Intégration et désintégration d’un chartrier princier : les archives des Valois
p. 93-119
Texte intégral
1Le Trésor des chartes des rois de France s’est très tôt fossilisé pour n’accueillir que des dépôts rétroactifs de documents, sans lien avec une administration « vivante ». « Dépôt mort-né »1, « fabrique de perpétuité e »2 plus que « réservoir administratif »3, il se mua dès le XIVe siècle en instrument de légitimation politique des rois de France. Parmi les chartriers versés de manière rétrospective aux archives centrales, on compte ceux de Champagne et du Toulousain, déposés à la Sainte-Chapelle après le traité de Brétigny, près d’un siècle après la réunion au Domaine royal de ces territoires. Mais que se passe-t-il quand le prince devient roi ? Son chartrier est-il alors versé rétroactivement aux archives centrales ?
2L’accession au trône de Philippe de Valois au trône en 1328 eut une double conséquence : la réunion à la Couronne des domaines qu’il tenait de ses parents, Anjou, Maine, Valois, Courtenay, et la réunion aux archives royales des archives de ces domaines. Nous verrons dans cet article la rapidité avec laquelle le chartrier princier fut versé, puis intégré au Trésor des chartes. Elle suggère que la légitimation du nouveau monarque passait alors, à ses yeux et à ceux de ses archivistes, par celle de ses archives privées.
3Opération idéologique, le transfert des papiers des comtes de Valois revêt également une dimension technique que nous aimerions également mettre au jour. Cet important versement nécessita la rédaction de plusieurs inventaires, dressés dans les lieux mêmes où les documents étaient conservés et dont ils donnent une description tout à fait unique. Il devient possible ici de décrire la constitution précise d’un chartrier princier au début du XIVe siècle. Par ailleurs, les inventaires anciens du Trésor des chartes nous permettent de suivre l’intégration et la désintégration des archives princières dans le chartrier royal.
I – Le chartrier des comtes de Valois : inventaires et configuration matérielle
4Les archives des Valois étaient initialement conservées à Paris, dans la tour de l’Hôtel de Nesle. Pour se conformer à l’organisation des archives royales, elles furent réparties entre le Trésor des chartes et la Chambre des comptes4. Le double transfert fut l’occasion d’inventorier soigneusement les pièces. Le travail fut confié, dès 1328, à Jean Laigle, clerc de la Chambre des comptes des comtes de Valois et garde de leurs archives, qui établit deux inventaires distincts. Le premier, dédié aux chartes du comte, est conservé en trois exemplaires, tous trois reliés sous la cote JJ 268, mais dont le premier seulement dispose d’une description de la tour de Nesle vers février 1328 (n. st.)5 ; le second, destiné à la Chambre des comptes, est essentiellement parvenu par le biais d’une copie faite au XVIIIe siècle, l’incendie de 1737 ayant détruit l’original6. Il décrit la tour de Nesle en avril 1328 (n. st.).
5Dater avec précision la double opération de catalogage et de transfert des documents est très délicat. D’après la Generalis Intitulatio – l’inventaire du Trésor des chartes réalisé par Jean de Coeuvres entre 1340 et 1350 –, le dépôt des titres de Charles de Valois serait intervenu « mense februarii et marcii anno Domini millesimo CCC° XXVII », aux mois de février et mars 1328 nouveau style. Quant au transfert des pièces comptables, il daterait, selon l’inventaire réalisé par la Chambre des comptes, du 18 avril 13287 : il interviendrait donc après celui des titres domaniaux, ainsi que le suggérait Joseph Petit. Henri-François Delaborde émet de solides réserves quant à un versement du chartrier Valois en 1328 ; selon lui :
Si Philippe de Valois prit la régence dès le jour de la mort de Charles le Bel advenue le 31 janvier 1328, il ne se para du titre de roi que le 1er avril suivant, lorsque la veuve du souverain défunt eut donné le jour à une fille. Il n’est donc pas admissible qu’il ait versé ses archives particulières aux archives royales à une époque où il ignorait encore si le pouvoir suprême, qu’il exerçait seulement à titre de régent, lui serait jamais dévolu à titre définitif, et il faut croire que l’auteur aura lu XXVI8 là où il y avait réellement XXVIII et que le transfert n’aura eu lieu qu’en février et mars 1329 (n. st.)9.
6Quant à l’inventaire des pièces de la Chambre des comptes, daté de « l’an de grace mil CCCXXVIII, XVIIIe jour d’avril », il propose de le décaler à avril 132910.
7D’autre part, même si l’on reporte la réalisation de l’inventaire à 1329, des incohérences persistent. Delaborde remarque que JJ 268 intègre des pièces datées de 1331, 1332 et 1336. Le retour au premier des manuscrits reliés sous la cote JJ 268 permet de se convaincre, d’après les mains intervenues dans sa compilation, et d’après l’organisation générale du registre, qu’il a été rédigé vers 133211, soit quatre années après le transfert supposé des pièces au Trésor des chartes. De son côté, l’inventaire des pièces comptables ne présente aucun document postérieur à 1328, date de leur déménagement vers la Chambre des comptes.
8Pour reproduire la chronologie du double catalogage des pièces, il faut prendre en compte plusieurs éléments que Petit et Delaborde ont largement négligés. Tout d’abord, s’il débute probablement vers février 132812, l’inventaire des chartes, comprend une dernière section qui interdit de penser que le transfert des pièces comptables intervient après celui des chartes : « L’inventaire des écrits de la chambre des comptes notre seigneur le roi à Paris du temps qu’il était comte de Valois comme du temps monsieur Charles comte de Valois son père, qui furent portées en ladite chambre au mois d’avril 1328 »13. Les pièces ainsi décrites se retrouvent dans l’inventaire de la Chambre des comptes, mais JJ 268 en produit une liste assez sévèrement abrégée.
9Un deuxième élément est également à considérer. Nous disposons de manière tout à fait exceptionnelle, grâce aux deux inventaires, de deux descriptions différentes de la tour de Nesle. La première, probablement réalisée en février 1328 (n. st.), introduit le catalogue des titres domaniaux en décrivant l’agencement de la tour avant l’opération d’inventaire. La seconde vient clore l’inventaire des pièces comptables et détaille l’intérieur de la tour en avril 1328 (n. st.). Or, les armoires dans lesquelles étaient entreposés les titres domaniaux de Charles de Valois, selon la première description, y sont présentées comme vides : les documents ont gagné des coffres neufs, probablement en vue de leur déménagement14. On peut ainsi en conclure que l’inventaire des pièces comptables et des chartes fut réalisé de façon concomitante, entre février et avril 1328 (n. st.). À cette date en effet, intervient un premier transfert, celui des documents financiers vers la Chambre des comptes. Les chartes, quant à elles, ont été inventoriées une première fois, triées et mises dans des coffres : l’Institutio Generalis est donc fautive et, comme Delaborde le suggérait, leur versement au Trésor des chartes date plutôt de février-mars 1329 (n. st.). Cela signifie que si les deux fonds sont versés après l’accession effective du comte de Valois au trône, ce dernier a néanmoins envisagé l’inventaire et le transfert de son chartrier alors même qu’il n’était encore que régent, en février 1328 (n. st.).
10Quant à l’inventaire des titres domaniaux dont nous disposons, il faut admettre qu’il ne s’agit pas de l’original qui fut dressé par Jean Laigle dans la tour de Nesle, mais d’une mise au net de ce dernier : voilà pourquoi la même main est capable de transcrire la description de la tour de Nesle en février 1328 (n. st.) et d’insérer, en continu, la description de documents postérieurs au transfert de 1329 et à la montée sur le trône de Philippe de Valois. Le scribe travaille ici nécessairement sur copie, sans doute entre 1332 et 133315, ce qui explique plusieurs altérations : si la description de la tour est fidèlement retranscrite, la référence aux étagères de l’armoire dans laquelle étaient contenues les pièces, correspondant chacune à une section du classement, n’est pas systématiquement reportée. D’ailleurs, dans les deux copies postérieures, les archivistes éliminent toute référence à la conservation matérielle initiale des pièces, preuve de l’absorption progressive du chartrier comtal par le chartrier royal.
11Les deux descriptions de la tour de Nesle données par chacun des deux inventaires permettent en outre de se faire une idée assez unique de la constitution d’un chartrier princier au début du XIVe siècle16. Au même titre que le Trésor des chartes royal – peut-être à son imitation –, les archives documentaires sont considérées comme des trésors : la tour de Nesle abrite non seulement des titres domaniaux, mais aussi des pierres précieuses, des essais de monnaie, ainsi que du mobilier liturgique17. La confrontation des deux inventaires et des deux descriptions laisse à penser qu’avant même leur déménagement, les documents étaient triés entre ce qu’il convient d’appeler la Chambre des comptes des comtes de Valois et leur chartrier. Plusieurs salles abritaient les documents18. Comme dans les archives royales, registres et simples pièces étaient conservés séparément19. Huches, coffres, « fourmes », « fermeté », buffet, sacs et simples paniers d’osier servaient à ranger les documents selon leur nature. Les titres domaniaux, que l’on peut considérer stricto sensu comme le chartrier des comtes de Valois, sont entreposés assez classiquement dans une armoire. Cette dernière comprend douze étages, dont chacun, ou presque, correspond à un ensemble géographique distinct20. L’ordre d’énumération des domaines comtaux dans l’inventaire rédigé par Jean Laigle ne procède d’aucune logique géographique. Il ne correspond pas non plus à celui des rayonnages de l’armoire, mais il est identique à celui auquel il recourt pour inventorier les pièces comptables. À l’intérieur de l’armoire, les pièces sont ensuite disposées dans des coffres, dotés chacun d’une lettre21.
12Si l’on observe la chronologie des actes conservés, la grande majorité d’entre eux concerne le principat de Charles de Valois qui apparaît comme le créateur du chartrier : plus qu’à celui des comtes de Valois, il s’agit de ses archives propres, alimentées assez modestement de 1325 à 1328 par son fils, Philippe. Ces documents concentrent la mémoire d’une partie des acquisitions territoriales de Charles, de son intense activité diplomatique, ainsi que quelques papiers de famille. Si l’on se concentre sur les seules pièces décrites par l’inventaire JJ 268, plus de 600 pièces devaient ainsi venir alimenter le Trésor des chartes vers 1329.
II – Intégration et désintégration du chartrier valois : du « moment Montaigu » au classement de Dupuy et Godefroy
13En avril 1328 (n. st.), ces pièces étaient toujours dans la tour de Nesle, mais elles avaient gagné de nouveaux coffres en vue de leur déménagement prochain (v. schéma, annexe 4).
14Les différentes copies de l’inventaire original, probablement resté entre les mains de Jean Laigle, ainsi que les ajouts qui y sont portés jusqu’en 1336 semblent montrer que jusqu’à cette date au moins, les archives de Charles de Valois continuèrent de former un ensemble autonome au sein du chartrier royal. Moins de quarante ans après, le chartrier valois commença, en revanche, sa lente désintégration dans le Trésor des chartes. Lors de sa réorganisation vers 1370, Gérard de Montaigu tria intégralement les fonds selon un classement largement géographique, et parfois thématique : après une série « d’expériences heureuses mais parfois contradictoires et jamais menées à terme »22 en matière d’inventaire, le Trésor des chartes fut profondément marqué par ce qu’Olivier Guyotjeannin appelle le « moment Montaigu »23, crucial pour la mise en place d’un système de cotation numérique et d’inventaire systématique des actes. Plus de 300 layettes accueillirent ainsi ceux que l’archiviste considéra comme « utiles ». Leur contenu est malheureusement perdu, mais nous en conservons la table alphabétique, qui en recense les titres24. Voici les coffrets qui peuvent, selon toute vraisemblance, avoir accueilli les pièces du chartrier comtal :
no 93 : « Litterae recuperatae a domino Karolo de Valesio de comitatu Pedenacii » ;
no 165 : « Comitatus Alenconii, Pertici, Carnotensis et Blesensis » ;
no 207 : « Bullae concessae comiti de Valesio » ;
no 229 : « Matrimonia comitis Valesii » ;
no 234 : « S. Audoeni domus, sive Nobilis domus » ;
no 235 : « Quitantiae pro comite de Valesio » ;
no 236 : « Acquisitiones factae ab eodem comite » ;
no 237 : « Acquisitiones factae ab eodem apud Feritatem Bernardi » ;
no 240 : « Comitatus de Valesio » ;
no 247 : « Litterae communes tangentes comitem de Valesio » ;
no 256 : « Littere tangentes Turnomium sive Tournandum in Bria de tempore domini Karoli condam comitis Valesii » ;
« De terra Vivarii in Bria a comite Valesii acquisita et aliis terris in Bria » ;
no 257 : « Comes de Valesio, imperatrix Contantinopolitana et princeps Tarentinus » ;
no 258 : « De pluribus acquisitionibus factis a Karolo comite Valesii super argentaria Carnotensi » ;
no 259 : « Karolus comes Valesiae in regno Siciliae a rege Karolo II capitaneus institutus Siciliae reges » ;
no 260 : « Johanna de Burgundia uxor regis Philippi de Valesio »25 ;
no 273 : « De terra de Cortenayo et aliis Karolo comiti Valesii ab imperatrice
Constantinopolitana ante nuptias datis » ;
no 274 : « Terrae de Gaillefontanis et Campi-Rotundi a comite de Valesio acquisitae » ;
no 275 : « Vadum de Manniaco et alia in comitatu Cenomanensi a comite de Valesio acquisita » ;
no 279 : « Comitatus Cenomanensis ».
15En 1370, le titre des layettes conserve encore le plus souvent le souvenir du comte de Valois, qui disparaît en revanche progressivement des inventaires suivants, registres des Transcripta et répertoire dit de 1420 notamment26.
16Le « moment Montaigu » contribue à autonomiser chacune des composantes du chartrier comtal et à les disperser au sein du classement général. Grâce aux Transcripta, on peut également se pencher, parfois, sur le contenu des layettes Montaigu. Lorsque les registres issus de cette vaste opération de transcription des actes renfermés dans les layettes, au début du XVe siècle, n’ont pas disparu, ils permettent d’observer le traitement que Montaigu et ses successeurs réservèrent aux pièces du chartrier comtal. L’exemple de la layette Courtenay montre que les archivistes royaux peuvent avoir globalement respecté le contenu des layettes comtales durant le Moyen Age.
Tableau 4 – La layette Courtenay
Cote actuelle, héritée du classement opéré par Godefroy et Dupuy (début XVIIe s.) | Cote Transcripta (début XVe s.) | Cote JJ 268 (1328-1332) | Date de l’acte |
J 167 (Courtenay) no 1 | No 1 | Courtenay B no 7 | 1269 |
J 167 (Courtenay) no 2 | No 8 | Courtenay B no 6 | 1274 |
J 167 (Courtenay) no 3 (aujourd’hui en déficit) | No 2 | Courtenay B no 1 | 1300 |
J 167 (Courtenay) no 4 | No 14 | Courtenay B no 3 | 1302 |
J 167 (Courtenay) no 5 | No 4 | Courtenay B no 4 | 1302 |
J 167 (Courtenay) no 6 | No 3 | Courtenay B no 5 | 1303 |
J 167 (Courtenay) no 7 | No 5 | Courtenay B no 8 | 1303 |
J 167 (Courtenay) no 8 | No 11 | Courtenay A no 2 | 1314 |
J 167 (Courtenay) no 9 | No 6 | Courtenay A no 4 | 1325 |
J 167 (Courtenay) no 10 | No 7 | Courtenay A no 3 | 1327 |
J 167 (Courtenay) no 11 | No 10 | Courtenay B no 2 | 1326 |
J 167 (Courtenay) no 12 | No 13 | 1336 | |
J 167 (Courtenay) no 12bis | No 13 | 1336 | |
J 167 (Courtenay) no 13 | No 9 | Courtenay A no 1 | 1327 |
J 167 (Courtenay) no 14 | No 12 | Courtenay B no 9 | 1329 |
17Il apparaît assez clairement ici qu’au début du XVe siècle, deux documents seulement avaient été ajoutés aux actes qui figuraient dans les layettes de Jean Laigle ; ils concernaient le douaire de la reine Jeanne de Bourgogne et s’avéraient donc fondamentaux pour la nouvelle dynastie. Les apports ont pu être néanmoins plus conséquents, comme l’illustre la layette Saint-Ouen. Elle se divise aujourd’hui en deux massifs : le premier consiste en l’ensemble des pièces rassemblées par Charles de Valois sur son manoir de Saint-Ouen ; le second concerne la gestion de ce dernier après sa transmission, en 1356, au roi de France par Marie d’Espagne, comtesse d’Alençon et d’Étampes, afin qu’il puisse y fonder l’ordre de l’Étoile27. Il est donc évident que Montaigu a non seulement rassemblé d’autres pièces à celles qui émanaient du chartrier princier, mais qu’il a en quelque sorte continué d’en alimenter les layettes initiales.
18Dès 1370, l’inventaire dressé par Jean Laigle et copié en plusieurs exemplaires par les gardes du Trésor des chartes, était ainsi rendu caduc par sa réorganisation générale.
19Il faut finalement attendre l’époque moderne pour que le chartrier valois achève proprement de se désintégrer dans le Trésor des chartes. En 1615, Théodore Godefroy et Pierre Dupuy furent chargés de réaliser l’inventaire pièce à pièce des layettes du Trésor des chartes dont ils ont profondément remanié le classement en distinguant une série dite des Gouvernements – qui refondait totalement le cadre d’organisation du fonds pour le rendre conforme à la structure administrative de leur temps, les douze gouvernements28 –, une série dite des Mélanges, et enfin, un Supplément qui fut inventorié par Henri de Curzon en 1914-1915. Au sein du gouvernement d’Ile de France, ils créent une sous-série « Valois », composée de trois cotes, J 163, J 164 et J 165. Les deux érudits semblent avoir voulu reproduire de manière assez factice un chartrier idéal des comtes de Valois, mêlant titres domaniaux, centrés sur le Valois, et archives privées. Ils ont, pour ce faire, rassemblé plusieurs layettes héritées du classement Montaigu, qu’ils ont reclassées chronologiquement et réorganisées en trois ensembles :
Valois I (J 163) concerne principalement les acquisitions domaniales du comte en Valois ;
Valois II (J 164) se concentre davantage autour de son activité diplomatique (J 164 A) et de ses affaires familiales (mariages, intentions de prières…) (J 164 B) ;
Valois III (J 165) est également organisé en deux ensembles : J 165 A comprend une partie du chartrier des Garlande, touchant à leurs terres situées autour de Tournan-en-Brie (depuis 1175), quand J 165 B concerne la gestion de ces mêmes terres à partir de leur acquisition par Charles, comte de Valois.
20Les recoupements effectués entre l’inventaire de 1328 et les pièces actuellement conservées dans la série Valois sont riches d’enseignements sur la façon dont les deux érudits procédèrent. Autour des pièces touchant le Valois dans l’inventaire de 1328, probablement conservées par Montaigu dans la layette no 240 : « Comitatus de Valesio », ils rassemblèrent les layettes « Gisy », « Tournan » et « Lettres communes »29, ainsi que de nombreux documents ne figurant pas dans JJ 26830. Font-ils partie des documents qui n’étaient pas rangés dans la grande armoire du chartrier, mais qui semblent également avoir intégré le Trésor des chartes31 ? S’agit-il d’actes venus alimenter le chartrier princier après son versement ? Godefroy et Dupuy les ont-ils soustraits ailleurs ?
21Il reste évident que les deux archivistes eurent l’ambition de faire converger dans la série « Valois » les pièces qui leur semblaient directement associées à l’administration des Valois. Cependant, les 300 actes qu’ils rassemblent ne sont qu’une faible proportion de ceux qui constituaient initialement le chartrier32, qu’ils écartelèrent entre trois Gouvernements différents et les « Mélanges » de la série J33.
III – Classement et traitement du chartrier
À la recherche du chartrier originel : l’exemple de la layette Valois I
22Œuvre de longue haleine qu’on ne saurait mener à son terme dans le cadre de cette étude, la reconstitution du classement du chartrier comtal est pourtant un passage obligé pour connaître les pratiques de gestion d’archives des officiers de Charles de Valois. Ont-ils classé les pièces par dossier d’affaires, par dossier topographique, par période de temps, en suivant une typologie documentaire ? Grâce à la concordance entre anciennes et nouvelles cotes que permet l’inventaire de 1328 (annexe 5), nous pouvons esquisser une réponse. La question se pose cependant des étapes successives du classement et de la cotation du chartrier. Jean Laigle disposait-il déjà de coffrets bien ordonnés lorsqu’il entreprit l’inventaire ou a-t-il dû lancer une opération complète de révision, reclassant les pièces et parachevant la cotation ? On peut supposer qu’en tant que garde des archives, il avait une bonne connaissance des dossiers et qu’il avait récupéré chaque liasse de chartes auprès des officiers compétents, qui les avaient préalablement classées. Mais procédons par ordre et voyons à quel agencement des dossiers correspond le classement de son inventaire.
23Prenons les 106 pièces de la layette actuelle « Valois I » (J 163) qui étaient réparties en cinq coffrets, identifiés A, B, C, D, E. Du coffret A, il est possible d’identifier à coup sûr 17 des 19 pièces originales. Elles s’étalent chronologiquement de 1293 à 1325, les pièces 1 à 11 étant numérotées à rebours (la pièce no 11 date de 1294, les no 1 et no 2 datent de 1322 et 1325), avec une progression chronologique constante, comme si l’on avait numéroté un paquet de chartes bien classées, en partant des plus récentes qui figuraient au dessus du lot. En revanche, le paquet des pièces 12 à 19 (1294-1315) est plus mêlé, avec de constants allers-retours chronologiques. L’unité du coffret se fait autour des problèmes de gestion forestière (presque exclusivement pour la forêt de Retz, massif situé près de Villers-Cotterêts) dont les actes se font l’écho systématique, qu’il s’agisse de ventes de droits ou de pièces de bois, de droits d’usages ou de paisson. Le coffret B (12 pièces), articulé autour d’années plus récentes que le coffret A (1312-1328, sauf un dossier de trois actes de 1293), rend compte de la politique d’acquisitions foncières de Charles de Valois et des modes de tenue de la terre qui en découlent. Quant au coffret C (12 actes, dont 10 identifiés), il concentre des documents relatifs aux démêlés du comte de Valois avec le prieuré clunisien de Saint-Arnoul de Crépy (nos 5 à 12), entre 1307 et 1315. Par rapport à ces dossiers témoignant d’une certaine cohérence d’archivage (gestion forestière, politique foncière, relations avec un monastère), le coffret D offre bien des similitudes (cf. infra, tableau 2). Il s’agit d’abord d’un regroupement d’actes (nos 1 à 8) espacés dans le temps (1292-1316), tous relatifs aux rentes cédées ou acquises par le comte, et à ses dettes ; ensuite, il y figure un dossier concernant uniquement le monastère cistercien de Longpont (diocèse de Soissons), entre 1301 et 1317 (nos 6, 10 à 15).
Tableau 5 – Le coffre Valois D
Cote du chartrier | Cote actuelle | Objet de l’acte | Date |
Valois D 1 | J 163A, no 28 | Dossier sur les dettes du comte envers un bourgeois de Crépy | Vidimus de 1305 (1297-1305) |
Valois D 2 | J 163B, no 77 | Promesse de paiement d’une rente de 40 s. p. par l’abbesse de Jouarre | 1316 |
Valois D 3 | J 163B, no 79 | Revente au comte d’une rente de 100 l. p. par un seigneur | 1316 |
Valois D 4 | J 163A, no 40 | Concession par le comte d’une rente de 30 l. p. au chapitre de Senlis | 1310 |
Valois D 5 | J 163A, no 2 (avec no 1) | Cession au comte d’une rente en froment obtenue en 1192 par l’abbaye de Valsery | 1292 (et 1192) |
Valois D 6 | J 163B, no 73 | Vente de 6 arpents de pré par l’abbaye de Longpont | 1316 |
Valois D 7 | J 163A, no 24 | Cession par un clerc du roi d’une rente en blé sur un moulin | 1302 |
Valois D 8 | J 163A, no 33 | Reconnaissance par un vassal des rentes tenues du comte | 1310 |
Valois D 9 | ? | ||
Valois D 10 | J 163B, no 80 | Arbitrage royal sur un conflit forestier entre le comte et l’abbaye de Longpont | 1317 |
Valois D 11 | J 163A, no 25 | Fixation des droits de l’abbaye de Longpont pour la paisson en forêt | 1303 |
Valois D 12 | J 163A, no 20 | Annulation de dettes (argent, rentes en nature) dues par le comte à l’abbaye de Longpont | 1301 |
Valois D 13 | J 163B, no 51 | Accord avec l’abbaye de Longpont sur des droits d’usage forestiers | 1313 |
Valois D 14 | J 163B, no 57 | Acte royal relatif au conflit ci-dessus | 1314 |
Valois D 15 | J 163A, no 23 | Accord entre l’abbaye de Longpont et le comte sur les droits d’usage forestiers | 1301 |
Valois D 16 | J 163A, no 26 | Approbation comtale d’une vente de pièces de bois et de terre faite par un vassal à un prieuré de chartreux | 1303 |
24Reste le coffret E (tableau 6), focalisé sur les problèmes judiciaires rencontrés par le comte. Il s’y trouve notamment trois arrêts du Parlement portant sur des affaires toutes différentes (nos 1 et 2, et une pièce non cotée), la requête d’une abbaye contre une confiscation de porcs (non cotée) et le compte rendu d’une assise du bailli de Valois (no 10). Les autres documents, qui rapportent des ventes faites au profit du comte ou de particuliers, constituent peut-être des règlements de conflits (un problème de créances dues au comte, la récupération par le comte de droits d’usage forestiers ou d’un droit de passage sur un terrain) dans des affaires où on a évité l’escalade judiciaire.
Tableau 6 – Le coffre Valois E
Cote du chartrier | Cote actuelle | Objet de l’acte | Date |
Valois E non coté | J 163A, no 21 | Requête de l’abbaye de Chelles contre une confiscation de porcs en forêt | 1301 |
Valois E non coté | J 163B, no 52 | Arrêt du Parlement réglant un conflit entre le comte et Saint-Arnoul de Crépy (Cluny) | 1312 |
Valois E 1 | J 163B, no 78 | Arrêt du Parlement en faveur de l’abbaye de Morienval et au détriment du comte | 1317 |
Valois E 2 | J 163B, no 55 | Arrêt du Parlement réglant un conflit entre le comte et les hospitaliers de Moisy | 1315 |
Valois E 7 | J 163A, no 4 | Cession au roi, par l’abbaye de Fontevraud, de droits d’usage en forêt, contre une somme de 68 l. t. | 1290 |
Valois E 9 | J 163B, no 82 | Vente au comte d’une maison par un clerc | 1319 |
Valois E 10 | J 163B, no 86 | Compte rendu de l’assise du bailli de Valois condamnant une mère pour avoir menti sur l’identité du père de son enfant | 1302 |
Valois E 12 | J 163B, no 100 | Vente d’un droit de charbonnage en forêt pour rembourser une dette de 10 l. t. contractée auprès du comte | 1327 |
Valois E 13 | J 163B, no 101 | Vente au comte d’un droit de passage sur un courtil | 1327 |
25Si l’on veut résumer les choses, disons que la gestion des archives relatives au comté de Valois proprement dit a été pragmatique. En premier lieu, Charles de Valois et ses officiers avaient face à eux quelques interlocuteurs privilégiés et bien armés, qu’ils retrouvaient année après année : les clunisiens du prieuré Saint-Arnoul à Crépy-en-Valois, les cisterciens de Longpont. Ils ont ouvert un dossier spécifique pour chacun d’eux (en Valois C et en Valois D) et conduit une politique de long terme qui s’appuyait sur ces archives. Ils avaient aussi des chantiers économiques à mener dont la réussite avait un impact direct sur les ressources et les revenus du comte : l’accaparement de la forêt de Retz et le rachat de leurs droits aux tréfonciers ; les acquisitions foncières et la gestion des rentes (entre récupération et gratification des fidèles). Il fallait enfin se battre sur le front judiciaire et parvenir à des accords. Dans tous ces domaines, il était indispensable de garder la mémoire de l’action comtale et il était utile à l’officier spécialisé d’avoir en mains tous les éléments du dossier. Il est donc fort probable que ces dossiers aient été versés aux archives comtales à peu près dans l’état reflété par l’inventaire. Peut-on aller plus loin et reconstituer la marge d’intervention du garde des archives dans ces classements ?
Cotation et analyse des pièces avant 1328 : l’exemple de la layette de Chartres
26L’une des interrogations qui demeure à la suite de cette mise en évidence de la cohérence interne des classements, pratiqués durant la période d’usage direct des chartes ou lors de leur archivage, c’est celle de la méthode de cotation et de repérage des pièces avant l’inventaire de Jean Laigle. Y avait-il des cotes dorsales et des analyses avant même l’intervention de 1328 ? Comme l’a expliqué Olivier Guyotjeannin, dans le cas de la layette Valois I (J 163 A), la cotation de l’inventaire (armoires désignées sous un nom géographique, coffres pourvus d’une lettre d’identification) n’était pas répétée au dos des pièces qui portent seulement « une analyse assez semblable à celle de l’inventaire »34. Pour se faire une opinion plus assurée, il faut inspecter l’ensemble des pièces du chartrier. Il semble bien avéré que les pièces Valois et Tournan, ainsi que les dizaines de bulles délivrées au profit de Charles de Valois, ne portent pas de cotation en lien avec l’inventaire. Mais on en trouve dans les coffres de Chartres, Courtenay, Gaillefontaine, Alençon et Anjou. Pour la démonstration, l’enquête s’est portée sur les coffres de Chartres, à savoir la 3e étagère de l’armoire comtale en l’hôtel de Nesle (cf. annexe 3).
27Quelques exemples nourriront la réflexion. En premier lieu, une charte du châtelain de Chartres, datée de 1287, réunit plusieurs mentions dorsales très intéressantes, toutes placées au bas du verso, non loin du scellement (J 171 A, no 10). Le chiffre romain en gros caractères (.VI.) date du temps de Gérard de Montaigu. Non loin, sur sa gauche, une mention topographique « Chart(r) e », isolée, est encerclée comme pour servir de repère visuel. Sur la marge gauche, un peu plus haut, à la lettre de cotation C (.C.) est adjoint le chiffre arabe 8, écrit juste au-dessus à gauche ; tous deux ont été barrés d’un trait de plume léger, très certainement à l’époque du classement de Montaigu. L’analyse, à côté de laquelle ont été inscrites les cotes C et 8, est la suivante : « lettre que Jehan Goncet acheta la mestrise des maignens [chaudronniers] de Guillemin et Jehanin de Lectorvile, a Chartres ». On y remarque que le nom « Jehan Goncet » (celui d’un bourgeois de Chartres) est écrit d’une autre main que le reste de l’analyse, mais qu’il s’agit de la même main qui a inscrit la mention « Chartre », juste au dessous, d’une écriture cursive penchée vers la droite. Plus important encore, cette écriture est en fait celle du scribe qui a écrit la charte du châtelain pour le compte du tabellion Henri Le Clerc. Aussi peut-on reconstituer le processus global d’inscription des mentions dorsales comme suit : au moment de la rédaction en 1287, le scribe du tabellion de Chartres a écrit au verso le nom du destinataire de l’acte (l’acheteur) et le lieu concerné (Chartres, dont Jean Goncet achète la maîtrise des chaudronniers) ; l’archiviste comtal ou son scribe ont rédigé une analyse, après le versement de la pièce aux archives (période difficile à dater), en utilisant le nom déjà inscrit pour l’intégrer dans leur descriptif de contenu qui reprend très exactement la graphie des mots de l’acte ; au moment de l’inventaire, l’équipe de Jean Laigle a rédigé une analyse légèrement différente par sa graphie des mots mais qui reprend bien la syntaxe de l’analyse originelle : « item une lettre que Jehan Goucet acheta la mestrie des meignens de Guillemin et Jehannin de Leccorville ». Il n’y avait donc pas de mention spécifique de l’étagère « Chartres » auprès de la cote C. Quant à l’ajout du chiffre 8, il reste à dater lui aussi.
28Voyons d’autres cas de figure. Au verso d’une charte de 1298 (J 171 A, no 17), on lit cette fois la mention « Chartres » ainsi que la cote « d » sans numéro : ce document correspond précisément à la pièce D 1 de l’inventaire. Les autres actes ne comportant pas de renvoi à l’étagère de Chartres, il est certain que seule la première pièce de la liasse était identifiée par sa localisation ; la mention des étagères n’était donc bien qu’un référent porté après coup par l’archiviste sur le dessus de la liasse. En outre, l’ensemble des actes de ce coffre D ne portent que la mention dorsale « d » sans référent numérique : les pièces D 8, D 9 et D 11 de l’inventaire, retrouvées sous les cotes actuelles J 171 A, nos 34, 35 et 36, en témoignent clairement. Ce point a été souligné par d’autres observateurs, les pièces classées dans les coffres ne reçoivent souvent qu’une cote générique renvoyant au coffre, sans indication de rangement interne.
29Il existe aussi des sous-liasses de documents attachés ensemble puisque ils portaient sur la même affaire. Les trois pièces J 171 A, nos 18, 19 et 20 étaient reliées entre elles, et seule la pièce principale du dossier, qui devait être la première pièce visible, porte la cote. a. (J 171 A, no 19). Il faut ajouter qu’en marge gauche de chacune de ces trois pièces a été portée une numérotation en chiffres arabes, la pièce cotée. a. étant la no 11, et les deux autres les nos 12 et 13 : ce sont bien les pièces A 11, A 12 et A 13 de l’inventaire. Les trois analyses de contenu sont de trois mains différentes, avec des formulations et des graphies spécifiques, non reprises dans l’inventaire de Jean Laigle : le descriptif y est plus condensé, rédigé après examen du dossier et il le résume en faisant le lien entre les trois actes.
30D’autres actes encore ont reçu une cotation numérique en chiffres arabes. La pièce J 171 A no 29, datée de 1311, porte une analyse écrite en beaux caractères (avec la cote Montaigu XVIII en dessous), sans mention de son étagère Chartres, mais avec la mention du coffre. C. ; au dessus du premier mot de l’analyse, on voit clairement le chiffre arabe 7 dans sa paléographie médiévale (˄) et dans une encre plus claire : il s’agit bien de la pièce cotée Chartres C7 dans l’inventaire de Jean Laigle. On peut en dire autant de la pièce J 171 A, no 30 (1312), qui porte la cotation. b. au dessus de l’analyse d’époque, à côté de laquelle a été ajouté le chiffre arabe 7 (˄) postérieurement. Enfin, la charte J 171 A, no 31 (1312) est dotée d’une analyse écrite dans une très fine écriture qu’on ne rencontre qu’ici (« la leictre de la quittance du fyé de… ») ; on lui a ajouté d’une autre main et d’une autre encre, le mot initial « c’est » (pour « c’est la leictre… »), ainsi que la cote « a » et le chiffre 4 dans sa graphie médiévale, c’est-à-dire une boucle tournée vers le haut35. Ces deux ajouts sont contemporains et ils sont postérieurs au classement originel, car l’inscription des lettres des coffres se faisait toujours sous la forme d’une lettre encadrée de deux points (.a.). On retrouve plusieurs de ces numérotations arabes dans des pièces tardives des années 1314-1325 : A 7 (J 171 B, no 43 bis), B 3 (no 48), B 4 (no 46), B 14 (no 53), C 11 (no 49), C 14 (no 55). Comme nous avons vu que la règle d’archivage du chartrier comtal était de n’indiquer que la lettre du coffre et pas la numérotation de l’acte, donnée seulement par l’inventaire de Jean Laigle, il faut imaginer que c’est l’équipe chargée du transfert du fonds au Trésor des chartes royal qui a porté cette numérotation sur une partie des dossiers, soit avant, soit après le transfert. Des clercs ont également pu avoir besoin de sortir ces pièces et donc de bien les identifier. Ce qui est certain, c’est que ces numérotations en chiffres arabes ont été inscrites à une époque où l’inventaire de Jean Laigle était encore nécessaire pour se retrouver dans le chartrier comtal. Jean Laigle lui-même, en tant que clerc des comptes, pouvait avoir la connaissance et l’habitude de ce chiffrage spécialisé. La fin du règne de Philippe de Valois est sans doute le terminus ad quem de cette cotation supplémentaire. Une enquête systématique sur les mentions dorsales du chartrier, le contenu des pièces et leur organisation en dossiers serait en tout cas nécessaire pour appuyer davantage ces premières réflexions.
Les commentaires de l’inventaire du chartrier : quelle plus-value ?
31Si l’on revient maintenant à l’inventaire du chartrier, son examen minutieux montre qu’il comporte très peu de remarques sur l’état matériel des documents, une préoccupation qui reste rare jusqu’au cœur du XIVe siècle. Seuls les sceaux font l’objet de signalements, plus ou moins précis. À propos d’une pièce de procédure relative à l’établissement d’un compromis entre Charles de Valois et le prieuré clunisien de Saint-Arnoul de Crépy (6 janvier 1307), l’analyse de la pièce cotée « Valois C, IX », indique : « et y a plusieurs seauls » ; le document conserve effectivement quatre sceaux (J 163 A, no 32a). La description d’un acte non coté dans le coffre Courtenay B, à savoir la cession faite en 1301 par l’impératrice, à Charles de Valois, de Courtenay et de tous ses droits sur l’empire de Constantinople, relève : « et est le seel brisié ». Les notations sur le scellement visent plutôt à l’identification des sigillants. Une vente faite en 1293 à Pierre de Chambly par le seigneur de Tournan et son épouse est validée « souz les seauls des vendeurs » (pièce Tournan A 1) : l’acte en comporte cinq appendus sur lacs de soie rouge et verte (J 165A, no 57). Une vente de 1294 (pièce Torcy B 1) est indiquée comme passée « souz le seel du seigneur et de la dame », mais la pièce subsistante est un acte du Châtelet (J 165 A, no 58) ; doit-on penser qu’il existait alors un acte des vendeurs, Jean de Maupas et sa femme Aveline, scellé de leurs sceaux, ou que le scribe a mal identifié le sceau, aujourd’hui disparu ? Enfin, des lettres de déclaration des coutumes de Normandie (pièce de 1314 cotée « lettres communes, A 6) sont passées « souz le seel le roy », indication qui permet d’attirer l’attention sur l’importance du document. Pourtant, ces notations ne sont pas assez fréquentes pour donner à l’inventaire le supplément de garantie qu’offriraient une description matérielle complète et l’identité du sigillant. Lorsque le scribe insiste sur l’absence de datation, comme pour la pièce Tournan E 3 : « laquelle lettre est sanz date », il livre une donnée qui tend à attester le sérieux du travail fait. Concrètement elle s’explique aussi par l’étonnement de trouver une charte sans date (J 165 A, no 3), ce qui est très rare dans le corpus inventorié ; qui plus est, elle émane d’une autorité, l’abbé de Saint-Maur-des-Fossés Isembard, dont le copiste relève une autre charte, dûment datée de 1192, sous la cote Tournan E 4 (J 165 A, no 2). Il y a donc bien la volonté de prévenir toute confusion entre les actes et de permettre de bien les identifier après coup. Les rares commentaires juridiques sont, quant à eux, des preuves de l’expérience de Jean Laigle, clerc des comptes, ou de son co-équipier. Si l’inventaire note, au sujet d’un acte d’achat de rentes par Charles de Valois en 1299 (pièce Tournan D 3) : « et monseigneur les ot par retret », c’est que le contenu a été bien examiné et compris. Le panetier du roi, Jean Arrode, achète en effet en 1296 des rentes à un chevalier qui les tient du comte de Valois (J 165 B, no 62), mais c’est pour les revendre trois ans plus tard au comte, contraint et forcé par son droit de retrait féodal (J 165 B, no 63).
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32Les clercs et archivistes de l’hôtel de Nesle, œuvrant à quelques pas du palais du roi où s’élaboraient alors les classements primitifs du Trésor des chartes royal, ne travaillaient pas ex nihilo. Ils ne pouvaient ignorer que Pierre d’Étampes avait rédigé un inventaire novateur vers 1320, un instrument de travail interne sur papier, les Quaterni de papiro, avec analyses brèves et datation systématique des actes. Mais le classement chronologique qui lui sert de critère de classement et de repérage reste une innovation qu’on ne retrouve pas dans l’inventaire de Jean Laigle, tributaire du classement, déjà ancien, des dossiers qu’il trouve36. La cotation alphabétique des coffres d’archives Valois, au sein des différentes armoires, était l’usage des années 1320. La réflexion archivistique n’avait pas encore débouché sur une utilisation unique et systématique des lettres de l’alphabet comme le fera Pierre Julien au Trésor des chartes royal au début des années 1330. Le remodelage des archives comtales des Valois et leur recotation numérique sous Montaigu tiennent à un autre contexte, plus général, de rationalisation du classement.
33Sur le plan technique de l’histoire de la cotation de l’archivage, il reste de belles enquêtes à mener grâce à ces inventaires de 1328-1329. La confrontation entre les analyses dorsales des pièces du chartrier Valois, qui sont le résultat du travail des clercs engrangeant les actes au fur et à mesure de leur archivage, et les analyses de l’inventaire de Jean Laigle serait ainsi utile pour apprécier le travail d’interprétation et de synthèse de l’équipe chargée du transfert du chartrier. Le repérage de la totalité des mains ayant inscrit ces mentions dorsales, dont on voit qu’elles sont aisément repérables, nous donnerait une idée du nombre de clercs qui ont eu à traiter des archives et des périodes durant lesquelles des campagnes d’identification des contenus des actes ont été lancées. Pour en dire tout l’intérêt en quelques mots, on s’aperçoit que les analyses d’un acte de 1300 (Chartres A 11, J 171 A, no 19) et d’un acte de 1312 (Chartres B 7, J 171 A, no 30) ont été rédigées par un seul et même scribe. Si l’on retrouve plus tard encore les traces de cette écriture, au début des années 1320 par exemple, il est probable qu’il s’agisse d’une campagne d’identification des actes en prévision du versement au Trésor ; si cette écriture ne dépasse pas les années 1310, elle pourra être considérée comme celle d’un scribe chargé des archives courantes ou d’une affaire particulière, durant le temps de Charles de Valois. Le dossier Valois reste ouvert. L’enquête ne fait que commencer.
Annexe
ANNEXES
1-Description de la tour de Nesle, dans laquelle sont contenus les titres que Jean laigle doit recenser (JJ 268, fo 1 v°) :
« Premièrement est assavoir que en la d(ic)te tour a II huches dont l’une est petite et l’autre est plus grant en laquelle a une saichet scellé ou quel il a aucun joyaus qui vindrent grant pieca leens si com(m)e l’en dit et ne scet l’en dont il vindrent lequel saichet monseigneur a eu et en a len lettre de lui donnée le XXIIe jour de fevrier l’an mil CCC XXVII de laquelle la teneur est ci dessous en marge.
Item en icelle huche sont aucunes boistes scellées es quelles sont aucuns assaiz de monnoies si comme l’en dit
Ajout :
Item en en la d(ic)te tour a un coffre senz serreure ouquel a plusieurs lettres bullées qui furent octroiées a monseigneur Challes conte de Valois pour le voyage qu’il fist en Sezille, en Toscanne et en Romanie pour l’empire de Constentinoble les quiex sont specifiées cy dedenz entre les lettres du mariage de monseigneur Challes conte de Vallois et madame l’emperiz de Constantinoble.
Item un autre coffre viel serreure ou il a un orillier broudé de soie a escuçons pour parer un autel lequel est en la chapelle le roy devers mestre Pierre Julien en sa garde.
Item un viel panier d’osiers ou il a aucuns viez comptes de pou de value.
Item en la d(ic)te tour a unes aumoires es quiex sont les dictes lettres de mon dit seigneur et y a XII estages si comme il apperra plus plainement ci après. Et est assavoir que qui voudra trouver une des lettres ci après devisées quiere la ou coffret signé de la lettre de. a. ou. b. ou autre en la terre ou contrée ou laquelle elle sera devisée par les titres ci après ensuivenz. C’est assavoir de Valois, d’Anjou, du Maine etc…
Premierement en l’aumoire entitulée de Valois sont les lettres qui sensuivent ou coffret signé par ceste lettre. a. et tout ainsi par touz les autres lieus et par toutes les lettres ensuivanz.
Les lettres de Valois et des appartenances
. A., etc…. »
2-Extraits de la description de la tour de Nesle, d’après Jean laigle, après recension des documents de la Chambre des comptes (Joseph Petit, Charles de Valois, Paris, 1900, appendice D, p. 352-370) :
« Item ung coffre neuf signé a la croix rouge ou sont les chartres et les lettres communes du Maine, de la Ferté-Bernard et d’Alençon, et lectres de mariaiges. Item ung autre coffre neuf signé a une potence mi partie de blanc et de rouge ou sont les lectres et les chartres de Valoys, de Tournan, de Torci, de Gisy et de Courtenay. Item ung autre coffre neuf signé a la potence rouge ou sont aliances et dispensations de l’empereriz, d’Alençon et de Gaillefontaine, et ung coissinet »37.
« Item les grans aumoires ou les chartres et les lectres des terres monseigneur estoient »38.
3-Rubriques de l’inventaire contenu dans JJ 268 :
1-Terres de Valois et les appartenances
A à E
2-Tournan, Fontenay, Marles, le Vivier en Brie, Torcy, Saint-Ouen
« et leurs appartenances tout en une aumoire signée des dites terres si comme il appert illec sont les lettres es coffres signées par les lettres grosses qui s’ensuivent, et premierement a ceste lettre. a.
Tournan et ses appartenances, A à F
Torcy, Saint-Ouen, A à B
3-Gisy et les appartenances
A
4-Anjou et les appartenances
« dont les lettres en sont au second estaige par dessus »
A à D
5-Alençon et le Perche et les appartenances
« dont les lettres sont au quart estaige par dessus si comme elles s’ensuivent »
A à B
6-Chartres et les appartenances
« et en sont les lettres ou tiers estaige des aumoires »
A à D
7-Guaillefontaine et les appartenances
« dont les lettres en sont ou secont estaige du milieu des aumoires »
A
8-Lettres communes hors de la baillie et des mesons monseigneur
« lesquelles sont ou quart estaige du milieu contenues sous ce signe »
A à B
9-Lettres de mariage
A à G
Puis E à K
10-Fougères et les appartenances
A
11-Courtenay
A-B
12-Le Maine et les appartenances
A
13-La Ferté-Bernard
A
Blacon
Viennent ensuite des sections ajoutées vraisemblablement par la suite :
-Autres lettres de plusieurs choses
-L’inventaire des écrits de la chambre des comptes notre seigneur le roi à Paris du temps qu’il était comte de Valois comme du temps monsieur Charles comte de Valois son père qui furent portées en ladite chambre au mois d’avril 1328
-Terra et castellania de Crepicordio (d’une autre main et en latin)
5-Tableau de concordance entre l’actuel classement de la série Valois et l’inventaire de 1328 (JJ 268) :
J 163
Cote | Pièce | Classement dans JJ 268 |
J 163A | no 1 | |
J 163A | no 2 | Valois, D no 5 |
J 163A | no 4 | Valois, E no 7 |
J 163A | no 5 | Valois, A no 14 |
J 163A | no 6 | Valois, A no 10 |
J 163A | no 7 | Valois, A no 18 |
J 163A | no 8 | Valois, A no 19 |
J 163A | no 9 | Valois, B no 8 |
J 163A | no 10 | Valois, B no 10 |
J 163A | no 11 | Valois, B no 9 |
J 163A | no 12 | Valois, A no 17 |
J 163A | no 13 | Valois, A no 11 |
J 163A | no 14 | Valois, C no 4 |
J 163A | no 15 | Valois, A no 12 |
J 163A | no 16 | |
J 163A | no 17 | Valois, A no 15 |
J 163A | no 18 | Valois, A no 8 |
J 163A | no 19 | Valois, A no 9 |
J 163A | no 20 | Valois, D no 12 |
J 163A | no 21 | Valois, E non coté |
J 163A | no 23 | Valois, D no 15 |
J 163A | no 24 | Valois, D no 7 |
J 163A | no 25 | Valois, D no 11 |
J 163A | no 26 | Valois, D no 16 |
J 163A | no 27 | Valois, D no 4 |
J 163A | no 28 | Valois, D no 1 |
J 163A | no 29 | |
J 163A | no 30 | |
J 163A | no 31 | |
J 163A | no 32 | Valois, C no 9 |
J 163A | no 33 | Valois, D no 8 |
J 163A | no 34 | Valois, C no 10 |
J 163A | no 35 | Valois, A no 16 |
J 163A | no 36 | Valois, C no 11 |
J 163A | no 36bis | Valois, C no 12 |
J 163A | no 37 | Valois, C no 6 |
J 163A | no 38 | |
J 163A | no 39 | Valois, C no 5 |
J 163A | no 40 | Valois, D no 4 |
J 163A | no 41 | Gisy A no 1 |
J 163A | no 42 | Gisy A no 3 |
J 163A | no 43 | Gisy A no 3 |
J 163A | no 44 | Gisy A no 2 |
J 163A | no 45 | |
J 163A | no 46 | Valois, A no 7 |
J 163A | no 47 | Valois, B no 1 |
J 163A | no 48 | |
J 163A | no 49 | |
J 163A | no 50 | |
J 163B | no 51 | Valois, D no 13 |
J 163B | no 52 | Valois, E non coté |
J 163B | no 53 | Gisy A no 5 |
J 163B | no 54 | Valois, C no 3 |
J 163B | no 54 | Valois, C no 2 |
J 163B | no 55 | Valois, E no 2 |
J 163B | no 56 | |
J 163B | no 57 | Valois, D no 14 |
J 163B | no 58 | Valois, B no 3 |
J 163B | no 59-61 | Valois, B no 2 |
J 163B | no 62-64 | Gisy A no 5 |
J 163B | no 65 | Valois, C no 7 |
J 163B | no 66 | Valois, C no 8 |
J 163B | no 67 | |
J 163B | no 68 | |
J 163B | no 69 | |
J 163B | no 70 | Valois, A no 13 |
J 163B | no 71 | |
J 163B | no 72 | |
J 163B | no 73 | Valois, D no 6 |
J 163B | no 74 | |
J 163B | no 75 | |
J 163B | no 76 | Valois, A no 6 |
J 163B | no 77 | Valois, D no 2 |
J 163B | no 78 | Valois, E no 1 |
J 163B | no 79 | Valois, D no 3 |
J 163B | no 80 | Valois, D no 10 |
J 163B | no 81 | |
J 163B | no 82 | Valois, E ° 9 |
J 163B | no 83 | |
J 163B | no 84 | |
J 163B | no 85 | |
J 163B | no 86 | Valois, E ° 10 |
J 163B | no 87 | Valois, B no 4 |
J 163B | no 88 | Valois, B no 6 |
J 163B | no 89 | Valois, A no 1 |
J 163B | no 90 (déficit) | Valois, B no 5 |
J 163B | no 91 | Valois, A no 5 |
J 163B | no 92 | |
J 163B | no 93 ou 94 | Valois, B no 7 |
J 163B | no 95 | |
J 163B | no 96 | |
J 163B | no 97 | Valois, A no 2 |
J 163B | no 98 | Valois, B no 1 |
J 163B | no 99 | Valois, B no 12 |
J 163B | no 100 | Valois, E no 12 |
J 163B | no 101 | Valois, E no 13 |
J 163B | no 102 | |
J 163B | no 103 | |
J 163B | no 104 | |
J 163B | no 105 | |
J 163B | no 106 |
J 165
Cote | Pièce | Classement dans JJ 268 |
J 165A | no 1 | Tournan, C no 12 |
J 165A | no 2 | Tournan, E no 4 |
J 165A | no 3 | Tournan, E no 3 |
J 165A | no 4 | |
J 165A | no 5 | Tournan, E no 5 |
J 165A | no 6 | Tournan, D no 26 |
J 165A | no 7 | Tournan, C no 2 |
J 165A | no 8 | Tournan, C no 17 |
J 165A | no 9 | Tournan, A no 4 |
J 165A | no 10 (déficit) | |
J 165A | no 11 | |
J 165A | no 12 | |
J 165A | no 13 ou 14 ? | Tournan, C no 23 |
J 165A | no 15 | Tournan, C no 24 |
J 165A | no 16 | |
J 165A | no 17 | |
J 165A | no 18 | |
J 165A | no 19 | Tournan, C no 25 |
J 165A | no 20 | |
J 165A | no 21 | Tournan, C no 11 |
J 165 A | no 22-1 | Tournan, C no 13 |
J 165 A | no 22-2 | Tournan, F no 2 |
J 165A | no 23 | Tournan, D no 16 |
J 165A | no 24 | Tournan, D no 17 |
J 165A | no 25 | Tournan, F no 5 |
J 165A | no 25 | Tournan, F no 5 |
J 165A | no 25 | Tournan, F no 5 |
J 165A | no 28 | Tournan, C no 15 |
J 165A | no 29-1 | Tournan, D no 22 |
J 165A | no 29-2 | Tournan, D no 23 |
J 165A | no 30 | Tournan, E no 7 |
J 165A | no 31 | Tournan, C no 21 |
J 165A | no 32 | Tournan, C no 4 |
J 165A | no 32bis | Tournan, C no 6 |
J 165A | no 33 | Tournan, C no 20 |
J 165A | no 34 | Tournan, D no 24 |
J 165A | no 35 | Tournan, D no 18 |
J 165A | no 36 | Tournan, E no 6 |
J 165A | no 37 | |
J 165A | no 38 | |
J 165A | no 39 | Tournan, D no 25 |
J 165A | no 40 | Tournan, D no 20 |
J 165A | no 41 | Tournan, D no 11 |
J 165A | no 42 | Tournan, D no 13 |
J 165A | no 43 | Tournan, D no 12 |
J 165A | no 44 | Tournan, C no 15 |
J 165A | no 45 | Tournan, D no 15 |
J 165A | no 46 | Tournan, C no 10 |
J 165A | no 47 | Tournan, D no 21 |
J 165A | no 48 | Tournan, D no 14 |
J 165A | no 49 | Tournan, C no 19 |
J 165A | no 50 | Tournan, D no 19 |
J 165A | no 51 | |
J 165A | no 52 | Tournan, E no 1 |
J 165A | no 53 | Tournan, E no 2 |
J 165A | no 54 | Tournan, E no 2 |
J 165A | no 55 | Tournan, C no 22 |
J 165A | no 56 | |
J 165A | no 57 | Tournan, A no 1 |
J 165A | no 58 | Torcy et Saint-Ouen, B no 1 |
Notes de bas de page
1 L’expression est reprise de la position des thèses de l’École des chartes de Yann Potin, La mise en archives du Trésor des chartes, Paris, 2007, disponible sous le lien suivant : http://theses.enc.sorbonne.fr/2007/potin.
2 Pour reprendre l’expression forgée par Olivier Guyotjeannin et Yann Potin, « La fabrique de la perpétuité. Le Trésor des chartes et les archives du royaume (XIIIe-XIXe siècle) », Revue de Synthèse, 5e série, t. 125, no 1, 2004, p. 15-44.
3 Y. Potin, La mise en archives…, op. cit.
4 Joseph Petit, Charles de Valois, Paris, Picard, 1900, appendice D, p. 352-370. « Ces archives de Charles de Valois furent divisées en deux parties : l’une, versée au Trésor des chartes, est minutieusement cataloguée, pièce par pièce, dans le registre JJ 268 ; l’autre, qui comprenait les archives de la Chambre des comptes de Charles et de Philippe de Valois a été versée aux archives de la Chambre des comptes du roi. Tandis que la première partie n’a subi que quelques pertes peu considérables, l’autre a été anéantie par l’incendie de 1737, et ce sont les faibles débris qui en subsistent que nous groupons ici » (p. 352).
5 La première copie (f° 1-49) paraît la plus ancienne puisqu’elle intègre une description de la tour de Nesle vers 1328, ainsi que deux quittances de versement, l’une donnée par Philippe de Valois en février 1328 pour des joyaux qui lui ont été remis, l’autre de la Chambre des comptes du 13 mai 1339, pour des essais de monnaie rendus par Jean Laigle. Sa présentation est particulièrement soignée et, jusqu’au folio 43, uniforme. La deuxième copie de l’inventaire (f° 50-77), toujours reliée sous la cote JJ 268, est plus grossière. Elle semble avoir été rédigée de façon postérieure et porte, comme seule mention introductive : « C’est le registre des lettres qui furent le roy monseigneur au temps qu’il était comte de Valois, rendues à mestre Pierre Julien par monsieur Jean Legle ». Enfin, le troisième volume sous lequel nous est parvenu cet inventaire est également une copie, de petit format, mais il ne comporte aucun préambule (f° 78-132). Cet inventaire n’ayant fait l’objet d’aucune édition, nous reproduisons, en pièce jointe, son introduction ainsi que son organisation générale.
6 Joseph Petit l’édite dans l’appendice D de son ouvrage (op. cit., p. 352-370).
7 J. Petit, Charles de Valois, op. cit., p. 370.
8 Plutôt XXVII puisque Jean de Coeuvres fonctionne également en style de Pâques.
9 Henri-François Delaborde, « Étude sur la constitution du Trésor des chartes et sur les origines de la série des sacs, dite aujourd’hui Supplément du Trésor des chartes », Layettes du Trésor des chartes, t. V, Ancienne série des sacs dite aujourd’hui Supplément, Paris, Plon-Nourrit, 1909, p. I-CCXXIV, ici p. LXXIX.
10 L’année 1328 (a. st.) eut deux 18 avril puisqu’elle commence le 3 avril 1328 et que Pâques tombe ensuite le 23 avril. Delaborde suggère donc qu’il faut prendre en compte le « deuxième » 18 avril, qui appartient, en nouveau style, à l’année 1329.
11 Les documents datés de 1333 et 1336 sont ajoutés par une autre main, contrairement aux actes datés entre 1329 et 1332. Cette main plus récente correspond à l’insertion dans le registre de la quittance donnée le 13 mai 1339 à Jean Laigle par la Chambre des comptes ; on peut ainsi la dater approximativement.
12 Dans la description de la tour de Nesle qui ouvre l’inventaire, Jean Laigle détaille tout d’abord le contenu d’une huche et reproduit un acte de Philippe de Valois, daté du 21 février 1328 (n. st.), dans lequel il confirme la bonne réception des joyaux qui y étaient contenus. L’inventaire commence nécessairement après.
13 JJ 268, f° 44v à 47.
14 L’inventaire mentionne tout d’abord des coffres neufs dont le contenu semble identique à celui des grandes armoires décrit dans JJ 268 : « item ung coffre neuf signé a la croix rouge ou sont les chartres et les lettres communes du Maine, de la Ferté-Bernard et d’Alençon, et lectres de mariaiges. Item ung autre coffre neuf signé a une potence mi partie de blanc et de rouge ou sont les lectres et les chartres de Valoys, de Tournan, de Torci, de Gisy et de Courtenay. Item ung autre coffre neuf signé a la potence rouge ou sont aliances et dispensations de l’empereriz, d’Alençon et de Gaillefontaine, et ung coissinet ». Le coussinet reposait encore, au moment de la rédaction du préambule de JJ 268, dans un vieux coffre : « Item un autre coffre viel serreure ou il a un orillier broudé de soie a escuçons pour parer un autel lequel est en la chapelle le roy devers mestre Pierre Julien en sa garde ». Quant aux grandes armoires, elles paraissent vides dans le nouvel inventaire : « Item les grans aumoires ou les chartres et les lectres des terres monseigneur estoient ».
15 Il est probable que Jean Laigle garda par devers lui l’original puisque la quittance de la Chambre des comptes de mai 1339 le montre toujours occupé à déménager vers les institutions centrales le contenu de la tour de Nesle.
16 Voir annexe 1.
17 Sont ainsi mentionnés des joyaux et des bijoux, enserrés dans un sac scellé remis à Philippe de Valois le 21 février 1328 (n. st.). Les essais de monnaie sont remis par Jean Laigle à la Chambre des comptes le 29 mai 1339, comme nous en informe une cédule glissée a posteriori dans le registre. Il est enfin fait mention d’un coussinet brodé de soie à écussons, destinés par le comte à parer l’autel de la Sainte-Chapelle. La description de la tour de Nesle, effectuée au moment du transfert des pièces comptables vers la Chambre des comptes, montre que le coussinet est présent dans l’un des coffres contenant les titres initialement rangés dans l’armoire à 12 étages. Sur la composition du trésor royal médiéval, voir Y. Potin, « L’État et son trésor », Actes de la recherche en sciences sociales, no 133, juin 2000, p. 48-52.
18 La description de la tour de Nesle en avril 1328 mentionne quelques éléments de description du bâtiment qui laisse penser que plusieurs salles étaient consacrées à la conservation des archives des Valois : on y parle d’une « voûte du milieu » et d’une « chambre des plaiz » contenant des documents.
19 Toujours dans la description d’avril 1328, les registres sont rangés dans un coffre à part.
20 Voir annexes 1, 3 et 5.
21 Idem.
22 O. Guyotjeannin, « Les méthodes de travail des archivistes du roi de France (XIIIe - début du XVIe siècle) », Archiv für Diplomatik, t. 42, 1996, p. 295-373, ici p. 314.
23 Ibid.
24 Cette table alphabétique est reproduite en tête du premier volume des Layettes du Trésor des chartes. Voir Alexandre Teulet, Layettes du Trésor des chartes, t. I, Paris, Plon, 1863, p. XXXVIII-LI.
25 Dans Lettres de mariage, E, f° 34, sont reproduits des actes touchant au mariage de Philippe de Valois avec Jeanne de Bourgogne. Peut-être ont-ils été versés dans cette layette ?
26 Les Transcripta sont cotés de JJ A à H, J et K ; le répertoire de 1420 porte les cotes JJ 278, 279 et 280.
27 J 169 A, nos 32 à 33.
28 À savoir : Île-de-France, Orléanais, Champagne, Normandie, Picardie, Bretagne, Bourgogne, Lyonnais, Dauphiné, Provence, Guyenne et Languedoc.
29 Il s’agit, dans le cadre de classement Montaigu des layettes no 256 « Tournan », no 247 « Lettres communes » ; on ne sait pas, en revanche, dans quelle layette Montaigu accueillit les pièces correspondant à la section « Gisy » de l’inventaire de Jean Laigle. Godefroy et Dupuy semblent enfin avoir adjoint à leur série « Valois » quelques bulles issues de la layette no 207.
30 Le phénomène est plus ou moins important selon les cotes : pour J 163 et J 165, environ 10 % des actes ont été ajoutés aux documents présents dans l’inventaire de Jean Laigle. Pour J 164, la proportion est plus forte puisque deux tiers des documents sont des pièces « allogènes », ou du moins non décrites par l’inventaire.
31 Dans la description de la tour de Nesle, il est fait allusion à un coffre contenant des bulles, des pièces diplomatiques ou liées au mariage avec Catherine de Courtenay (« plusieurs lettres bullées qui furent octroiées a monseigneur Challes conte de Valois pour le voyage qu’il fist en Sezille, en Toscanne et en Romanie pour l’empire de Constentinoble les quiex sont specifiées cy dedenz entre les lettres du mariage de monseigneur Challes conte de Vallois et madame l’emperiz de Constantinoble »), qui ne furent pas recensées dans l’inventaire mais qui, d’après la liste que nous avons fournie, peuvent correspondre aux layettes Montaigu no 207, no 229, no 257 et no 259.
32 Il comporte en tout 618 articles et comme certains d’entre eux regroupent plusieurs actes, on peut estimer à près de 700 le nombre d’actes versés en 1329 au Trésor des chartes.
33 J 167, 169, 171-73, 177-179, 225-27, 372, 377, 403-404, 410-411, 434, 494, 509-512, 587, 721-723.
34 Olivier Guyotjeannin, « Les méthodes de travail… », op. cit., p. 312, note 38.
35 Sur cette question des chiffres arabes et de leur évolution morphologique, cf. Guy Beaujouan, « étude paléographique sur la “rotation” des chiffres et l’emploi des apices du Xe au XIIe siècle », Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, t. 1, no 4, 1948 p. 301-313.
36 Sur les expérimentations royales, cf. O. Guyotjeannin, « Les méthodes de travail… », op. cit., p. 309-313.
37 Le contenu de ces nouveaux coffres concorde avec les pièces initialement rangées dans la grande armoire. Le coussinet reposait encore, au moment de la rédaction du préambule de JJ 268, dans un vieux coffre : « Item un autre coffre viel serreure ou il a un orillier broudé de soie a escuçons pour parer un autel lequel est en la chapelle le roy devers mestre Pierre Julien en sa garde ».
38 Elles paraissent donc vides à cette heure.
Auteurs
Maître de conférences à l’Université de Paris 1 - Panthéon-Sorbonne – Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris (LAMOP, UMR 8589).
Archiviste-Paléographe, Directeur des Publics, Archives nationales.
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