À la recherche de nouveaux paradigmes politico-religieux : Hermann Hesse, Annette Kolb et Romain Rolland face à la Grande Guerre
p. 65-81
Texte intégral
1Dans les années précédant immédiatement 1914 eurent lieu en Allemagne des débats idéologiques qui firent certes apparaître des divergences quant à la nécessité d’un conflit armé, mais qui ne laissèrent planer aucun doute sur l’importance et les répercussions vitales pour l’Europe et en particulier pour la nation allemande qu’aurait une guerre à venir. L’analyse des préfigurations de la guerre dans l’Allemagne wilhelmienne l’indique clairement1. Cette conviction partagée de la gravité de l’enjeu contribue certainement à expliquer qu’un consensus se fût aussi rapidement dégagé, en Allemagne comme en France. "Burgfrieden" et "union sacrée" témoignent d’une adhésion des deux peuples, qui crurent, l’un à l’accomplissement du destin allemand, l’autre à une nouvelle guerre civilisatrice et libératrice à la française2.
2On peut ainsi comprendre que la prolongation indéfinie du conflit ait suscité chez bien des écrivains un sentiment de vacance politique et culturelle qui plaça les élites intellectuelles devant la responsabilité3 de combler le vide engendré par l’effondrement de plus en plus certain de l’ordre d’avant-guerre. Il s’agit alors de redonner un contenu à des notions qui se vidaient de leur sens, de redéfinir les valeurs occidentales, tant il est vrai que la réalité de la guerre mettait à mal aussi bien les fondements de la modernité issue des Lumières – (la fraternité, par exemple, n’avait pas le même sens pour les nationalistes ou pour les pacifistes) – que celles, héritières de l’irrationalisme, qui avaient rattaché le conflit à la mission protestataire allemande contre l’impérialisme latin et lui avaient donné la signification utopique d’un "Volkskrieg" civilisateur, tel que Adam Müller, par exemple, l’avait, en son temps, appelé de ses voeux.
3Les trois écrivains Hermann Hesse, Annette Kolb et Romain Rolland bénéficient tous trois de la même image d’européanistes convaincus engagés très tôt en faveur de la réconciliation entre les peuples des nations belligérantes et plus particulièrement entre les deux pays voisins : la France et l’Allemagne, dont l’antagonisme constituait l’une des données fondamentales de la situation politique avant l’ouverture des combats.
4Dans un récent ouvrage de synthèse sur les écrivains et l’idée d’Europe, Paul Michael Lützeler les désigne tous trois, et eux trois seuls, comme les représentants de la minorité des Européens aux opinions cosmopolites, dont les voix furent de plus en plus entendues, à mesure que la guerre se poursuivait4.
5L’un, Romain Rolland, était Français, l’autre, Hermann Hesse, Allemand, et la troisième, Annette Kolb, revendiquait elle-même sa binationalité franco-allemande : ces trois auteurs qui passent pour des pionniers de la réconciliation ont fait connaissance les uns avec les autres en février-mars 1915, les correspondances qu’ils échangèrent l’attestent5. En ce printemps 1915, leur situation est effectivement comparable : les points de vue qu’ils ont défendus se sont heurtés à une incompréhension quasi générale. Si Romain Rolland, en France, et Annette Kolb, en Allemagne, furent considérés par leurs compatriotes respectifs comme des renégats et des traîtres à la cause nationale, Hermann Hesse dut, quant à lui, subir des critiques qui vinrent aussi bien du camp belliciste, où on le traita notamment "d’apatride6" que du côté pacifiste.
6Dans leur réception, les positions prises individuellement par ces trois auteurs méritent effectivement d’être assimilées. L’animosité qu’elles soulevèrent favorisa sans aucun doute la sympathie qui caractérisa, à cette époque, les relations entre ces trois personnages.
7Cela dit, l’examen de leurs écrits amène à nuancer cette analogie et en particulier à isoler le cas de l’attitude de Hermann Hesse au moment du déclenchement des hostilités.
8Entre le 1er août et le 17 octobre 1914, Hermann Hesse rédigea quotidiennement un journal intime, dans lequel les réflexions que lui inspiraient les premiers événements de la Grande Guerre occupent une large place.
9Des extraits de ce journal furent publiés sous le titre Aus einem Tagebuch des Jahres 1914 pour la première fois en 1977, dans le recueil Politik des Gewissens consacré aux écrits de Hermann Hesse sur son temps dont ils forment la partie introductive. Cette publication, qui servit de corpus à des études sur les aspects politiques d’une oeuvre qui ne se revendique pas comme telle, est un choix de textes et plus précisément un choix d’extraits de textes. Ce cas particulier reflète d’ailleurs assez bien le problème de sources que l’on rencontre en étudiant l’oeuvre de Hermann Hesse. En l’absence d’une édition scientifique complète, historique et critique, et devant une multiplicité de publications partielles, notamment des textes autobiographiques et des correspondances, on est en effet contraint de se reporter aux manuscrits, lesquels ne sont actuellement pas tous accessibles. C’est par exemple le cas, pour la période de la Grande Guerre, des journaux intimes des années 1917 et 19187.
10S’agissant du journal rédigé de août à octobre 1914, la comparaison entre la partie publiée et la version originale conduit à nuancer fortement l’idée communément véhiculée dans la littérature spécialisée selon laquelle Hermann Hesse se rangea d’emblée dans le camp des opposants au conflit.
11Ce journal couvre en effet très exactement la période précédant la rédaction du célèbre article de Hermann Hesse : O Freunde, nicht diese Töne8 ! qui attira l’attention et l’approbation de Romain Rolland et légitima la présence de Hermann Hesse aux côtés, non pas des pacifistes intégraux, mais de ceux qui refusaient l’émergence d’un deuxième front : celui de la guerre des esprits et des cultures.
12Il ne me semble pas fortuit que la rédaction de ce journal introspectif ait précisément cessé au moment où son auteur rédigea sa première prise de position publique. Les réflexions qui accompagnent les premières semaines du conflit retracent en effet un cheminement menant à une prise de conscience au terme d’une évolution qui, considérée dans son ensemble, frappe par sa grande cohérence.
13Le soutien que Hermann Hesse apporta tout d’abord à la cause allemande – de façon nettement plus atténuée que nombre de ses compatriotes – participe d’une approbation du conflit que je qualifierais de providentialiste.
14Providentiel parut en effet à nombre de nationalistes allemands – et non des moindres – l’instant du déclenchement des hostilités, car ils pensèrent que l’heure avait sonné à laquelle l’Allemagne des penseurs et des poètes avait enfin rendez-vous avec celle de la tradition militaire prussienne. Tel est en effet le sens qu’il faut souvent accorder à l’allusion fréquente, sous la plume d’intellectuels allemands, à la notion irrationnelle de "destin" qui se serait accompli sur le front en 19149.
15Ainsi Hermann Hesse applaudit-il à plusieurs reprises dans son journal aux avancées allemandes. On le voit également souhaiter la défaite totale d’une France qui n’aurait, culturellement, rien à apporter à l’Europe10 et sous-estimer de façon manifeste les forces militaires franco-britanniques11.
16Les vertus pédagogiques prêtées à la guerre semblent même envahir la vie quotidienne de Hesse qui communique à l’un de ses fils12 l’ardeur guerrière qui est alors encore la sienne. Le journal inédit contient en date du Il septembre 1914 la remarque suivante :
Matinée au jardin. Buzi m’aide à sarcler et se met à détruire les différentes mauvaises herbes avec une ardeur redoublée dès lors que je les lui désigne du nom de Russes, de Serbes, de Belges etc...13
17Cet enthousiasme belliciste indéniable, surtout perceptible durant le mois de septembre, me paraît avoir une double origine : il s’agit en premier lieu d’un optimisme de type prophétique fondé sur l’idée d’une mission culturelle européenne propre à l’Allemagne, auquel s’adjoint une approbation vitaliste du phénomène de la guerre.
18La culture allemande est qualifiée "d’espoir de la culture européenne14", une victoire allemande serait un facteur de régénération des valeurs culturelles occidentales dont Hermann Hesse perçoit les signes de décadence. Mais ce qui caractérise en propre la vision de Hermann Hesse à cette époque et peut expliquer son évolution ultérieure, c’est que s’il adhère à l’idée d’une supériorité culturelle de l’Allemagne, celle-ci réside, selon lui, dans son caractère cosmopolite, dans sa grande ouverture aux cultures extérieures.
19La victoire allemande que Hesse appelle très fermement de ses voeux serait donc celle du cosmopolitisme. Il consigne dans son journal une anecdote significative : en septembre 1914, un jeune philologue allemand doit rendre des comptes à la justice du Deuxième Reich pour avoir édité la traduction d’une poésie en vieux-français. La remarque qui suit alors montre à quel point l’auteur croit sincèrement à la mission culturelle de l’Allemagne : C’est bien surtout ce genre de choses que la guerre doit définitivement chasser, écrit Hesse le 14 septembre 1914, sinon une victoire allemande ne servira à rien15.
20On ne s’étonnera point dès lors de le voir s’insurger un mois plus tard contre le boycott général des arts et lettres en provenance des pays ennemis dans son article : O Freunde, nicht diese Töne ! Le repli sur la culture nationale qu’il constate alors lui paraît en effet constituer bien plus qu’un dérapage : il vide totalement de son sens la mission allemande au sein de l’Europe, telle que Hermann Hesse l’avait entrevue dans sa légitimation de la guerre. Cette constatation servira de fil conducteur aux prises de position publiques ultérieures de Hermann Hesse et à son action de publiciste en faveur des prisonniers allemands.
21Sans être jamais un véritable éloge, l’approbation première de la guerre revêt sous la plume de Hermann Hesse un caractère vitaliste. En bon penseur de l’ère post-nietzschéenne, Hesse voit dans l’envoi des soldats au front une occasion exceptionnelle d’arracher l’homme de la rue à la médiocrité de sa vie quotidienne. La proximité permanente du danger aurait une valeur édifiante en permettant aux hommes de s’élever, de renforcer des potentialités non développées habituellement, telle le courage ; bref, pourrait-on dire, de surmonter "l’homme théorique".
22Cette vision, présente au début, survivra mal à la confrontation avec une partie de la réalité des combats. A cet égard, le voyage qu’effectua Hesse à Stuttgart du 2 au 12 octobre 1914 et dont la partie inédite de son journal conserve la trace détaillée, constitue un véritable tournant. Hesse rencontre des permissionnaires en Allemagne, rend visite à des soldats blessés dans des hôpitaux de fortune et ce spectacle lui est littéralement insupportable, provoque en lui une répulsion telle qu’il abandonne à la dernière minute le projet d’un voyage sur le front français.
23De ce fait, l’éventualité de sa propre incorporation dont les modalités ne sont pas encore définies rencontre chez lui un double écho : un très fort sens du devoir se mêle à un véritable effroi. Il lui en restera une grande admiration et une profonde compassion pour les appelés au front ainsi que la certitude que ces instants de danger sont propices à une réflexion existentielle profonde.
24Cette conviction guida son action publique lorsque, ayant finalement été réformé, il se consacra pleinement à l’aide aux prisonniers de guerre.
25Parmi les raisons qui expliquent l’évolution du regard de Hermann Hesse sur la guerre, il convient aussi de mentionner la véritable distance critique qu’il acquit en Suisse, où l’accès aux journaux de pays divers permettait, ainsi que ne manquait jamais de le souligner Romain Rolland16, d’accéder à une pluralité d’informations et de mesurer combien la presse des nations belligérantes était peu fiable17.
26La lecture de ce journal met donc en évidence qu’à l’optimisme défini plus haut comme une croyance à la supériorité culturelle allemande et aux devoirs qui en découlent succède très tôt chez Hermann Hesse une désillusion face au repli allemand sur la culture nationale.
27Sur le plan militaire, après l’échec rapide du plan Schlieffen qui prévoyait une victoire à l’ouest dès les premiers combats, la guerre, prévue pour être courte, s’installe à l’évidence dans la durée. Hermann Hesse continue alors, avec beaucoup de conséquence, à assigner à la littérature allemande la mission spécifique d’enrichir la culture européenne d’un apport cosmopolite, mais cette position le range à présent dans le camp des opposants à la politique du Reich. Il définira d’ailleurs lui-même plus tard la période de la Première Guerre mondiale comme celle d’un éveil vis-à-vis de la politique allemande18.
28Tout autre est le cas de Romain Rolland et d’Annette Kolb. Tous deux étaient déjà animés, bien avant la Grande Guerre, par cette croyance à la mission réconciliatrice de l’élite intellectuelle héritière d’une culture européenne supra-nationale dont chacun se réclamait. Illustrée dans Jean-Christophe, la certitude de la nécessaire complémentarité des nations constituait déjà un des thèmes dominants des écrits d’Annette Kolb qui ne manquait jamais de lier, dans cette optique, esthétique et politique.
29A partir de la fin de l’année 1914, les trois auteurs virent, de façon effectivement similaire, dans la diversité et l’échange d’intarissables sources créatives et dans le repli sur les valeurs nationales un risque d’appauvrissement et de dessèchement.
30Ils se firent donc un devoir de remettre au premier plan ce patrimoine commun afin de préparer un après-guerre dans lequel un petit nombre d’esprits habités par ce sentiment d’interdépendance culturelle montrerait aux peuples la voie de la réconciliation et de l’enrichissement mutuel.
31En janvier 1915, dans le célèbre discours qu’elle tenta de prononcer à Dresde sans pouvoir l’achever, tant la salle lui fut hostile, Annette Kolb définit cette lutte contre un nationalisme borné et finalement stérile comme une forme de patriotisme19. Ce sentiment de s’engager en définitive pour le bien de sa propre nation animait également Hesse et, dans une moindre mesure, Romain Rolland.
32On ne s’attardera pas sur la description des engagements de chacun : ces faits sont bien connus et ont été établis dans des travaux portant sur ces auteurs ou sur des revues auxquelles ils apportèrent leur contribution. Tous trois ne coopérèrent d’ailleurs directement que de façon tout à fait ponctuelle et occasionnelle.
33On peut dire que, globalement, ils s’employèrent – au delà d’actions caritatives et humanitaires – à imaginer et à préparer un après-guerre pour l’Europe occidentale. Ainsi leurs réflexions, consacrées moins à la guerre elle-même qu’à ses représentations dans la presse et dans la littérature, s’inscrivent-elles davantage dans l’histoire culturelle que dans l’histoire politique proprement dite.
34Dans ce cadre, la perception qu’ils eurent de l’Allemagne et de son rôle en Europe occupe une place prépondérante. Peu à peu émerge en effet l’idée que coexistent deux Allemagnes : l’une, à la fois bonne et authentique, héritière d’un cosmopolitisme dont Goethe apparaît comme la figure emblématique, provisoirement masquée par une mauvaise Allemagne qui occupait pendant la Grande Guerre le devant de la scène en faisant écran à l’autre.
35C’est sous la plume d’Annette Kolb que cette dichotomie s’exprime de la manière la plus nette. On peut notamment citer pour illustrer ce propos le retentissant article, intitulé Appel aux Allemands qu’elle publia dans le Journal de Genève en 1917 et dans lequel elle interpellait la "bonne" Allemagne ainsi : Allemands, c’est à vous que j’en appelle, levez-vous de la Bavière jusqu’à la mer Baltique contre les Boches ! C’est la lutte contre eux qu’il vous faut soutenir20 !
36Romain Rolland qui acquiesça chaleureusement à ces propos21 partageait également cette vision dualiste. Son Journal des années de guerre nous apprend en effet que les entretiens qu’il eut, grâce à l’entremise d’Annette Kolb, en 1916 avec l’universitaire munichois Friedrich Wilhelm Foerster contribuèrent à rallier Romain Rolland à cette vision binaire opposant les régions du Nord sous l’emprise du militarisme prussien à une Allemagne du Sud pacifiste et artiste. Je saisis maintenant, note Romain Rolland, un autre côté de la pensée de Foerster et de la meilleure Allemagne : c’est le vieux sentiment réveillé, jamais étouffé, d’hostilité de l’Allemagne du Sud, de l’Allemagne idéaliste et artiste, contre la domination de la Prusse22. On sait que cette distinction, qui oppose en même temps protestantisme et catholicisme, est un thème récurrent de l’oeuvre d’Annette Kolb.
37Ce partage, évidemment très réducteur, n’est pas opéré d’une manière aussi clair par l’écrivain alémanique Hermann Hesse, lié par ses racines protestantes au piétisme souabe.
38Le contraste que ce dernier introduit tend davantage à opposer le peuple allemand à l’État et à ses représentants. Il déclare en 1917 travailler pour une autre Allemagne, fondamentalement différente de l’Allemagne officielle23. Ainsi cherche-t-il à s’adresser aux meilleures forces populaires dont il s’agit de faire renaître les vertus, à commencer par la piété24, en leur demandant de renoncer à la grandeur d’opérette25, qui caractérise bien entendu le pouvoir wilhelmien.
39Les démarches de pensée des trois auteurs ont toutefois en commun la tentative d’apporter au problème des menaces que la Guerre fait peser sur les valeurs culturelles communes une solution faisant appel aux consciences individuelles.
40Cette tentative de moralisation de la politique se révélera être un échec, ainsi qu’en témoignent les amers constats effectués par les trois écrivains au moment de la conférence de paix de Versailles. On en trouve trace dans le Journal des Années de guerre de Romain Rolland comme dans celui publié par Annette Kolb sous le titre révélateur de Zarastro, Journal des déceptions. Quant à Hesse, il jeta rétrospectivement un regard désenchanté sur la fin de la guerre :
Dès lors que le bavardage insupportable des profiteurs de guerre qui touchaient des honoraires pour leurs écrits belliqueux prit fin, on attendit la voix de l’authentique esprit allemand. Elle ne s’éleva pas26.
41Hermann Hesse avait cru, au début de la guerre, que le dépassement du stade des cultures étroitement nationales se ferait au nom de la civilisation chrétienne occidentale27 à laquelle se réfèrent également les deux autres auteurs.
42Tous trois sont en effet, à des titres divers, des natures profondément religieuses. Mais on pourrait également dire que tous trois acceptent, ou tout au moins tiennent compte de la sentence de mort prononcée par Nietzsche à l’encontre d’un Dieu apportant la quiétude, un confort personnel et une sécurité morale.
43Dans les réflexions que leur inspirent les événements historiques, ces trois écrivains, qui refusent les certitudes apportées de l’extérieur, sont à la recherche d’une voie personnelle.
44En déplaçant la question de la légitimité de la guerre et du droit de sa représentation vers une problématique qui s’inscrit dans le futur, en cherchant comment créer les conditions d’une paix durable et féconde, en sécularisant, pourrait-on dire, la question chrétienne du salut, ils passent tous trois insensiblement de la réflexion politique à la réflexion religieuse.
45Le monde du sacré avait trouvé, dans une certaine mesure, sa consécration dans la guerre en venant renforcer la cohésion des nations aux prises les unes avec les autres dans une sorte de conscience nationale suprarationnelle qui devint le substrat de l’antagonisme. En se détournant de la guerre tout en voulant continuer à agir sur les événements, les trois auteurs se détournent aussi des mythes et des rites qui l’avaient sous-tendue et qu’ils dénoncèrent comme des phénomènes d’idolâtrie.
46S’il y eut, même furtivement, chez Hermann Hesse une sacralisation de la guerre au début, parce qu’il a pu penser qu’elle allait s’orienter vers un objectif salutaire en imposant la victoire d’une culture européenne, son renoncement à cette croyance en la possibilité d’une régénération culturelle d’une Europe germanocentrée l’obligea ensuite à chercher d’autres solutions pour surmonter le déclin dont la guerre paraissait signifier l’apogée28.
47Annette Kolb, Hermann Hesse et Romain Rolland sont, de manière différente, liés au christianisme par une religiosité fortement christocentrée. Tous trois furent fortement émus par le sort des soldats tués ou blessés. N’ayant pas épousé les causes de l’un ou l’autre des camps qui s’affrontent, ils vont chercher à donner un sens à la mort des soldats tombés au front : ces humains sacrifiés ne seraient-ils pas des martyres potentiels, en écho au sacrifice du Christ ? Les liens à la fois intimes et conflictuels des trois auteurs avec la religion chrétienne, instituée par le sacrifice de son fondateur incitent à penser que cette vision analogique entre le martyre du Christ et celui des soldats put présider aux préoccupations spirituelles qui se firent jour à ce moment.
48Les solutions qu’ils envisageront pour mettre fin aux querelles européennes vont différer, car elles seront sous-tendues par des attaches religieuses différentes.
49Hesse rappela en 1920 qu’il s’était étonné du silence des Chrétiens pendant la guerre29. Romain Rolland affirma de son côté : Cette guerre m’a éloigné pour toujours du christianisme, après avoir constaté qu’au sein des Èglises, aucune voix ne s’était élevée contre le conflit.
50Annette Kolb, en revanche, vit en la personne du Pape Benoît XV, dont le début du pontificat avait coïncidé avec l’ouverture des hostilités en 1914, l’archétype du bon berger et accusa le troupeau de se perdre par sa propre faute30.
51En fait, ils ne se référaient pas à la même expression du christianisme. Annette Kolb souligne l’attitude du pape qui a effectivement tenté de rester neutre et a multiplié les appels à la paix, alors que Hesse et surtout Romain Rolland font implicitement référence aux Églises Nationales des pays belligérants qui ont soutenu sans réserve l’effort de guerre. Faut-il rappeler que le chef de l’Église catholique aurait eu bien de la peine à soutenir l’un ou l’autre camp, puisque d’un côté se trouvaient 124 millions de catholiques et de l’autre 64 millions31 ?
52La notion de guerre juste ne pouvait en aucun cas caractériser ce conflit qui divisa la chrétienté européenne en en plaçant les membres dans des camps opposés. À l’heure où chrétiens allemands ou français imploraient la bénédiction du même Dieu sur leurs armes ennemies, Romain Rolland éprouvait de plus en plus le sentiment de la décadence des valeurs religieuses de l’Occident, sans cesser pour autant de se référer à la figure du Christ. Rappelant toujours avec force qu’il était chrétien de naissance, mais plus d’esprit, Romain Rolland s’opposa fréquemment par là à Annette Kolb qui puisait dans une foi certes antidogmatique mais associée à une grande fidélité à l’institution ecclésiastique catholique son inspiration politique.
53Elle ne manque jamais de souligner la nature supranationale du catholicisme romain face à un luthéranisme qu’elle accuse violemment d’avoir rompu l’unité du christianisme : Luther est qualifié sous sa plume "d’ancêtre de la guerre32". Cet attachement à l’Église romaine va de pair avec un occidentalisme prononcé.
54L’Europe future qu’Annette Kolb appelle de ses voeux rappelle en effet la période médiévale d’unité du christianisme occidental que la Réforme a brisée. Même si elle-même ne fait pas référence à Novalis, on ne peut que constater la parenté de pensée. Dans l’esprit d’Annette Kolb, l’année de naissance de l’Europe, c’est l’an 80033 et pour la Franco-Allemande qu’elle est, cette nostalgie de l’empire carolingien est évidemment celle d’une époque ou Français et Allemands ne formaient qu’un seul peuple34.
55Aux yeux de Romain Rolland, Annette Kolb passe d’un bipatriotisme qui reste une forme de nationalisme à un certain eurochauvinisme, qui la fera soutenir un peu plus tard les propositions paneuropéennes du comte Coudenhove-Kalergi. En fait, Annette Kolb n’était sans doute pas vraiment bipatriote comme le lui écrivit Romain Rolland ; elle demeurait en revanche profondément enracinée dans un occidentalisme un peu étroit dont elle opposait les valeurs à celles des peuples slaves tandis que Romain Rolland cherchait précisément, et cela dès 191635, à élargir son horizon d’Européen en s’intéressant d’abord à la culture et à la littérature russes puis aux civilisations orientales.
56Il n’en reste pas moins vrai que l’eurocentrisme d’Annette Kolb, largement expliqué par son catholicisme, contraste avec les préoccupations de Romain Rolland et de Hermann Hesse, qui, à partir de présuposés différents, tournent tous les deux leur regard vers l’espace extra-européen.
57On peut, je crois, raisonnablement émettre l’hypothèse que l’expérience de la Grande Guerre a poussé l’un et l’autre à chercher dans l’orientalisme un apport de valeurs nouvelles pour la vieille Europe en crise.
58Dans une lettre écrite à Annette Kolb en avril 1915, Romain Rolland évoquait le futur peuple européen unifié, tout petit d’abord, car constitué d’une élite morale, mais portant l’Arche de Dieu. En cette deuxième année de guerre, l’écrivain témoignait d’une vision encore optimiste et plaçait le combat commun des deux correspondants sous le signe de l’opposition entre le bien et le mal.
59Au fur et à mesure que son champ d’observation s’élargit, Romain Rolland donna à la notion de patrie un caractère plus général. Tout en restant profondément attaché à son origine nationale française et à ses racines provinciales bourguignonnes, c’est sur fond de genre humain qu’il envisagea désormais les rapports entre l’individu et l’État. Humaniste universaliste, il se définit lui-même de plus en plus comme un citoyen du monde et envisage la patrie idéale comme une communauté démocratique élargie à l’ensemble des peuples. Dès 1916 apparaissent nettement les divergences entre les conceptions de Romain Rolland et les réflexions d’Annette Kolb qui restent ancrées dans une conception quasi organiciste d’une communauté européenne qu’il s’agit de restaurer autour de la religion chrétienne.
60Après le retour de la paix, l’Europe reste aux yeux de Hermann Hesse le pays de la guerre. Dans la fable intitulée Der Europäer qui fut conçue en 1917, l’Européen n’est plus pour les habitants des autres continents que l’homme venu du pays de la guerre36. Le désenchantement qui s’exprime là avait été confié par Hermann Hesse à Romain Rolland à qui il écrivit :
Ma tentative de m’intéresser à la politique ne m’a pas réussi et "l’Europe" ne m’est pas un idéal – aussi longtemps que les hommes s’entretuent sous la direction de l’Europe, toute division entre les hommes m’est suspecte. Je ne crois pas à l’Europe, mais à l’humanité, seulement au royaume de l’âme sur terre, auquel tous les peuples ont part et dont c’est à l’Asie que nous sommes redevables des incarnations les plus nobles37.
61Comme on le sait, l’intérêt de Hermann Hesse pour l’Orient ne date pas de cette époque et l’on a maintes fois pu établir le rôle joué par les racines religieuses familiales de l’écrivain dans ce domaine. Les nombreuses études consacrées à cet aspect de son oeuvre, notamment celle de Gerhardt Mayer, montrent toutefois que la quête orientale de Hesse a changé de nature après la Première Guerre mondiale38.
62En Allemagne, c’est dans les années précédant la Grande Guerre que s’était manifesté un engouement pour les cultures asiatiques, sans doute rattaché en partie à l’héritage de la pensée schopenhauerienne mais aussi à celui du romantisme. La démarche de Romain Rolland et celle de Hermann Hesse ne s’inscrivaient pas dans ce cadre.
63En ce qui concerne Romain Rolland, il n’avait d’ailleurs vraisemblablement pas une connaissance approfondie de ce courant néoromantique. Jamais il ne présenta la culture indienne, à laquelle il s’intéressa surtout, dans un schéma antithétique simplificateur où s’opposent terme à terme des caractéristiques de psychologie des peuples telles que l’activisme occidental et la passivité orientale. C’est pourquoi il admira tant la personnalité de Gandhi qui alliait rebellion active et non-violence.
64Le combat non violent mené par le leader charismatique du mouvement d’indépendance de l’Inde lui sembla prouver que, quelque ascendant qu’ait jamais eu l’Occident, il le perdait devant ces foules en lutte, à la fois déterminées et pacifiques. C’est bien l’association de ces deux qualificatifs qui séduisit Romain Rolland, lui-même antibelliciste qui n’avait jamais cessé de combattre.
65De son côté, Hermann Hesse s’est élevé contre l’opinion qui faisait de l’orientalisme une mode : il s’opposa en particulier à Keyserling en lui reprochant de ne pas assigner de mission à l’Occident.
66Ni pour Hermann Hesse, ni pour Romain Rolland, l’orientalisme n’est en effet une fuite : comme le formule Rolland dans la préface à son Essai sur la mystique et l’action de l’Inde vivante : il n’apporte point aux lecteurs des raisons de fuir, mais de se trouver39.
67Bien entendu, tous deux ressentent une affinité pour ce qui, traditionnellement, attire les Occidentaux vers l’Orient : une atmosphère moins mercantile et moins rationaliste. Si Hermann Hesse remet en question le principe de causalité en opposant pensée et vie40, l’un comme l’autre sont en quête d’une synthèse possible, tout en cherchant, comme l’écrit Romain Rolland, à réconcilier raison et foi, qu’on attribue trop précipitamment la première à l’Occident, la seconde à l’Orient41.
68On peut donc observer qu’après avoir tenté, au moment du conflit, d’abolir les frontières tracées artificiellement entre les littératures des pays belligérants, ils sont enclins à professer un humanisme universaliste qui dépasse les frontières traditionnelles des religions. Ce propos de Romain Rolland l’atteste et marque le lien entre les considérations politiques et la réflexion religieuse :
Je n’ai pas besoin d’enfermer Dieu entre les frontières d’un homme privilégié : c’est encore, à mes yeux, une forme (qui s’ignore) de "nationalisme" de l’esprit ; et je ne l’accepte point.
69Forts du sentiment d’une cohésion ultime de toutes les cultures et de toutes les religions, ils sont l’un et l’autre à la recherche de l’unité humaine.
70Cette quête les conduit vers le postulat d’un principe d’immanence du divin42. A leurs yeux, l’unité du genre humain est assurée par un Dieu immanent à l’homme et, tout au moins pour Hermann Hesse, à la vie. On pourrait y voir une forme de panthéisme anthropocentrique, mais, pour les deux auteurs, on peut dire que cette foi en l’homme s’inscrit dans le cadre d’une philosophie du devenir43.
71La religion n’est, pour Romain Rolland, jamais une oeuvre accomplie et la profession religieuse ainsi que les rites qui s’attachent à toute pratique s’en trouvent disqualifiés. L’essentiel reste pour lui l’expérience personnelle du fait religieux et surtout la force créatrice qu’elle génère : il n’est de Dieu, écrit-il, que ce qui, dans l’homme et dans les hommes (...), est une naissance perpétuelle44.
72Quant à Hermann Hesse, cette quasi-abolition de la transcendance le conduit à une forme de personnalisme. C’est pourquoi il ne peut se contenter de substituer une religion orientale, comme le bouddhisme45, au christianisme.
73Il ne cessera de préconiser la quête de soi, c’est-à-dire une démarche qui, englobant et dépassant le savoir, ne peut se communiquer à autrui.
74Là s’arrêtent toutefois les points de convergence entre Hermann Hesse et Romain Rolland. Ce dernier, beaucoup plus porté vers l’action, cherche aussi en Inde, et en particulier auprès de Gandhi, une substance apte à nourrir de nouvelles formes de combat politique. Hermann Hesse, porté par la conviction vitaliste que seule la pensée produit des antinomies insolubles, telle celle du bien et du mal, rechercha, notamment dans la pensée chinoise, l’impossible union des contraires.
75La guerre a donc placé ces trois observateurs engagés devant le problème de la dualité du bien et du mal. Si la Grande Guerre parut signifier aux trois auteurs le déclin moral et culturel de l’Europe, cette commune constatation eut des répercussions différentes. Elle donna naissance dans la pensée politique d’Annette Kolb, qui reste attachée au catholicisme dans sa composante occidentale, à un aristocratisme humaniste, fondé sur la conviction que certains individus d’exception incarneraient le Bien46 et qu’il conviendrait de confier le pouvoir à cette petite élite morale.
76Romain Rolland et Hermann Hesse, quant à eux, sont amenés à redéfinir leur conception de Dieu et à conclure l’un et l’autre que le principe divin transcende le dualisme chrétien du bien et du mal. La traduction littéraire de cette découverte est, pour Hesse, le Dieu Abraxas de son roman Demian conçu en 1917.
77On peut postuler que cette conviction commune à Hesse et à Romain Rolland est à l’origine de leur intérêt pour les religions et les civilisations orientales dans lesquelles ils cherchent non pas un refuge mais des valeurs régénératrices pour l’Occident chrétien.
Notes de bas de page
1 Cf. Jost Dülffer : Préfigurations de la guerre en Allemagne avant 1914, in J.J. Becker et al., (éd.) : Guerres et Cultures, 1914-1918, Paris, 1994, p. 65 sqq.
2 La majorité des observateurs s’accordèrent ensuite à voir dans le conflit européen, puis mondial, une rupture historique si forte qu’elle allait marquer le début d’une ère nouvelle.
3 Ce terme est récurrent sous la plume de Thomas Mann.
4 Rolland, Hesse und Kolb dagegen vertraten die Minderheit der kosmopolitisch gesinnten Europäer, deren Stimmen im Verlauf des Krieges immer stärker beachtet wurden. In : P.M. Lützeler : Die Schriftsteller und Europa. Von der Romantik bis zur Gegenwart, Piper, Munich, 1992, p. 239.
5 Cf. P. Grappin (éd.) : D’une rive à l’autre. Hermann Hesse et Romain Rolland, Paris, 1972 ; A.M. Saint-Gille (éd.) : La vraie Patrie, c’est la Lumière. Annette Kolb et Romain Rolland, Bern, Francfort, Munich, 1994 ; Hermann Hesse : Briefe, Francfort, 1973-1986 et lettres inédites à Annette Kolb : Stadtbibliothek Munich, Fonds Annette Kolb.
6 Cf. Hermann Hesse : Politik des Gewissens, Francfort, 1981, p. 126 sqq.
7 Manuscrits détenus par le Deutsches Literaturarchiv, Marbach, sous le titre : Tagebuchartige Aufzeichnungen vom 01.08.1914 bis 11.10.1914, Fonds Hermann Hesse. Pour d’autres manuscrits, les ayant-droits ont obtenu la prolongation sine die de la période d’inaccessibilité au public dont il était prévu qu’elle se terminât en 1987.
8 Paru dans la Neue Zürcher Zeitung le 3.11.1914, mais rédigé à la mi-octobre.
9 Cette conviction qu’en 1914, l’esprit allemand et la réalité germanique se confondirent enfin, présida à la réponse que le disciple de Stefan George Karl Wolfskehl fit à la lettre ouverte adressée par Romain Rolland à G. Hauptmann, même si les lettres ultérieures attestent quelque peu l’évolution ultérieure de Wolfskehl. Cf. A.-M. Saint-Gille : La vraie patrie..., op. cit.
10 Cf. Hermann Hesse : Politik des Gewissens, op. cit., p. 20.
11 Cf. ibid., p. 25.
12 Buzi = Bruno Hesse.
13 Vormittag im Garten, Buzi hilft jäten und vernichtet die verschiedenen Unkräuter mit grösserem Eifer, nachdem ich sie ihm als Russen, Serben, Belgier etc bezeichnet habe. In Tagebuchartige...., op.cit.
14 Cf. Politik des Gewissens, op. cit., p. 22.
15 Diese Sachen vor allem müsste doch der Krieg ausblasen, sonst hilft kein deutscher Sieg. In Tagebuchartige..., op. cit.
16 Cf. lettre de Romain Rolland à Erna Grautoff, 04.04.1915, copie Fonds Romain Rolland, Bibliothèque Nationale de France, Paris : J’estime que votre mari a tort de s’enfermer à Berlin. (...) Il serait sain, moralement, pour les uns et les autres, de venir passer huit à quinze jours en Suisse, comme le font d’autres Allemands, comme l’a fait ces jours derniers Annette Kolb.
17 Hermann Hesse l’atteste dans Politik des Gewissens, op. cit., (p. 22) : il constate que, commentant les mêmes événements, les communiqués de presse, selon qu’ils émanent d’Autriche ou de Russie, donnent des informations opposées.
18 Cité par Maurice Colleville : Les idées politiques de H. Hesse in Un dialogue des Nations. Albert Fuchs zum 70. Geburtstag, Munich, Paris, 1967, p. 203-217. Um die deutsche Politik kümmere ich mich seit langer Zeit nicht mehr eingehend. Ich habe während des ersten Krieges das Wachwerden erlebt und die Konsequenzen daraus gezogen.
19 Cf. Annette Kolb : Briefe einer Deutsch-Französin, Berlin, 1916.
20 Annette Kolb : Appel aux "Allemands" in Journal de Genève, 5 avril 1917.
21 Sur l’approbation de Romain Rolland : cf. Anne-Marie Saint-Gille (éd.) : La vraie patrie, c’est la lumière... op. cit., p. 95.
22 Cf. Romain Rolland, Journal des Années de Guerre, Paris, 1952, p. 936.
23 Cf. lettre à M. Bucherer, 25.12.1917 in Hermann Hesse : Politik des Gewissens, p. 240-241.
24 Cf. Hermann Hesse : Zarathustras Wiederkehr, ibid., p. 318 : Ihr seid das frömmste Volk der Welt. Aber was für Götter hat eure Frömmigkeit sich erschaffen ! Kaiser und Unteroffiziere !
25 Ibid., p. 312 : Heisset ihr "Vaterland" (...) eure Opernherrlichkeit von vorgestern ?
26 Cf. ibid., p. 259.
27 Die letzte Konsequenz abendländisch-christlicher Gesittung : ibid., p. 46.
28 La période était propice. Qu’on voit, d’une manière générale, dans les guerres, ou bien un vaste carnage qui ramène l’individu en deçà de l’être humain civilisé, ou, à l’opposé, la libération d’une énergie sauvage, mais libératrice, habituellement refoulée par les sociétés policées, on est contraint de constater que ces périodes de rupture mobilisent intensément les esprits qui s’emploient à imaginer un monde à reconstruire.
29 Cf. Politik des Gewissens, op. cit., p. 388-389.
30 Ces prises de position furent violemment attaquées par Karl Kraus dans un article polémique haut en couleur paru dans Die Fackel, Vienne, 1916/1917, n° 418-422, p. 48-51.
31 Cf. Georges Minois : L’Église et la Guerre, Paris, 1994, p. 383.
32 Luther galt mir [...] als einer der Ahnherren des Krieges in Annette Kolb : Zarastro, Berlin, 1920, p. 154.
33 Cf. Annette Kolb : Kleine Fanfare, Berlin, 1930, p. 30.
34 Cf. ibid.
35 C’est l’analyse, tout à fait convaincante, que fait René Cheval, in Romain Rolland, l’Allemagne et la guerre, Paris, 1963.
36 Der Mann aus dem Kriegslande in Der Europäer, in Hermann Hesse : Gesammelte Werke, tome 6, p. 423 sqq.
37 in : Pierre Grappin (éd.) : D’une rive à l’autre..., op. cit., p. 46.
38 Face à la crise personnelle qui l’avait atteint lorsque son premier élan belliciste l’abandonna, alors que les textes évangéliques conservent un quasi-silence sur le problème de la guerre, si l’on excepte quelques affirmations contradictoires, Hermann Hesse trouva dans la Bhagavad Gîta l’exemple de l’attitude appropriée, qui associe un sens de l’obéissance au nom du devoir à un détachement spirituel en conseillant de ne pas renoncer à l’action, mais seulement aux bénéfices de cette action.
39 [n Romain Rolland : Essai sur la mystique et l’action de l’Inde vivante, Paris, 1929, tome I, p. 17.
40 Kausalität findet im Leben nirgends statt, nur im Denken, in Hermann Hesse, Nürnberger Reise, 1925, p. 9.
41 Cf. Romain Rolland : Essai sur la mystique et l’action de l’Inde vivante, op. cit.
42 Cf. ibid., p. 16.
43 Dans cet essai de Romain Rolland, l’image héraclitienne du fleuve est omniprésente.
44 Ibid., p. 15.
45 Cf. Siddharta.
46 Dans les écrits de guerre d’Annette Kolb, le Bien apparaît comme l’antonyme de la guerre.
Auteur
Université d’Artois
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