FOCUS : Patrimoine et territoire du sport
p. 141-143
Texte intégral
1La Maison méditerranéenne des sciences de l’homme d’Aix-en-Provence et la Maison des sciences de l’homme et de la société de Nice développent depuis 2017 un programme sur le patrimoine sportif régional. Si l’association du patrimoine et du sport peut encore susciter quelque étonnement, elle apparaît de plus en plus évidente sous l’effet d’une double évolution dans l’acceptation des termes. Le patrimoine, d’abord, ne se définit plus uniquement comme un héritage de temps très anciens, de haute valeur artistique, de dimension monumentale et souvent doté de fonctionnalités politiques ou religieuses. Des formes de patrimonialisation sont reconnues à des productions matérielles, mais aussi désormais immatérielles, aux usages inscrits dans la quotidienneté. Le sport n'est plus considéré sous le seul angle des pratiques physiques, mais se voit conférer une stature culturelle. On admet même l’existence d’une culture sportive, partie intégrante de la culture de masse qui se déploie tout au long du XXe siècle. Par son entrée au musée, le sport acquiert ses lettres de noblesse patrimoniale, allant jusqu’à disposer en France d’un musée national, installé à Nice depuis 2014.
2Les premiers chercheurs qui ont fait du patrimoine sportif un terrain d’étude ne pouvaient que faire le constat d’une vaste étendue à parcourir et des difficultés à en borner les limites. S’imposent les équipements sportifs bien sûr, d’une grande variété, mais aussi les objets de la pratique (les engins, les tenues, etc.) et du spectacle sportif (l’écharpe du supporter par exemple). S’ajoutent bien d’autres choses, comme les archives des diverses institutions publiques ou privées qui réglementent les pratiques ainsi que les productions médiatiques, littéraires ou encore artistiques qui nourrissent discours et représentations du fait sportif.
3À l’échelle régionale, dans le Sud-Est de la France, l’action menée associe « territoire et patrimoine du sport (TEPAS) ». Avec le soutien de la région Sud-Provence Alpes Côte d’Azur, et en partenariat avec diverses institutions patrimoniales (archives municipales et départementales, bibliothèques, musées, l’Institut national audiovisuel), il s’agit au travers d’une plateforme numérique de recenser, documenter, contextualiser, valoriser et rendre accessible le patrimoine sportif tout en proposant une réflexion sur la place de la culture sportive dans le processus de territorialisation. L’approche géolocalisée conduit donc à privilégier un patrimoine identifié dans l’espace, marqueur d’un territoire dont il constitue un « lieu de mémoire ».
4Les « grands » stades qui imposent leur stature dans le paysage urbain (Stade Vélodrome à Marseille, Stade du Ray à Nice, Stade Mayol à Toulon) figurent évidemment à l’inventaire, qui pour autant ne néglige pas les enceintes plus modestes (le Stade de la Roseraie à Carpentras par exemple) et celles qui ont connu une gloire passée (comme le Stade du Fort-Carré d’Antibes) et parfois oubliée (comme l’autodrome de Miramas). Les espaces naturels sont aussi à compter au rang du patrimoine sportif tant ils ont pu être modelés ou reconnus par les pratiques accueillies : les calanques de Marseille (l’escalade) le col du Turini (le rallye automobile), le Mont Ventoux (le cyclisme) pour ne donner que quelques exemples parmi les plus réputés. Le patrimoine sportif est aussi commémoratif, à l’instar de la statue à Marseille rendant hommage au grand champion d’athlétisme Jean Bouin, tombé au champ d’honneur en 1914.
5La démarche est résolument scientifique et interdisciplinaire, en mêlant en particulier histoire, ethnologie, anthropologie et sciences du sport. Elle s’appuie sur des recherches déjà menées ou en cours, tout en contribuant à en susciter de nouvelles notamment parmi les étudiants. Ce travail permet en outre de sensibiliser les milieux sportifs au patrimoine, sa conservation et sa valorisation. Il ouvre potentiellement aussi des perspectives de développent d’une offre de tourisme culturel envisagée avec des acteurs de la filière. Bien que solidement enraciné dans un terrain régional, le programme TEPAS se prête aux changements d’échelle et à l’ouverture vers de plus larges horizons que pourrait susciter la dynamique accompagnant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024.
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