Toucher le corps des femmes au XVIIe siècle : empirisme‚ soin et savoir dans les écrits médicaux de Louise Bourgeois dite Boursier
p. 99-112
Texte intégral
1La lecture des ouvrages de Louise Bourgeois dite Boursier‚ première femme française à rédiger un texte d’obstétrique1‚ nous offre une façon particulièrement fructueuse d’envisager la question du genre dans cette période charnière de l’histoire médicale et culturelle que représente le début du XVIIe siècle2. « Sage-femme entre deux-mondes »3‚ comme la nomme Jacques Gélis‚ elle évolue dans le monde de la bourgeoisie dont elle est issue et dans celui de l’aristocratie pour laquelle elle travaille‚ dans la sphère des sages-femmes traditionnelles et dans celle des médecins ou chirurgiens qui se présentent désormais comme accoucheurs. À la fois forte de son expérience de parturiente et de sa réflexion de sage-femme lettrée‚ Louise Bourgeois tient une position unique‚ à la jonction de l’empirique et du théorique. Unique voix féminine parmi celles des chirurgiens qui pénètrent alors dans la chambre de gésine‚ elle est le témoin privilégié du bouleversement épistémologique qui relèguera progressivement les sages-femmes au rang d’assistanat. Pourtant‚ loin de la caricature de l’homme de l’art face à la matrone‚ ses Observations témoignent des interactions‚ pour la grande majorité positives‚ entre chirurgiens et sages-femmes. Privilégiant la compétence plutôt que le sexe ou le statut‚ Bourgeois n’hésite pas à déclarer : « il vaut mieux vivre entre les mains d’un Chirurgien entendu & hardy‚ que de mourir en celles d’une sage-femme ignorante & téméraire »4. L’œuvre de Bourgeois nous amène ainsi‚ en dépassant le simple clivage fondé sur les rapports de sexe‚ à interroger la qualité et la distribution traditionnelle des pratiques. Sa propre approche empirique diverge des théories énoncées par les chirurgiens-accoucheurs dans leurs traités. Par l’importance donnée aux pratiques traditionnelles des sages-femmes comme l’écoute‚ l’accompagnement et le toucher‚ ses Observations demeurent le seul document d’époque susceptible de questionner‚ de contextualiser et d’éclairer ce tournant épistémologique où l’autorité médicale s’instaure selon les valeurs des praticiens masculins que sont la rationalité‚ la souveraineté et l’efficacité.
2Il suffit de comparer les titres du manuel médical de Bourgeois et des traités contemporains des hommes accoucheurs pour saisir le fossé qui les sépare. Ses Observations diverses sur la stérilité, perte de fruits, fécondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveau-nés‚ qui suivent un fil narratif allant de la préconception à l’accouchement‚ sont constituées d’un ensemble d’études de cas tirées de son expérience personnelle‚ dans lesquelles l’importance de la pratique prime clairement sur le savoir théorique. En effet‚ les Observations de Bourgeois s’inscrivent dans la tradition des recueils de cas‚ distincts des traités‚ qui privilégient l’exemple‚ le cas spécifique‚ et qui‚ forts de leur fondement empirique‚ accueillent la pluralité des situations sans chercher à normaliser le corps. Parce qu’elle prend en compte l’unicité du cas‚ l’évolution dans le temps et le soulagement des symptômes‚ cette démarche intellectuelle témoigne également d’un geste de soin individualisé. L’observation n’y est pas exclusivement visuelle‚ mais aussi tactile‚ olfactive‚ gustative.
3Par contraste‚ les titres des ouvrages des chirurgiens ou médecins accoucheurs traduisent une volonté d’uniformisation‚ sinon de programme : on trouve chez Jacques Duval une ambition pédagogique de bonnes pratiques5 ; chez Jacques Guillemeau‚ un désir de souveraineté sur le corps des femmes6 ; ou encore chez François Mauriceau‚ une mise en forme raisonnée‚ sous forme de traité scientifique et de planches anatomiques7.
4C’est cette construction genrée de la pratique obstétrique‚ fondée sur le savoir empirique chez les sages-femmes‚ et sur l’organisation théorique‚ scientifique et politique du savoir chez les chirurgiens-accoucheurs‚ que nous voudrions interroger‚ en prenant pour objet d’étude l’élément le plus problématique dans l’établissement du champ obstétrique : le toucher. Le tournant épistémologique qui caractérise l’obstétrique au XVIIe siècle réside en effet moins dans la multiplication des figures masculines et dans leurs rapports de pouvoir avec les sages-femmes qu’en leur accaparation de l’outil de connaissance principal de celles-ci : c’est en effet l’auscultation qui garantit aux sages-femmes cet accès direct au corps féminin que leur autorisent‚ moralement‚ leur propre condition de femmes et‚ professionnellement‚ leur statut de praticiennes subalternes. La richesse du document laissé par Bourgeois vient ainsi de ce qu’il témoigne d’une pratique spécifiquement féminine‚ au moment où elle s’apprête à être récupérée‚ reformulée et réécrite comme une pratique masculine par les chirurgiens‚ pour devenir au siècle suivant le fondement même de la médecine obstétrique et générale.
5Bien que moyen d’accès privilégié à la connaissance‚ le toucher a traditionnellement été rejeté par les médecins au profit du visuel. Je voudrais d’abord revenir sur les raisons de ce rejet‚ ainsi que sur la réification instaurée par le primat du visuel dans la production du savoir scientifique‚ afin de souligner en quoi la démarche de Louise Bourgeois‚ qui revendique cette pratique jugée honteuse ou peu fiable‚ fait du toucher un véritable outil de diagnostic‚ de soin et de savoir.
Voir‚ c’est savoir
6Pour les médecins du XVIIe siècle‚ comme pour les Anciens ou les anatomistes de la Renaissance‚ c’est l’œil qui préside à la production du savoir sur le corps. Le regard scrute‚ saisit‚ conçoit l’objet et le transcrit dans des planches ou des descriptions anatomiques qui répondent à la fois aux conventions esthétiques de l’époque et à une mise en forme normée du savoir scientifique. De tous les sens‚ la vue est le plus fiable : l’anatomiste Charles Estienne soutient que « il n’est rien plus certain des choses qui gisent en description que la fidelité de l’œil : & moins contente l’esprit (dit quelqu’ung) ce qui entre par l’oreille que ce qui est representé aux yeulx fideles »8. La mise en scène des dissections‚ dans les théâtres anatomiques‚ insiste sur la différence entre le magister‚ détenteur du savoir dans sa chaire‚ et le prosector‚ qui réalise l’ouverture en silence. Cette distinction instaure par ailleurs une organisation hiérarchique que l’on retrouve dans la position d’autorité des médecins sur les chirurgiens‚ ou dans celle des chirurgiens sur les sages-femmes : toucher le corps est une activité de subalterne ; toucher les parties honteuses‚ a fortiori‚ une activité de femme. Malheureusement‚ comme l’écrivent Yvonne Knibiehler et Catherine Fouquet dans La Femme et les médecins‚ « cette séparation constante entre le discours et la main suffit en partie à expliquer la stagnation du savoir sur les corps »9.
7L’extériorité seule du corps féminin étant lisible aux médecins accoucheurs‚ l’intériorité est le produit de conjonctures basées sur les symptômes les plus évidents‚ et se réduit à la représentation fantasmée d’un intérieur vivant que l’on ne connaît qu’au moment de la mort‚ dans la dissection. Chez François Mauriceau‚ le fœtus apparaît ainsi sous les traits d’un homme miniature‚ roulant dans un espace circulaire dont on a épinglé les bords pour en rendre visible les moindres aspects‚ à la façon d’une anatomie‚ et qui n’est aucunement relié à un corps de femme. Ce caractère abstrait se retrouve dans de nombreux autres traités de l’époque (chez l’Italien Scipione Mercurio en 1618‚ chez Jacob Rueff en 1637) et témoigne d’une grammaire de l’image alors en vigueur‚ à la fois informée par le modèle prototypique issu du traité de Soranus d’Éphèse publié au IIe siècle‚ par les conventions artistiques de l’époque‚ mais plus encore par une pulsion scopique indissociable de la libido sciendi. Bruno Latour‚ dans un article intitulé « Les “vues de l’esprit” : Une introduction à l’anthropologie des sciences et des techniques »10‚ revient sur ce qu’il nomme « la culture de l’œil » et suggère‚ avec Svetlana Alpers‚ que l’epistémê de Foucault‚ c’est-à-dire l’ensemble d’institutions et de discours présents à une période donnée‚ correspond aussi à la façon dont les yeux formés aux mêmes codes d’interprétation se mettent à voir les mêmes représentations. L’art de décrire devient l’art de définir. En corollaire de cette uniformisation‚ Latour cite l’historien de l’art Samuel Edgerton : « En Occident‚ même si le sujet d’un texte imprimé n’était pas scientifique‚ l’image imprimée présentait une forme rationnelle établie selon les lois universelles de la géométrie »11. La production d’images obstétriques au XVIIe résonne particulièrement avec ces propositions : la représentation du fœtus tel qu’il est vu en dissection et non perçu in utero devient la seule représentation scientifique en vigueur‚ la seule vue‚ la seule disséminée‚ la seule encore à laquelle on peut se rapporter‚ comme Mauriceau y incite dans son ouvrage qu’il qualifie d’Ouvrage très utile aux chirurgiens, & nécessaire à toutes les sages-femmes pour apprendre à bien pratiquer l’art des accouchemens. La primauté du visuel ne s’exprime pas que par les représentations graphiques : l’économie narrative qui règle les traités de médecins et chirurgiens-accoucheurs sacrifie également au langage pictural. De la même façon que la perspective permet une cohérence optique‚ le langage pictural est de référence car‚ comme le rappelle Latour‚ « tous les autres sens sont abandonnés‚ la vue seule permet enfin de penser »12.
8C’est que la vision‚ comme le rappelle Elizabeth Grosz‚ est décrite par Merleau-Ponty « comme l’activité d’un sujet en relation avec un objet distinct et séparé »13. À cela s’ajoutent deux éléments : le fait que le sujet est un être physique‚ incarné‚ et que la vision intervient uniquement dans un ensemble de rapports entre figure et entourage‚ horizon et objet. La vision impose alors son fonctionnement de triage et d’organisation des choses vues en choses sues. De plus‚ malgré les tentatives de Merleau-Ponty d’invoquer une interdépendance des rapports‚ voir ne signifie pas systématiquement être vu14. Ce manque de réciprocité est particulièrement apparent dans les traités médicaux des accoucheurs comme Duval ou Mauriceau : réifiée par le regard‚ instrumentalisée par les positions qu’on lui demande de prendre pour le seul confort du praticien‚ la parturiente anonyme se trouve systématiquement réduite à l’état d’exemple illustratif15.
Toucher pour connaître
9Le toucher‚ en revanche‚ repose sur une interdépendance des corps : la personne qui touche est touchée par l’autre en retour. Il permet aussi l’accès à la texture‚ à la forme‚ à la surface‚ et ce de façon différentielle‚ pour prendre‚ de façon multiforme‚ la mesure des écarts‚ des divergences16. Dans la critique qu’elle fait de Merleau-Ponty dans Éthique de la différence sexuelle‚ Luce Irigaray souligne que la carte proposée par le toucher ne correspond en rien à celle élaborée à partir du visuel : « ma main et le monde ont leurs racines‚ qui ne se réduisent pas à l’instant visible »17. Michel Foucault ne s’y trompe pas lorsqu’il étudie‚ dans Naissance de la clinique‚ le bouleversement épistémologique induit par le toucher :
Le médecin du XVIIe et du XVIIIe siècle ne restait-il pas « à distance » de son malade ? Ne le regardait-il pas de loin‚ n’observant que les marques superficielles et immédiatement visibles‚ guettant les phénomènes‚ sans contact‚ ni palpation‚ ni auscultation‚ devinant l’intérieur par les seules notations externes ? Le changement dans le savoir médical à la fin du XVIIIe siècle ne tient-il pas essentiellement à ceci que le médecin s’est rapproché du malade‚ qu’il a tendu les doigts‚ et appliqué l’oreille‚ que changeant ainsi d’échelle‚ il s’est mis à percevoir ce qu’il y avait immédiatement derrière la surface visible‚ et qu’il a été ainsi amené peu à peu à « passer de l’autre côté » ‚ et à repérer la maladie dans la profondeur secrète du corps ?18
10Mais Foucault s’en tient ici au seul médecin‚ écartant la catégorie subalterne des sages-femmes‚ et même dans l’enthousiasme qui le porte à distinguer Jacques Duval comme le pionnier de la clinique moderne après que ce dernier a révélé l’hermaphrodisme de Marie/Marin Le Marcis grâce à une auscultation génitale‚ il fait l’éloge de l’homme doué de raison et non celui de l’accoucheur :
Duval se livre à un examen qui n’est pas l’examen traditionnel des matrones‚ des médecins et des chirurgiens. Il pratique un examen de détail avec palpation et surtout description détaillée‚ dans son rapport‚ des organes tels qu’il les a trouvés. On a là le premier‚ je crois‚ des textes médicaux où l’organisation sexuelle du corps humain est donnée non pas dans sa forme générale‚ mais dans son détail clinique à propos d’un cas particulier. Jusque là‚ le discours médical ne parlait que des organes sexuels en général‚ dans leur conformation d’ensemble‚ à propos de n’importe qui et avec une grande réserve de vocabulaire. Là‚ au contraire‚ on a une description détaillée‚ individuelle‚ où les choses sont appelées par leur nom.19
11C’est que la tradition du toucher chez les sages-femmes‚ ou‚ comme Foucault les appelle‚ les matrones‚ n’a jamais eu bonne réputation. Le toucher vaginal‚ à la fois parce qu’il relève du travail manuel et parce qu’il est en contact avec les parties honteuses‚ apparaît comme un acte sale‚ synonyme de travail dégradant‚ voire de débauche‚ et qui ne s’inscrit en rien dans une démarche scientifique. Ce topos de la sage-femme ignorante et vulgaire est déjà apparent chez Rabelais (médecin formé à l’école pourtant progressiste de Montpellier) lorsque‚ tournant en ridicule les matrones qui viennent au secours de la mère de Gargantua‚ il insiste sur l’absence de connaissances anatomiques de ces femmes qui confondent anus et vagin : « en la tastant par le bas‚ trouverent quelques pellauderies‚ assez de maulvais goust‚ et pensoient que ce feust l’enfant‚ mais c’estoit le fondement qui luy escappoit »20. Rabelais met aussi en relief l’inadéquation de leurs remèdes‚ puisque le clystère infligé à Gargamelle entraîne une naissance contre nature par l’oreille. Cette représentation de la sage-femme ignorante est si présente dans la culture de la période moderne que Louise Bourgeois elle-même‚ désireuse de s’en détacher‚ déplore l’existence de sages-femmes « si outrecuidées‚ qu’ayant fait quelques efforts de délivrer une femme‚ cognoissant qu’il leur est impossible‚ tiennent bon tant que tout soit perdu‚ le pauvre Chirurgien leur est bien tenu‚ lors que tout est ruyné par elles‚ d’en avoir le blasme‚ et estre appelé bourreau »21.
12Loin de l’archétype de la matrone‚ Louise Bourgeois se présente en exemple‚ insistant dès l’avertissement « Au lecteur » sur son mépris des apparences et de ceux pour qui les apparences règnent : « Amy lecteur‚ cet enfant de mon esprit‚ créature des mérites de la plus grande Royne que le ciel ait fait naistre‚ ne s’estale point à tes yeux pour se faire admirer en la vanité de son langage‚ comme font plusieurs de ce temps »22. Contrairement aux autres traités‚ qu’elle juge plus soucieux de leur style et de leurs charmes que de la véracité de leur propos‚ Louise Bourgeois souhaite présenter un ouvrage dont la pléthore de détails et d’explications donne aux femmes une possibilité d’application pratique23. Si son ouvrage « ne s’estale point » aux yeux du lecteur‚ c’est donc d’une part parce qu’il privilégie la pédagogie à la pédanterie‚ mais aussi parce que son propos s’énonce de façon semblable à la pratique qui le gouverne‚ à travers une prise en compte du corps qui n’est pas purement visuelle et extérieure. Les Observations de Louise Bourgeois s’apparentent donc à un récit polysensoriel dont la capacité de réflexivité permet l’organisation d’un savoir empirique.
Le toucher diagnostic
13Parce qu’il est d’abord synonyme d’auscultation vaginale‚ le toucher représente‚ pour les femmes‚ une atteinte à la pudeur chrétienne (« L’une dit : “Je n’aime point les sages-femmes qui touchent‚ je veux changer la mienne pour cela” »24) et‚ pour les sages-femmes‚ l’angoisse d’être accusées d’avoir mis en danger la grossesse (« Je lui conseille qu’elle la touche peu avant que les eaux soyent percées‚ d’autant que si par malheur elles se perçoyent cependant qu’elle y a la main‚ l’on l’accuseroit d’avoir fait accoucher la femme »25). Bourgeois présente les conditions du toucher dès le Livre Premier : « Les femmes se peuvent toucher sans leur faire mal‚ mais il faut qu’elles soyent bien asseurées de la discrétion & expérience de celle qui touche »26. Elle met en garde contre le caractère invasif de la procédure‚ concluant qu’il est dans tous les cas impossible de déceler une grossesse de cette manière pendant les deux premiers mois‚ et que d’autres critères sont à prendre en compte (les « purgations » ‚ l’apparence des « tétons ») afin d’écarter toute autre possibilité. C’est bien à un diagnostic différentiel que la sage-femme se livre‚ prenant note de l’ensemble des symptômes pour exclure méthodiquement les maladies présentant des symptômes proches. Cette démarche est complétée par l’écoute des femmes : « il faut interroger la femme de son changement de naturel‚ afin de discerner la grossesse d’avec la rétention »27. Wendy Perkins souligne que dans la majorité des cas des Observations‚ Bourgeois fonde son jugement sur ce qui lui est dit par la parturiente ou par une tierce personne autant que sur ce qu’elle constate elle-même28. Contrairement à la pratique des médecins‚ qui consistait souvent à émettre un diagnostic à partir d’une lettre décrivant les symptômes‚ Bourgeois s’en remet au récit de maux comme à l’inspection physique. Elle ne se cantonne jamais à donner un conseil à partir d’un récit‚ mais elle se déplace pour voir‚ entendre et toucher.
14Le chapitre XXXIX‚ intitulé « D’une femme de qui l’on croyait l’enfant mort depuis sept mois‚ jusqu’à neuf‚ sans qu’il remuât aucunement » ‚ marque la supériorité du toucher sur le savoir livresque. La mère n’ayant pas senti son enfant bouger depuis une colique‚ Louise Bourgeois fait venir des chirurgiens pour l’examiner selon les critères scientifiquement en vigueur :
tous les signes que les Anciens ont remarqués pour cognoistre si un enfant est mort estoient en cette femme-là : la bouche si mauvaise […]‚ les excréments qui sortoient d’elle si extrêmement puants […] ; elle avoit l’œil terny‚ le ventre infiniment froid‚ & quand elle se tournait d’un costé‚ tout le ventre se tournoit comme une grosse masse.29
Deux mois plus tard‚ la jeune femme étant arrivée à terme‚ Louise Bourgeois procède au toucher et trouve « l’orifice de la matrice‚ qui avait paru à nous tous ne se pouvoir jamais dilater‚ dilaté de la largeur de la paume de la main ». La naissance d’une fille en bonne santé amène alors Bourgeois à soupçonner la validité des signes des Anciens‚ lesquels se révèlent moins pertinents que ce que lui apprend l’auscultation du corps.
15À plusieurs autres reprises‚ toucher est pour elle signe de fiabilité. En réponse à ceux qui doutent de la compétence des sages-femmes‚ elle annonce :
je les accompagneray à l’hostel-Dieu‚ où il y a nombre de femmes grosses‚ & accompagnés du Medecin dudit Hostel-Dieu‚ je leur leveray le doute‚ leur faisant toucher et recognoistre la vérité‚ afin d’assoupir cette surprise que l’on pense faire sur les sages-femmes.30
16L’ambigüité de l’expression « toucher et recognoistre la vérité » est remarquable : quoiqu’elle utilise ordinairement le terme toucher de façon intransitive pour parler de l’inspection de la matrice‚ la conjonction de coordination donne ici double sens à l’expression – il s’agit de toucher (ausculter) comme de toucher la vérité‚ c’est-à-dire‚ dans les deux cas‚ de connaître. La requête de la présence du « medecin dudit Hostel-Dieu » agit comme une caution scientifique et consolide sa parole de simple sage-femme‚ puisque tout laisse entendre ici qu’il abondera dans son sens. Ces deux derniers passages expriment parfaitement par ailleurs la complexité des rapports entre les différentes strates du corps médical de l’époque : la sage-femme consulte les chirurgiens par sécurité sur une affaire délicate‚ elle utilise le prestige d’un médecin pour pallier son manque de reconnaissance.
17Le toucher pour Louise Bourgeois recouvre néanmoins une autre conception du corps que celle des médecins : le visuel n’intervient qu’à la naissance‚ alors que le toucher permet de suivre la progression de la grossesse au fur et à mesure de la dilatation‚ puis de surveiller le bon déroulement de l’accouchement. Le visuel est le terme indicateur de la grossesse : « Il y a une infinité de femmes des champs‚ à qui la sage-femme ne touche nullement‚ et ne savent si une femme accouche‚ si elles ne voient paraître l’enfant »31.
Douleur et soin de soi
18Le toucher‚ dans son acception plus large‚ mobilise également la question de la douleur. Le soin de soi est mis à l’honneur‚ grâce à des recettes de pommades et de baumes. Bourgeois donne ainsi des recettes contre la goutte-crampe32 et la sciatique33‚ toutes deux soignées par le massage. Le chapitre X‚ « Pour la situation de la femme en travail » et le chapitre XI‚ « Le moyen d’ôter la colique à une femme qui est en travail‚ l’ayant discernée‚ et faciliter l’accouchement » ‚ font une dizaine de mentions de la douleur à travers les termes « ce mal si extrême » ‚ « souffrent » ‚ « mal insupportable » ‚ « mal de reins extrême » ‚ « tourmentent » ‚ « la douleur du travail » ‚ et la répétition du mot « douleur »34. Des indications sont alors données pour trouver une position ou pour prendre un remède : « il faut à tel mal prendre huile d’amande douce deux onces‚ avec une once d’huile de cannelle »35. Cette reconnaissance de la douleur est exceptionnelle dans le corpus de traités médicaux de l’époque où elle n’est généralement mentionnée qu’en terme de symptôme. Elle témoigne d’une compréhension du corps par le corps‚ à la fois parce que Louise Bourgeois a été exposée à de multiples reprises à la douleur des femmes‚ mais aussi parce qu’elle a elle-même connu cette souffrance en tant que parturiente36. Comme le remarque Lianne McTavish‚ « la menstruation‚ la grossesse‚ l’accouchement et la maternité faisaient partie d’une éducation accumulée‚ la perception physique et la douleur fonctionnant comme des moyens de compréhension »37. La douleur de l’enfantement‚ inscrite dans l’injonction biblique‚ ne s’évite pas‚ mais chez Bourgeois‚ elle s’apaise‚ au moyen de remèdes qui‚ faute d’être efficaces‚ font avant tout office de placebo‚ et s’inscrivent dans un environnement de soin plus général (feu dans la cheminée‚ femme au lit‚ calme dans la pièce‚ soutien si elle souhaite se lever‚ bouillon post-accouchement) sur lequel la sage-femme insiste grandement.
Toucher et vérité
19L’importance du toucher en tant que moyen de connaissance prend une dimension toute particulière dans la Fidelle Relation de l’ouverture du corps de Feu Madame‚ publiée après la mort de Madame de Bourbon-Montpensier en 1627. Louise Bourgeois opère ici un retournement rhétorique frappant : accusée d’avoir causé la mort de Madame en ne retirant pas l’entièreté de l’arrière-faix‚ elle écrit un véritable plaidoyer afin de prouver l’étendue de ses connaissances théoriques‚ mais aussi de revendiquer avec ardeur son savoir empirique de sage-femme qui touche‚ et donc connaît mieux les corps que les médecins. Au rapport anatomique des médecins qui ne peuvent présenter le corps de Madame que par conceptions visuelles et binaires‚ en termes de plein/vide‚ petit/grand‚ enflé/sec‚ gangrené/sain‚ Louise Bourgeois fournit une réponse dont les arguments reposent d’abord sur la connaissance par le toucher : l’image de « la pelure d’un oignon »38‚ à laquelle elle compare la matrice‚ renvoie en effet à une perception tactile des textures (« composée de plusieurs peau et membranes couchées les unes sur les autres » ‚ comme une « esponge » ‚ contenant « quantité de sang »39). La dissection‚ qui opère sur un corps figé dans le temps de la mort‚ ne permet pas de faire une analyse inscrite dans la durée comme Bourgeois a pu le faire‚ elle‚ par une palpation répétée‚ ce qui l’incite à dire sur un ton dédaigneux : « vous sçaurez que […] la matrice [va] s’estrecissant et rapetissant de jour à autre »40. Enfin‚ Bourgeois juge que le fait que les médecins ne touchent pas aux parties du ventre‚ que cela soit manuellement ou figurativement41‚ rend leur rapport incomplet : « Vous deviez aussi declarer si les parties du ventre inférieur estoient saines ou gastées‚ ce que vous n’avez pas osé toucher‚ vostre conscience vous condamnant »42. C’est parce qu’ils sont contenus dans un savoir purement visuel et livresque que les médecins ne savent rien du corps des femmes : « Par votre rapport vous faictes assez cognoistre que vous n’entendez rien du tout en la cognoissance de l’arrière-faix et de la matrice d’une femme‚ tant avant‚ qu’après son accouchement ; non plus que vostre Maistre Galien »43. Elle insiste encore sur l’ancrage empirique du savoir et se place sous la protection du plus grand des grands‚ Hippocrate :
Mais pour savoir les secrets des maladies des femmes‚ il faut avoir frequenté les sages-femmes‚ & avoir assisté à plusieurs accouchements‚ comme avoit fait vostre grand Maistre & législateur Hippocrate‚ qui au fait des maladies des femmes‚ consultoit les sages-femmes‚ s’en rapportoit à leur jugement.44
La virulence de ce texte montre qu’il existe bien deux types de lecture du corps féminin‚ deux pratiques‚ genrées‚ qui s’opposent au tournant du XVIIe siècle : l’une‚ toute puissante institutionnellement‚ mais figée dans le temps et l’espace‚ tributaire de son seul rapport visuel à l’objet dont il est détaché ; l’autre‚ fondée sur l’empirisme‚ l’auscultation attentive‚ et prenant en compte le bien-être de la femme.
20C’est au tournant du XVIIIe siècle que le toucher fait son apparition dans les traités d’hommes accoucheurs. Voir‚ c’est savoir‚ mais toucher‚ c’est connaître‚ et l’on assiste alors à une réécriture‚ dans les traités d’obstétrique masculins‚ de la fonction du toucher. Ainsi‚ Paul Portal note en 1685 dans La Pratique des Accouchemens : « Pour en avoir cependant une connoissance plus certaine‚ je glissay mes doigts plus avant »45 et recommande d’« examiner doucement avec le doigt‚ si on sent la bouche‚ le nez‚ les yeux‚ le front‚ & le menton de l’Enfant. En ayant observé & reconnu que c’est la face »46. Pierre Dionis‚ médecin à la cour de Louis XIV‚ estime dès l’introduction de son Traité général des accouchemens‚ publié en 1718‚ que « ce ne sont point les yeux de l’Accoucheur qui lui apprennent comme l’enfant est tourné dans la matrice‚ c’est en la touchant qu’il s’en instruit »47. Cependant‚ contrairement à l’usage qu’en faisait Louise Bourgeois – comme d’un moyen de connaissance qui permettait d’interroger le savoir fixe des Anciens‚ de suivre l’évolution de la grossesse de façon holistique‚ et d’assurer le soin physique et psychologique des parturientes – ‚ la pratique masculine fait de la main la continuité de la tête‚ touchant pour maîtriser la situation critique de l’accouchement et pour contrôler le corps des femmes.
21La pratique féminine du toucher qui‚ plus qu’une simple auscultation‚ est à la fois diagnostic et soin‚ resurgit néanmoins depuis les années 1960‚ grâce aux luttes féministes‚ aux contestations faites à l’institution. Qu’il s’agisse de sages-femmes en France‚ de doulas dans le monde anglo-saxon‚ ces spécialistes de l’accompagnement de la grossesse et de la gestion de la douleur reprennent leur place privilégiée auprès des femmes en couches.
Notes de bas de page
1 Devenue sage-femme par nécessité financière‚ cette bourgeoise ruinée pendant les guerres de religion‚ épouse d’un chirurgien formé auprès d’Ambroise Paré‚ publie le premier livre de ses Observations en 1609 après avoir fait naître tous les enfants d’Henri IV et de Marie de Médicis. L’édition augmentée des Observations en 1617‚ qui se termine par un chapitre intitulé « Comment je suis devenue sage-femme » ‚ se prolonge naturellement avec le Récit Véritable de la Naissance de Messeigneurs et Dames les Enfans de France‚ dans lequel elle dresse un compte rendu mémoriel des couches de Marie de Médicis‚ et avec les Instructions à ma fille‚ qui est l’occasion de revenir sur sa conception du métier de sage-femme. Une dernière augmentation des Observations‚ en 1626‚ apporte un surplus de remèdes et de recettes. La publication en 1627 de la Fidelle Relation de l’accouchement, maladie et ouverture de feu Madame répond au Rapport de l’ouverture du corps de feu Madame par les médecins qui accusent Louise Bourgeois de la mort en couches de Madame de Bourbon-Montpensier. Enfin‚ son Recueil des Secrets paraît juste avant sa disparition en 1635.
2 Les rapports entre médecins et sages-femmes au début de l’époque moderne ont fait l’objet d’une recherche poussée ces trente dernières années. En France‚ Yvonne Knibiehler et Catherine Fouquet‚ dans leur analyse historique La Femme et les médecins (Paris‚ Hachette‚ 1983)‚ ont souligné la réification du corps féminin ; Jacques Gélis et Marie-France Morel se sont penchés sur l’histoire de la naissance et des sages-femmes. Dans le monde anglophone‚ on ne manquera pas de souligner les travaux de Valerie Worth-Stylianou et Wendy Perkins en Angleterre ; ceux de Monica Green‚ Alison Klairmont-Lingo et Stephanie O’Hara aux États-Unis‚ de Susan Broomhall en Australie‚ de Lianne McTavish au Canada.
3 Jacques Gélis‚ « Louise Bourgeois‚ une sage-femme entre deux mondes » ‚ Histoire des Sciences Médicales‚ n° 43‚ 2009‚ p. 27-38.
4 Louise Bourgeois dite Boursier‚ Observations diverses sur la stérilité, perte de fruicts, foecondité, accouchements, et maladies des femmes et enfants nouveaux naiz amplement traittées heureusement praticquées‚ Paris‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ p. 49. Pour une édition modernisée‚ quoique incomplète‚ voir Louise Bourgeois‚ Observations diverses sur la stérilité, perte de fruits, fécondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveaux-nés, suivi de Instructions à ma fille, 1609‚ Préface de Françoise Olive‚ Paris‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 56.
5 Des Hermaphrodits, accouchemens des femmes, et traitement qui est requis pour les relever en santé, & bien élever leurs enfans. Où sont expliquez la figure des laboureur, & verger du genre humain, signes de pucelage, defloration, conception, & la belle industrie dont use nature en la promotion du concept & plante prolifique‚ Rouen‚ D. Geuffroy‚ 1612 (c’est nous qui soulignons).
6 De l’heureux Accouchement des femmes, où il est traicté du gouvernement de leur grossesse, de leur travail naturel et contre nature ; du traictement es tant accouchées et de leurs maladies‚ Paris‚ N. Buon‚ 1609 (c’est nous qui soulignons).
7 Traité des maladies des femmes grosses : et de celles qui sont nouvellement accouchées... le tout accompagné de plusieurs belles figures en taille douce, nouvellement & fort correctement gravées. Ouvrage très utile aux chirurgiens, & nécessaire à toutes les sages-femmes pour apprendre à bien pratiquer l’art des accouchemens‚ Paris‚ chez l’auteur‚ 1681 (c’est nous qui soulignons).
8 Estienne ajoute : « Ne nous pense avoir rien escript que nayons diligemment apperceu & congneu a l’œil‚ par la dessection de plusieurs corps : car en ce cas‚ navons tant cerche les autheurs‚ que la verite des choses » ‚ cité par Rafael Mandressi‚ Le Regard de l’anatomiste. Dissections et inventions du corps en Occident‚ Paris‚ Le Seuil‚ « Univers Historique » ‚ 2003‚ p. 84. Mandressi fait référence au traité intitulé La Dissection des parties du corps humain divisée en trois livres, faitz par Charles Estienne Docteur en Medecine‚ Paris‚ S. de Colines‚ 1546‚ p. 371.
9 Yvonne Knibiehler et Catherine Fouquet‚ La Femme et les médecins‚ Paris‚ Hachette‚ 1983‚ p. 55.
10 Bruno Latour‚ « Les ‘‘vues de l’esprit’’. Une introduction à l’anthropologie des sciences et des techniques » ‚ Culture Technique‚ n° 14‚ 1985‚ p. 37.
11 Ibid.‚ p. 38.
12 Ibid.‚ p. 37.
13 « in terms of an activity undertaken by a subject in relation to a distinct and separate object ». Voir Elizabeth Grosz‚ Volatile Bodies. Toward a Corporeal Feminism‚ [Corps Volatiles. Vers un féminisme corporel]‚ Bloomington et Indianapolis‚ Indiana University Press‚ 1995‚ p. 96-97.
14 Conscient de ces limites‚ Merleau-Ponty tente d’ailleurs d’inscrire le voyant dans une rhétorique du toucher‚ prétendant que le regard « enveloppe‚ palpe‚ épouse les choses visibles » ‚ de façon semblable à « la palpation tactile ». Voir Maurice Merleau-Ponty‚ Le Visible et l’invisible‚ Paris‚ Gallimard‚ 1964‚ p. 173.
15 Pour une exploration plus détaillée des complexités des rapports entre regard des accoucheurs et regard des accouchées‚ voir le chapitre de Lianne McTavish‚ « Risking Exposure. The Visual Politics of Childbirth » [ « Au risque d’être vu : politiques du visuel dans les scènes d’accouchement »]‚ Childbirth and the Display of Authority in Early Modern France [La Naissance et la démonstration de l’autorité en France aux XVIe et XVIIe siècles]‚ Burlington‚ Ashgate‚ 2005‚ p. 57-79.
16 Ce qui explique‚ pour Didier Anzieu‚ pourquoi le toucher est le premier sens à se développer chez le fœtus. En effet‚ la peau (avec son système de récepteurs) combine les dimensions spatiales et temporelles‚ lui donnant ainsi la primauté du développement sur les autres sens‚ jugés biologiquement secondaires. Voir Didier Anzieu‚ Le Moi-Peau‚ Paris‚ Dunod‚ 1995.
17 Luce Irigaray‚ « L’invisible de la chair. Lecture de Merleau-Ponty Le VIsible et l’invisible‚ “L’entrelacs-le chiasme” » ‚ Éthique de la différence sexuelle‚ Paris‚ éditions de Minuit‚ 1984‚ p. 151. Irigaray reproche aussi à Merleau-Ponty d’adopter sans la nommer et sans l’expliciter théoriquement une rhétorique qui est celle de la maternité : « S’il n’était pas question du visible‚ il serait possible de croire que Merleau-Ponty fait ici allusion à la vie intra-utérine. Il emploie d’ailleurs les “images” de la mer et de la plage. De l’immersion et de l’émergence ? Et il parle du risque de disparition du voyant et du visible. Ce qui correspond doublement à une réalité dans la nidation intra-utérine : qui est encore dans cette nuit ne voit pas et demeure sans visible (pour autant que nos connaissances soient exactes) ; mais l’autre voyant ne peut le voir » (ibid.‚ p. 144).
18 Michel Foucault‚ Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical [1963]‚ Paris‚ PUF‚ 2009‚ p. 138.
19 M. Foucault‚ Les Anormaux. Cours au Collège de France (1974-1975)‚ Paris‚ Gallimard‚ 1999‚ p. 63-64.
20 François Rabelais‚ Gargantua‚ Paris‚ Gallimard‚ « Bibliothèque de la Pléiade » ‚ 1994‚ p. 21.
21 L. Bourgeois‚ Observations diverses… ‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ p. 48 ; Observations diverses… ‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 55.
22 Ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ xiii ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 31. C’est nous qui soulignons.
23 On trouve plusieurs mentions de sa volonté pédagogique de rendre son savoir compréhensible et directement applicable. Par exemple : « J’escris la recepte des tablettes & celle de l’eau‚ afin que les femmes qui sont sujettes à mal accoucher par une trop grande quantité d’eaux […] reconnoissent que c’est un grand tesmoignage‚ qu’ils ne sont gros que d’eaux & mauvaises humeurs » (ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre II‚ p. 53-53 ; op. cit‚ Côté-Femmes‚ p. 152). Par contraste‚ la seule volonté pédagogique identifiable dans les traités des accoucheurs voile à peine leur condescendance envers les sages-femmes. Voir par exemple Jacques Duval : « Si donc recreant & delectant la pensée des hommes‚ (quoi que ce ne soit mon but principal) par l’exposé des richesses viriles […] : j’eleve tellement la pensée de celles qui se disent obstetrices & matrones […] qu’elles puissent vrayment estre rendues sages femmes‚ dont le monde a tant besoin » (Des hermaphrodits‚ accouchemens des femmes… ‚ op. cit.‚ Avertissement au lecteur).
24 L. Bourgeois‚ Observations diverses… ‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre II‚ p. 31 ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 143.
25 Ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ p. 75 ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 66.
26 Ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ p. 32 ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 50.
27 Ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ p. 33 ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 50.
28 Wendy Perkins. Midwifery and Medicine in Early Modern France : Louise Bourgeois‚ Exeter‚ University of Exeter Press‚ 1996‚ p. 84.
29 L. Bourgeois‚ Observations diverses‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ pp.188-189 ; op. cit.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 109.
30 Ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ p. 211 ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 119.
31 Ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre II‚ p. 32 ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 144.
32 Ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ p. 63 ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 61.
33 Ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ p. 64 ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 62.
34 Ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ p. 97-101 ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 74-75.
35 Ibid.‚ M. Mondiere‚ 1626‚ Livre I‚ p. 101 ; ibid.‚ Côté-Femmes‚ 1992‚ p. 75.
36 En contrepoint‚ Lianne McTavish fait remarquer que les médecins accoucheurs mentionnent à plusieurs reprises leurs propres douleurs au moment d’accoucher une parturiente‚ endurant fatigue‚ sueur‚ difficultés‚ physiques (Childbirth‚ op. cit.‚ p. 159). Guillaume Mauquest de la Motte‚ en particulier‚ déclare avoir tant souffert lors d’un accouchement‚ qu’une fois celui-ci terminé il lui fallut se coucher devant le feu comme une accouchée se remettant de ses peines (Traité complet des accouchemens : naturels‚ non naturels‚ et contre nature‚ expliqué dans un grand nombre d’observations & de réflexions sur l’art d’accoucher‚ Paris‚ L. d’Houry‚ 1721‚ p. 381).
37 L. McTavish‚ Childbirth‚ op. cit. p. 88.
38 L. Bourgeois‚ Fidelle relation de l’accouchement‚ maladie & ouverture du corps de feu Madame‚ Paris‚ sans éditeur‚ 1627‚ p. 5 (BnF‚ 8° Ln27 15450). Pour l’édition moderne‚ voir L. Bourgeois‚ Récit véritable de la naissance de Messeigneurs et Dames les enfans de France ; Fidelle relation de l’accouchement‚ maladie et ouverture du corps de feu Madame ; Instruction à ma fille‚ suivie du Rapport de l’ouverture du corps de feu Madame. Remontrance à Madame Bourcier‚ touchant son apologie‚ préface de François Rouget et Colette H. Winn‚ Genève‚ Droz‚ 2000‚ p. 102.
39 Ibid.‚ 1627‚ p. 4-5 ; ibid.‚ Droz‚ 2000‚ p. 102.
40 Ibid.‚ 1627‚ p. 4-5 ; ibid.‚ Droz‚ 2000‚ p. 102.
41 Dans le français de l’époque‚ « toucher » signifie aussi « parler de » ‚ « évoquer » ‚ « relier à ».
42 L. Bourgeois‚ Fidelle relation‚ 1627‚ p. 11 ; Récit véritable‚ Droz‚ 2000‚ p. 104.
43 Ibid.‚ 1627‚ p. 41 ; ibid.‚ Droz‚ 2000‚ p. 102.
44 Ibid.‚ 1627‚ p. 17 ; ibid.‚ Droz‚ 2000‚ p. 107.
45 Paul Portal‚ La Pratique des accouchemens soutenue d’un grand nombre d’observations‚ Paris‚ G. Martin‚ 1685‚ p. 53.
46 Ibid.‚ p. 27.
47 Pierre Dionis‚ Traité general des accouchemens‚ qui instruit de tout ce qu’il faut faire pour être habile accoucheur‚ Paris‚ Ch.-M. d’Houry‚ 1718‚ xi-xii.
Auteur
Cornell University
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