FOCUS : Apprendre à hésiter ensemble pour comprendre et agir : le Living Lab territorial pour la transition écologique.
p. 107-109
Texte intégral
1Le Living Lab territorial pour la transition écologique (LTTE) porté par la Maison des sciences de l’homme de Dijon est constitué d’un noyau dur de sept enseignants-chercheurs issus de plusieurs laboratoires en sciences humaines et sociales du campus dijonnais (économie territoriale, sociologie, aménagement et urbanisme, histoire des sciences et techniques, sciences de l’éducation et de la formation) ; un ingénieur d’études doctorant en sociologie en assure la coordination. Le LTTE est ouvert aux acteurs institutionnels, associatifs, et aux différents publics intéressés par les enjeux de la transition socio-écologique. Le terme living lab1 renvoie à une méthode de recherche qui vise le développement de nouveaux produits et services avec les usagers finaux dans des conditions réelles. Sans céder à la rhétorique managériale d’une innovation définie par une creative class (en d’autres termes, par une population urbaine, éduquée et connectée) qui réduirait l’écart entre recherche et mise en marché, nous en retenons essentiellement la dimension méthodologique. Celle-ci suppose d’organiser des collaborations entre des usagers, des chercheurs, des entreprises et/ou institutions publiques dans le but de définir et développer ensemble de nouveaux services, des biens publics et communautaires sans éluder la production de connaissances validées par les pairs.
2L’opérationnalisation de cette démarche scientifique consiste pour le LTTE à élaborer des espaces de problématisation fondés sur les « débats égaux » entre chercheurs et acteurs et qui supposent une manière d’hésiter ensemble vigilante aux effets des asymétries de formation et d’information. La problématisation suppose en effet une réduction de ces risques d’asymétrie par des ajustements réciproques entre intervenants pour lesquels le caractère convivial de l’enquête devient essentiel. Effectivement, le répertoire méthodologique du LTTE qui est composé d’ateliers participatifs, de focus groups, de brainstorming, d’entretiens collectifs et individuels, de cartes mentales, de films documentaires, de production d’objets et ustensiles de la vie, etc., est considéré comme une collection d’outils conviviaux2, en ce sens qu’ils deviennent habilitants et produisent des effets de collusion. De ce fait, ce répertoire méthodologique repose sur des conceptions, bricolages, ou modifications avec les partenaires pour croiser et partager les savoirs et les observations, et pour les rendre appropriables par ses usagers. Il est ainsi au service d’une enquête qui reconnaît la nécessité d’installer des ruptures cognitives et affectives pour permettre aux personnes et aux groupes sociaux de s’engager dans un processus d’émancipation sociale et culturelle indispensable à la construction d’un futur commun ouvert. Ainsi, chacun de ceux qui participent au LTTE, apportent leur part et reçoivent leur part3 dans les différents partenariats et programmes de recherche du LTTE : on citera notamment le programme « BFC en transition » sur les conditions d’essaimage des initiatives de transition écologique en partenariat avec la DREAL BFC ; l’ANR TETHYS sur la transition énergétique hydrogène ; le programme POPSU - Plateforme d’Observation des Politiques et Stratégies Urbaines -, branche « Territoires » sur la démocratie alimentaire à Tournus ; l’accompagnement du dispositif « Village du Futur » - une approche globale des problématiques de revitalisation et de dynamisation des villages ruraux en partenariat avec la région BFC - ; le programme PREFIGS (PRécarité Écologie Futur Imaginaires orGanisations Savoirs) financé par l’Ademe (l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) dans le cadre de l’appel à projets national « Transition écologique économique et sociale » qui propose, dans la perspective de profondes transformations socio-écologiques, d’imaginer la physionomie de certains territoires de Bourgogne-Franche-Comté dans vingt ans avec des habitants en situation de précarité.
Notes de bas de page
1 Phénomène initié à la fin des années 1990 au M.I.T. Media Lab, puis développé en Europe avec la création en 2006 d’un réseau européen des Living Labs (ENoLL).
2 Voir Illich, I., La Convivialité, Paris, Éditions du Seuil, (2014 [1973]).
3 Voir Zask, J., Participer. Essai sur les formes démocratiques de la participation, Lormont, Éditions Le Bord de l’eau, (2011).
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