I. Un écosystème national de recherche jeune et fragile
p. 19-22
Texte intégral
1Il existe une tradition de recherche en sciences humaines et sociales sur le sport en France. Celle-ci émerge d’abord grâce à des pionniers, souvent en lien avec des approches historiques, puis se développe de façon plus collective et pluridisciplinaire en s’institutionnalisant dans les années 19801. Les deux dernières décennies du XXe siècle ont vu l’émergence d’unités de recherche développant des travaux empiriques dans le domaine, et la mise en place de programmes de recherche d’ampleur. Ces derniers ont permis la constitution de collectifs de chercheuses et de chercheurs plus ou moins expérimentés, impliquant souvent des doctorants. Dans la foulée, depuis le début du XXIe siècle, la production scientifique a connu un essor considérable. Quel panorama peut-on dresser aujourd’hui de ce sous-secteur spécifique de la recherche en sciences humaines et sociales ? À l’heure où, dans le contexte des JOP de Paris 2024, l’État invite à appréhender le sport comme un levier pour les politiques publiques, quelles sont les forces à disposition pour soutenir cette gageure ?
2La première partie de cet ouvrage vise non seulement à recenser ces forces, mais aussi à montrer la manière dont, à un an et demi des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, les acteurs concernés se sont spontanément organisés et mis en mouvement. Les forces en présence n’ont rien d’anecdotique. Non négligeables en volume, elles sont toutefois dispersées sur le territoire national et fragiles sur le plan institutionnel. À une quinzaine d’unités de recherche concentrant des ressources plus ou moins importantes – entre 8 et 30 enseignants-chercheurs titulaires –, toutes sous l’unique tutelle d’une université, s’ajoute ainsi une myriade de spécialistes plus ou moins isolés dans des laboratoires non spécialisés sur le sport et les activités physiques. Cet éparpillement et cette fragilité des structures de recherche se reporte logiquement sur les situations des doctorants et jeunes chercheuses et chercheurs qui y sont rattachés. Les obstacles qu’ils rencontrent durant leur thèse, en raison d’une certaine marginalité de leurs objets de recherche dans le monde académique, se doublent, une fois le doctorat obtenu, d’un manque de reconnaissance des savoirs et des compétences acquises dans les secteurs professionnels associés au sport et à l’activité physique. À la précarité des conditions dans lesquelles sont réalisées la plupart des thèses correspondent donc, une fois la thèse achevée, des difficultés d’insertion professionnelle au niveau de qualification atteint.
3La politique nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche fondée, depuis plus de quinze ans, sur l’autonomie des établissements et sur un pilotage national par les organismes de recherche – notamment par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), soit plus particulièrement l’InSHS dans le domaine des SHS – contribue à accroître les forces centrifuges faisant courir un risque de dilution aux communautés qui, à l’inverse, s’efforcent de préserver les liens nécessaires au maintien d’un écosystème national de recherche suffisamment dense pour maintenir une production scientifique de qualité. Depuis près de dix ans, les sociétés savantes en SHS du sport – plus ou moins focalisées sur des enjeux savants/disciplinaires ou sur des domaines d’application de la recherche sur le sport – se structurent en renforçant leurs collaborations. Lieux de rencontres, d’échanges, de transmission et de construction d’approches scientifiques partagées, elles sont à l’origine d’une dynamique de structuration nationale des SHS du sport.
4Partant du constat que le « sport », objet transversal et pluridisciplinaire s’il en est, n’émergera jamais seul comme objet central dans le cadre des politiques de l’enseignement supérieur et de la recherche mises en œuvre depuis deux décennies, ces sociétés savantes se sont donc mobilisées pour tenter d’impulser un élan de structuration. S’appuyant sur le diagnostic partagé d’une fragilité structurelle, cette mobilisation a abouti à la création de dispositifs de coordination nationale : un Réseau Thématique Pluridisciplinaire « Sports et Sociétés » au sein de l’InSHS (CNRS) et une action scientifique inter-MSH du même nom au sein du Réseau national des Maisons des sciences de l’homme (RnMSH). Conçue pour pallier des carences et angles morts collectivement identifiés, l’articulation de ces dispositifs propose un socle de structuration original mobilisant l’existant, avec ses fragilités et ses forces.
Notes de bas de page
1 Voir notamment Collinet, C., (dir.), (2003), La recherche en STAPS. PUF, coll. « Éducation et formation ».
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