demeure appuyé sur elle, bras en croix, tout le temps de la pièce. La foule, en revanche, n’est pas incarnée sur scène, mais convoquée sous forme narrative par le Premier Musicien :
Those that are behind / Climb on the shoulders of the men in front / To shout their mockery: “Work a miracle”, / Cries one, “and save yourself”; another cries, / “Call on your father now before your bones / Have been picked bare by the great desert birds” [… ]6
Le caractère spectaculaire de la Passion est ainsi à la fois souligné par le récit du Musicien, et invalidé formellement par la non-coïncidence des modalités de représentation du Christ et de la foule. Si le théâtre advient avec la mise en présence d’un acteur et d’un public, cette Passion est d’emblée placée sous le signe d’une présence paradoxale, où la foule grotesque n’existe pas sur un même plan de réalité que le Christ qu’elle raille. Par le jeu de la mise en abyme, c’est la nature de la relation entre le public réel et la scène qui est ici interrogée : nous sommes bien en présence de l’acteur, mais nous ne saurions exister sur le même plan de réalité que le personnage qu’il incarne. À rebours de la logique ritualiste de la Passion théâtrale traditionnelle, Yeats exhibe le caractère illusoire de la représentation, et lui donne corps, paradoxalement, en désincarnant la foule. Nous sommes présents au théâtre, mais absents, comme les railleurs de Yeats, sur la scène de la Passion, qui se trouve dès lors elle-même renvoyée à la fiction, « frappée d’irréalité ».
10C’est donc la nature même du jeu théâtral que la pièce questionne, grâce à un dispositif dramaturgique dont la complexité est signalée d’entrée de jeu dans le récit-cadre du Premier Musicien : « Good Friday’s come, / The day whereon Christ dreams His passion through »7. Yeats avait retenu de sa rencontre avec le Nô l’idée que les morts, dans les premiers temps de leur mort, commencent par revivre de nombreuses fois en rêve les moments les plus intenses de leur vie. Le Christ crucifié sur le plateau du théâtre, en présence des spectateurs, est donc déjà mort, et spectateur de sa propre Passion qui se déroule devant lui comme un théâtre d’ombres. La volonté de rendre justice à la relative complexité de la théorie yeatsienne du rêve rétrospectif a souvent occulté la portée métathéâtrale du motif du rêve dans Calvary. Métaphore traditionnelle du théâtre, le rêve partage avec lui un rapport paradoxal au réel. Pour le dire encore avec Anne Ubersfeld : « Pour Freud, le rêveur sait qu’il rêve même quand il ne le croit pas, ou ne veut pas le croire. De même le théâtre a le statut du rêve : une construction imaginaire dont le spectateur sait qu’elle est radicalement séparée de la sphère de l’existence »8. Tout ce qui se passe sur le plateau, la confrontation du Christ avec Lazare et Judas, puis la danse des soldats, est ainsi doublement « frappé d’irréalité » : il s’agit d’un rêve du Christ qui est lui-même mort, « radicalement séparé de la sphère de l’existence ». Le dispositif quasi baroque de Calvary, anatomie du théâtre envisagé comme fabrique d’illusion, est une machine de guerre contre la réception ritualiste, eucharistique, de la Passion : « Ceci n’est pas mon corps ».
11Le corps sacrificiel est donc tout à la fois exhibé et nié, si bien que le spectacle qui en est donné est celui de son irréalité. Le sacrifice perd ainsi son pouvoir rédempteur, ce que viennent précisément affirmer Lazare et Judas, qui refusent tous deux au Christ le droit de totaliser le sens, d’inscrire toute l’humanité dans son grand dessein en lui imposant le salut : « My Father put all men into my hands »9, dit le Christ dans un pentamètre iambique d’une régularité glaçante. Son pouvoir rédempteur n’est que l’envers du pouvoir performatif du Père, d’un Dieu autocratique dont le Verbe suffit à manipuler ses créatures comme de vulgaires marionnettes. « “Lazarus, come out”, I said, and you came out »10, dit le Christ, fidèle à la lettre de l’Évangile – mais Lazare reformule ce miracle comme une violence gratuite : « “Come out !”, you called ; / You dragged me to the light as boys drag out / A rabbit when they have dug its hole away »11. Judas veut lui aussi échapper à l’emprise du Verbe divin, ici grotesquement réduit à un sifflement inarticulé : « I could not bear to think that you had but to whistle / And I must do »12. La violence du Verbe est de vouloir imposer à tous un sens universel, celui du mythe chrétien dont le corps sacrificiel est tout à la fois la source et l’icône. Lazare, Judas et les soldats romains qui n’attendent rien du Christ incarnent une forme de résistance au dessein totalisant du mythe chrétien, dont la pièce elle-même, qui inscrit un contre-récit en s’écartant radicalement du récit évangélique, constitue la mise en échec.
12Lazare et Judas contestent le pouvoir rédempteur du Christ en réfutant ses arguments pied à pied dans des dialogues qui font sortir les Évangiles de leurs gonds et en dévoilent la violence cachée ; mais le moment le plus saisissant théâtralement est sans nul doute celui de la danse des soldats romains. La séquence finale de la pièce porte le coup fatal à la logique sacrificielle de la Passion en faisant du Christ non plus l’objet du regard, mais le spectateur passif d’un spectacle grotesque qui lui est offert par les trois soldats. Tandis qu’il agonise sur la croix, il se voit tout d’abord privé du public nécessaire à la transfiguration de sa mort en rite sacrificiel. Croyant bien faire, les soldats éloignent la foule des curieux, qui « attendent toujours quelque chose ». Ceux qui restent, Judas et les soldats, n’ont rien à attendre du Christ, lequel demeure silencieux, comme sidéré de se trouver ainsi marginalisé, privé des feux de la rampe, et contraint finalement de devenir spectateur d’un ballet bouffon, qui lui est présenté comme une sorte de cadeau d’adieu par les trois soldats : « Come now ; let us dance / The dance of the dice-throwers, for it may be / He cannot live much longer and has not seen it »13. Le cri de désespoir du Christ à l’agonie, « My Father, why hast thou forsaken me ? »14 semble revenir dans le sillon des Écritures, mais il est en réalité grotesquement resémantisé par ce qui précède : la douleur du Christ à l’agonie, c’est ici celle de l’histrion frustré de son public, du tragédien devenu spectateur impuissant d’une farce dont il ne contrôle ni le déroulement, ni le sens. Cette marginalisation du Christ expulsé vers la coulisse est une forme de mort théâtrale qui double ironiquement sa mort réelle, laquelle précisément se trouve vidée de sa portée sacrificielle.
13Les chants des Musiciens au début et à la fin de la pièce ouvrent un espace poétique qui échappe au récit à vocation totalisante du Christianisme. Le héron solitaire, les oiseaux sauvages, ne sont pas concernés par le sacrifice du Christ. Les refrains insistants disent l’existence d’une autre scène que celle de la Passion : « God has not died for the white heron »15 ; « God has not appeared to the birds »16. C’est sur cette autre scène que dansent les soldats romains, donnant corps à l’idée d’un sens en mouvement, irréductible à une figure univoque. Yeats refuse ainsi à la Passion christique le privilège de totaliser le sens historique en incluant toute l’humanité dans son dessein rédempteur. Indirectement, il conteste à la Passion des insurgés de 1916 le pouvoir d’imposer un salut global à la nation, et d’inscrire ainsi son histoire dans le récit d’une téléologie républicaine univoque. Pendant toute la deuxième partie de la pièce, Judas se tient debout derrière le Christ, et tient la croix sur laquelle celui-ci est étendu. Yeats construit ainsi une figure paradoxale où le traître double la victime sacrificielle, constituant avec lui une monstrueuse créature oxymorique qui cristallise l’ambiguïté fondamentale que Yeats attribue aux rebelles mort en 1916 : victimes sacrificielles et héroïques, ils sont aussi traîtres : à la couronne d’Angleterre, certes, mais aussi aux centaines de milliers d’Irlandais, Protestants et Catholiques, qui au même moment bravaient la mort sur le front dans les rangs de l’armée britannique ; traitres, surtout, aux idéaux des nationalistes culturels, en particulier des dramaturges de l’Abbey, qui tentaient depuis la fondation du théâtre d’inventer une Irlande plurielle. Sans doute est-il permis de voir aussi en Judas tenant la croix, comme s’il assumait la pleine responsabilité de la mort du Christ, la figure de l’artiste solitaire qui trahit toujours la pensée unique, et impose son individualité face au récit à vocation totalisante.
II
14The Story Brought by Brigit suit la trame de la Passion de façon plus apparemment plus conventionnelle, et sans ironie. Les trois actes sont consacrés à trois moments forts de la Passion théâtrale traditionnelle, l’entrée du Christ à Jérusalem, son procès et sa crucifixion. Jouée à l’Abbey en 1924, la pièce a toutefois laissé son public un peu perplexe, car Lady Gregory y recourt au même dialecte Kiltartan qu’elle utilise dans la plupart de ses pièces paysannes. Elle donne ainsi une coloration spécifiquement irlandaise aux répliques des Juifs de Palestine, qui s’expriment avec la verve que le public de l’Abbey a pris l’habitude d’associer aux paysans du Connemara. Une telle incongruité s’explique toutefois par le parallèle évident que trace Lady Gregory entre la Palestine occupée par les Romains et l’Irlande colonisée par l’Angleterre.
15Les points de contact de la pièce avec le contexte politique de l’Irlande sont nombreux. Face à l’horreur des violences de la guerre civile, le Christ, qui propose la construction d’une communauté sur la base de l’amour fraternel, incarne la possibilité de transcender les querelles fratricides. Plus spécifiquement, son destin se superpose à celui de Parnell, le grand visionnaire qui avait œuvré pour la fondation d’une nation plurielle par la voie constitutionnelle, donc sans recours à la violence. Lady Gregory reprend ici un trope joycien, apparu d’abord dans le Portrait de l’artiste en jeune homme (1914-16) : comme le Christ, Parnell avait d’abord été porté aux nues par le peuple, avant d’être rejeté et abandonné de tous. En insistant sur l’inconstance de la foule, qui adule le Christ quand il entre à Jérusalem, puis se retourne contre lui et réclame sa mort dès le lendemain, Lady Gregory formule à la suite de Joyce une critique à peine voilée du peuple irlandais, jugé irresponsable et manipulable.
16Au pacifisme du Christ s’oppose la virulence de Joel, un jeune montagnard qui voit d’abord en Jésus celui qui libérera la Palestine du joug de l’occupation romaine, et dont les accents révolutionnaires évoquent la rhétorique enflammée de Padraic Pearse, l’un des meneurs du Soulèvement de Pâques17. Fervent admirateur du Christ en qui il place tous ses espoirs, Joel finit par se retourner contre lui lorsque il se rend compte que le Christ n’est pas venu pour libérer la Palestine – avant de reconnaître son erreur, et de comprendre que le salut qu’il offre est d’une portée infiniment supérieure. On a donc pu lire la pièce comme un plaidoyer pour un nationalisme légaliste et non-violent, et un rejet de la lutte armée ; toutefois, en 1923, la défense de la stratégie de Parnell contre celle de Pearse n’est plus vraiment d’actualité : Parnell est mort depuis plus de trente ans, et le Traité qui déchire le peuple irlandais a instauré l’État libre, mettant un terme au statut colonial de l’Irlande. Si Lady Gregory appelle sans nul doute de ses vœux une issue aussi pacifique que possible au conflit, la portée politique de la pièce ne se résume pas à cette position consensuelle, et se donne à lire dans la mise en scène du sacrifice christique.
17Comme dans Calvary, la dimension spectaculaire de la Passion est d’emblée soulignée, cette fois sans ironie. La réplique inaugurale de la pièce, attribuée à Joel, met en exergue la pulsion scopique dont le Christ fait l’objet d’un bout à l’autre de la pièce : « I think the time will never come when I will see him ! »18. Les trois épisodes retenus par Lady Gregory sont traités comme autant de spectacles auxquels le peuple se presse. Le premier acte culmine avec l’arrivée du Christ, conçue comme une entrée en scène. En attendant, le public, incarné par des figurants dont les rangs grossissent au fur et à mesure, prend place autour de l’aire de jeu et cherche le meilleur point de vue :
1ST Woman (to Brigit): Come hither where the road rises, and you might chance to get a sight of him.19
Dans le troisième acte, la crucifixion est pareillement envisagée comme un spectacle de divertissement, et la qualité du spectacle fait l’objet d’un débat entre le Romain Marcus et le Juif Daniel, qui regrette d’avoir manqué la montée des deux voleurs au Calvaire :
Daniel: That’s a pity. When we come out to see a show, the more of it we see the better. […]
Marcus: A strange thing your Hebrew people thronging to see a man crucified. Why shouldn’t they keep him for a circus and throw him to the wild beasts? That now is sport worth losing a day on.20
Lorsque le Christ est en scène, il frappe par son extraordinaire présence, qui fait de chaque apparition un moment mémorable de théâtre, si bien qu’à plusieurs reprises un membre de l’assistance reconnaît en lui un homme qui « n’est pas de ce monde ». Dans ses Carnets, Lady Gregory rapporte son souci de trouver un comédien assez charismatique pour jouer le rôle : sa voix, en particulier, sera de première importance. Cependant, cette présence est d’autant plus frappante, pour le public fictif comme pour le public réel, qu’elle est particulièrement rare. Le traitement dramaturgique de cette Passion est paradoxal, dans la mesure où le personnage principal ne fait qu’une seule apparition fugace dans chaque acte. La matière du drame, c’est justement l’attente que le Christ génère chez le peuple venu l’acclamer, puis réclamer sa mort, et enfin assister au supplice. La réplique inaugurale de Joel, « Je crois que le moment où je le verrai ne viendra jamais ! », contient donc en germe toute l’économie dramaturgique de la pièce, qui multiplie les effets d’attente et de retardement (fausses annonces, entrée d’un autre personnage quand on attend le Christ), si bien que la frustration des deux publics est systématiquement cultivée. La vision du public réel est encore plus limitée que celle de la foule, car la pièce recourt aussi fréquemment au procédé de la téichoscopie, ou « vision à travers le mur » : les personnages qui sont en scène décrivent le Christ qu’ils aperçoivent hors-scène. Dans les deux premiers actes, le Christ n’apparaît que dans les tout derniers moments, et dans le deuxième acte il ne prononce qu’une seule réplique. La frustration est portée à son comble au troisième acte au moment de la crucifixion, car comme chez Yeats, dont Gregory s’inspire vraisemblablement ici, les soldats barrent l’accès de la foule au lieu du supplice. Le seul spectacle sera donc le passage du Christ sur le chemin du Calvaire, tandis que du supplice de la crucifixion, on entendra seulement les échos lointains et sinistres : le bruit des clous frappés pour assembler la croix, et deux grands cris.
18Le rituel sacrificiel lui-même est donc escamoté ; plus généralement, Lady Gregory ne montre que l’envers du décor de la Passion : les mouvements de foule qu’elle suscite, les revirements des juridictions juives et romaines qui se renvoient indéfiniment « le cas Jésus », les manœuvres des scribes corrompus pour dresser le peuple contre le Christ, les lamentations de la poignée de femmes qui lui restent fidèles. Ainsi positionné dans les coulisses de la Passion, l’espace scénique fait office de caisse de résonnance de tous les discours qu’elle génère : le Christ généralement invisible est une matrice de discours, commentaires, spéculations et témoignages rapportés par des témoins directs ou indirects, ou par la rumeur. La scène de la confrontation entre le jeune scribe et le Christ montre la façon dont la Parole du Christ est assimilée, puis immédiatement recyclée, par ses disciples ; à peine converti, le jeune scribe restitue l’enseignement qu’il a reçu dans un numéro de ventriloquie presque comique. En son absence, les Paroles du Christ sont le plus souvent rapportées. Dans le deuxième acte, Lady Gregory suit de près les méandres des récits évangéliques et le renvoi du procès du Christ d’une cour à l’autre, mais elle renonce à la théâtralité intrinsèque du procès, dont les moments saillants, en particulier les réponses du Christ à ses accusateurs, sont relatés a postériori tantôt par Joel, témoin clandestin de l’entrevue avec le grand-prêtre Annas, tantôt par Marcus, ou Pilate en personne. De même, les Dernières Paroles du Christ sont rapportées après sa mort par St. Jean aux femmes qui viennent de chanter le keen :
St. Jean : « Tout est accompli ». Et puis il a dit, « Père, en tes mains je remets mon esprit ». Et là dessus, son âme quitta son corps.21
Dans les derniers moments de la pièce, la voix du Christ ressuscité se fait entendre, mais seul St. Jean en distingue les paroles (des fragments de l’Apocalypse) qu’il répète aux femmes assemblées autour de lui :
St. Jean : Chut ! Il parle ! (Il penche la tête et écoute intensément.)
2E Femme : Oh ! Qu’est-ce qu’il dit ?
St. Jean (écoutant toujours, et parlant doucement) : « Et je vis, mais j’ai été mort, et voici, je suis vivant aux siècles des siècles ! »22
Au rite sacrificiel, Gregory substitue ainsi le spectacle de la dispersion de la Parole christique, qui circule de bouche en bouche, de corps en corps, et constitue une sorte de démembrement métaphorique. Plus généralement, c’est tout le drame de la Passion, rejeté hors-scène, qui est reconstitué en scène dans une multitude de discours souvent discordants. En particulier, Gregory montre comment la parole christique peut être détournée au profit d’idéologies qui n’ont en réalité aucun rapport avec le message christique. Le révolutionnaire Joel, s’autorisant des prophéties bibliques qui annoncent la venue d’un roi en Israël, croit ainsi sincèrement que celui qui prétend apporter le salut vient libérer le peuple hébreux du joug colonial. Un autre personnage, Daniel, est un mendiant cynique et abject qui caricature le projet égalitaire du Christ, utilisant une rhétorique marxiste grossière pour servir son propre intérêt matériel. Gregory montre ainsi le danger qu’il y aurait à laisser au peuple le soin d’interpréter la Parole christique, et de constituer seul le récit de la Passion.
19Le titre de la pièce renvoie au personnage de St. Brigit, témoin de la Passion, dont le rôle sera précisément de re-membrer la Parole dispersée du Christ en tissant le récit de la Passion. St. Brigit est l’une des saintes les plus vénérées en Irlande ; elle vécut au IVe siècle, mais plusieurs légendes la rendent présente au moment de la naissance et de l’enfance du Christ. Dans la pièce de Gregory, elle est à Jérusalem au moment de la mort du Christ, qu’elle a connu enfant en Irlande, et dont une vision l’a avertie qu’il était en danger :
Brigit: It was in a dream or a vision of the night I saw a Young Man having wounds on him. And I knew Him to be One I had helped and had fostered, and He a child in his mother’s arms. And it was showed to me in my dream there would trouble come on him but in the end he would put gladness in the heart of His friends. And it was showed to me that the place where I would find him would be in this country of Judea, a long, long way to the east.23
Gregory renverse ici la tradition de l’aisling ou « poème de vision », un genre poétique apparu après la reconquête Tudor de l’Irlande dans la poésie de langue irlandaise, dans lequel l’Irlande apparaît au poète sous les traits d’une femme, déplore son asservissement présent et appelle de ses vœux le retour sur les trônes d’Angleterre et d’Irlande du prétendant Stuart. Brigit est ici constituée à la fois en poétesse et en héroïne, qui accomplit un voyage périlleux pour venir au secours d’un homme en danger24. Si elle assiste passivement à la Passion, son rôle consistera à en rassembler le récit disséminé, afin d’en assurer l’authenticité :
2ND Woman: You did well coming here to see him with your own eyes. For this is a story will have seven shapes put on it.
1ST Woman: Indeed it is a heart-broken story you will have to bring back to Ireland.
Brigit: No; but a great story and a great praise I will bring with me. I have heard him myself, and know that this is indeed the Christ, the Saviour of the world.25
Témoin fiable de la Passion, Brigit évangéliste a donc à charge de rassembler le corps dispersé du récit de la Passion : à elle, donc, de donner sens à son sacrifice, d’en faire l’interprétation la plus authentique.
20Au moment où la jeune nation irlandaise sort de sa servitude et s’invente dans la violence, Lady Gregory se saisit de la Passion pour poser la question de l’interprétation du sacrifice – soit indirectement, du sens à donner au sacrifice des martyres de 1916. Faut-il laisser au peuple le soin d’en faire l’exégèse, et d’en tirer les enseignements pour la future Irlande ? Comme Yeats, mais avec des stratégies radicalement différentes, Gregory critique l’inconstance, voire l’incompétence du peuple, et plaide pour le rôle d’une élite intellectuelle et artistique. En choisissant de conférer à Brigit le rôle d’évangéliste, elle défend aussi le droit des femmes à participer à l’élaboration des valeurs et du projet national – un droit que les rebelles de 1916 avaient également reconnu en accueillant des femmes dans leurs rangs. Les deux pièces s’inscrivent à rebours de la Passion théâtrale traditionnelle en inhibant l’efficace du rituel sacrificiel, mis à distance ironique chez Yeats et relégué en coulisses chez Gregory. Ils empêchent ainsi la constitution immédiate d’une communauté autour du corps iconique du martyr, et plaident pour la médiation d’un artiste à qui il reviendra d’inventer la communauté à venir.
Bibliographie
Bibliographie
Duncan, Dawn, « Lady Gregory and the Feminine Journey : The Gaol Gate, Grania, and The Story Brought by Brigit », Irish University Review, Vol. 34, n° 1, Spring-Summer 2004.
Gregory, Augusta, The Story Brought by Brigit, dans The Collected Plays, III. Wonder and the Supernatural. Gerrards Cross, Colin Smythe, 1970.
McAteer, Michael, Yeats and European Drama, Cambridge, C.U.P., 2010.
Sekine, Masaru et Christopher Murray, Yeats and the Noh, A Comparative Study, Gerrards Cross, Colin Smythe, 1990.
Ubersfeld, Anne, Lire le théâtre, Paris, Messidor/Éditions sociales, 1982.
Yeats, W.B., Collected Plays, Dublin, Gill and Macmillan, 1989.
Notes de bas de page
1 Lettre du 11 mai 1916, citée dans Michael McAteer, Yeats and European Drama, Cambridge, C.U.P., 2010, p. 149.
2 Lettre du 14 janvier 1918, citée dans Masaru Sekine et Christopher Murray, Yeats and the Noh, A Comparative Study, Gerrards Cross, Colin Smythe, 1990, p. 15.
3 « Il était écrit que quelqu’un devait te trahir – / J’y avais pensé – Mais pas que ce serait moi, / Moi, Judas. » W.B. Yeats, Collected Plays, Dublin, Gill and Macmillan, 1989, p. 454. Ma traduction, ainsi que pour les citations suivantes de cette pièce.
4 « La politique aurait été la ruine de Calvary, qui est sans doute la plus spirituelle des pièces de Yeats » Sekine et Murray, p. 15.
5 Anne Ubersfeld, Lire le théâtre, Paris, Messidor/Éditions sociales, 1982, p. 42.
6 « Ceux qui sont derrière / Grimpent sur les épaules de ceux qui sont devant / Pour lancer leurs moqueries : / “Fais un miracle”, / Crie l’un, “et sauve-toi” ; un autre dit, / “Appelle ton père maintenant avant que tes os / Ne soient mis à nu par les grands oiseaux du désert” […] » Yeats, p. 450.
7 « C’est Vendredi Saint, / Le jour où le Christ revit en rêve Sa passion » Yeats, p. 450.
8 Ubersfeld, p. 43.
9 « Mon père a mis tous les hommes entre mes mains » Yeats, p. 454.
10 « “Lazare, lève-toi”, ai-je dit, et tu t’es levé » Yeats, p. 451.
11 « Tu as crié, “Lève-toi !” ; Tu m’as tiré vers la lumière comme les jeunes garçons / Tirent un lapin hors de son terrier » Yeats, p. 452.
12 « Je ne supportais pas l’idée que tu n’avais qu’à siffler / Et qu’il me fallait obéir » Yeats, p. 454.
13 « Allons, dansons la danse des jeteurs de dés, car il se peut / Qu’il n’en n’ait plus pour longtemps, et il ne l’a jamais vue » Yeats, p. 456.
14 « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Yeats, p. 456.
15 « Dieu n’est pas mort pour le héron blanc » Yeats, p. 449-50.
16 « Dieu n’est pas apparu aux oiseaux » Yeats, p. 457.
17 Voir Kathryn Conrad, « Keening the Nation : the Bean Chaointe, the Sean Bhean Bhocht, and Women’s Lament in Irish Nationalist Narrative », in Patricia Coughlan and Tina O’Toole (dir.) : Irish literature : Feminist Perspectives, IASIL studies in Irish Writing, Dublin, Carysfort, 2008, p. 53.
18 « Je crois que le moment où je le verrai ne viendra jamais ! » Augusta Gregory, The Story Brought by Brigit, dans The Collected Plays, III. Wonder and the Supernatural. Gerrards Cross, Colin Smythe, 1970, p. 303. Ma traduction, ainsi que pour les citations suivantes de cette pièce.
19 « Première femme (à Brigit) : Viens par ici où la route s’élève, et tu pourras peut-être le voir » Gregory, p. 307.
20 « Daniel : Dommage. Quand on sort pour aller au spectacle, on aime en voir le plus possible.
Marcus : Drôle de chose que votre peuple hébreux qui se presse pour voir crucifier un homme. Pourquoi ne le gardent-ils pas pour un cirque ? Ils auraient pu le jeter aux bêtes sauvages. Ça au moins, ça vaut la peine qu’on y passe la journée » Gregory, p. 338.
21 « St. John : “It is finished !” That is what he said. And then he said, “Father, into thy hands I commit my spirit.” And with that the soul parted from the body. » Gregory, p. 344.
22 « St. John : Hush ! He is speaking ! (He bends his head and listens intently.)
2ND Woman : Oh ! What word does he say !
St. John (still listening and speaking slowly) : “I am He that liveth and was dead. And behold I am alive for evermore !” » Gregory, p. 345.
23 « Brigit : C’est dans un rêve ou une vision de la nuit que j’ai vu un Jeune Homme qui avait des blessures sur lui. Et j’ai su que c’était Celui que j’avais recueilli, quand il n’était qu’un Enfant dans les bras de sa mère. Et je vis dans mon rêve qu’il connaîtrait de grands tracas, mais qu’à la fin il emplirait de joie le cœur de Ses amis. Et je vis que le lieu où je le trouverais était cette contrée de Judée, loin, loin vers l’est » Gregory, p. 306.
24 Voir Dawn Duncan, « Lady Gregory and the Feminine Journey : The Gaol Gate, Grania, and The Story Brought by Brigit », Irish University Review, Vol. 34, n° 1, Spring-Summer 2004, p. 133-143.
25 « 2E Femme : Tu as bien fait de venir ici pour le voir de tes propres yeux. Car cette histoire-là, on lui donnera au moins sept formes. / 1RE Femme : Oui, c’est une histoire à fendre le cœur que tu devras rapporter en Irlande. / Brigit : Non, c’est une grande histoire et une grande gloire que je rapporterai avec moi. Je l’ai entendu moi-même, et je sais qu’il est bien le Christ, le Sauveur du monde » Gregory, p. 337.
Auteur
Université Lille Nord de France – Lille 3 EA 4074 (Cecille) – F-59000, Lille
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