Contes et théâtre jeunesse au collège : pour une lecture informée d’un répertoire singulier
p. 129-141
Texte intégral
1Si la dramatisation du conte merveilleux se pratique depuis l’émergence de ce genre littéraire à la fin du XVIIe siècle, force est d’admettre, dans le sillage de Marie Bernanoce, que « la réécriture des contes, depuis plusieurs décennies, a constitué l’un des champs privilégiés du théâtre à destination des jeunes, principalement sur les scènes mais aussi par l’écriture »1. Cette tendance explique l’intérêt que les chercheurs portent à ce répertoire, ce qui s’est traduit, au cours des toutes dernières années, par la publication d’un certain nombre d’articles visant à interroger ce phénomène. Se pose dès lors une double question : quelles œuvres du répertoire contemporain retenir pour rendre compte, avec objectivité, des spécificités de ces multiples écritures dramatiques ? Quelles orientations donner à une nouvelle analyse susceptible non seulement de nourrir la réflexion déjà amplement engagée, mais également de favoriser, à l’école, une lecture informée de ce répertoire théâtral ? C’est notamment en raison de cette dernière perspective que le choix a été fait de privilégier les œuvres dont la lecture est recommandée aujourd’hui par l’institution scolaire. Dans la liste de « lectures pour les collégiens » publiée en juillet 2012 par le ministère de l’Éducation nationale, figurent, parmi les vingt et une pièces de théâtre proposées aux élèves de sixième2, neuf œuvres présentées comme étroitement liées aux « contes ». La transtextualité qui caractérise ces fictions dramatiques se développe cependant différemment : outre les jeux métatextuels que l’on rencontre en particulier dans les deux pièces de Jean-Claude Grumberg3, quatre de ces œuvres théâtrales entretiennent un rapport d’hypertextualité explicite avec les contes sources que l’on doit respectivement à Madame Leprince de Beaumont, à Charles Perrault, aux frères Grimm et à Hans-Christian Andersen4 ; les cinq autres entretiennent un rapport d’intertextualité avec des contes du patrimoine occidental5. Ces neuf pièces de théâtre interrogent, d’une façon plus ou moins explicite, le principe d’architextualité mis au jour par l’auteur de Palimpsestes. La littérature au second degré6. L’analyse de ce corpus, que l’on peut qualifier de « scolaire » puisque légitimé par l’institution, tendra à mettre au jour les critères susceptibles d’expliquer, au regard des deux objets d’étude – le conte et le théâtre – inscrits dans le programme officiel de la classe de sixième, la sélection opérée dans la production théâtrale contemporaine. Articulant approche littéraire et approche didactique, l’analyse proposée ici visera à éclairer les choix institutionnels et, par là même, à questionner l’intérêt que présente la lecture scolaire de ces écritures dramatiques qui puisent dans la matière ancienne des contes et qui « permettent aux auteurs de poser les immémoriales questions de la douleur, de l’injustice, du sort […] sur un mode qui n’est pas celui dicté par le ton sécuritaire des médias »7.
1. Des écritures dramatiques singulières
2Hormis la pièce récente de Bénédicte Couka Le Sable dans les yeux, les pièces du corpus ont été largement analysées, commentées, ce qui peut justifier leur présence dans la liste proposée par le ministère de l’Éducation nationale : leur lecture permettrait d’assurer la transition entre l’étude du conte et celle du théâtre en classe de sixième, dans la mesure où ces œuvres se présenteraient comme des transpositions théâtrales de contes traditionnels. On peut lire, par exemple, dans les fiches de présentation de certaines de ces pièces qu’il s’agit d’un « conte métamorphosé en pièce de théâtre », d’une « adaptation théâtrale très réussie d’un conte de… ». Dans d’autres, le lien avec l’objet d’étude « contes » est souligné. Mais s’agit-il de simples adaptations qui tendent à assurer le transfert générique du matériau contique ?
3Christiane Pintado8 distingue trois catégories de transposition. La « transposition minimale » se manifeste par la présence de simples marques scripturales du théâtre et n’opère aucune modification du texte source au plan thématique ou idéologique : ce procédé ne concerne aucune pièce du corpus. La « transposition parodique », qui caractériserait de nombreuses réécritures de contes, renvoie à la fonction ludique de la parodie : si l’on relève un registre comique dans Ah ! Anabelle et dans les deux pièces de Grumberg, il serait réducteur, comme on le verra plus loin, de ne retenir de ces contes dramatiques que les jeux avec le langage et/ou de n’y voir que la mise en œuvre de divers procédés de détournement des contes traditionnels. La « transposition réappropriation » est, selon Christiane Pintado, la catégorie la plus innovante dans la mesure où les auteurs se réapproprient le patrimoine (la trame, certains motifs) pour composer une œuvre nouvelle et personnelle : les neuf pièces du corpus correspondent à cette catégorie. Mais faut-il dès lors parler de « transpositions », d’« adaptations », de « réécritures » ?
4Dans « Quand le conte se fait théâtre »9, Marie Bernanoce distingue, quant à elle, les « adaptations ludiques à visée patrimoniale » et les « adaptations esthétiques » dans lesquelles « la présence du conte est moins thématique qu’esthétique » : les premières sont des « adaptations-récréations », les secondes des « adaptations-recréations » qui témoignent de « l’éclosion d’écritures originales et fortes dans lesquelles les contes ne sont pas seulement adaptés mais deviennent le matériau de recherches esthétiques et imaginaires les réinscrivant véritablement dans le contemporain »10. Ce sont exclusivement ces dernières qui figurent dans la liste de « lectures pour les collégiens » : quelle que soit la terminologie retenue (« réappropriation » ou « recréation »), on a affaire ici à des écritures dramatiques singulières qui se réalisent, sur un mode ludique ou sérieux, à partir du matériau contique, dont l’une des spécificités est précisément sa « capacité à la polysémie et au renouvellement », comme le rappelle Catherine Ailloud-Nicolas11.
5Il n’en demeure pas moins que l’on distingue dans le corpus rassemblé deux cas de figure. Dans quatre de ces contes dramatiques, le rapport d’hypertextualité avec le texte source est explicite. Les informations péritextuelles invitent cependant le lecteur – plus que le spectateur – à une certaine vigilance. Le déterminant indéfini dans la pièce de Catherine Anne Une petite sirène, dont le titre renvoie au conte d’Andersen, affiche d’emblée la distinction à opérer entre l’hypotexte et l’hypertexte. La mise en parallèle entre Belle des eaux et le conte source que Bruno Castan établit en sous-titrant sa fiction dramatique « d’après La Belle et la Bête de Madame Leprince de Beaumont » avertit le lecteur non seulement sur la nature du lien intertextuel mais également sur la prévalence accordée au motif de l’eau dans sa « recréation ». De même, le péritexte éditorial de L’Eau de la vie, Olivier Py précise que la « pièce [est] librement inspirée du conte de Grimm »12. Enfin, si la référence au conte de Perrault ou à celui des frères Grimm13 est explicite dans Le Petit Chaperon rouge de Joël Pommerat, la quatrième de couverture propose un extrait qui renvoie à la voix de L’Homme qui raconte, celle-ci occupant près de la moitié de l’espace de parole de la pièce. Par ailleurs, la mise en page consacrée à cette voix narrative souligne la dimension poétique qu’il convient de lui accorder. Dans le second cas14, les pièces entretiennent un rapport plus distant avec le répertoire de contes traditionnels : elles plongent le lecteur – et le spectateur – dans l’univers des contes, mais les liens intertextuels sont plus diffus et diversifiés. C’est principalement le personnel contique qui est convoqué et détourné de ses fonctions traditionnelles, comme on le verra plus loin.
6Quelle que soit l’option retenue par les auteurs, ces neuf fictions dramatiques affichent la singularité de leur écriture en s’affranchissant, d’une manière ou d’une autre, des conventions génériques traditionnelles, et par là même scolaires, ce qui interroge quelque peu les enjeux et les modalités de leur lecture dans le cadre scolaire.
2. Une mise en tension des codes génériques
7La lecture scolaire de ces œuvres en lien avec les deux objets d’étude inscrits au programme de la classe de sixième, le conte et le théâtre, est-elle de fait pertinente ? Elle l’est, si cette lecture permet d’interroger la « relation exemplifiante du genre au texte » que l’école tend à privilégier – pour des raisons que l’on comprend aisément – et que Jean-Marie Schaeffer définit en ces termes :
une relation générique est exemplifiante dès lors que la définition de la classe générique se réfère à des propriétés partagées par tous ses membres, c’est-à-dire dès lors que les propriétés impliquées par le nom de genre sont récurrentes.15
8Est dès lors favorisée une approche normative des genres, qui répond à une conception essentialiste de la littérature. Ceux-ci sont perçus comme des prototypes dont le fonctionnement textuel et les traits linguistiques font système, ils sont des modèles à imiter, notamment lorsqu’il s’agit d’apprendre à écrire des textes variés16. Mais si l’on se place du côté de la réception des œuvres par le lecteur et le spectateur d’aujourd’hui, et que l’on ouvre les corpus scolaires aux œuvres dramatiques et/ou scéniques contemporaines, il devient possible d’envisager l’étude des genres littéraires selon une conception moins normative et, par là même, de (faire) percevoir la littérature comme un corps vivant « en perpétuel mouvement », pour reprendre l’expression de Jean-Marie Schaeffer :
Conçues comme catégories de lecture, les distinctions génériques, loin d’être établies une fois pour toutes, sont en perpétuel mouvement : l’état présent de la littérature projette son ombre sur le passé, ici faisant ressortir des traits autrefois inertes, là repoussant dans l’ombre des traits autrefois marqués, et réorganisant du même coup le canon littéraire reçu.17
9Si l’on admet que la conception normative des genres littéraires est inadéquate pour rendre compte de la littérature contemporaine18, il convient cependant de mettre au jour les tensions génériques qui « travaillent » et informent les textes, en l’occurrence ceux écrits pour les jeunes publics du XXIe siècle et, dans le cadre de cet article, les neuf pièces du corpus. Cette perspective conduit à interroger le genre du conte et celui du théâtre, les œuvres retenues affirmant tout à la fois leur narrativité et leur théâtralité, cette dernière se caractérisant selon Roland Barthes par la présence d’« une véritable polyphonie informationnelle » et « une épaisseur de signes »19.
10La pièce de Catherine Anne Une petite sirène, par exemple, affiche sa théâtralité : « Certaines scènes sont sous-marines, d’autres se déroulent sur la terre, et certaines se passent sur un bateau. Ce sont les mouvements des corps, les voix, les façons de se toucher ou de s’approcher qui changent radicalement, d’un monde à l’autre »20, lit-on dans le péritexte auctorial. C’est précisément la voix de Petite sirène que la sorcière lui arrache mais qu’elle ne « ne réussit pas à maîtriser » qui a donné l’idée à l’auteure « d’imaginer ce que la sorcière peut bien vouloir faire de cette voix qu’elle prend »21. Ainsi le lecteur/ spectateur entend-il ce que Petite sirène, devenue muette, pense ou ressent22. Les éléments sonores sont associés aux jeux de lumière et aux mouvements des corps. Ceux-ci sont de plus en plus présents dans l’avant-dernière scène et se substituent à la parole, avant que celle-ci ne reprenne ses droits dans la scène finale. De toute évidence, il s’agit ici d’un texte dont l’actualisation passe davantage par la profération que par la lecture silencieuse23 : l’absence de signes graphiques de ponctuation, la multiplication d’expressions anaphoriques, une présentation versifiée dans de nombreuses scènes24 produisent des effets de rythme et de musicalité qui confirment la primauté accordée à la voix tant au niveau diégétique que dramaturgique. La pièce d’Olivier Py se distingue, elle aussi, par une « recherche poétique de rythmes et de sonorités, mêlant à la prose des passages rimés »25, dont la mise en page suggère qu’il peut s’agir de chansons26. De plus, le texte didascalique est réduit à six indications spatiales ou d’action, ce qui conduit Marie Bernanoce à faire remarquer que la pièce est « dénuée de toute mise en scène visible dans l’écriture »27 : le lecteur est invité à « entendre » ce texte, à se laisser porter par cette théâtralité qui est toute dans la suggestion. Allusion et silence caractérisent également la pièce de Bruno Castan Belle des eaux. Et à cette défaillance des voix répond une théâtralité toute visuelle, voire picturale, comme le suggère le bref commentaire accompagnant le conte dramatique : « Le décor de l’action, inscrite dans un paysage de ciel et d’eaux » (eaux de la mer et de la mère, eaux souterraines), « pourrait s’inspirer des Flandres des XVIIe et XVIIIe siècles »28. On pense bien évidemment aux marines des peintres flamands de cette période. Lieux intérieurs et lieux extérieurs ont un lien étroit avec l’élément aquatique, la prégnance de cet élément naturel incitant à une lecture bachelardienne de la pièce29. Comme Olivier Py et Bruno Castan, Joël Pommerat s’attache dans Le Petit Chaperon rouge à conjuguer symbolique, fantastique et poétique. Au peu d’indications sur les décors dans le texte didascalique répondent les choix réalisés lors de la mise en scène de la pièce par le dramaturge lui-même en 2004 : un plateau très dépouillé, des espaces seulement figurés par le jeu des lumières, l’univers du conte étant défini par les espaces visuel et sonore. Dimension sonore que le texte lui-même suggère par la quasi absence de signes de ponctuation, la présence de nombreuses anaphores et une mise en page qui rapproche l’écriture dramatique de l’écriture poétique, tout comme dans certaines scènes de L’Ogrelet30. En revanche, dans Le Sable dans les yeux, le texte didascalique est dense : il précise le traitement dramaturgique des objets (la brouette, les mouchoirs, les pots de confiture), des trois lieux dans lesquels l’action se déroule très souvent simultanément (la maison, l’arbre creux au cœur de la forêt, la tanière du loup et de son louveteau) et de l’alternance du jour et de la nuit. Ces éléments, dont la portée symbolique est forte, assurent à cette œuvre émouvante toute sa théâtralité. Quant aux deux pièces de Jean-Claude Grumberg, il a été déjà largement démontré combien celles-ci prenaient « la forme de jeux métathéâtraux [qui] brisent les conventions sur lesquelles repose l’illusion »31 mais aussi les codes génériques du conte. Ce sont d’ailleurs des procédés à peu près similaires que l’on trouve dans Ah ! Anabelle, pièce initialement publiée en théâtre tout public.
11Selon Gérard Genette, le « passage du récit à la représentation dramatique [constitue] une considérable déperdition de moyens textuels » mais aussi « un immense gain extratextuel : celui que procure ce que Barthes nommait la théâtralité »32. L’analyse du corpus retenu ici invite à nuancer ce constat. En effet, si ces écritures hypertextuelles et intertextuelles affirment, d’une façon ou d’une autre, leur théâtralité, comme on vient de le montrer rapidement, elles tendent également à souligner leur narrativité.
12Cette narrativité se traduit entre autres par le phénomène d’épicisation33 que l’on trouve à l’œuvre en particulier dans Le Petit Chaperon rouge de Joël Pommerat, forme de « théâtre-récit »34 pour Marie Bernanoce, puisque la voix de L’Homme qui raconte est particulièrement présente au début et à la fin de la pièce. Elle serait la voix du conte, la voix populaire aux sources de cette histoire. Marie des grenouilles s’ouvre également sur cette voix, qui intervient une nouvelle et dernière fois avant le dénouement. De plus, le texte didascalique, très présent dans cette pièce, serait écrit « à la manière d’un conteur populaire »35. Dans Mange ta main du même auteur, ce sont le Petit Poucet et sa femme, Marie-Léonie Logre, qui racontent leur histoire à Suzanne Zonzon, à propos de laquelle Béatrice Ferrier note que c’est sans doute ce personnage « qui relaie le mieux le personnage de conteur puisque c’est par sa voix que les contes adviennent, que les personnages de conte prennent vie et que le public reconnaît Barbe Bleue, Cendrillon ou encore Peau d’Âne »36. On peut voir dans la présence de ces conteurs une manifestation de l’oralité qui caractérisait à l’origine les contes populaires et que leur « littérarisation » a plus ou moins occultée : elle constitue l’une des marques de ces tensions génériques à l’œuvre dans les contes dramatiques contemporains, qu’ils soient ou non destinés à la jeunesse.
13Participe également de ce phénomène de « narrativisation » la distribution en scènes titrées que l’on rencontre dans Belle des eaux et dans L’Ogrelet. En outre, les première et dernière scènes de la pièce de Bruno Castan offrent une histoire encadrante dans laquelle le pêcheur raconte à la jeune fille l’histoire de la Belle des eaux, qui se développe des scènes 2 à 19 : aux deux plans de l’énonciation narrative répondent deux univers fictionnels. Dans la pièce de Suzanne Lebeau, la dimension proleptique du titre de la scène 12 « Où l’Ogrelet entreprend et réussit la troisième épreuve » modifie le contrat de lecture traditionnel d’une pièce de théâtre : le lecteur est informé de la situation par une voix autre que celle d’un personnage et il en sait davantage que le spectateur. Marie Bernanoce fait observer au sujet de L’Ogrelet :
Suzanne Lebeau construit ici un univers fait de mots simples et de situations dramatiques efficaces, avec le recul que donnent à son lecteur des moyens empruntés au récit. C’est d’abord le découpage romanesque qui joue ce rôle […].37
14Par ailleurs, l’analyse de ce qu’André Petitjean nomme le « chronotope »38, en référence à Mikhael Bakhtine, interroge l’appartenance générique des pièces du corpus. Si, comme le rappelle le dramaturge Jean-Michel Rabeux, « jouer avec le temps est l’une des merveilles du théâtre et de l’art en général, ce qui dans la vraie vie est rarement possible »39, chacun sait, et l’école en tout premier lieu qui en fait un objet d’apprentissage privilégié, que la linéarité ainsi que la condensation temporelle du récit caractérisent le conte de fées. Or, l’une et l’autre sont mises à mal dans la plupart des neuf pièces : retours en arrière et ellipses sont nombreux dans Une petite sirène ainsi que dans L’Ogrelet et dans L’Eau de la vie. Catherine Anne joue aussi avec le temps de la diégèse et celui de son énonciation40, distorsion temporelle également à l’œuvre dans Le Sable dans les yeux41. Outre ces écarts par rapport aux conventions génériques, le temps de la représentation pose aussi des questions d’ordre dramaturgique dans la mesure où, dans certaines pièces, les métamorphoses et/ou les changements d’univers fictionnels sont nombreux et s’opèrent rapidement : c’est le cas dans Marie des grenouilles, Belle des eaux, Le Sable dans les yeux. Enfin, si le dénouement dans un conte de fées offre prioritairement un retour à l’équilibre, il revient au lecteur comme au spectateur d’imaginer la fin ouverte que propose la pièce Ah ! Anabelle et d’évaluer si le dénouement de Marie des grenouilles est effectivement heureux.
15Les tensions génériques sommairement évoquées ici montrent combien la dramatisation des contes contribue à informer les deux genres. Si ce phénomène est pris en compte, alors la lecture scolaire de ces pièces peut se révéler pertinente dans le cadre de l’étude de ces deux objets génériques particulièrement perméables et liés – ne l’oublions pas – à des pratiques culturelles. Comparativement à certaines autres créations contemporaines qui s’appuient sur une déconstruction du dialogue théâtral classique et une narrativité dramatique non linéaire, comme peuvent l’être certaines œuvres de Suzanne Lebeau (C’est toi qui dis c’est toi qui l’es) ou de Bruno Castan (Coup de bleu) par exemple, la lecture de ces pièces est effectivement moins déstabilisante pour les élèves comme pour les enseignants dans la mesure où chacun peut y reconnaître les histoires de son enfance et où elles appartiennent à un imaginaire collectif. Ces créations singulières sont susceptibles de faire entrer le théâtre contemporain dans les corpus scolaires et de permettre aux collégiens de se construire une représentation tout autre du théâtre, à savoir non plus un texte dont les particularités essentielles sont de faire alterner dialogues et didascalies et de s’appuyer sur le principe de la double énonciation, mais un texte qui est « une “espèce de machine cybernétique” (Barthes) qui envoie au lecteur ou au spectateur des informations multiples et multiformes qu’il lui faut mettre en interaction afin d’en éprouver les effets esthétiques et sémantiques »42.
3. Une dimension éthique et philosophique
16On ne peut guère, dans les limites imposées à cet article, traiter en profondeur la question des personnages, mais il est évident que ceux-ci donnent à voir et à entendre l’humain, qu’ils soient une émanation directe d’un héros de conte comme dans Une petite sirène, Belle des eaux, Mange ta main, Le Petit Chaperon rouge et L’Eau de la vie, ou un personnage type comme dans L’Ogrelet ou Le Sable dans les yeux, ou bien encore le condensé de plusieurs comme dans Ah ! Anabelle et Marie des grenouilles. Même dans ces deux dernières pièces qui forcent précisément le trait tout comme elles jouent avec le langage dans un but affiché de subversion du conte traditionnel – à des fins ludiques pour la première, sérieuses pour la seconde –, les auteurs « créent “des personnages de personnages” puisant à l’imaginaire des contes traditionnels », les héros de contes de fées servant « désormais de modèles d’appréhension et de compréhension de l’humain, comme ont pu le faire ces héros de contes antiques qu’étaient Œdipe ou Médée »43. Et en effet, si « le théâtre est un lieu possible d’interrogation et d’expérience de l’humain »44, le conte, « par la rigueur de sa structure et par le recours aux grands mythes fondateurs de l’humanité, répond à des quêtes de sens que, dès l’enfance, nous avons tous »45. On comprend donc aisément que loin de toute visée édificatrice, « quand le conte se fait théâtre », il prend, comme le fait remarquer Marie Bernanoce, « une dimension éthique et philosophique »46. La dramatisation actualise les questions qui, aujourd’hui plus qu’hier peut-être, alimentent notre quotidien, ce que Jean- Pierre Ryngaert et Julie Sermon confirment en ces termes :
Aujourd’hui, en choisissant de n’édulcorer ni la noirceur ni la violence propres aux contes, le théâtre semble y puiser de nouvelles créatures mythologiques. Les histoires plus ou moins monstrueuses rapportées par les contes de fées – ressentiments, abus, violences et autres cauchemars des relations humaines – permettent aux auteurs de poser les immémoriales questions de la douleur, de l’injustice, du sort, sur le mode de fables non réalistes à l’instar des mythes antiques, mais avec des personnages moins chargés d’histoire et de connotations que leurs illustres aïeux. […] Ce sont toujours des considérations prosaïques qui déclenchent leurs tragédies (problème de pauvreté, difficultés propres aux familles recomposées…).47
17Ces peurs et tragédies profondément humaines sont présentées sur un mode à la fois symbolique et poétique, et le lecteur, comme le spectateur, est invité à interroger les valeurs sur lesquelles se fondent les relations interpersonnelles. L’absence de la mère, par exemple, dans Une petite sirène, Belle des eaux et L’Eau de la vie, est compensée symboliquement par la présence très prégnante de l’élément aquatique. Pour des raisons diverses, les familles mises en scène dans les neuf pièces sont plus décomposées que « recomposées ». Et s’il y a mariage entre les deux protagonistes, comme dans Marie des grenouilles, ceux-ci sont réduits à mettre au monde des « petits pingouins ». Quant au mariage d’Anabelle et de Louis Beaugosse, on ignore si celui-ci aura effectivement lieu. L’amour conjugal ne semble plus une valeur sûre et stable et surtout, comme souvent dans les contes, il est soumis à de dures épreuves : jeu de séduction et dénouement en suspens dans Ah ! Anabelle ; impasse dans laquelle on tombe si, pour être aimé, on renonce à son identité dans Une petite sirène ; déchirement, entre autres, du couple Poucet dans Mange ta main. L’union conjugale offre rarement une issue heureuse, à l’exception de Belle des eaux car Belle a « choisi le cœur contre les apparences »48. Et pour ce qui concerne l’amour filial ou fraternel, il est aussi questionné : dans Le Petit Chaperon rouge, les trois personnages féminins souffrent, chacun à sa façon, de solitude et la communication entre eux s’établit avec peine ; L’Eau de la vie et Ah ! Anabelle mettent en scène une question ancestrale, la rivalité au sein de la fratrie. Dans tous les cas, est donné à voir un cadre familial en décomposition au sein duquel le héros ou l’héroïne doit se construire malgré tout en acceptant sa différence (sa nature aquatique pour Petite sirène, son ogrité pour Simon, par exemple) ou celle de l’autre (Belle des eaux), en surmontant ses peurs (Le Petit Chaperon rouge, L’Eau de la vie) ou la douleur due à la mort d’un être cher (Le Sable dans les yeux). Le théâtre permet de « donner de la chair »49, comme le confie Olivier Py, aux questions existentielles que tout être humain se pose au sortir de l’enfance – et peut-être bien au-delà – et auxquelles, par le détour de l’imaginaire, le conte apporte quelques réponses. Effectivement, si le corps, selon des manifestations différentes, est très souvent au centre de la symbolique des contes, il est aussi un élément central au théâtre : le topos de la dévoration traverse la pièce de Catherine Anne Ah ! Anabelle, celle de Bruno Castan50, celle de Joël Pommerat et bien sûr L’Ogrelet de Suzanne Lebeau. Ce topos est également au cœur de la pièce de Bénédicte Couka (la louve, qui a dévoré Eliot, meurt de faim). Dans la note qui accompagne Mange ta main, Grumberg précise que cette formule, chère à sa mère, permet « de résister aux multiples agressions de la vie courante »51. Dans Une petite sirène et dans Belle des eaux, c’est la souffrance du corps métamorphosé qui invite personnages et, par là même, lecteurs et spectateurs à questionner le sens à donner à la vie, objet de la quête menée par le benjamin en vue de guérir le corps malade de son père dans L’Eau de la vie. Enfin dans Marie des grenouilles, ce sont les multiples métamorphoses des corps qui scandent l’action. Si cette pièce joue avec tous les ressorts du comique, elle soumet au lecteur et au spectateur une réflexion sur les hommes et le monde d’hier et d’aujourd’hui, sur des valeurs essentielles auxquelles il convient que la jeunesse adhère. Jean-Claude Lallias écrit en 2005 à propos de Jean-Claude Grumberg :
Ces choses qu’il a à dire aux enfants, avec le même humour et la même force que lorsqu’il s’adresse aux adultes, ce sont les peurs et les craintes de voir partout resurgir « la bête immonde » des fanatismes, des fondamentalismes et des négations de l’Autre. S’il utilise – comme beaucoup d’autres auteurs pour la jeunesse – le détour des contes et le fonds commun de leurs images, c’est pour mieux aller au foyer vivant qui alimente toute son écriture, et la rend ainsi reconnaissable entre toutes, sans tricherie.52
18Le renouvellement du conte par sa dramatisation non seulement informe les tensions génériques qui lient conte merveilleux et théâtre mais nous révèle également ce que des auteurs d’aujourd’hui ont à nous dire des hommes et du monde dans lequel la jeune génération est appelée à trouver sa place. Ces écritures ne dictent pas de conduites à suivre, mais elles interrogent les valeurs sur lesquelles peuvent se fonder les relations interpersonnelles. Théâtralité et narrativité sont par ailleurs réinvesties par des formes d’écriture textuelle et scénique qui singularisent les neuf pièces analysées ici : démarche poétique et réflexion existentielle, jeu avec les langages (et pas seulement avec le langage verbal), jeu avec les conventions génériques, avec les codes sociaux, quelle que soit l’orientation privilégiée, il s’agit avant tout pour ces dramaturges d’offrir à la jeunesse d’aujourd’hui un théâtre qui sait allier, de manière vivante, recherche esthétique et initiation à la vie, culture humaniste patrimoniale et culture humaniste contemporaine. Puissent les enseignants, et pas seulement dans le cadre de l’enseignement de l’histoire des arts, s’emparer de ces créations récentes, dont l’institution recommande la lecture !
Notes de bas de page
1 Marie Bernanoce, « Les réécritures de contes dans le théâtre contemporain pour les jeunes : un nouveau regard sur les regards sur les relations familiales ? », D’un Conte à l’autre, d’une génération à l’autre, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2008, p. 133.
2 Cette liste est régulièrement mise à jour : on compte vingt-deux pièces à la date du 19 décembre 2014, dernière mise à jour de la liste. Le corpus retenu ici a été constitué en mars 2013. URL : http://eduscol.education.fr/cid83185/liste-litterature-pour-les-collegiens.html [consulté le 20 décembre 2014].
3 Jean-Claude Grumberg, Marie des grenouilles, Arles, Actes Sud, 2007 ; Mange ta main, Arles, Actes Sud, « Heyoka Jeunesse », 2006.
4 Bruno Castan, Belle des eaux, Montreuil-sous-Bois, Éd. Théâtrales Jeunesse, 2002 ; Joël Pommerat, Le Petit Chaperon rouge, Arles, Actes Sud-Papiers, « Heyoka Jeunesse », 2005 ; Olivier Py, L’Eau de la vie, Paris, L’École des loisirs, 1999 ; Catherine Anne, Une petite sirène, Paris, L’École des loisirs, 2007.
5 Outre les deux pièces de Jean-Claude Grumberg, il s’agit de Catherine Anne, Ah ! Anabelle, Paris, L’École des loisirs, 2012 ; Suzanne Lebeau, L’Ogrelet, Montreuil-sous-Bois, Éd. Théâtrales Jeunesse, 2003 ; Bénédicte Couka, Le Sable dans les yeux, Belgique, Lansman Éditeur, 2012.
6 Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Éd. du Seuil, 1982.
7 Jean-Pierre Ryngaert et Julie Sermon, Le Personnage théâtral contemporain : décomposition, recomposition, Montreuil-sous-Bois, Éd. Théâtrales, 2006, p. 146-147.
8 Christiane Pintado, « Des personnages de contes en quête de représentation », Enseigner le théâtre contemporain, Grenoble, CRDP de Grenoble, p. 93-103.
9 Marie Bernanoce, « Quand le conte se fait théâtre », L’avant-scène théâtre, n° 1280, Paris, Les Éditions L’avant-scène théâtre, 2010, p. 60-63.
10 Marie Bernanoce, « Les réécritures de contes dans le théâtre contemporain pour les jeunes : un nouveau regard sur les regards sur les relations familiales ? », op. cit., p. 133.
11 Catherine Ailloud-Nicolas, « L’adaptation théâtrale : la trace ou l’appel de la scène », D’un Conte à l’autre, d’une génération à l’autre, op. cit., p. 187-207.
12 Olivier Py, L’Eau de la vie, op. cit., p. 5.
13 La pièce a un double hypotexte : le conte de Perrault et celui des Grimm.
14 Ah ! Anabelle de Catherine Anne, Le Sable dans les yeux de Bénédicte Couka, Marie des grenouilles et Mange ta main de Jean-Claude Grumberg, L’Ogrelet de Suzanne Lebeau.
15 Jean-Marie Schaeffer, Qu’est-ce qu’un genre littéraire ?, Paris, Éd. du Seuil, 1989, p. 157.
16 Voir à ce sujet Marie Bernanoce, « La question des genres dans l’enseignement du théâtre contemporain », Enseigner le théâtre contemporain, op. cit., p. 35-51.
17 Jean-Marie Schaeffer, « Genres littéraires », Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, O. Ducrot et J.-M. Schaeffer (dir.), Paris, Éd. du Seuil, 1995, p. 520-529.
18 Voir à ce sujet Dominique Combe, Les Genres littéraires, Paris, Hachette, 1992.
19 Roland Barthes, Essais critiques, Paris, Éd. du Seuil, 1964, p. 258-259.
20 Catherine Anne, Une petite sirène, op. cit., p. 8.
21 Ibid., p. 7.
22 Par exemple, dans les scènes 7 et 9.
23 Voir, par exemple, la scène 3, p. 22-23.
24 Voir, par exemple, la scène 13, p. 75-84.
25 Marie Bernanoce, À la découverte de cent et une pièces – Répertoire critique du théâtre contemporain pour la jeunesse, Montreuil-sous-Bois, Éd. Théâtrales, CRDP de Grenoble, 2006, p. 420.
26 Voir, par exemple, p. 22-23.
27 Marie Bernanoce, À la découverte de cent et une pièces – Répertoire critique du théâtre contemporain pour la jeunesse, op. cit., p. 420.
28 « À propos de Belle des eaux », op. cit., p. 91-92.
29 Voir à ce sujet, Marie Bernanoce, « Les réécritures de contes dans le théâtre contemporain pour les jeunes : un nouveau regard sur les regards sur les relations familiales ? », op. cit., p. 137.
30 Par exemple, dans la scène 2.
31 Béatrice Ferrier, « Le conte au théâtre : un genre remotivé », Synergies France n° 8, Groupe d’Études et de Recherches pour le Français Langue Internationale (GERFLINT), Krakow, 2011, p. 26-27.
32 Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, op. cit., p. 399.
33 « Épicisation (ou épisation) : procédé d’écriture, de jeu ou mise en scène qui rapproche les formes théâtrales (mimésis par imitation des actions) de celles du récit (mimésis par narration des actions) : rupture de l’illusion réaliste, adresse au public, prise de parole d’un « narrateur » récitant, dédoublement d’un personnage dans le temps (passé et présent), effets de chœur, changements de décor à vue… » (Marie Bernanoce, À la découverte de cent et une pièces – Répertoire critique du théâtre contemporain pour la jeunesse, op. cit., p. 501).
34 Marie Bernanoce, « Quand le conte se fait théâtre », op. cit., p. 62.
35 Marie Bernanoce, À la découverte de cent et une pièces – Répertoire critique du théâtre contemporain pour la jeunesse, op. cit., p. 186.
36 Béatrice Ferrier, « Le conte au théâtre : un genre remotivé », op. cit., p. 25.
37 Marie Bernanoce, À la découverte de cent et une pièces – Répertoire critique du théâtre contemporain pour la jeunesse, op. cit., p. 226.
38 André Petitjean, « Aspects compositionnels des textes dramatiques contemporains », Enseigner le théâtre contemporain, op. cit., p. 29. André Petitjean emprunte cette notion à Mickael Bakhtine, qui la définit ainsi : « la corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu’elle a été assimilée par la littérature », Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978, p. 237.
39 Jean-Michel Rabeux, « Écrire de l’enfance », L’avant-scène théâtre, n° 1280, op. cit., p. 9.
40 Voir Une petite sirène, p. 56 (scène 9), p. 57 (scène 8, suite et fin ; scène 9, suite et fin).
41 Voir p. 41.
42 Sylviane Ahr, « Théâtre et langue(s) : interactions dans les créations contemporaines, perspectives pour la classe et la formation », Synergies France n° 8, op. cit., p. 5.
43 Jean-Pierre Ryngaert et Julie Sermon, Le Personnage théâtral contemporain : décomposition, recomposition, op. cit., p. 145-146. Les auteurs de l’ouvrage notent que « cette tendance n’est pas propre au théâtre » dans la mesure où « elle affecte aussi le cinéma, la danse, l’opéra ».
44 Joël Pommerat, Théâtres en présence, Arles, Actes Sud-Papiers, 2007, p. 27.
45 José Pliya, « Une quête de sens », L’avant-scène théâtre, n° 1280, op. cit., p. 36-39.
46 Marie Bernanoce, L’avant-scène théâtre, n° 1280, op. cit., p. 63.
47 Jean-Pierre Ryngaert et Julie Sermon, Le Personnage théâtral contemporain : décomposition, recomposition, op. cit., p. 146.
48 Bruno Castan, Belle des eaux, op. cit., p. 86.
49 http://www.cndp.fr/crdp-reims/poletheatre/service_educatif/dossier_peda_grimm.pdf [consulté le 20 février 2014].
50 Les scènes 10 et 12 de Belle des eaux sont respectivement titrées « Manger » et « Dévorer ».
51 Jean-Claude Grumberg, Mange ta main, op. cit., p. 61.
52 Jean-Claude Lallias, « Le retour du texte », Pourquoi j’écris du théâtre pour les jeunes spectateurs, Manage (Belgique), Lansman Éditeur, 2005, p. 9.
Auteur
PU Littérature française, ÉSPÉ Midi-Pyrénées, Université Toulouse 2 - Jean Jaurès, équipe LLA Créatis, EA 4152
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