FOCUS : À la MSH Paris Nord : faire de la musique avec l’électricité du corps, muscle et cerveau
p. 110-111
Texte intégral
1Depuis ses origines, la MSH Paris Nord développe un axe fort, celui des arts, des industries culturelles et de la création, en interaction avec son environnement académique et territorial. On connaît déjà l’art au service de « nouvelles écritures » et de « nouvelles médiations », l’art comme manière de faire symbole pour faire sens jusqu’à faire politique. En amont, on ne soulignera jamais assez combien la création artistique a un potentiel en tant qu’activité de recherche, en tant que moyen de faire et de partager de la connaissance sensible, en deçà des contraintes et des certitudes, pour ainsi dire des « incarcérations » catégorielles et disciplinaires.
2À la MSH Paris Nord, l’art ne relève pas seulement de l’observation d’objets d’études, dans des perspectives anthropologiques, sociologiques ou esthétiques. La pratique artistique expérimentale relève d’approches complexes et problématiques mêlant dans l’indiscipline pluridisciplinarité, transdisciplinarité, interdisciplinarité et intersectorialité entre les grands champs scientifiques, intégrant au passage l’intelligence industrielle.
3Je citerai pour exemple le projet Brain Body Digital Music Instruments1. Sur une durée de 48 mois, le projet vise trois objectifs majeurs :
- Faire de la musique avec l’électricité du corps, muscle et cerveau, c’est-à-dire hybrider les techniques EMG, électromyogrammes et EEG, électroencéphalogrammes, déjà utilisées en tant que technologies propriétaires dans le monde médical ou dans le jeu vidéo.
- Créer des prototypes instrumentaux dans un cadre de science ouverte (open source, open hardware), plutôt qu’au sein d’une économie du brevet.
- Par le moyen de la pratique et de la médiation artistique, développer une méthodologie centrée utilisateur incluant musiciens expérimentaux, enseignants et apprenants, grand public et public neurodiversifié.
4Ce projet est porté par la MSH Paris Nord et le CNRS, le Centre de recherche informatique et création musicale de l’Université de Paris 8 (CICM, UFR Arts), l’Institut du Cerveau (INSERM, traitement des signaux du cerveau), l’entreprise Soixante Circuits, chargée du design open source - open hardware des livrables du projet. La création musicale en collectif est au cœur du projet, convoquant le traitement de signal audionumérique, l’informatique, les neurosciences, l’intelligence artificielle, le design d’instrument et de code. La science et l’industrie ouvertes, l’économie du savoir commun, l’accès du grand public aux approches expérimentales musicales les plus avancées, le soin et la neurodiversité (intégration du public handicapé psychomoteur ou à spectre autistique) sont autant de perspectives constitutives du projet.
5Ateliers, workshop et concerts ponctuent le programme comme autant de situations d’étude d’utilisation mettant au centre l’expérience sensible de l’écoute à la fois singulière et collective et de l’engagement corporel par le jeu instrumental. Les résultats seront publiés au fil des conférences spécialisées dans les diverses disciplines concernées. Un programme réglé comme du papier à musique par un TRL (Technology Readiness Level), niveau de maturation technologique hérité de la NASA (faire voler la fusée), et dont nous allons parcourir des degrés pas à pas conformément aux demandes de l’ANR, en attendant qu’en toute indiscipline, nous inventions l’ARL, Art Readiness Level, niveau de maturation artistique, car au fond, toute démarche artistique est un projet de recherche : faire s’envoler les rêves…
Notes de bas de page
1 Projet ANR 21 CE 38BBDMI.
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