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« Déterminisme géographique » et limites du modèle anglais

p. 21-37


Texte intégral

1. Des facteurs géographiques favorables

1L’histoire du football nordiste ne peut se comprendre sans la prise en compte de paramètres géographiques, qui peuvent en expliquer l’implantation. La diversification des champs d’investigation de la discipline a autorisé l’apparition d’une géographie des sports, qui explique par de multiples facteurs la répartition des pratiques sportives sur le territoire national, contribuant ainsi à dégager les éléments nécessaires à une cartographie du football nordiste : en 1992, la géographie des pratiques sportives en France montre que la popularité régionale du football et sa densité sont plus la conséquence d’un engouement culturel collectif, déterminant pour la territorialisation des pratiques sociales, que le simple résultat d’une massification des pratiques, traduite au plan numérique1. Le pourcentage de licenciés sportifs dans le département du Pas-de-Calais est de 17 % contre 22 % pour le département du Nord, pour une moyenne nationale de 25 %. Cette sous représentation régionale, d’ailleurs vérifiée pour la majorité des disciplines sportives, doit être infirmée dès lors qu’il s’agit du football. Dans la région, la part de licenciés à la F.F.F (Fédération Française de Football) dans le département du Pas-de-Calais l’emporte sur le Nord (34 % contre 26 %) et place de fait le football en tête des disciplines sportives, loin devant le tennis, les sports de combat, le basket-ball... (avec des taux inférieurs à 10 %, quelles que soient les pratiques), sans toutefois placer les deux départements dans un type correspondant à « l’aire du football dominant » : le « croissant fertile du football français » est localisé dans la partie septentrionale de l’arc atlantique, du Finistère à la Charente. Par contre, le nombre de clubs dans le département du Pas-de-Calais est supérieur aux moyennes nationales (17 % de clubs de football dans le total des clubs, contre 13 % pour la France).

2Si les aspects démographiques, les facteurs de mobilité sociale, l’évolution du niveau de vie, l’importance des densités urbaines constituent des facteurs déterminants dans la répartition des clubs et associations sportives, l’originalité et les spécificités du milieu naturel, qui conditionnent d’ailleurs les éléments précités, ne peuvent être négligées. La diversité des reliefs, des paysages, et des climats ne constitue en rien un obstacle à l’installation des hommes et au développement de leurs activités, fussent-elles sportives. La diversité des « pays du Nord » s’inscrit d’ailleurs dans la délimitation des districts composant une Ligue du Nord qui, si elle reprend la division administrative des arrondissements, conserve toutefois une terminologie épousant la géographie de la région : la ligne de partage entre les districts Maritime (plaine maritime du Nord) et le district Flandre (plaine de la Lys et Pévèle-Mélantois) correspond approximativement à la limite Nord du bassin versant de la Lys et Sud de l’Yser ; les termes « Artois » et « Escaut » empruntent autant à la géographie qu’à l’histoire2. Si les composantes climatiques autorisent la pratique d’activités sportives de plein air, la diversité des reliefs assure à la région Nord – Pas-de-Calais cette vocation quasi immuable de terre de contacts, où la circulation des hommes constitue un élément constitutif de son Histoire. La frontière géographique ne correspond d’ailleurs pas aux frontières historiques et culturelles d’une région largement soumise aux influences anglaises, flamandes ou bourguignonnes. Cette vocation européenne, visible par son inscription dans un quadrilatère Londres/Paris/Rotterdam/Cologne explique en grande partie la forte tradition urbaine d’une région ouverte aux flux migratoires. La forte densité aujourd’hui observée dans la répartition des clubs de football, à partir d’un essaimage complexe, via les clubs pionniers, s’explique par l’antériorité de cette forte concentration de populations. Le premier essor démographique de la région, observé entre les Xe et XIIe siècles est consécutif au développement des premiers centres urbains aux activités commerciales puis protoindustrielles (Arras, Douai, Cambrai, Boulogne-sur-Mer, Lille). La seconde vague, plus contemporaine s’amorce au début du XVIIIe et se trouve amplifiée par le dynamisme d’une industrie régionale, à vocation textile, complétée au XIXe par la trilogie charbon/fer/textile. Explosion démographique (en 1801, la population compte 1,3 million d’habitants, pour 2,8 millions un siècle plus tard) et révolution industrielle donnent naissance à une région originale aux paysages fortement humanisés : les espaces ruraux présentent une forte densité (85 hbts/km2 dans le département du Nord, 55 pour le Pas-de-Calais) et sont ponctués de communes ou petites agglomérations qui ont su maintenir et développer des activités autres qu’agricoles. L’exode rural plus faible qu’ailleurs a laissé place aujourd’hui à une péri-urbanisation qui contribue à fixer dans les communes nombre d’activités sportives ou associatives.

3Forte de 3,96 millions d’habitants en 1990, la région Nord – Pas-de-Calais se caractérise par un semis urbain original, prolongement naturel de phénomènes observés au delà de la frontière belge : deuxième concentration urbaine de France après la Région parisienne, le Nord – Pas-de-Calais enregistre une densité de population beaucoup plus élevée que la moyenne nationale (319 hbts/km2), traduite par l’existence d’un maillage urbain dominé par les agglomérations (83 % de la population réside dans l’une des 525 communes urbaines recensées)3. Si le Nord – Pas-de-Calais constitue une terre de football, que le nombre important de licenciés et de clubs place parmi les toutes premières Ligues de France, la région doit tout autant cette situation privilégiée à la structure de sa population : la densité et la richesse de la trame urbaine ont favorisé l’essaimage des clubs sur le territoire des districts, en épousant celle-ci. L’enracinement des clubs locaux et leur nombre élevé sur le territoire de la Ligue est aussi la conséquence de mouvements migratoires internes transformant les paysages ruraux et les espaces urbains : à l’exode rural et au peuplement des grands centres urbains des années 62/68 (Arras, Cambrai, Lille, Villeneuve d’Ascq, Dunkerque) succède une série de mouvements identifiés qui accentue le « mitage footballistique régional » : forte croissance des communes périphériques dans les années soixante-dix et dépeuplement du bassin minier, conséquence de la crise charbonnière, phénomènes de rurbanisation dans les années 75/82 accentués par la péri-urbanisation récente, concentrée autour de la métropole, qui peut expliquer la vitalité d’un district Flandre, confiné aux limites administratives de la Communauté Urbaine de Lille mais comptant plus de 275 clubs. La vitalité du football nordiste se justifie aussi par la composition de la population régionale : le recensement de 1990 fait apparaître une sur-représentation des moins de 20 ans (31 % contre 27 % en France), traduction de comportements démographiques originaux (taux de fécondité autour de 2 enfants/femme, supérieur aux chiffres nationaux). On comprend dès lors mieux le souci constant des instances régionales et des clubs de multiplier les opérations de promotion et de sensibilisation à destination des plus jeunes, qui constituent un indispensable vivier à l’expansion du football nordiste, condition de sa pérennité et de son hégémonie.

4Pour le Pas-de-Calais, une rapide analyse de la répartition des clubs de football confirme une implantation véritablement calquée sur la carte des densités et des zones urbaines : totalisant en 1997 près de 523 clubs, les districts Artois et Côte d’Opale présentent une situation d’essaimage de leurs clubs affiliés. La présence de plusieurs clubs de football au sein d’une même commune est en effet plutôt rare : 20 % pour le District Artois, 33 % pour le District Côte d’Opale. La majorité des clubs du département sont donc implantés, ou plutôt enracinés dans des communes où ils constituent souvent l’unique association sportive, phénomène caractéristique en zone rurale. La cartographie réalisée (Répartition des clubs de football dans le département du Pas-de Calais en 1995)4 montre une corrélation entre les zones de fortes densités urbaines et l’implantation des clubs. Le bassin houiller et le Littoral affichant de fortes concentrations parfois originales : à titre d’exemple, l’agglomération calaisienne regroupe plus de trente clubs, dont un tiers de clubs corporatifs, signe de la diversité du tissu économique de la cité, d’un urbanisme ayant développé des quartiers aux identités fortes (5 clubs), et d’un réel dynamisme associatif. Le même constat peut être observé pour le littoral boulonnais où l’agglomération « du grand Boulogne » regroupe plus d’une vingtaine de clubs, notamment au Portel (sept clubs recensés), organisatrice d’un tournoi international de renom, et ce jusqu’aux limites du département (Berck-sur-mer). La région audomaroise représente curieusement un pôle isolé, où Saint-Omer semble se contenter de la seule présence de l’USSO, solide club au passé prestigieux, et aux ambitions sportives constamment affirmées. Dans le District Artois, les plus fortes concentrations de clubs sont rencontrées dans un bassin houiller où le passé industriel a fortement contribué au développement du mouvement sportif et associatif. On observera ainsi d’Est en Ouest un « chapelet de clubs », réunissant près de 19 villes minières, dont les confrontations donnent lieu à nombre de derbies passionnés, qui forgent les identités locales. Les solidarités ouvrières, l’importance du tissu associatif et des manifestations festives constituent des éléments d’explication qui seront ultérieurement développés et qui appartiennent pour beaucoup aux terrains sociologiques et ethnologiques5. Le pôle arrageois faisant de ce fait figure d’exception, victime d’un isolement géographique qui n’exclut pas la précocité de l’enracinement du football association : fondé en 1901, le Racing-Club d’Arras fut l’un des premiers clubs du département.

5Ainsi, la répartition des clubs de football dans le Pas-de-Calais présente un certain nombre de caractéristiques. Elle se calque sur la carte des densités, mais sait tenir compte de spécificités locales : hypertrophie d’un football calaisien qui a su décliner une dimension plus associative, concentration littorale et dans l’arrière-pays boulonnais, bassin houiller considéré à juste titre comme une terre de football où sont observées de fortes densités sportives, isolement relatif des régions audomaroise et arrageoise, qui bénéficient du rayonnement d’un club phare. Les zones rurales bénéficiant d’un semis de clubs (209 pour l’Artois, 172 pour la Côte d’Opale) entretenant la pratique d’un football au village, véritable particularisme régional.

6Le football nordiste semble également intégrer la réalité des flux migratoires observés dans l’entre deux guerres. Avant cette période, ils demeurent essentiellement frontaliers, en provenance de Belgique, polarisés autour des centres industriels et textiles de l’agglomération Lille/Roubaix/Tourcoing. La signature de la convention polonaise d’immigration en septembre 1919 provoque l’afflux dans la région de près de 180 000 Polonais, suivis par un contingent moins nombreux d’italiens, avant les arrivées des ressortissants d’Afrique du Nord (Marocains, Algériens et Tunisiens), dans les années 60/706. Là encore, le football va représenter un instrument d’intégration, après qu’il eût permis à ces minorités de recomposer leur identité nationale autour de la formation de clubs sportifs. Les traces de ce mouvement complexe sont aujourd’hui plus ténues, en dehors bien évidemment de figures emblématiques dont le souvenir demeure vivace dans la région (l’itinéraire et la carrière de Raymond Kopazewski demeurent exemplaires).

7Il ne faudrait cependant pas systématiser ce « parfait exemple d’intégration réussie », et l’étendre à l’ensemble de la communauté polonaise masculine, et modéliser ainsi les voies d’une intégration sportive pouvant être reproduite à l’identique. Les travaux de Janine Ponty ont souligné les limites et les difficultés d’une intégration trop souvent réduite à une simple assimilation7. Le Préfet du Pas-de-Calais ne considérait-il pas en 1929, que « l’immigrant polonais n’avait pour le moment aucune aptitude à s’assimiler ? » Les clubs de football ont cependant été pour les jeunes Polonais des lieux d’assimilation, de fréquentation minorités étrangères et de nationaux qui découvrent le caractère foncièrement populaire de la pratique du football. Les manifestations de l’identité polonaise et son mouvement associationniste ont d’ailleurs emprunté d’autres voies que les seuls clubs sportifs : l’annuaire de la Ligue Nord – Pas-de-Calais de Football ne compte d’ailleurs plus aujourd’hui (en 1998) qu’un seul nom de club aux réminiscences polonaises : Le Dynamo fosse n° 4 de Carvin résume à lui seul des années de présence polonaise ouvrière dans le bassin minier. En revanche, L’équipe de France de Football comptera dans ses rangs (depuis un premier match international plutôt confidentiel disputé le 1er mai 1904 jusqu’aux rencontres des années soixante) une quinzaine de joueurs polonais naturalisés, en majorité issus de la région. Si les minorités polonaises n’ont pas multiplié les clubs de football réservés à leurs ressortissants, privilégiant l’affirmation de leur polonité à travers des voies associatives plus conformes au plan religieux et culturels, les vagues d’immigration qui suivront semblent opter pour des formes d’intégration multiples, y compris à travers la formation de clubs de football aux appellations « identitaires ». Les années soixante correspondent dans la région à l’arrivée de contingents originaires d’Afrique du Nord (Marocains, Algériens) et de l’Europe méditerranéenne (Portugais), implantés dans les bastions industriels de l’époque (bassin houiller, bassin de la Sambre, agglomération Lille/Roubaix/Tourcoing) : on retrouve aujourd’hui les vestiges de cette géographie du travail, où les zones urbaines et métropolitaines ont remplacé des sites industriels sur le déclin et en recomposition, en observant l’implantation des clubs de football dont la dénomination contient une référence « nationale ». Leur localisation recouvre assez bien les données démographiques connues : une forte proportion d’étrangers dans l’agglomération lilloise (43 % de la population étrangère régionale en 1990) et un nombre de clubs élevé (15 au total, avec une forte proportion de clubs nord africains), des foyers plus isolés dans le valenciennois, le sud du département (11,4 % de la population étrangère régionale) et le bassin houiller (9 % de population étrangère à Lens), où les clubs de football étrangers sont finalement peu nombreux. En revanche, la répartition décroissante par nationalité (Marocains et Algériens (50 %), Union Européenne (25 %), Polonais (7 %)) semble correspondre au nombre de clubs répartis sur le territoire de la Ligue.

8Si des conclusions définitives sur ces rapides constats demeurent hasardeuses, on peut cependant constater que le réflexe identitaire aura mieux fonctionné pour les clubs de l’Europe méditerranéenne que pour les pays de l’Est. La propagation historique du football y fut en effet plus précoce, d’autant que la Pologne n’existe pas à la fin du XIXe siècle en tant qu’état-nation : Bilbao en 1896, Barcelone en 1901, Gênes en 1893, Milan en 1899, Palerme et Trieste en 1900... Une fois de plus, la géographie nous fournit des explications : le bassin méditerranéen, l’importance des ports maritimes et des échanges commerciaux favoriseront l’implantation des clubs, sur l’imitation du fameux modèle anglais. La première vague d’immigration italienne, arrivée dans le Nord dans l’entre-deux-guerres, pratiquait déjà le football dans son pays d’origine, au moment où celui ci devenait un moyen de cristallisation de l’identité nationale et un appareil idéologique d’Etat au service du régime fasciste. La pratique du football entre compatriotes peut constituer un élément du rapprochement et du renforcement de communautés rencontrant dans la région de réelles difficultés d’intégration. La participation de ces clubs aux championnats des districts, généralement à des échelons inférieurs, peut renforcer le facteur identitaire (à l’image d’un club actuellement implanté à Grande Synthe, l’Association Musulmane d’Animation et de Loisirs), où encore manifester une volonté d’intégration sportive par la pratique du jeu. Sur le territoire de la Ligue, seule l’Association Sportive et Socio-Culturelle Franco Maghrébine de Douai, dans le District Escaut semble témoigner de cette volonté de rapprochement des communautés.

9Des conditions géographiques favorables et un faisceau de paramètres démographiques originaux peuvent donc expliquer la vitalité contemporaine du paysage footballistique nordiste, ainsi que la forte concentration observée au niveau des clubs, assurant le triple maillage du territoire de la Ligue : sportif, social et culturel. Ces caractères expliquent des taux de pénétration élevés pour le département du Nord (entre 16 et 25 pour mille) et plus encore pour le Pas-de-Calais (entre 25 et 35 pour mille), résultat d’une forte augmentation des effectifs entre 1978 et 1984. Cette rapide photographie de la géographie du football régional met en évidence une densité et une diversité des pratiques qui résulte finalement de sa propre histoire : un regard porté sur les origines, depuis le développement des jeux traditionnels jusqu’à la complexe mue sportive qu’ils opèrent au milieu du XIXe siècle, doit contribuer à esquisser une histoire du football nordiste à l’aune d’un temps plus allongé.

2. « Sportivisation » des jeux traditionnels et greffe britannique

10Terre de jeux traditionnels dont la pratique demeure actuellement très localisée, la région du Nord – Pas-de-Calais est aujourd’hui une terre de sports où le football occupe une place privilégiée, au regard de critères historiques et culturels : l’image et la représentation d’un football populaire, « forcément populaire », semblent enracinées dans les mémoires et mentalités collectives8. L’idée d’un passage ou plutôt d’une transition des jeux traditionnels au sport moderne ne peut cependant s’envisager sous le signe de la simple continuité, tant ces deux types de pratiques diffèrent au plan des fondements, les jeux étant plutôt actifs, traditionnels, locaux, à caractère récréatif, requérant des aptitudes physiques spécifiques ou de la stratégie ou de la chance ou une combinaison de ces trois éléments. En revanche, leur présence aura certainement contribué au développement d’une forme de prédestination sportive. Les recherches entreprises par Marie Ceggara ont montré que les aires de distribution et délimitation des jeux traditionnels recouvraient des zones linguistiques précises et des zones de fractures ancestrales (Flandre/Hainaut par exemple). La pratique « balloniste » (longue paume, ballon au poing, balle à la main et au tamis) s’enracine dans les zones rurales et se perpétue autour et par de véritables dynasties familiales, tissant à la fois de profonds liens de sociabilité entre les équipiers d’un même village et entretenant de profondes rivalités au sein des communautés rurales9.

11La géographie des jeux traditionnels et leur dimension patrimoniale auront peut être contribué à accélérer le processus d’enracinement du football dans certaines zones rurales identifiées (notamment le Ternois), en distillant très tôt des principes et pratiques associatifs, justifiant le caractère précoce de l’implantation des clubs de football association dans certains villages. La thèse de Pierre Arnaud, selon laquelle les pratiques sportives seraient essentiellement urbaines avant 1914, mérite donc d’être nuancée pour le département du Pas-de-Calais.

12L’idée d’un football régional « populaire », à la fois proche et représentatif des « classes laborieuses », demeure une image largement répandue autant qu’entretenue. Si elle se vérifie encore pour des aires géographiques précises (en particulier le bassin minier), elle doit être aujourd’hui singulièrement nuancée, tant les évolutions internes du football nordiste et de ses structures ont contribué à une diversification sociale des pratiques, sans toutefois en altérer la dimension festive10. Les travaux et ouvrages d’Alfred Wahl ont largement évoqué les origines du football en France. L’expression de greffe britannique traduit la réalité de l’importation d’une pratique sportive novatrice, tant au plan de la signification que de la pratique proprement dite, et insiste sur la rupture manifeste entre jeux traditionnels et sports modernes : précision des règles et dimension éducative affirmée sont des éléments essentiels de distinction et de différenciation, qui relèguent les jeux traditionnels au rang de rituels festifs11. Cette sportivisation des jeux de balle est en effet le résultat des mutations du système éducatif anglais, au sein de public-schools désormais fréquentées par les jeunes gens issus d’une bourgeoisie britannique, produit de la révolution industrielle. Les expérimentations pédagogiques de Thomas Arnold, directeur du Collège de Rugby de 1828 à 1840, souvent citées, participent à la définition et à la diffusion des valeurs du sport moderne. Phénomène qui correspond pour la société anglaise à l’émergence d’un temps des loisirs, où les pratiques sportives trouveront leur expression12.

13Les mutations de la société britannique peuvent être transposées dans le Pas-de-Calais, où le paysage industriel et le tissu urbain se modifient considérablement à partir de 1850, notamment dans le bassin minier : une nouvelle géographie et toponymie caractéristiques vont ainsi contribuer à l’enracinement progressif de pratiques sociales et sportives, et ce malgré la faiblesse des équipements collectifs installés dans les cités minières à la veille de la première guerre mondiale13.

14Né en Angleterre, importé et diffusé sur le territoire national par « les Anglais de France », le football va connaître une rapide pénétration et diffusion dans l’Europe du Nord-Ouest à partir des années 1880, au moment où il acquiert une envergure et une notoriété réelles dans les Iles Britanniques, que traduit le rapide passage au professionnalisme14. L’histoire du football français considère la fondation du Havre Football Club en 1872 comme la première preuve tangible de la greffe britannique déjà évoquée. Jusque 1884, la ville normande connait les premiers balbutiements internes d’un club et d’une pratique dont il convient de souligner tant l’amateurisme que le caractère confidentiel. La situation géographique de la cité normande, l’implantation de sociétés de commerce et de courtage britanniques, et l’anglomanie ambiante, se conjuguent pour expliquer les raisons de cette localisation portuaire, à l’origine de la diffusion de la pratique du football association dans le quart Nord-Ouest du pays15. Si l’influence anglaise dans le processus de développement du football en France est réelle, elle n’est cependant pas déterminante et doit être conjuguée, comme le souligne Alfred Wahl, à d’autres facteurs, qui peuvent également s’appliquer aux départements du Nord et du Pas-de-Calais : le développement des pratiques sportives dans les établissements scolaires et la multiplication des associations sportives affiliées à l’Union des Sociétés Françaises des Sports Athlétiques ne peuvent en effet être ignorés. La greffe britannique ne peut donc expliquer à elle seule cet essaimage des clubs de football, observé dans le quart Nord-Ouest du pays avant 1900, dans le triangle de pratique originelle dont les sommets seraient la Normandie, la région parisienne et le Nord – Pas-de-Calais, et qui recouvre trois aires de diffusion aux processus de structuration différents16. La décennie 1880/90, considérée en Angleterre comme celle de l’homogénéisation progressive du football association (création de l’International Board en 1883, imposition progressive du « passing game » se substituant au « dribbling game », compétitions de première et seconde divisions nationales qui conduiront naturellement au professionnalisme), demeure en France une période plus confuse, aux pratiques limitées et rudimentaires, dans des zones géographiques peu identifiées. Le football s’envisage et se conçoit avant tout comme une activité ludique, éducative et distinctive. En dehors du Havre, quelques clubs parisiens se contentent de parties informelles, pratiquées par des anglais expatriés ou des élèves et étudiants de lycées de la capitale : le Paris Association Football Club (1887), l’Association Athlétique de l’Ecole Monge (1888), les White Rovers (1891), le Standard Athletic Club (1892), sans omettre les pratiques sporadiques au sein du Racing-Club de France (1882) et du Stade Français (1883).

15L’un des paradoxes de la greffe britannique est finalement qu’elle semble avoir moins pris sur le littoral de la Mer du Nord, où les influences et présences anglaises ne sont pourtant plus à démontrer : les villes de Boulogne-sur-Mer et Calais, (où le football association s’installe en fin de siècle) témoignent de cette singularité, et d’une préférence initiale pour le développement de loisirs aristocratiques et mondains, manifestement importés. A Boulogne-sur-Mer, la permanence d’une colonie britannique nombreuse (près de 3000 personnes sous la Monarchie de Juillet, pour un millier à la fin du siècle), mais également saisonnière, explique le choix d’activités balnéaires et de sports anglais, tels les courses de chevaux, le golf, les activités nautiques et régates, et le tennis, activités constitutives du sport moderne. Avant 1914, les élites boulonnaises privilégient plutôt des activités culturelles et des pratiques sportives anglaises, où le football association est tout à fait confidentiel. A la différence de multiples innovations techniques introduites en France par l’intermédiaire du port et de la ville de Boulogne-sur-Mer, le football aura donc emprunté un itinéraire plus complexe. Cependant, l’influence anglaise ne peut être considérée comme nulle : au plan du jeu, la proximité des îles britanniques permettra au football littoral de gagner plus rapidement en technicité17.

16A Calais, la colonie britannique organise des combats de boxe qui font l’objet de paris (leur pratique sera légalisée tardivement en 1910), et crée des clubs de cricket, qui subsisteront jusqu’en 1914. La pratique distinctive de certaines disciplines (tennis, escrime, skating (hockey sur patins à roulettes) et bowling) emprunte largement au modèle anglais déjà mentionné18. L’analyse de ces activités permet d’observer une lente stratification des pratiques corporelles, en même temps que se maintiennent des activités ludiques et festives plus traditionnelles (jeux de quilles, boules flamandes, javelot, combats de coqs, tir à l’arc, ducasses et autres fêtes de quartier). Après 1870, se développent également des sociétés de tir et de gymnastique aux noms sans équivoque : Les carabiniers de la Concorde, Les carabiniers de l’Avenir, Les carabiniers de Saint-Pierre, la société de tir et d’Egalité. L’émergence des activités sportives et de loisirs balnéaires est également visible : les sports nautiques apparaissent les premiers (Union Nautique de Saint-Pierre dès 1865, Emulation Nautique en 1867), mais demeurent confidentiels face à l’explosion de la bicyclette, ou plutôt de la vélocipédie (le parc français passe d’ailleurs de 5000 engins en 1890 à un million dix années plus tard) : les premières courses ont lieu en 1880 au parc Saint-Pierre et l’épreuve cycliste Boulogne/ Calais/Saint-Omer réunit 33 concurrents le 4 octobre 1891. Inauguré le 23 mai 1897, le vélodrome de Calais, construit sur le modèle du stade vélodrome de Roubaix, possède une piste de 333,33 mètres. Il sera finalement démoli en 1907, ne pouvant résister à l’engouement du public pour les courses en lignes (le Paris/Calais organisé en 1905 par l’Union Cycliste de Paris rassemble près de 10 000 spectateurs). Il convient également de mentionner les courses hippiques, pratiquées sur l’hippodrome du Beau Marais, et les sports mécaniques (course automobile Lille/Calais/Lille en 1898 et meeting aérien sur le terrain d’aviation du Beau Marais en 1911).

17La présence anglaise sur le Littoral n’aura donc pas eu une influence déterminante sur l’implantation, puis la diffusion du football dans le département du Pas-de-Calais Elle aura cependant contribué à accélérer l’ancrage des loisirs et des activités balnéaires sur le Littoral, par une simple transposition de pratiques bien implantées Outre-Manche. Curieusement, cette transposition footballistique du modèle anglais s’effectue avec plus de succès dans les clubs de l’agglomération Lille/Roubaix/Tourcoing. L’anglomanie ambiante et la présence d’une colonie anglaise à Croix, forte de 200 membres, donneront naissance aux premiers clubs de football : le Racing-Club de Roubaix, premier club nordiste, naît au printemps 1895. S’il affronte surtout des clubs belges et parisiens à l’occasion de tournois et de challenges, il rencontre fréquemment l’équipe britannique des « Crusaders » de Croix, composée de joueurs anglais travaillant à l’usine textile Holden. Organisées de novembre à février, les rencontres de football reflètent cette conception anglophile : matchs souvent confidentiels (absence de public et de comptes-rendus dans la presse locale) qui reposent sur des principes de distinction. A la règle du fair-play, s’ajoutera un refus symptomatique de participer aux compétitions officielles, sous l’égide de l’USFSA en 189919.

18Il faut en revanche souligner le rôle joué par certains établissements scolaires de la région qui deviennent, à partir des années 1880, promoteurs d’une éducation physique aux contours relativement complexes. Il convient effectivement de distinguer dans ces exercices physiques scolaires des pratiques ou des jeux qualifiés de sportifs, aux vertus éducatives affirmées, et une éducation physique, foncièrement gymnique, d’inspiration patriotique et préparationniste. L’organisation de compétitions entre établissements scolaires, sur le modèle des lendits du Docteur Tissié, facilitera la diffusion de la pratique du football association au nord de la Seine. Dans le département du Nord, la vitalité des bataillons scolaires peut expliquer cette sensibilité prononcée pour la pratique d’exercices physiques20. La situation du Pas-de-Calais, où la question scolaire est un enjeu politique majeur dans la reconquête du département entreprise par les Républicains, est bien différente : un seul bataillon scolaire comptant près de 300 participants (2,1 % des élèves inscrits contre 26,3 % pour le département du Nord), des pratiques physiques peu visibles. Les élèves institutrices de l’Ecole Normale d’Arras sont soumises à des séances de gymnastique inspirées des méthodes suédoises, qui s’organisent autour d’une invariable trilogie : promenades, jeux récréatifs, séances de gymnastique proprement dite. Dans les écoles élémentaires, les finalités hygiénistes avancées ne permettront pas toujours de légitimer auprès des parents et des instituteurs eux-mêmes des exercices physiques souvent considérées comme inutiles. Les premières formes de pratiques scolaires du football association dans la région concernent surtout une jeunesse dorée, plutôt bourgeoise et urbaine, dont les parents souhaitent inscrire leur réussite sociale dans des formes originales et innovantes d’éducation. La perméabilité du système éducatif vis-à-vis du football parait cependant faible, exception faite des lendits où la pratique du football n’est de toute façon pas dominante, et d’une influence anglaise, plus présente dans le domaine des loisirs éducatifs. Un certain nombre d’établissements publics (notamment le lycée de Tourcoing où Achille Beltette, professeur d’anglais, introduit la pratique du football association) mais surtout congréganistes finiront par initier leurs élèves à ces pratiques sportives importées, avant qu’elles ne soient tardivement officialisées21.

19Avant 1890, le Pas-de-Calais appartient à cette troisième sphère de diffusion où le football constitue une activité sportive de seconde zone, en face de jeux traditionnels, de sociétés de tir et de gymnastique qui demeurent des lieux stabilisés de sociabilité et de défoulement collectifs. Il faudra attendre le développement d’instances sportives nationales pour que le football nordiste entame sa deuxième phase, celle d’une extension structurée, accélérée par la naissance de l’USFSA (Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques).

20Le football association n’est donc pas encore cette religion laïque qu’il est devenu en Angleterre. Il suscite de la part des dirigeants des premières institutions sportives naissantes (notamment l’USFSA), un certain nombre de réserves qui lui font préférer le football-rugby : considérée à la fin du XIXe siècle comme le « cheval de Troie du professionnalisme », la pratique du football association dérogerait aux valeurs sportives originelles, fondées sur le strict respect d’un amateurisme intégral. Sa pratique s’intègre difficilement aux autres disciplines fédérées par l’USFSA, où les pratiques plus athlétiques demeurent en position de force. Cette hégémonie des gymnastiques et d’une éducation physique en voie de scolarisation, visible dans le département du Pas-de-Calais, relègue le football au rang d’une pratique exotique et accessoire... Ce « sport de paralytique », qui interdit l’usage des mains, finit cependant par s’imposer en 1893 au sein de l’USFSA, avec la mise en place d’un championnat interclubs de football association, indépendant de la commission de football rugby à partir de 1894. En 1897, tant à Paris qu’en province, une trentaine de clubs pratiquent le football association. Signe de son audience grandissante, il devient rapidement le lieu de rivalités entre associations et fédérations omnisports concurrentes. La multiplication des compétitions officielles accompagne la troisième phase d’un mouvement décrit par Alfred Wahl, celui de la création des clubs civils, qui achèvent d’ancrer le football, non seulement dans le siècle naissant, mais dans le paysage des pratiques sportives de l’époque. Timidement implanté dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais pour des raisons déjà évoquées, le football nordiste va connaître une période décisive, de 1895 (date de la fondation du Racing-Club de Roubaix) à 1914 : elle verra non seulement se fixer les premières formes de compétitions, mais également se fonder des clubs qui appartiennent aujourd’hui au patrimoine sportif de la région.

Notes de bas de page

1 Consulter : Mathieu (Daniel), Praicheux (Jean), Atlas des sports en France, Fayard/Reclus, 1987, 119 p. Une rapide esquisse d’une géographie régionale du football présente une intéressante étude qui analyse la répartition et l’implantation des clubs de football en Franche Comté : 25 % des communes possèdent un club de football, dont l’implantation est déterminée par le seuil de population : exceptionnelle pour les communes de moins de 200 habitants, systématique au delà des 1000 habitants, avec un taux de pénétration maximale pour les communes de 500 à 2000 habitants, où il semble que l’activité « football » constitue la seule activité de loisirs pour les jeunes des communes. Dans les zones plus urbanisées, ce taux de pénétration est soumis à une situation concurrentielle, résultant d’une gamme de loisirs plus étendue. Sur la géographie des sports, se reporter également à : Augustin (Jean Pierre), Sport, géographie et aménagement, Nathan Université, 1995, 254 p., Vigouroux (Michel) Dir., Atlas de France. Société et Culture, La Documentation Française/GIP Reclus, 1997, pp. 64-65 et 72. Ce dernier présente une remarquable cartographie des pratiques sportives, à partir de données statistiques, pour une vingtaine de fédérations sportives et de jeux traditionnels régionaux. Le classement des activités de chasse et de pêche au sein de disciplines sportives apparaît en revanche beaucoup plus discutable.

2 Se reporter à la carte : Géographie régionale et délimitation administrative des districts de la Ligue Nord – Pas-de-Calais de Football.

3 Sur les aspects démographiques régionaux, se reporter à Thumerelle (Pierre-Jean), Les pays du Nord. Cadre naturel, histoire, art, littérature, langue, économie, traditions populaires, Christine Bonneton Editeur, 1986, pp. 305-367. Consulter également, Atlas Nord – Pas-de-Calais, INSEE, 1995, 197 p.

4 Le nombre élevé de clubs dans le département (523) ne permet pas de les indiquer tous.

5 Le musée régional d’ethnologie de Béthune a initié un travail de recherches sur les phénomènes sociaux liés au football, plus particulièrement à travers l’univers de ses supporters. Consulter : Demazières (Didier), Dir., Le peuple des tribunes. Les supporters de football dans le Nord – Pas-de-Calais, Musée Régional d’Ethnologie de Béthune, 1998, 238 p.

6 En 1926, les Polonais représentent près de 20 % de la population totale de l’arrondissement de Béthune, et atteignent près de 45 % de la population dans les communes minières, et 70 à 80 % dans les rues des corons. La région regroupa ainsi près de 40 % des Polonais résidant en France.

7 Ponty (Janine), Les Polonais du Nord ou la mémoire des corons, Coll. Autrement, série Monde, mars 1995, p. 26 et suiv.

8 Les départements du Nord – Pas-de-Calais concentrent aujourd’hui l’essentiel des licenciés de jeu de paume (près de 3000 pratiquants pour moins de 600 licenciés). Se reporter à : Vigoureux (Michel) Dir., Atlas de France..., ibid., p. 74. Les jeux de ballon au poing et de longue paume sont exclusivement concentrés en Picardie. Consulter : Mathieu (Daniel), Praicheux (Jean), Sports en France, Fayard, 1987, p. 106.

9 Ceggara (Marie), « Les frontières de l’invisible. Jeux de balle et de ballon en Picardie ». In Le sport et ses espaces. XIXe/XXe, éditions du CTHS, 1998, pp. 139-144. Le passage des jeux traditionnels aux jeux modernes se traduit par un changement d’échelle et l’uniformisation des règles.

10 Sur les fêtes et phénomènes de sociabilité régionale, consulter le numéro spécial de la Revue du Nord, La fête au cœur : jeux, fêtes et sociabilité au pays des beffrois, n° 274, juillet/septembre 1987.

11 Se reporter à : Wahl (Alfred), Les archives du football. Sport et société en France (1880/90), Gallimard, Coll. Archives, pp. 19-36.

12 Consulter sur ce point l’article de : Porter (Roy), « Les Anglais et les loisirs », dans Corbin (Alain), Le temps des loisirs (1850/1960), Aubier, 1995, pp. 21-54. On pourra également se reporter à : Bedarida (François), La société anglaise du milieu du XIXe siècle à nos jours, Seuil, Coll. Points histoire, 1990, pp. 57-58.

13 Sur les transformations du paysage minier, consulter : Le Maner (Yves), Du coron à la cité. Un siècle d’habitat minier dans le Nord – Pas-de-Calais (1850/1950), Centre historique Minier de Lewarde, Coll. Mémoires de gaillette, n° 1, 1995, 117 p. Les différentes planches, plans et gravures qui jalonnent l’ouvrage ne font pas apparaître de terrains de sport et de football intégrés dans la conception des cités minières, avant 1914. Seule la cité Saint-Pierre, proche de la fosse n° 11, possède un terrain de sport annexé au groupe scolaire. La priorité de la Société des Mines de Lens est d’abord à l’aménagement des fameux jardins ouvriers, indispensable complément salarial et loisir hygiénique, favorisant la vie au grand air...

14 Sur l’histoire du football et ses origines, se reporter à Wahl (Alfred), La balle au pied. Histoire du football, Gallimard, Coll. Découvertes, 1990, pp. 11-29. Différentes dates repères jalonnent cette histoire, notamment sur le plan de l’évolution des règles du jeu : la période 1845/48 est essentielle, avec la suppression du « hacking », (qui consistait à donner des coups de pied dans les tibias des adversaires...), du croc en jambe, ainsi que l’usage des mains, qui provoqueront la scission de 1863 (Football Association contre Football/Rugby, qui devient en 1871 le « Rugby Football Union »). En 1848, le club de Cambridge définit les premières règles reprises par l’International Board en 1882 (délimitation du terrain et dimensions, largeur des buts, durée du jeu et nombre de joueurs autorisés, etc.). Parallèlement, les clubs de football se développent sur le territoire britannique, ainsi que les premières compétitions : coupe d’Angleterre à partir de 1871, premiers matchs internationaux la même année (Angleterre/Ecosse), apparition d’une possible typologie de clubs amateurs (fondés par les entreprises, les associations d’anciens élèves des public schools, les paroisses...) dont les joueurs accèdent au professionnalisme dès 1886, deux années avant la création du Championnat des clubs professionnels (« Football League Championship »).

15 A l’origine de la fondation du Havre Football Club, les révérends George Washington et Orlebar et FF. Langstaff, chef de la South Western Railway, exploitant la ligne la Havre/ Southampton. Les premières rencontres qui opposent la vingtaine de membres que compte le club, se déroulent lors de pauses-déjeuners le midi, sur un terrain vaguement aménagé en dehors de la ville. Forcément amateurs, l’argent des cotisations ou donations est consacré à acheter un équipement permettant de distinguer les deux équipes sur le terrain, où les règles pratiquées seront autant celles du football association que du football rugby. Le 18 novembre 1884, l’assemblée générale du club, devenu « Havre Athlétic Club » (société omnisports où l’on peu pratiquer le football, le rugby, mais aussi le cricket, le hockey, et le tennis) se prononce même pour la pratique de la « combination », éphémère variante qui ne résistera pas à l’adoption des règles du football association vers 1890. Sur l’histoire du HAC, se reporter à Wahl (Alfred), ibid., pp. 27-31. Et également : Frémont (Armand), La mémoire d’un port : le Havre, Arléa, 1997, pp. 177-196.

16 Se reporter à la carte : Influences anglaises et zones de pratique du football dans le Nord de la France (1880/1914).

17 Sur les activités artistiques et culturelles à Boulogne, de la Monarchie de juillet à la Belle Epoque, consulter : Lottin (Alain) Dir. Histoire de Boulogne-sur-Mer. « Loisirs et vie de l’esprit dans une cité balnéaire » (Chapitre XII), 1983, pp. 275-296. La consultation de la presse sportive locale (se reporter à la bibliographie) montre une réelle diversité des pratiques avant 1914 : L’Echo de Boulogne et du Littoral de la Manche, organe sportif, littéraire et humoristique contient les sous titres suivants, énumérant les disciplines qui feront l’objet d’articles : cyclisme, automobilisme, football, aviation, rowing, natation, sports athlétiques et escrime. Le football association semble donc absent et n’est mentionné que deux fois sur la période conservée (juillet/décembre 1910). En revanche, d’autres sports modernes ou pratiques parfois plus exotiques sont mentionnés : boxe, course à pied, tennis, aviation... patinage à roulettes et activités du Terrier Club du Boulonnais (courses de chiens ratiers). Archives Départementales du Pas-de-Calais, E 74.

18 Se reporter à : Vion (Albert), « Quelques aspects de l’influence anglaise sur les calaisiens au XIXe siècle », In Histoire des mentalités dans le Nord de la France, Actes du XVIIIe congrès de la fédération des Sociétés Savantes du Nord de la France, Commission Historique du Nord, Lille, 1979, pp. 101-110.

19 Cité par Demazières (Didier), Le peuple des tribunes, ibid., p. 28. Crée en 1895, le Racing-Club de Roubaix est un pur produit de ce que l’on appellera bientôt le paternalisme sportif. Il s’agit d’un club omnisports qui comprend une société d’athlétisme, de cricket et de lawn tennis. Le siège du club est installé dans une brasserie place de la gare, et le premier président du RCR, Henri Lesur, est directeur d’une retorderie à Roubaix. Léon Dubly, premier capitaine et secrétaire du club, appartient à l’une des grandes familles du textile de la cité.

20 Sur les bataillons scolaires dans le département du nord, consulter l’excellent article de : Marchand (Philippe), « Les petits soldats de demain. Les bataillons scolaires dans le département du Nord (1882/1914) », Revue du Nord, n° 266, juillet/septembre 1985, pp. 769-803. Sur la diffusion des activités physiques en France et la propagation de la gymnastique, consulter : Defrance (Jacques), L’excellence corporelle. La formation des activités physiques et sportives modernes (1770/1914), Presses Universitaires de Rennes, Coll. Cultures Corporelles, 1987, 207 p.

21 Achille Beltette, né en 1864, sera le premier président de l’US Tourcoing. Les établissements privés et congrégations de Fournes-en-Weppes, Avesnes-sur-Helpe, Marcq-en-Baroeul, Douai et Arras, développent la pratique du football et du hockey sur gazon, et organisent même des tournois inter-collèges. Les étudiants de l’institut Catholique des Arts et Métiers pratiquent le football à partir de 1895, au sein de l’Association Sportive des Etudiants de Lille. Cité par Demazières (Didier), Dir., ibid., p. 24.

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