1Face à la Pandémie de Covid 19, le CNRS et l’INSERM ont créé courant mars 2020 une Coordination HS3P-CriSE Crises sanitaires et environnementales - Humanités, sciences sociales, santé publique1, afin d’inscrire le travail sur cette thématique dans la longue durée. Ce dispositif s’est développé en lien avec les alliances Athéna et Aviesan, la Conférence des Présidents d’Université², l’Institut national d’études démographiques (Ined), l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), le Réseau national des Maisons des sciences de l’homme (notamment depuis « l’Appel de la Maison des sciences de l’homme Alpes » et la mobilisation du RnMSH qui l’a accompagnée³) et l’initiative du World Pandemic Research Network.

2Dans la lignée de la charte nationale fixant leurs objectifs et missions⁴, les MSH sont ainsi amenées à montrer leurs capacités à mobiliser des communautés de chercheurs issus de différentes disciplines, entraînant parfois avec eux des non-chercheurs, pour faire valoir leur capital de connaissance disponible et produire de nouveaux savoirs sur un sujet d’actualité demandant à être éclairé⁵. La compréhension de ces questions et problématiques de société implique des regards pluriels pour que celles-ci soient saisies dans leurs différentes formes et dynamiques en fonction des configurations appréhendées (personnes, groupes, organisations, institutions, territoires, pays…). Les MSH doivent donc concrètement œuvrer à pluraliser les expertises susceptibles de rendre compte de ces phénomènes. Elles organisent à cette fin des échanges et des collaborations rendant compte de trois niveaux d’hybridation qui se mêlent souvent et sont susceptibles d’assurer potentiellement des processus de transfert de connaissances⁶: hybridations au sein des SHS, entre SHS et autres sciences, entre SHS et « non-chercheurs » (décideurs, intervenants, usagers plus ou moins « organisés » collectivement et « institutionnalisés »).

La démarche de travail et le déploiement de compétences d’ingénierie pour favoriser l’interdisciplinarité et les échanges hybrides

3Grâce au soutien du MESR (ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) qui a permis le recrutement d’une ingénieure, le RnMSH a amplifié les initiatives de certaines MSH sur les thématiques liées à HS3P-CriSE en développant une démarche de travail et une méthodologie d’ingénierie pouvant se décliner sur d’autres sujets. Pratiquement, cela se concrétise par :

• La constitution d’une base de données (BDD) recensant actuellement plus de 730 projets à l’échelle nationale (projets en cours de montage, déjà montés - financés ou pas -, voire très récemment terminés) impliquant des SHS, toutes disciplines confondues (parfois en lien avec des disciplines hors SHS), sur la large thématique des crises sanitaires et environnementales. Ces projets sont menés majoritairement (à 80%) dans le périmètre des laboratoires rattachés aux MSH, qu’ils soient financés/appuyés ou pas par ces dernières : environ 35% portent sur les thématiques SHS & environnement, le reste recouvrant les thématiques SHS & Covid. Cette BDD s’alimente au fil de l’eau (notamment via un questionnaire⁷ en ligne du RnMSH).
• Des dizaines de mises en réseau opérées autour de « grappes thématiques de projets⁸» (par exemple : grappes « Pandémie & Travail », « Pandémie & vécu du Confinement », « Covid et masques », « SHS et Changement climatique »… ) contribuant à la visibilité des projets entre porteurs mais aussi au partage des besoins de collaborations interdisciplinaires à l’échelle intra ou inter-MSH, voire au niveau international (outil pour le support au montage de projets et l’identification d’expertises). Ces grappes thématiques sont diffusées via une mailing list regroupant plus de 700 chercheurs et institutions (majoritairement les porteurs des projets recensés mais aussi des partenaires travaillant sur ces thématiques – ANRS (Agence Nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales), HCSP (Haut Conseil de la Santé Publique), HCC (Haut Conseil pour le Climat), etc.).
• La diffusion mensuelle, via une newsletter, d’évènements recensés par les membres de la mailing list RnMSH autour de HS3P-CriSE (appels à projets, séminaires, colloques, webinaires...).
• L’organisation de rencontres scientifiques (colloque interdisciplinaire Progedo-RnMSH portant sur les impacts de la crise sanitaire, journée de réflexion sur les recherches interdisciplinaires concernant les thématiques de Transition écologique et changement climatique9…).
• Le financement de projets interdisciplinaires (6 via l’appel à manifestation d’intérêt lancé par le RnMSH en 2021).
• La diffusion d’une trentaine de webinaires interdisciplinaires organisés dans le cadre du cycle « les sciences à l’épreuve des crises sanitaires et environnementales » en lien avec les différentes MSH. Ces webinaires visent à favoriser la diffusion des connaissances scientifiques ainsi que les interfaces recherches/acteurs publics (notamment gestionnaires de l’environnement). Accessibles en direct, ils sont ensuite mis en libre-service sur la chaîne Canal-U du RnMSH¹⁰.

4Confrontés aux transformations affectant le monde de la recherche (informatisation de nombreuses pratiques, développement de la science ouverte, accroissement de la professionnalisation des métiers d’appui à la recherche¹¹, transformation des organisations…), les chercheurs trouvent ainsi, au sein du RnMSH, des possibilités de développer des liens entre chercheurs en SHS et des chercheurs d’autres disciplines, mais également avec des acteurs de la société civile.

5Le caractère national de la démarche, parce que portée par le RnMSH, a montré son intérêt. Tout en respectant et en se nourrissant des singularités des diverses MSH du territoire, cette dimension nationale permet d’appréhender une diversité de contextes des phénomènes étudiés donnant de la visibilité à différents points de vue experts pouvant ainsi potentiellement être mis en discussion, voire en confrontation et en débat. Ce fut par exemple le cas concernant les nombreuses études portant sur les conséquences du confinement. Une méthode et des compétences d’ingénierie qui nous semblent ainsi fort utiles à réinvestir et à faire évoluer dans le cadre du déploiement d’autres « Actions Scientifiques Thématiques Inter-MSH » en questionnant par là même les processus de mutualisation de ces méthodes et outils, en lien avec d’autres partenaires mobilisés sur des thématiques d’actualité. Se déploient d’ailleurs, depuis novembre 2022, au sein du RnMSH, des actions similaires autour de la thématique « Sports et Sociétés », afin de faire écho aux Jeux Olympiques et Paralympiques qui vont être organisés en France en 2024.