5. Recommandations
p. 51-60
Texte intégral
1Les membres de l’alliance Athéna ont écarté toute préconisation qui reviendrait à ne pas tenir compte du contexte de contrainte budgétaire actuel. Les recommandations développées ci-après nécessitent toutefois un effort financier de la part de l’État, en premier lieu en direction des doctorants en SHS et en second lieu en direction des écoles doctorales et des établissements.
Recommandation 1
Consolider et enrichir les dispositifs d’enquêtes sur les études doctorales et l’emploi des docteurs
2L’insertion après une formation doctorale est un processus complexe qui ne relève pas seulement de la qualité d’un dispositif de formation, il dépend aussi des changements à l’œuvre dans les mondes du travail. Depuis plusieurs années, une attention grandissante des acteurs de l’ESRI est portée sur le suivi de la destinée des docteurs. Ce suivi est délicat, d’autant que le parcours professionnel des jeunes scientifiques français ou étrangers n’est pas linéaire, il peut être instable ou fait d’allers et retours entre une insertion nationale et internationale.
3Le dispositif biennal d’observation développé récemment par le SIES (enquête IPDoc) constitue une avancée majeure qu’il convient de consolider et de compléter. Pour améliorer la pertinence des données, deux décisions devraient être prises : la première consistant à distinguer les doctorants en formation continue des doctorants en formation initiale, la deuxième visant le suivi spécifique des « post-docs » aujourd’hui impossible à repérer.
4Si les dispositifs d’enquête ont tendance à mieux s’aligner, notamment ceux du MESRI-SIES34 et du CEREQ35, il conviendrait d’améliorer l’accessibilité des données pour favoriser la production d’études spécifiques.
5Les données mises à disposition notamment par l’Association pour l’emploi des cadres (APEC)36, l’Association nationale de la recherche technique (ANRT), l’Association Bernard Gregory (ABG), les collèges doctoraux, les associations de docteurs, des structures privées telles le cabinet Adoc Talent Management recèlent de précieuses informations qu’il conviendrait, sur la base d’une nomenclature partagée, de croiser régulièrement. Ce travail mériterait d’être conduit pour l’ensemble des trois grands domaines de recherche et par grand domaine (SHS, biologie-santé, sciences de la matière).
6L’analyse du parcours d’un docteur en SHS pose de nombreuses questions comme celles du temps d’observation (un an, deux ans, trois ans, davantage), de la caractérisation des emplois occupés, du type de structures concernées (publiques ou privées). L’insertion peut légitimement être interrogée selon les disciplines, les établissements de formation, la reconnaissance des laboratoires fréquentés.
7Une observation précise est indispensable pour comprendre les processus d’insertion à l’œuvre et en améliorer l’efficacité.
MESURES
8Articuler les divers jeux de données sur le doctorat en créant des passerelles entre les différentes nomenclatures utilisées par les systèmes statistiques et croiser les données.
9Introduire la qualité de doctorant en formation continue.
10Promouvoir un observatoire du doctorat qui aurait vocation à suivre l’évolution de l’insertion des docteurs en France dans l’ensemble des mondes professionnels (y compris mondes académiques) et faire apparaître les tendances à l’œuvre par grand domaine disciplinaire.
11Rassembler les enquêtes qualitatives sur la situation des docteurs et des doctorants et sur les emplois proposés aux docteurs et les rendre accessibles sur le site de l’observatoire du doctorat.
Recommandation 2
Améliorer l’attractivité des études doctorales en SHS
12Si le nombre de thèses soutenues en SHS a eu tendance à se maintenir depuis dix ans (environ 5 000 par an) alors que le nombre de thèses a augmenté globalement dans le même temps (de plus de 13 000 par an à près de 15 000), l’origine du tassement des inscriptions, comme l’ont montré les données quantitatives et qualitatives rassemblées, est à chercher dans un ensemble de phénomènes de natures diverses : difficultés persistantes pour trouver des financements, manque d’initiatives prises pour financer de nouveaux doctorants étrangers (le faible nombre de bourses conduit les enseignants-chercheurs à privilégier leurs bons étudiants de master), limitation effective du nombre de doctorants par directeur de thèse, refus de certaines écoles doctorales d’accepter des thèses non financées.
13Au-delà de ces constats et de ces difficultés maintes fois mentionnées, plusieurs traits caractéristiques de la recherche en SHS peuvent expliquer le taux d’abandon plus élevé des études doctorales en SHS : manque de lieux de travail collectif, difficulté d’accéder à des infrastructures de recherche devenues indispensables aujourd’hui en SHS comme dans les autres sciences, faible prise en compte des situations de formation continue…
MESURES
14Poursuivre l’augmentation du nombre de contrats CIFRE en SHS en s’appuyant notamment sur le dispositif lancé par Hésam Université (1 000 docteurs pour les territoires) qui devra faire l’objet d’un suivi.
15Augmenter le nombre de thèses financées en SHS (sans diminuer le nombre de doctorants) et passer de 40 % de thèses financées à 80 % d’ici 2025 en formation initiale.
16Mettre en place systématiquement un encadrement et un accompagnement en rupture avec des logiques de travail solitaire au bénéfice d’un travail d’équipe notamment pour les doctorants en formation initiale.
17Faire des propositions concrètes pour les disciplines rares et les doctorats en art qui sont potentiellement source d’attractivité.
18Favoriser sur les campus la vie collective dédiée aux doctorants en aménageant des tiers lieux, des espaces de co-working afin de mettre fin à l’isolement fréquent des docteurs en SHS. Certaines pratiques pourraient essaimer comme celles mises en œuvre dans certaines Maisons des sciences de l’homme.
19Lancer des initiatives pour attirer des étudiants étrangers et financer leur doctorat.
20Faciliter l’accès des doctorants aux instruments de recherche des SHS (Très grandes infrastructures et infrastructures). Les MSH constituent une ressource précieuse en la matière qu’il conviendrait de mobiliser davantage.
21Concevoir des dispositifs de formation doctorale adaptés à un public de doctorants actifs (ressources accessibles à distance, rencontres virtuelles…).
Recommandation 3
Renforcer la professionnalisation des formations doctorales en SHS
22Diverses initiatives sont prises par les établissements pour renforcer la professionnalisation des formations doctorales. Elles reposent sur l’élaboration de nouveaux programmes de formation et, pour l’insertion des docteurs, sur la mise en relation de nombreux acteurs. Les associations d’anciens (qui sont moins actives en SHS et souvent plus centrées sur la question de l’insertion dans le monde professionnel de l’ESR) constituent de précieux soutiens. Elles peuvent participer à l’organisation de rencontres, de forums, de conférences pour mettre en valeur les qualités propres des doctorants ou faire connaître les recherches en cours.
23La recherche universitaire en SHS, caractérisée notamment par la faiblesse récurrente du nombre de personnels d’appui à la recherche, doit être soutenue pour être en mesure de multiplier ce type d’initiatives.
MESURES
24Encourager la mise en réseau des écoles doctorales pour faciliter les échanges de pratiques et la connaissance du milieu académique national et international.
25Augmenter le nombre de personnels d’appui à la recherche en SHS.
26Engager annuellement, avec les responsables d’écoles doctorales concernées et en coordination avec le département du HCERES chargé de l’évaluation des ED, une discussion construite autour des éléments de bilan produits par les comités de suivi individuel des doctorants en SHS. L’alliance Athéna, en collaboration avec la CPU, pourrait faciliter de telles rencontres.
27Soutenir plus activement les actions des associations de docteurs concernant l’insertion des docteurs en dehors du monde académique.
28Envisager, au niveau des sites, des formations « d’initiation à l’enseignement supérieur » pour les doctorants assumant des charges de cours.
29Soutenir la production à l’usage des doctorants de SHS d’un ensemble de méthodes et de techniques pour piloter une carrière, préciser et valoriser ses compétences en relation avec un projet professionnel.
Recommandation 4
Reconnaître le doctorat en formation continue
30Les études doctorales en SHS peuvent parfois correspondre à un prolongement de carrière ou à une volonté de réorientation professionnelle caractéristique d’une situation de formation continue. Il conviendrait a minima de tenir compte de ces situations pour opérer des comparaisons pertinentes entre les grands domaines scientifiques (SHS, biologie-santé, sciences de la matière) et d’étudier finement et accompagner ces parcours de formation tout au long de la vie.
MESURES
31Observer et analyser les trajectoires des docteurs SHS correspondant à des situations de formation tout au long de la vie.
32Explorer, au bénéfice des universités et des doctorants, la portée de la reconnaissance du doctorat comme diplôme de la formation continue.
Recommandation 5 :
Multiplier les échanges entre les doctorants et des employeurs potentiels des docteurs
33Si, pour la plupart des doctorants, la question de l’emploi est un sujet de préoccupation personnelle, pour les doctorants en SHS, plus majoritairement enclins à viser un poste à l’université ou dans des organismes de recherche publique, elle est devenue délicate à l’heure de la diminution des postes dans ces secteurs.
34Dans le monde de l’enseignement supérieur et la recherche publique, la gestion prévisionnelle des emplois étant plus un souhait qu’une réalité, les doctorants ont souvent une faible représentation des probabilités de recrutement qui caractérisent tel ou tel secteur. Un autre problème leur est posé avec la décision des politiques publiques d’orienter le soutien à la recherche vers des secteurs à « fort enjeux de société ». Les propositions de financement de thèses développant des approches pluridisciplinaires sur des sujets qui concernent l’environnement, la santé des populations, l’énergie etc., se multiplient alors que les recrutements restent largement dépendants des contextes disciplinaires.
35Par ailleurs, même si le nombre de postes de chercheurs SHS dans la recherche privée reste faible, la tendance est à l’augmentation et les occasions d’échanges entre ces milieux restent insuffisantes.
36Enfin, même si les relations entre le monde universitaire et les acteurs non académiques se sont développées en SHS ces deux dernières décennies, elles restent insuffisantes et devraient faire l’objet de nouvelles initiatives.
MESURES
37Affiner l’information sur les perspectives en matière d’emploi scientifique et la rendre accessible aux doctorants.
38Encourager le développement de formations doctorales interdisciplinaires associant compétences de haut niveau en SHS et connaissance approfondie d’un sujet donné sur le mode des « studies » et le lier à des créations de postes dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
39Imaginer plusieurs prix de thèses sur ces grands enjeux de société.
40Faciliter les échanges entre le réseau des ED en SHS et les organismes médiateurs aux marchés de l’emploi : APEC, AGRH, fédérations professionnelles type SYNTEC.
41Compléter avec le réseau des ED les compétences RNCP développées par les docteurs en SHS.
42Multiplier les rencontres entre chercheurs en SHS et entreprises associant des jeunes docteurs et des doctorants.
43Faciliter les rapprochements entre docteurs, doctorants et SATT.
44Soutenir la création d’un annuaire national des docteurs qui pourrait être initié à partir du dépôt national des thèses.
Notes de bas de page
34 SIES (2015), État de l’enseignement supérieur et de la recherche, MENSR, 8, Paris, Isabelle Kabla-Langlois.
35 Magali Jaoul-Grammare, Simon Macaire (coord), Étudier le devenir professionnel des docteurs groupe de travail sur l’enseignement supérieur, CEREQ, Échange 2 décembre 2016.
36 Les jeunes docteurs : profil, parcours, insertion, n°2015-12, janvier 2015, réalisé par l’Apec.
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