Pluralité des mondes, porosité des genres : poétique du possible dans les littératures contemporaines de l’imaginaire
p. 107-120
Texte intégral
Toute œuvre habitée échappe au quadrillage préexistant des genres, en sort ou les fusionne.1
1Il en va des catégories génériques comme des taxonomies scientifiques : émanant d’un effort de conceptualisation pour imposer une certaine forme de rationalité à leurs objets d’étude, elles témoignent tout à la fois de la prétention de l’esprit à théoriser les phénomènes qu’il rencontre et de l’historicité, donc de la relativité de tels échafaudages mentaux. Qu’un nouveau paradigme vienne ébranler les bases sur lesquelles reposait une épistémè et c’est tout l’édifice de la science qui est bouleversé de fond en comble, de même qu’évoluent, avec le temps, les modes et les pratiques, les outils critiques à l’aide desquels l’homme s’efforce de penser sa relation aux formes littéraires. Or autant les sciences dites exactes ont su intégrer le principe de leur relativisme épistémologique en n’hésitant pas à faire évoluer les catégories de leur pensée du monde, autant il n’est pas certain que les sciences humaines et notamment les études littéraires aient poussé aussi loin leur travail de remise en cause, affinant certes leur effort de définition dans des grilles régulièrement réactualisées mais sans pour autant remettre en question la pertinence des genres eux-mêmes ni questionner leur propre légitimité à leur assigner une modalité d’existence (principe de détermination)2. À titre de comparaison, le discours scientifique a quant à lui pris en charge dans ses fondements les mutations induites par le renouvellement de ses modélisations, le grand chambardement de la pensée quantique altérant non seulement la façon de concevoir l’objet mais encore la validité du regard posé sur lui (principe d’indétermination).
2Il convient toutefois de nuancer un tel constat au regard des évolutions récentes. D’abord parce que, au sein des études littéraires, les théories de la généricité ont évolué dans le sens d’un détachement progressif de l’héritage normatif des typologies dans la lignée aristotélicienne et préfèrent aujourd’hui une réflexion sur l’historicité des normes, la sociologie des genres et la déconstruction du canon3. Ensuite, et de façon plus générale, parce qu’on assiste à un réel effort des sciences humaines pour proposer de nouveaux outils dépassant l’idéalisme latent de la rationalité occidentale ; ainsi la notion de bricolage ou encore le concept très fertile d’hybridation, développé dans le champ des études culturelles pour penser autrement la diversité et exploité en esthétique où il constitue une ressource féconde pour aborder les phénomènes de croisements, implantations et autres contaminations. Enfin parce qu’il y a les paralittératures et que c’est probablement dans ce champ où foisonnent les créations inclassables que se fait ressentir peut-être encore plus qu’ailleurs le besoin d’une réflexion sur les principes qui président à toute classification ; il n’est que de penser aux études regroupées par Françoise Dupeyron-Lafay (2005) ou encore Nathalie Prince et Lauric Guillaud (2008) pour repenser la nature des ramifications au sein des littératures de l’imaginaire – et dont cet ouvrage est le parfait témoin.
3On se propose ainsi, dans le cadre de ce bref article, d’apporter une modeste contribution au débat en s’intéressant à ce qui semble être une tendance insistante du récit contemporain, dont on s’efforcera de dégager quelques modalités et enjeux : d’abord, en posant les termes de la question à partir d’un rapide regard sur le champ éditorial et quelques textes qui d’une certaine façon semblent y poser problème ; ensuite, en proposant un outil de lecture qui puisse rendre compte de ces ruptures taxinomiques dans un cadre théorique et épistémologique empruntant à la science contemporaine pour compléter la notion d’hybridité ; enfin, en mettant en évidence quelques modalités de ce changement de paradigme à la lumière d’œuvres thématisant l’évolution en cours, en abyme de leurs propres fictions.
Hétérogénéité, hybridité
4On commencera par rappeler la complexité inhérente à toute réflexion sur la généricité, tant il est difficile de faire le départ entre les catégories constitutives de toute taxonomie et les processus censés les retravailler. En point de départ ce constat, aujourd’hui communément acquis, que la création littéraire contemporaine déborde de plus en plus les cadres génériques « classiques » et que les catégories usuelles peinent à rendre compte d’un certain nombre d’œuvres jouant si allègrement avec les codes que le recours aux classifications de l’imaginaire est souvent nuancé par le constat d’hybridité, devenu passage obligé de l’analyse des discours et des formes. Pour légitime qu’elle soit, une telle utilisation n’est pas sans appeler commentaire au sens où elle soulève la question de la relation entre les textes et le regard qu’on peut porter sur eux à différents niveaux. Où situer en effet le processus d’hybridation ? Dans l’esthétique de la transgression qu’un auteur applique plus ou moins consciemment aux règles en vigueur pour faire œuvre d’innovation ? Dans la position critique du théoricien appliquant une grille de lecture censée rendre compte des esthétiques d’usage ou d’avant-garde ? Ou dans l’évolution de l’horizon d’attente d’un public influant sur les choix artistiques par ses pratiques de consommation culturelles ? Pour le dire autrement, dans quel sens évoluent les phénomènes de création, d’injonction et d’horizon d’attente, qu’on a généralement tendance à lire au fil de la chronologie éditoriale alors que rien n’interdit de penser que les interactions écrivain-lecteur fonctionnent simultanément dans toutes les directions ? C’est ce que rappelle opportunément l’état actuel de la recherche sur la question de l’hybridation des genres au Moyen Âge, avec ce paradoxe que l’hétérogénéité y est si prononcée qu’elle semble presque être la règle – ce qu’on pourrait appeler « l’hybridation générique érigée en loi de genre »4 ; mais que, partant, le lecteur d’alors ne la perçoit justement pas comme un écart ou une transgression – ce qui revient à reconsidérer la légitimité des critères à l’aune desquels la critique d’aujourd’hui tente d’évaluer la production littéraire d’autrefois.
5On est donc fondé à se demander jusqu’à quel point un processus similaire n’est pas en cours dans la production contemporaine, notamment quand on constate à quel point certaines œuvres refusent de se laisser ranger dans des catégories – quelques nuances qu’on leur applique. Ainsi par exemple The Affirmation (Christopher Priest, 1981, La Fontaine pétrifiante), qu’on peut lire tout autant comme un tour de force autour d’un schéma de science-fiction (le Vortex, qui sera développé en tant que tel dans le recueil Dream Archipelago, L’Archipel du rêve, en 1999) que comme une brillante variation sur l’ambiguïté fantastique entre deux clés de lecture (l’existence d’un univers surnaturel révélé au héros ou émanant de la schizophrénie de ce dernier) – l’auteur pour sa part déclinant toute appartenance revendiquée. Or une analyse attentive du récit montre qu’on peut légitimement le rattacher à un genre tout autant qu’à un autre, sans pouvoir considérer qu’il participe de l’un plus que de l’autre ; et donc que sa spécificité est peut-être précisément d’offrir simultanément cette multi-appartenance avec le même degré de recevabilité.
6Conscients de cette ambiguïté, les éditeurs en jouent volontiers dans les signaux adressés au public : ainsi dans telle édition française de 2009 de King of Morning, Queen of Day (Ian McDonald, 1991, Roi du matin, Reine du jour), qu’une incrustation range en fantasy tandis que le bandeau joue de l’appartenance SF. Le phénomène est encore plus spectaculaire dans la version de American Gods (Neil Gaiman, 2001) parue chez J’ai Lu en 2002 : l’ouvrage affiche un bandeau rouge signalant l’obtention de nombreux prix littéraires, intégré à la couverture comme s’il s’agissait d’ancrer la caractérisation générique dans la matière de l’œuvre. Or cette détermination déborde ostensiblement les cadres en jouant sur tous les tableaux :
Meilleur roman de SF : prix Hugo et prix Nebula
Meilleur roman de fantasy : prix Locus
Meilleur roman fantastique : Bram Stoker Award.
7Si le procédé participe à l’évidence d’une stratégie éditoriale pour conquérir le lectorat le plus large, une indexation aussi globalisante n’est pas sans poser problème : autant on peut aisément admettre qu’un récit placé sous les auspices d’une catégorie emprunte à une autre un certain nombre de ses marqueurs, autant il est plus compliqué de concevoir qu’une œuvre puisse déborder la distinction des frontières de genres (même en gardant ces frontières poreuses). Or là encore, le texte de Neil Gaiman se place simultanément sous des auspices divers et même souvent antagonistes, selon qu’on lira les visions du héros comme la cristallisation de pouvoirs magiques des dieux anciens ou comme l’effet d’une araignée mécanique fonctionnant comme un moteur de recherche performatif. Cette dualité d’interprétations est exemplifiée dans le conflit d’interprétations qui oppose les personnages :
— I read some book about brains, she said. […]. It was like, how five thousand years ago the lobes of the brain fused and before that people thought when the right lobe of the brain said anything it was the voice of some god telling them what to do. It’s just brains.
— I like my theory better, said Shadow.
— What’s your theory?
— That back then people used to run into the gods from time to time.5
Mondes possibles, univers parallèles
8On voit ainsi que la division usuelle des genres de l’imaginaire est battue en brèche par des œuvres qui semblent en tester l’opérabilité en refusant de trancher entre rationnel et surnaturel. Face à cette résistance de la matière littéraire à se laisser mouler dans les catégories de l’entendement, on peut bien sûr tenter d’affiner des notions qu’on nuancera alors en sous-catégories chargées de prendre en compte la diversité des esthétiques rencontrées, par exemple avec la gaslamp fantasy censée permettre la discrimination d’avec le steampunk selon qu’une œuvre placée sous les auspices de l’Angleterre victorienne privilégiera un angle d’attaque plutôt fantastique ou science-fictif ; mais on pressent aussi que cette surenchère de classification, commode sur un plan médiatique et bibliographique, ne fait jamais que rejouer la tentative des cartographes de Borges raffinant toujours davantage leurs représentations sans pour autant jamais parvenir à faire coller la carte au territoire.
9On peut également recourir au concept d’hybridité, à la richesse indéniable mais qui, si opérant soit-il, semble devoir être complété et ce pour deux raisons. D’abord une certaine réserve que nombre d’auteurs affichent vis-à-vis du phénomène ; on prendra pour exemple cet entretien où Patrick Rothfuss, l’auteur de The Kingkiller Chronicle (2007 – en cours), referme la porte que l’interviewer tentait de lui ouvrir :
What are your thoughts on the genre hybridization going on in contemporary genre fiction?
I don’t really think of it as hybridization. I think authors are just realizing there’s no real reason to feel limited to a narrow set of genre rules in their writing. […] It’s easy to get distracted by the glittering props available to you and forget what you’re supposed to be doing: telling a good story.6
L’hybridité est ici paradoxalement perçue comme une mode, plus contraignante que libératrice au sens où elle constituerait un jeu avec des genres acquis tendant à conforter les ingrédients plutôt qu’à les dissoudre dans une fiction leur préexistant.
10Or justement, on peut se demander si la notion d’hybridation suffit à penser la coexistence au sein d’une œuvre de principes antagonistes jusqu’à la contradiction. Défini par la nature de ses emprunts, le croisement biologique préserve en effet la pondération entre ses origines, selon le poids du gène ou du genre dominant ; on parlera ainsi de SF mâtinée de fantastique ou de fantasy colorée de SF, tout en veillant à conserver un cadre de référence renvoyant à la prépondérance postulée d’une certaine vision du monde. Mais peut-on concevoir qu’une œuvre sanctionne tout à la fois la prédominance de la rationalité et la reconnaissance de l’irrationnel, en cautionnant dans le même instant deux univers placés respectivement sous les auspices de la science et de la magie, comme par exemple dans La Saison de la sorcière (Roland Wagner, 2003) qui met en scène des personnages ou des motifs relevant de positions génériques structurellement hétérogènes ? Autrement dit, un texte peut-il relever organiquement de deux conceptions duelles, ou pour le dire de façon plus radicale encore, un objet peut-il simultanément coexister dans différents états ? On le sait, l’histoire de la rationalité occidentale refuse un tel défi au sens commun en imposant la loi de l’alternative comme principe constitutif préexistant à toute pensée, logique autant qu’ontologique. À l’inverse la physique quantique intègre l’hypothèse du tiers-inclus en considérant que peuvent coexister une chose et son contraire, à l’exemple du chat de Schrödinger qui est tout à la fois vivant et mort et dont la détermination dans un de ces états n’intervient précisément qu’au moment de l’observation qui tente d’en mesurer la nature. Pour tenter d’expliquer un paradoxe aussi vertigineux, la science contemporaine propose notamment la théorie des univers parallèles, considérant que les différents états potentiels coexistent dans des réalités multiples qui correspondent aux options proposées à la conscience de l’observateur. Elle renouvelle ce faisant la vieille question métaphysique des mondes possibles initiée par les présocratiques puis revisitée par Leibniz, et que la philosophie analytique contemporaine a développée à son tour pour son propre compte, en postulant entre l’être et le non-être des états intermédiaires dont l’existence est avérée par le seul fait que nous puissions les concevoir. Ainsi, par exemple, la sémantique des possibles déployée autour des travaux de Saul Kripke7 ou encore le réalisme immanent développé par la métaphysique de David Armstrong8 puisent dans le modèle leibnizien un système conceptuel commode pour penser la valeur de vérité des propositions dont la modalisation porte sur les catégories du nécessaire et du contingent. Les univers possibles sont dès lors traités comme des constructions abstraites permettant de penser les fluctuations de l’être dans ses différents états, certains philosophes tel David Lewis9 allant jusqu’à leur accorder un statut existentiel de plein droit. Ce paradigme des mondes possibles, endossé par une part non négligeable de l’astrophysique contemporaine, est également exploité en mathématiques appliquées avec les théories de la décision ; il a enfin un impact notoire sur la critique littéraire des vingt dernières années, avec l’essor d’un courant théorique en exploitant les acquis pour tenter d’éclairer les paradoxes de la fiction10. Précisons que, dans ce type d’approche, l’objectif n’est pas d’analyser les récits qui mettent en scène la thématique des univers parallèles (ce qui est plutôt notre propos), mais davantage de s’appuyer sur les acquis de la pensée formelle pour relire toute construction diégétique à l’aune d’une réflexion sur la fictionnalité des œuvres littéraires.
Contiguïté, hypertextualité
11De ce cadre qui constitue notre nouvelle épistémè, on aura dès lors envie de retenir cette problématique de la simultanéité des possibles en l’appliquant à un corpus dont l’originalité est peut-être justement d’avoir intégré la question des univers parallèles en en faisant à la fois un thème mais aussi une poétique. Comme le dit non sans humour Fabrice Colin dans son roman Dreamericana (2003) : « Je crois que les critiques passent à côté d’un aspect essentiel des romans, qui est justement leur côté pararéel. Où sommes-nous ? La théorie des mondes infinis rend tous les vertiges possibles »11. Or, dans de tels récits, la pluralité des mondes est moins un topos sacrifiant à ce qui est devenu un véritable effet de mode dans les littératures de l’imaginaire ; c’est plutôt un trope et peut-être même un paradigme dans la mesure où le motif ne constitue pas seulement le cadre de l’intrigue, mais encore et surtout la condition esthétique et même philosophique de son déploiement. Plus encore que de planètes se côtoyant ou de plans se juxtaposant (thèmes récurrents de la science-fiction et du fantastique), il s’agit ici d’univers incarnant dans leur fonctionnement même les genres qui leur ont donné naissance, un peu comme s’il s’agissait de mettre en évidence, voire en abyme, le principe de superposition. Examinons donc quelques illustrations de cette mise en scène de la pluralité des cosmogonies comme cristallisation du refus des appartenances exclusives, en abordant les œuvres selon la relation qu’y entretiennent entre eux les divers univers évoqués et la nature de leur interaction (contiguïté, emboîtement ou parallélisme).
12On commencera avec la relation de contiguïté, qui fait se côtoyer deux univers pour mieux les confronter. Ce cas de figure est illustré de façon très parlante par Faërie Hackers (Johan Heliot, 2003) qu’on ne saurait rattacher à une catégorie ni même à une sous-espèce tant son fonctionnement a précisément pour objet de subsumer les nomenclatures en rendant sensible la collision des univers livresques : d’un côté le monde du merveilleux, avec ses figures emblématiques que sont les fées, les nains ou encore les dragons ; de l’autre la communauté scientifique, avec ses programmeurs géniaux capables de transformer le réel au gré de leurs modélisations. Aussi l’ouvrage n’emprunte-t-il à la High Fantasy son schème structurant de l’affrontement du Bien et du Mal ou à la science-fiction son questionnement sur les pouvoirs et les dérives de la technologie que pour représenter, à un second niveau d’analyse, la mise en fiction (qui est aussi une friction) de ces constituants catégoriels que sont la magie et les mondes virtuels de l’informatique en réseau. La première façon de mettre en scène le refus de la classification serait ainsi ce qu’on pourrait appeler le principe dynamique de la croisée des mondes, qu’on retrouve de la même façon dans les romans de Roland Wagner et Neil Gaiman déjà cités mais aussi dans Hard magic (Larry Correia, 2011), percutante uchronie où Darwin a dû prendre en compte l’apparition de la sorcellerie dans l’élaboration de sa loi générale de l’évolution, où Einstein a été amené à faire une place au magnétisme dans sa théorie de la relativité générale et Freud forcé d’intégrer le Royaume de la magie à son analyse de l’inconscient. Impossible dès lors de privilégier un courant dominant, tant l’organisation diégétique ainsi postulée se construit précisément autour de la juxtaposition d’univers génériques entrés en conflagration.
13À côté de ce principe de coexistence problématique, on trouve la modalité de l’emboîtement des possibles, récurrente dans le roman contemporain pour adolescents12 : dans cette configuration, les mondes sont cette fois insérés les uns dans les autres, selon le principe narratif du rêveur rêvé ou du récit dans le récit. C’est le cas par exemple dans Mirror Dreams (Catherine Webb, 2002), qui nous présente un consortium d’univers imbriqués où se croisent des destinées et des genres en fonction de l’appétence des différents rêveurs, ou encore dans Aerkaos (Jean-Michel Payet, 2007-2009), trilogie qui se donne à lire aussi bien sous l’angle de la fantasy (la lutte d’une secte de conteurs contre la tyrannie de l’ordre Vunique) qu’à la lumière de la science-fiction (l’arrivée sur Terre d’immortels se pourchassant de planète en planète). Ce récit vertigineux, à l’organisation toute borgésienne, présente l’emboîtement des mondes de deux façons complémentaires. La première emprunte à la science une figuration qui s’inspire à la fois des topographies de l’hyper-espace riemannien et du modèle astrophysique des trous de ver :
[…] j’ai toujours imaginé ça comme un tas de feuilles de papier superposées. Chacune d’elles constituerait un monde. En perçant la feuille sur laquelle on se place, on passe à la strate inférieure. On est à peu près au même endroit au même moment, et pourtant, on est dans un autre monde...13
Cette topologie de l’espace narratif s’adosse simultanément à une réflexion conceptuelle sur les phénomènes d’intertextualité présentés comme fondement structurant de la genèse des univers fictionnels. Le roman installe en abyme le principe qui régit toute représentation :
– Lorsque quelqu’un, quelque part, imagine une histoire, un poème, un chant, lorsqu’il crée un personnage, qu’il conçoit un décor, noue une intrigue, déjà, il enclenche le processus. C’est à ce moment précis qu’un monde se crée. Un monde nouveau, avec ses règles, ses lois, ses possibilités et ses interdits. Et ce monde existe et croît selon sa logique propre.
– Vous voulez dire que dès lors que quelqu’un écrit un roman, cela crée un monde ?
– Oui.14
Dans ces conditions toute diégèse est susceptible d’en contenir une autre, dans un jeu d’emboîtements spéculaires qui engage tout autant notre propre réalité :
Qui nous permet d’affirmer que le monde dont nous sommes issus n’est pas né d’un conte, d’une légende, d’un rêve ou d’un cauchemar ayant pris forme dans un autre monde dont nous ignorons jusqu’à l’existence ?15
On ne saurait mieux rappeler le pouvoir imageant de la fiction : l’infini des cosmogonies naît de la pluralité des histoires, et le passage entre les mondes cristallise alors la porosité mais aussi la fragilité de leurs modélisations ; venu de notre terre, le jeune héros se promène entre les univers génériques pour découvrir, au terme de sa quête, l’illusion de chacun d’entre eux (ainsi la jeune héroïne surgie d’une communauté de fantasy se révèle-t-elle une émanation de son propre désir).
14Troisième et dernier exemple, le principe de la rencontre impossible qui illustre au plus près la théorie des univers parallèles formulée par le physicien Everett : les mondes y coexistent sans jamais pouvoir se rencontrer et les genres ne se croisent que pour autant qu’ils s’ignorent, justement parce qu’ils restent exclusifs l’un de l’autre sans pouvoir prétendre à s’appréhender, voire à se contaminer. Emblématiques à cet égard : le roman de Christopher Priest, The Affirmation, déjà mentionné, mais aussi des récits qui jouent de la coexistence de positions énonciatives représentatives de conceptions du monde résolument distinctes. C’est le cas de King of Morning, Queen of Day : organisé comme un patchwork multi-générationnel combinant les temporalités et les modalités narratives (journaux intimes, correspondance épistolaire, narrations à voix multiples), le texte fait se côtoyer sans trancher entre eux les points de vue structurellement divergents d’Emily, adolescente croyant aux fées des bois et aux lutins des collines, de son astronome de père essayant de communiquer avec les extraterrestres d’Altaïr, voire de la jeune fille tentant d’emprunter à son père une explication scientifique du merveilleux :
[…] j’échafaude une théorie. Est-il inconcevable que notre monde et le leur soient imbriqués l’un dans l’autre comme les sphères concentriques des mappemondes hollandaises, sur des plans d’existence différents ?16
Mais le roman ne s’arrête pas là, et jouant avec les époques comme avec les genres, il juxtapose encore les angoisses de l’enfant d’Emily, écartelée entre mythologie et mythomanie dans un univers régi par les phénomènes d’une mythoconscience qui n’est pas sans évoquer l’univers de Mythago Wood (Robert Holdstock, 1984) ; et aussi les interrogations d’une de leurs descendantes luttant contre des monstres venus d’ailleurs tout en s’interrogeant, à mi-chemin entre science et schizophrénie, sur la pertinence des archétypes à l’heure de la société technologique :
Où sont les Adaptateurs capables de façonner nos rêves et nos terreurs, nos espoirs et nos peurs, pour les transmuer en héros et méchants de l’âge de l’or noir ?17
Écartelé entre ces différentes positions qui emblématisent chacune une façon de donner vie à l’imaginaire collectif (le merveilleux, la SF, le fantastique, la fantasy) sans jamais l’y restreindre, le texte refuse de trancher entre ses interprétations possibles et, décevant jusqu’au bout un lecteur pris au piège de ce jeu vertigineux de miroirs baroques, se conclut sur un épilogue aporétique en forme de page blanche.
15La même ambivalence structure enfin La Horde du contrevent (Alain Damasio, 2004), qui conjugue une structure narrative puisant aux racines mêmes de la fantasy (la confrérie lancée dans la quête mystique d’une force élémentaire) à un cadre spéculatif interrogeant les concepts de guerre, de vie et même de matière. Là encore la pluralité des visions s’inscrit dans le cadre d’une polyphonie narrative démultipliant les énonciations en première personne et permettant par exemple de proposer simultanément, en réponse à la question de l’origine du vivant, une lecture magique et une théorie physique. L’entrelacement de ces deux séries de motifs participe ici d’un parti pris philosophique de l’auteur à l’encontre des interprétations trop exclusives :
La réalité ne peut à mes yeux être dite d’un seul esprit, d’un seul axe de caméra, elle est nécessairement multiple, éclatée, proliférante. C’est le tissage des perceptions qui recompose le réel, lui restitue sa richesse. [... Ce livre s’adresse] à tout le monde évidemment : lecteurs de SF comme de fantasy.18
D’où l’exergue du roman, empruntée à Deleuze et Guattari pour mieux rappeler en amont du récit son refus de conceptions monovalentes du monde : « On n’a pas de systèmes, on n’a que des lignes et des mouvements ».
16La théorie des univers parallèles rapportée tant aux mondes infradiégétiques qu’aux genres de l’imaginaire nous semble en somme comporter quelque chose de nature à rendre compte d’une tendance appuyée des littératures d’aujourd’hui à refuser le carcan de codifications trop restrictives. Plutôt que de s’inscrire sous des bannières génériques impuissantes à rendre compte de la complexité foisonnante du réel, de tels récits préféreront donner leur chance à toutes les filiations, non pas tant pour y puiser les formes d’une catégorisation surdéterminée que pour mettre en scène l’incapacité de l’esprit à trancher entre les conceptions du monde et, simultanément, la capacité de l’imagination à faire proliférer les mondes en réaction – le pouvoir des mots devenant alors la meilleure façon de contrer la résistance du réel en lui opposant la simultanéité des possibles.
17De telles questions, qui illustrent la complexité de toute appréhension du monde, ne sont pas neuves et traversent sous des formes diverses l’histoire des formes et des idées. Le grand mérite des œuvres considérées est d’en renouveler l’éclairage en en faisant tout à la fois le cadre, l’argument et l’esthétique qui structurent leur fiction. Ce n’est donc pas sans raison que cette revivification du vieux mythe des mondes possibles coïncide avec le changement de paradigme qui a fait passer de la galaxie Gutenberg à l’ère du numérique, et d’une civilisation de l’imprimé à la prépondérance de l’image virtuelle ; et de fait, les interrogations qui hantent ces récits sont au fond celles-là mêmes auxquelles sont confrontés des publics convertis aux jeux en ligne et autres métavers.
18En cela, l’originalité de telles œuvres leur confère une vertu propédeutique, qui rappelle aux nouvelles générations saturées d’avatars et d’univers virtuels la complexité des niveaux de réalité en leur faisant toucher du doigt les ambivalences de la fiction. Elle leur donne aussi une valeur esthétique, leur permettant d’exemplifier la question des regards et ce faisant d’exposer à la compréhension du lecteur les phénomènes qui instituent un texte entre création et réception. Elle leur confère enfin une portée politique, inscrite dans le refus de la simplification des approches et de l’exclusive des points de vue auxquelles sont opposées les tensions d’une construction exocentrique. Vis-à-vis du lecteur, c’est interdire la subjectivité d’une idéologie monovalente en l’empêchant de s’abriter sous le parapluie de la pensée unique et des étiquettes rassurantes ; du point de vue de l’auteur c’est décliner la caution des catégories acquises en préférant la conflagration des univers à l’idéalisme des universaux. Comme le rappelle Alain Damasio, c’est en somme se mettre en danger :
Si Deleuze nous a appris quelque chose, c’est au moins ça : se méfier des universaux [et] réinvestir le plan d’immanence parce que les devenirs ne se tracent et ne se trouvent [... que] dans un corps-à-corps avec le chaos. Ou tout autant : dans un tête-à-tête accepté avec le dehors qui nous traverse et qui fera de notre écriture autre chose qu’une combinatoire de clichés. Une seule règle ici : s’abriter aussi peu que possible – […] s’imposer de s’exposer, donc.19
Bibliographie
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— , Art, création, fiction (avec Nathalie Heinich), Paris, Éditions Jacqueline Chambon, 2004.
Notes de bas de page
1 Alain Damasio, Interview, Le Cafard cosmique, [En ligne], URL : <http://www.cafard-cosmique.com/Alain-DAMASIO-Rien-ne-vaut-que-ce>.
2 À quelques exceptions près, en particulier les travaux de Jean-Marie Schaeffer : Art, création, fiction (avec Nathalie Heinich), Paris, Éditions Jacqueline Chambon, 2004 ; Adieu à l’esthétique, Paris, Presses Universitaires de France, 2000 ; Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, « Poétique », 1999.
3 Voir entre autres : Marie-Laure Ryan (dir.), dossier « Genre », Poetics, vol. 10, n° 2-3 (juin 1981), p. 109-315 ; Alastair Fowler, Kinds of Literature. An Introduction to the Theory of Genres and Modes [Des sortes de littérature : introduction à la théorie des genres et des modes], Cambridge MA, Harvard University Press, 1982 ; Gérard Genette et al., Théorie des genres, Paris, Seuil, 1986 ; Jean-Marie Schaeffer, Qu’est-ce qu’un genre littéraire ?, Paris, Seuil, 1989.
4 Hélène Charpentier, Valérie Fasseur (dir.), Les genres au Moyen Âge – la question de l’hétérogénéité, Méthode, n° 17, Valongues, 2010, quatrième de couverture.
5 « – J’ai lu un bouquin sur le cerveau, reprit Sam. Ça disait qu’il y a cinq mille ans les lobes du cerveau se sont fondus alors qu’avant, chaque fois que les gens disaient quelque chose, les gens avaient l’impression d’entendre la voix d’un dieu leur dicter leur conduite. Tout est dans le cerveau.
– Je préfère ma théorie, dit Ombre.
– C’est quoi, votre théorie ?
– Qu’à l’époque on rencontrait un dieu de temps en temps », Neil Gaiman, American Gods, 2001, trad. Michel Pagel, Paris, J’ai lu, 2002, p. 180.
6 « Que pensez-vous de l’hybridation des genres qui semble être de mise actuellement dans la fiction ?
— Je ne vois pas cela comme de l’hybridation. Je pense que les auteurs réalisent qu’il n’y a aucune raison de se sentir limité par un nombre étroit de règles dans leurs écrits. […] Il est facile de se laisser distraire par les accessoires scintillants disponibles et oublier ce que vous êtes supposé faire : raconter une histoire ». Patrick Rothfuss, Interview avec Paul Goat Allen, Barnes & Noble, 2001 [notre traduction]. URL : <http://bookclubs.barnesandnoble.com/t5/Explorations-The-BN-SciFi-and/The-Next-Coming-of-J-R-R-Tolkien-An-Interview-With-Patrick/ba-p/874186>.
7 Saul Kripke, « Semantical Considerations on Modal Logic » [Considérations sémantiques sur la logique modale], Acta Philosophica Fennica, n° 16, 1963, p. 83-94.
8 David Armstrong, Universals : An Opinionated Introduction, Boulder, Westview Press, 1989, trad. Les Universaux : une introduction partisane, Montreuil, Ithaque éditions, « Science et métaphysique », 2010.
9 David Lewis, On the Plurality of Worlds, Oxford, Basil Blackwell, 1986, trad. De la pluralité des mondes, Paris, Éditions de l’Éclat, 2007.
10 Thomas Pavel, Univers de la fiction, Paris, Seuil, « Poétique », 1988 ; Lubomir Doležel, Heterocosmica - Fiction and Possible Worlds [Hétérocosmica : la fiction et les mondes possibles], Baltimore et Londres, The Johns Hopkins University Press, 1998 ; Umberto Eco, Lector in fabula, 1979, trad. Paris, Grasset-Fasquelle, 1985 ; Marie-Laure Ryan, Possible Worlds, Artificial Intelligence and Narrative Theory [Mondes possibles, intelligence artificielle et théorie du récit], Bloomington, Indiana University Press, 1992 ; Françoise Lavocat (dir.), La Théorie des mondes possibles et l’analyse littéraire, Paris, CNRS, 2011.
11 Fabrice Colin, Dreamericana, Paris, J’ai lu, 2003, p. 137.
12 Voir Laurent Bazin, « De théodicée en théorie de la fiction : le paradigme des mondes possibles dans la littérature de jeunesse contemporaine », Publije, 2010, URL : <http://publije.univ-lemans.fr/>.
13 Jean-Michel Payet, Aerkaos, Paris, Panama, 2009, t. 3, p. 227.
14 Ibid., p. 225-226.
15 Ibid., p. 229.
16 Ian McDonald, Roi du matin, Reine du jour, 1991, trad. Paris, Folio SF, 2009, p. 66.
17 Ibid., p. 246.
18 Alain Damasio, Interview, Le Cafard cosmique, op. cit.
19 Alain Damasio, « Writing in the wind », Interview avec Mathieu Potte-Bonneville, Europe, n° 996, avril 2012.
Auteur
Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
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