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Face à la pandémie de Covid-19 : La mobilisation des MSH au sein du dispositif HS3P-CriSE
p. 197-203
Texte intégral
1Ce texte vise à rendre compte de l’implication des MSH dans le cadre d’une mobilisation plus globale des SHS que nous avons qualifiée d’ « extraordinaire » (Gaille et Terral, 2020)1. Nous soulignons ici combien les MSH ont pris toute leur place dans ce processus de mobilisation, comment elles ont cherché à accompagner l’action concertée HS3P-CriSE ; participant ainsi à produire et valoriser ce que nous nommerons le « capital des SHS ».
Les MSH mobilisent : de l’appel de la MSH-Alpes à la co-production d’un rapport
2Face à la pandémie de Covid-19, la mobilisation des SHS fut immédiate, importante et multiforme. Un des premiers témoignages visibles de cette dynamique s’inscrit précisément dans l’activité des MSH au travers de « l’Appel de la Maison de Sciences de l’Homme Alpes ». Luc Gwiazdzinski, géographe, a ainsi très tôt lancé un appel à constitution d’un collectif de travail interdisciplinaire en sciences humaines et sociales intitulé CODE-VIRUS (Coordination interDisciplinaire pour l’Étude de l’impact sociétal du CoronaVIRUS)2. Ce dernier a donné lieu à plus de 600 réponses de chercheuses et chercheurs, analysées par l’UMR Pacte.3 Ces réponses ont permis d’identifier des acteurs et des institutions désireux de s’emparer de questions de recherche concernant la pandémie, mais aussi des sujets et des problématiques de recherche précis.
3Cette matière a été mobilisée quand, dans le même temps, et dès le mois de mars, s’est mise en place une volonté des institutions et organismes de recherche d’accompagner cette dynamique en mobilisant notamment des appels à financement et des formes souples de coordination. Ainsi, le CNRS et l’INSERM ont créé courant mars 2020 une Coordination HS3P-CriSE Crises sanitaires et environnementales - Humanités, sciences sociales, santé publique4, positionnant son travail, par cette thématique, dans la longue durée. Cette coordination s’est développée en lien avec les alliances Athéna et Aviesan, la Conférence des Présidents d’Université, l’Institut national d’études démographiques (Ined), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), le Réseau national des MSH et l’initiative du World Pandemic Research Network.
Les MSH accompagnent : d’une coordination inter-MSH au recrutement d’une ingénieure dédiée
4Dans ce cadre, le Réseau national des MSH a mobilisé, via son directoire, trois MSH pilotes (Grenoble, Strasbourg, Toulouse) pour initier les contacts avec l’InSHS concernant ce dispositif HS3P-CriSE. Outre l’implication dans la production du rapport précédemment cité, plusieurs réunions ont rassemblé ces acteurs pour réfléchir au rôle que pourraient jouer les MSH dans l’accompagnement de cette coordination nationale. Ces dernières sont apparues comme une ressource-clé à la fois dans l’optique de susciter ou de renforcer les productions interdisciplinaires en SHS, mais aussi dans leur capacité à mailler l’ensemble du territoire national en termes de production scientifique. Dans ce souhait de pilotage souple et non exclusivement descendant des institutions, les MSH ont permis de faire valoir des dynamiques ascendantes en termes d’activités de recherche, au sein d’une même MSH, mais aussi dans un cadre inter-MSH du fait de l’existence du réseau.
5Plus concrètement, dès le printemps 2020, les MSH ont contribué à accompagner et à alimenter l’action HS3P-CriSE, via des enquêtes, des projets scientifiques, des wébinaires, la création d’observatoires… Cette participation des MSH à l’accompagnement de l’activité d’incubation de recherches interdisciplinaires en SHS (et potentiellement même au-delà des SHS) s’est vue stabilisée et renforcée par l’octroi d’un budget permettant au réseau de recruter une ingénieure de recherche dédiée à ce dispositif en septembre 2020.
Les MSH et leur capacité à produire et à valoriser le « capital scientifique » des SHS
6Tout au long de ce processus, les différentes parties prenantes ont conduit une réflexion sur ce que pourrait constituer un « capital scientifique » des recherches en SHS susceptible d’être mobilisé pour répondre aux enjeux de la période traversée. S’est notamment posée la question de la visibilité et de la lisibilité de ce capital SHS dans le débat public, ouvrant ainsi plus largement à la problématique du transfert de connaissance entre le monde de la recherche et les autres acteurs de la société. Ces interrogations étaient d’autant plus saillantes que la séquence politique traversée incitait les chercheurs et leurs institutions à éclairer la situation difficile que vivait le pays.
7Dans ce cadre, il nous semble qu’au moins deux regards peuvent être portés sur ce capital SHS que les MSH, comme d’autres, cherchent à promouvoir. Tout d’abord, l’enjeu de produire des synthèses des recherches en SHS afin de les rendre plus visibles ; ce qui implique de les faire valoir sur un mode plus collectif et collaboratif, et donc de mettre en avant les enjeux de l’interdisciplinarité. Répondre à une demande sociale et considérer un « fait social total »5 (Mauss) comme une situation pandémique, implique de rassembler, agréger, confronter les points de vue de différentes disciplines et paradigmes des SHS.
8Outre cette capitalisation par l’interdisciplinarité, soit la mise en commun de différents espaces (disciplinaires, paradigmatiques, thématiques, mais aussi territoriaux) des SHS, il est apparu qu’il fallait la penser également dans le temps. En effet, le capital des SHS ne renvoie pas seulement aux travaux de recherche concernant des enquêtes produites sur les séquences actuelles de la crise pandémique. Nous devons pouvoir faire valoir des informations importantes dans et depuis des travaux passés ayant permis de produire des connaissances sur les humains et les sociétés dont les activités expriment potentiellement des continuités, des similitudes mais aussi, bien sûr, des ruptures et des recompositions.
9Ce point, engageant une réflexion sur le rapport au temps de la production de connaissance, s’est avéré d’autant plus crucial qu’au-delà de la crise pandémique, certains parlent aujourd’hui d’une « infodémie »6, dont les SHS gagnent bien sûr à éclairer les ressorts. Celle-ci renverrait à l’activité des réseaux sociaux et de certains médias qui produisent une information en continu, censée éclairer une crise en train de se vivre, tout en produisant beaucoup de contre-information et d’ignorance. Il semble bien que rendre visible et lisible le capital scientifique des SHS passe alors par une certaine prudence et une réflexion accrue sur la problématique du transfert de connaissance, sur les espaces de la recherche et de la société qu’il cherche à connecter, mais aussi sur la temporalité nécessaire à la production de connaissances robustes.
Notes de bas de page
1 Rapport produit dans le cadre du dispositif HS3P-CriSE [https://www.hs3pe-crises.fr/actualites/cnrs/les-sciences-humaines-et-sociales-face-a-la-premiere-vague-de-la-pandemie-de-covid-19-enjeux-et-formes-de-la-recherche/].
2 https://www.msh-alpes.fr/actualites/appel-etude-limpact-societal-covid19
3 https://www.pacte-grenoble.fr/programmes/code-virus
4 https://www.hs3pe-crises.fr./
5 Marcel Mauss, « Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques », l’Année Sociologique, 1923.
6 Ce néologisme a notamment été mobilisé en février 2020 par Tedros Adhanom Ghebreyeus, le directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé.
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Mutations des sciences humaines et sociales
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