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« Vu d’ici ». Observations nord-américaines… et complices sur les MSH
p. 84-106
Texte intégral
1 Vu d’ici, le modèle proposé par la Maison des Sciences de l’Homme est toujours apparu comme le produit d’une utopie lumineuse. Une forme d’expérience sociale continue, consistant à mettre dans un espace réservé tout ce que les sciences sociales et humaines comptent de diversité ; forme d’arche de Noé réunissant un sujet de chaque espèce dans l’espoir que naisse de ce mélange une nouvelle compréhension de l’aventure humaine ; un nouveau savoir, sinon un nouveau départ. Le texte qui suit est fondé sur le regard complice qu’un nord-américain peut porter sur l’évolution du système de recherche en France et sur les défis qui se posent plus particulièrement aujourd’hui aux MSH. Or ces défis sont largement les mêmes que ceux qui se posent au monde universitaire québécois et canadien. J’en ferai donc ici une lecture transversale. Elle permet de faire l’inventaire des conditions de réalisation de la recherche contemporaine, notamment en regard des défis de l’interdisciplinarité dont il est souvent plus facile de parler quand on vient de loin.
De l’interdisciplinarité choisie à l’interdisciplinarité nécessaire
2La première Maison des Sciences de l’Homme apparait à une époque où, au sein des universités québécoises, les Facultés de sciences sociales se subdivisaient en autant de départements que de disciplines. Réunir ce que nous tentions de distinguer constituait un projet surprenant. Or cette remise en commun apparait aujourd’hui une nécessité. En contexte québécois où la subdivision des disciplines en unités académiques diverses est encore récente et n’a pas fait l’objet de grands conflits de territoire, cette réunification apparait parfois plus simple qu’en France, où les champs disciplinaires se sont ossifiés au cours des décennies qui nous séparent du XIXe siècle, au point de nécessiter une forme de fusion nucléaire.
3Rétrospectivement, il apparait cependant que les raisons qui ont justifié la création des premières Maisons des Sciences de l’Homme – la nécessité d’une appréhension globale des sociétés humaines défendue par Braudel – ne sont pas les mêmes que celles qui ont, beaucoup plus tard, favorisé leur multiplication, notamment la nécessité de relever des défis si lourds qu’ils ne peuvent plus être l’objet d’une seule discipline et l’importance de mettre fin à la dispersion de savoirs dont les porteurs luttent pour des ressources devenues rares, etc. Aussi, si les premières Maisons des Sciences de l’Homme sont le produit d’un projet intellectuel particulier, les suivantes trouvent leur justification dans tout un ensemble de considérations croisées 1: nécessité d’un rapprochement entre la science et la société, ajustement des structures de savoir aux impératifs de la régionalisation, solution à la dispersion des dispositifs d’enseignement et de recherche, création de structures bénéficiant de la masse critique nécessaire pour « compétitionner » sur le plan européen ou international, « urgence » d’un rapprochement des sciences sociales et humaines avec les sciences physiques et les sciences de la vie 2, développement de recherches dont la pertinence sociale est mieux assurée, imputabilité des milieux de la recherche à l’égard des instances qui la financent, passage d’une conception artisanale et individuelle du savoir vers une approche favorisant la conception de grandes entreprises de recherche, etc.
4Il arrive ainsi parfois que des raisons très diverses justifient qu’on pose le même geste. Il est cependant inévitable que ces programmes divergeant conduisent à la multiplication de « paradoxes » dont plusieurs observateurs témoignent 3. On se résout généralement à cette conclusion lorsqu’on ne parvient plus à faire la synthèse des termes apparemment opposés entre lesquels il faut passer.
5Cette complexité de références et d’objectifs est très bien mise en valeur par les glissements sémantiques dont on use pour rendre compte de la mission des Maisons des Sciences de l’Homme. Abordé par ses commencements, on parle de Maison, de programmes, d’architecture, de travail en collectif, de rencontre et d’échange, d’administration et de gestion, de documentation, de partage, de formation, de rayonnement, d’accueil, même 4. On renvoie plutôt aujourd’hui aux notions de stratégie de recherche, d’infrastructure, d’acteurs pivots, d’innovation, de production du savoir, de conformité à la règlementation, d’appel d’offre, de compétence gestionnaire, etc. La comparaison entre la simplicité de la Charte adoptée en 2006 et la complexité de celle de 2019 est révélatrice de ce que la mission des MSH s’est alourdie d’attentes diversifiées et parfois concurrentes 5.
6De même, le réseau des MSH s’étant ramifié, on doit, après avoir tenté d’unifier les disciplines au sein des MSH, unifier ces Maisons entre elles. C’est la fonction du Réseau.
7Toutes ces tendances sont également observables en Amérique du Nord où la relation historique constante entre le monde universitaire et le monde de la recherche simplifie en partie le problème de leur unité d’action. Nos centres de recherche sont pour l’essentiel rattachés à des structures d’enseignement établies. En France, la création des MSH, qui vise elle aussi à fédérer les acteurs de la recherche, a favorisé qu’on établisse cette coopération sur le principe de l’unité de lieu, une perspective qui explique l’importance qu’on y accorde aux dimensions organisationnelles, sinon architecturales de la coopération scientifique. Mais qu’elle qu’en soit la modalité, on parle toujours ici de proximité : proximité scientifique et proximité sociale (aujourd’hui rattachée à la régionalisation des activités de recherche des MSH).
Proximité et distanciation
8Or cette intuition (et cette approche) se trouve aujourd’hui mise en tension avec l’ambition de travaux susceptibles de mobiliser un nombre toujours plus important de chercheurs issus d’une diversité toujours plus grande de disciplines, issus d’un réseau toujours plus large d’institutions, rattachées elles-mêmes à des réseaux de recherche toujours plus étendus et internationalisés, mettant à contribution un nombre toujours plus conséquent de partenaires institutionnels, économiques et sociaux.
9On comprend immédiatement ici en quoi les principes de proximité se trouvent remis en question par le mouvement ambitieux de la recherche elle-même. L’idée d’équipes aux dimensions croissantes, aux horizons, aux pratiques et aux épistémologies différentes ne pose pas seulement le problème de leur montage, de leur composition et de leur mobilisation, mais surtout celui de leur coopération. Se trouve indirectement posée ici la question de l’unité de la connaissance qui sert implicitement de postulat à cette surenchère sur la diversité. On y rencontre l’ombre chinoise de l’homme universel auquel pourtant, plus personne ne croit. C’est donc au spectre de l’Unité des connaissances qu’est confronté aujourd’hui le monde de la recherche dans ses tentatives de se faire comprendre par les autres composantes du monde social. Leur compréhension intuitive du travail scientifique et leur inquiétude à l’égard de sa complexité conduisent à la définition d’attentes et d’exigences abstraites qui n’ont peut-être plus rien à voir avec celles de la recherche 6.
10Sans doute faut-il revenir plus simplement aux exigences de l’Interdisciplinarité, déjà inscrite au cœur du projet qui allait fonder les MSH, et qui constitue probablement sa raison d’être la plus actuelle. J’adhère ainsi aux questionnements de Jacques Commaille sur les fondements d’un régime de connaissance susceptible d’inspirer les chercheurs réunis au sein des Maisons des Sciences de l’Homme.
La fusion des savoirs et des chercheurs. Quelques conditions
11L’interdisciplinarité n’est pas une incantation. Pourtant, on l’évoque plus souvent qu’on ne la met directement en œuvre. L’une des difficultés posées par l’ambition interdisciplinaire n’est pas tant celle de la diversité des références : l’étude de l’évolution concurrente des disciplines rend compte – du moins dans le domaine des sciences humaines et sociales – de ce que, sur de très longues périodes, elles puisent aux mêmes intuitions générales, parfois au même registre conceptuel. La question est surtout de savoir dans quel espace cette coopération est envisageable : entre quelles disciplines et à quelle condition.
12Un premier écueil tient à notre propension à la réification des disciplines. Celles-ci cessent de constituer des murs infranchissables du moment qu’on aborde chaque discipline ou chaque concept comme une convention intellectuelle. Tocqueville, Marx ou Simmel étaient-ils plutôt sociologues que philosophes ? Et Weber était-il plutôt économiste ou sociologue ? La vérité… c’est qu’il était d’abord juriste. Personne ne s’en soucie. Chacun de ces précurseurs serait étonné de la surinterprétation qu’on a pu faire de leur œuvre.
13Certains des textes traitant de l’évolution des MSH renvoient dans des termes tout aussi évocateurs à la nécessité d’une forme de « dialogue » entre les disciplines. Mais c’est un raccourci douteux. Nous savons tous que les disciplines ne discutent pas entre elles, ce sont les chercheurs qui le font.
14Que devrait-il en être de l’interdisciplinarité au sein des MSH ? Lors de son passage aux États-Unis, un grand chef d’orchestre européen se voit poser la question : « Maître, comment voudriez-vous que nous jouions ?» Il répond simplement : « Jouez pour celui qui est à côté de vous ». S’agissant des Maisons des Sciences de l’Homme, cette réponse interroge directement la nature des relations entre les sciences humaines et sociales, qui devraient servir de banc d’essai. Quitte à aborder plus loin la nature des relations entre les SHS et les autres domaines de la connaissance : sciences physiques et sciences de la vie. Or, quels rapports entretiennent les chercheurs des sciences humaines et ceux des sciences sociales ? Le défi que pose cette relation est-il si difficile à relever ? Ces chemins de la connaissance ne sont-ils pas les uns et les autres déjà entremêlés ? Peut-on d’ailleurs les distinguer ?
Sciences sociales et humaines : un cas d’école ?
15En France comme sur le plan québécois (et canadien), les sciences sociales et humaines (souvent indifféremment désignées) sont considérées comme un ensemble de disciplines jumelles, que l’on tente plutôt d’associer que de différencier. Je prendrai appui sur l’exemple québécois que je connais mieux. Les organismes « subventionnaires » lient les sciences humaines et sociales sans autre considération. Le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada soutient ainsi les projets issus de tous ces horizons disciplinaires. C’est également le cas au Québec où le Fonds Recherche Québec Culture et Société se propose « de promouvoir et d’aider financièrement le développement de la recherche dans les domaines des sciences sociales et humaines, ainsi que dans ceux de l’éducation, de la gestion, des arts et des lettres ».
16C’est qu’aujourd’hui la différence entre sciences sociales et humaines ne va pas de soi. Sur le plan des structures universitaires, pourtant, il est arrivé qu’on les dissocie. Dans certaines universités7, la Faculté des sciences humaines regroupe les départements d’histoire, d’information et communication, de linguistique et traduction, de théâtre et cinéma, de littérature, et de Langues, alors que la Faculté de sciences sociales regroupe ceux d’anthropologie, d’économie, de psychologie, de relations industrielles, de sciences politiques, de sociologie et de service social. Cette subdivision n’a cependant rien d’universel. Dans une université aux dimensions comparables 8, la psychologie est associée aux sciences sociales alors que dans une autre 9, toutes les sciences sociales et humaines sont rattachées à la Faculty of Art et la psychologie à la Faculty of Science. Tout cela suggère des aménagements administratifs et des compromis institutionnels, la recherche d’un équilibre fondé sur le poids relatif des facultés ou sur le respect d’une longue tradition. Ainsi les Facultés de droit sont-elles presque toujours séparées des autres disciplines. Il en va de même des Facultés de philosophie (à l’Université Laval par exemple), encore que l’on classe de plus en plus souvent les philosophes du côté des sciences humaines (à l’Université de Montréal ou à l’UQAM) ou de la Faculté des Arts (l’Université d’Ottawa).
17Quoi qu’il en soit de ces arbitrages, la question est surtout de savoir si on peut séparer ce que la constante observation du monde nous a systématiquement forcés à réunir : l’homme est un animal social. Sur le plan épistémologique, les mêmes difficultés s’imposent d’ailleurs, quel que soit l’angle sous lequel elles sont abordées. Sauf peut-être dans le champ de la psychologie clinique, il s’agit de domaines du savoir où la recherche expérimentale est presque absente, où le chercheur n’a aucun contrôle sur l’objet qu’il étudie, où la généralisation à partir de l’étude de cas particuliers est toujours risquée et où le sujet étudié (l’humain ou la société) recompose constamment sa propre signification, sans que le chercheur y puisse rien, ce qui le place évidemment dans une situation différente de celle des sciences de la nature où le chercheur se penche au contraire sur un objet incapable de réflexivité. Les sciences sociales et humaines sont également globalement confrontées à la difficulté commune de comprendre, d’observer, d’analyser et de généraliser une connaissance satisfaisante – et jamais définitive – de l’humain ou de sa société.
18Une distinction, pourtant, peut être établie entre ces deux termes. Les SHS semblent en effet fondées sur des points de départ différents. Et si l’on entend absolument distinguer les sciences sociales des sciences humaines, on pourra dire des premières qu’elles abordent l’humain comme la partie d’un tout, et les secondes comme une essence. Et si certaines disciplines comme la psychologie logent au sein de multiples enseignes, c’est que les courants qui traversent la discipline s’opposent selon qu’on s’y penche sur la façon dont chaque individu résout ses dilemmes intérieurs (comme c’est le cas du Freudisme) ou intègre, par le biais de la socialisation, les paramètres de la vie en société, comme c’est le cas du behaviorisme. Exemple apparemment atypique donc, la psychologie conforte indirectement la distinction que l’on vient de proposer entre sciences de l’humain et sciences de la société.
Les sciences humaines dans l’idée que s’en font les sciences sociales
19Dans le regard du chercheur issu des sciences sociales, les sciences humaines se distinguent intuitivement par leur antériorité. On peut prétendre dans cette perspective qu’elles ont favorisé le développement des sciences sociales. On pense plus particulièrement ici au domaine de l’Histoire ou à celui de la Littérature, qui ont toujours constitué des espaces d’observation sociale. Notre curiosité pour l’histoire a elle-même précédé l’intérêt qu’on a pu porter à la société. Aussi n’est-ce pas par hasard si les premiers sociologues ont construit leur approche de la société dans une perspective socio-historique. Et si cette ambition a périodiquement été abandonnée, elle a marqué les propositions de Durkheim sur la division du travail social – elle-même au fondement du fonctionnalisme – et celles de Weber sur la place croissante de la rationalité au sein de la société occidentale, et sur le désenchantement du monde. Encore aujourd’hui, l’hypothèse d’une rupture entre modernité et postmodernité reprend l’idée d’une mutation plus ou moins rapide des rapports sociaux dont l’inspiration historique est évidente.
20Dans une perspective différente, au sein des universités anglo-saxonnes, on a plus souvent parlé d’Humanities que de sciences humaines. Le terme recouvre un corps de connaissances incluant globalement les langues modernes et anciennes, la littérature, la géographie, la religion, l’histoire, la musicologie et la philosophie ; tous ces domaines du savoir qui se sont développés au cours des siècles sans revendiquer toujours la reconnaissance d’une quelconque scientificité. Cet élargissement des références nous permet d’intégrer à la discussion l’influence de la philosophie sur l’évolution des sciences sociales.
21Mais ce qui nous intéresse ici tient moins à l’idée que la philosophie ait pu directement ou indirectement jeter les bases de toutes les disciplines « savantes » contemporaines, mais qu’elle partage encore aujourd’hui le même espace intellectuel 10.
22Il est vrai que les exigences de l’observation et de la mesure ont pu creuser un fossé difficile à franchir entre les diverses régions de ce monde commun. Au cours des quarante dernières années notamment, les chercheurs des sciences sociales ont investi une partie importante de leur énergie sur des questions de nature méthodologique, soucieux d’ancrer leurs travaux sur une base stable. Au-delà des grands débats qui, pendant une vingtaine d’années ont opposé qualitativistes et quantitativistes, un même souci de rigueur s’est imposé. Comprendre la société dans ses mouvements internes, étudier les relations de pouvoir, la mutation des références culturelles, ou la mutation des pratiques sociales exigeaient de la méthode et de la précision. L’évolution des conditions de financement de la recherche favorisa également cette montée vers l’empirie, qui a parfois ouvert la porte à l’instrumentalisation de la recherche, en même temps qu’elle menait à l’assèchement des perspectives de recherche et à l’appauvrissement du travail théorique. Ce rapetissement a parfois alimenté une forme de nostalgie à l’égard de la théorie générale, sinon de la grande théorie qui, par esprit de reconquête a pu conduire une partie des chercheurs des sciences sociales à réinvestir l’œuvre des pères fondateurs jusqu’à en faire une forme d’exégèse. Dans les deux cas, c’est la part de la créativité qui s’est rétrécie, disparue quelque part entre la description fine et la Révélation. Bref, entre deux certitudes. Il reste donc à chercher ailleurs la source de l’incertitude, et le goût du risque.
Les sciences humaines comme espace d’expérimentation intellectuelle ?
23Je crois que c’est cette part de créativité dont les sciences humaines (ou les Humanities comme on voudra) sont encore investies. Elles ont été en partie protégées de la fuite en avant dont les sciences sociales se sont plus facilement accommodées. Bien sûr, dans le domaine des lettres, on a parfois poussé l’analyse littéraire jusqu’à défigurer les œuvres qu’on prétendait analyser. La rectitude méthodologique poussée jusque dans ses limites n’est pas le propre des sciences sociales. En histoire, l’obsession des sources a pu mener à des travaux sans grand intérêt, faute de courage ou de sens de l’interprétation. Une partie de la philosophie s’est enfoncée dans l’érudition. Il demeure cependant que toutes ces disciplines ont de près ou de loin servi d’espace d’expérimentation intellectuelle et ont souvent eu un impact direct sur l’évolution des sciences sociales. Ainsi, le structuralisme a longtemps alimenté le programme de recherche théorique et empirique de nos disciplines alors qu’il puise ses origines dans la linguistique. Les travaux de Husserl sur la phénoménologie ont favorisé le développement du constructivisme en sociologie et du cognitivisme en psychologie. L’œuvre de Michel Foucault, dont le statut disciplinaire brouille volontairement les pistes, alimente presque tous les travaux de sociologie et de criminologie menés sur le thème de la domination. La théorie des communications (la cybernétique notamment) est venue alimenter la perspective systémique en sciences politiques et en sociologie. Montesquieu, souvent défini comme moraliste, a par la suite été considéré comme un des précurseurs de la science politique, sinon de la sociologie contemporaine. En philosophie morale, l’école du pragmatisme américain a permis que l’éthique soit étudiée comme le produit des interactions sociales plutôt que la conséquence obligée de principes abstraits.
24Une autre dimension des sciences humaines m’interpelle particulièrement : c’est leur maillage avec la création. C’est particulièrement le cas des études littéraires bien sûr, mais également de la linguistique, des communications, de la philosophie, de l’histoire, de la musicologie et même du cinéma. Je parle ici de ces domaines où le monde apparaît sous forme de noyaux, d’îles ou de principes disparates que l’on doit relier à l’aide de lignes pointillées. L’accès à ces réalités étant par définition imparfait, leurs contours et leurs relations floues, « on doit trafiquer quelque chose en attendant le jour qui vient ». Cette part de bricolage (d’évocation plutôt que d’affirmation) m’apparaît aujourd’hui indispensable au travail intellectuel et à une compréhension nouvelle de ce qui rend la société possible. Le refus d’une conception linéaire du monde suppose une part d’imaginaire. Il faut franchir à un certain moment cette ligne de risque, sans tomber dans la science-fiction. Je renvoie ici aux outils nécessaires à la compréhension des sociétés humaines contemporaines. Ceux dont nous disposons actuellement nous amènent systématiquement à conclure à la liquéfaction de nos sociétés. Une bonne partie des sciences sociales se confinent ainsi à l’étude de la marginalité. Nous devenons des anthropologues et des économistes de l’exception. Une part d’imagination est aujourd’hui nécessaire pour voir la société là où plus personne ne semble la trouver. Quelque chose nous échappe de la réalité symbolique du monde autant que de ses soubassements. Il nous faut tenter d’autres expériences intellectuelles, d’autres approches, qui comporteraient en plus des perspectives connues des dimensions éthiques et esthétiques. C’est la part que j’attends des sciences humaines.
Le besoin d’espaces intellectuels communs
25Il ne s’agit évidemment pas ici de confier en sous-traitance une part du travail qu’on attend normalement des sciences sociales. Travaillant depuis quelques décennies dans le domaine de la sociologie du droit, j’ai fini par comprendre que la lisibilité des lois exigerait la participation des littéraires, des graphistes, sinon des ergonomes de sites internet. Les palais de justice ne pourront pas être repensés sans la collaboration des sociologues et des juristes et sans l’intervention des architectes, des sémiologues, et des designers. Les problèmes de légitimité de l’État ou de crédibilité du pouvoir judiciaire sont eux-mêmes d’ordre éthique et esthétique, car leur reconnaissance n’a jamais été totalement fondée sur la contrainte, mais sur une conception assez abstraite qu’on entretient de la communauté politique qui est sa communauté de destin. C’est une question de politologue bien sûr, mais également de philosophe et, pourquoi pas, de psychologue. Il faut apprendre à les assoir autour de la même table à dessin. Encore ici, comprendre à frais nouveau comment la société fonctionne réellement. Les Maisons des Sciences de l’Homme ne doivent-elle pas prioritairement servir cette ambition ?
26Il s’agira du produit d’un travail commun. Une façon de reconduire la communauté des lettres – du moins celle des sciences sociales et humaines – dans sa fonction créatrice et interprétative. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un programme si nouveau. Après tout, on l’a vu, les idées, les concepts et les hypothèses ont toujours voyagé d’une discipline vers l’autre. Il s’agit plus simplement d’apprendre à provoquer les choses et à fonder nos rapports sur une conception moins canonique du savoir. C’est le lieu privilégié de cette créativité dont je parlais. On passera par la suite aux essais et aux erreurs, aux observations et aux mesures. La part de l’exigence scientifique n’y sera pas sacrifiée, mais simplement reportée, un peu plus loin.
27Ce rapprochement n’est que la suite d’un mouvement déjà amorcé. Après tout, les sciences de l’homme ont lentement pris acte de la socialité, à l’époque où les sciences sociales se penchaient elles-mêmes sur le thème du « sujet », de l’acteur, sinon de l’individualité. C’est le jeu des mouvements inversés. J’ai souvent pensé que les philosophes dont l’œuvre gardait leur pertinence après plusieurs siècles étaient d’abord et avant tout de judicieux observateurs du mouvement social. Les sciences sociales ne peuvent pas faire abstraction d’une certaine forme de transcendance sociale. Nous sommes donc très près les uns les autres.
Les SHS… Et les autres, alors ?
28« Et puis, il y a les autres ». Il était inévitable que, toujours poussé par le rêve d’une certaine unité des connaissances, l’appel à l’interdisciplinarité s’étende toujours plus loin. On y postule que l’inévitable mouvement des idées et du savoir entrainera la coopération entre scientifiques de tous les horizons disciplinaires. Si tel est le cas, comment les chercheurs des SHS peuvent-ils s’associer à ceux des sciences dures ? En contexte québécois, on parle souvent alors de recherche intersectorielle. Ces idéaux portent cependant avec eux des problèmes d’ordre proprement épistémologique.
29On peut caricaturer la relation entre les sciences sociales et humaines et les autres domaines de la connaissance (sciences physiques et sciences du vivant) en indiquant qu’elle est du même ordre que le rapport entre la direction et le mouvement, ou entre le sens et la motricité. On sait du moins qu’il est loin le temps de la « physique sociale ». On a indiqué plus haut que l’avantage des sciences exactes sur les sciences sociales et humaines vient en partie de ce que, dans un cas, il est possible d’établir des constantes, alors que dans l’autre, l’objet étudié change continument de forme, de direction et de signification : c’est le propre de l’humanité.
30Or, le doute est toujours fragile face à la certitude. C’est ce qui explique que, dans l’espace public, les idéologies l’emportent souvent sur la connaissance. Sur le plan de la coopération scientifique la distinction entre des certitudes au poids inégal conduit également à consolider le statut des sciences certaines sur celles qui, au contraire, ont vocation à sonder les incertitudes. Cette position avantageuse conduit inévitablement à la construction d’alliances où les SHS sont mises au service des autres disciplines ; généralement sous couvert de recherches sur l’innovation, entendue au sens technique du terme ; car on n’arrête pas le progrès. Les SHS sont inévitablement alors soumises à une certaine idée du changement. Dès lors, la question qui se pose est tout simplement celle de l’acceptabilité sociale de ces innovations. Tout projet mettant en relation les sciences sociales et humaines et les autres domaines de la connaissance perpétue la fable du Pot de terre et du Pot de fer. Bien sûr, on a souvent, par symétrie des formes, parlé d’innovation sociale, histoire de faire bonne mesure, mais on réduit alors à peu de chose la véritable question qui reste celle de la stabilité, de la construction et du changement social.
31On ne doit pas contourner ici un aspect important de la question : l’argent. La disproportion entre les budgets destinés aux sciences dures, à la technologie ou à la santé, avec ceux des SHS est si élevée aujourd’hui qu’il est inévitable qu’on soit tenté d’arrimer le wagon des sciences humaines et sociales à l’une ou l’autre de ces locomotives… simple question de calcul. La question est de savoir où les sciences humaines et sociales veulent véritablement aller, sinon elles iront là où elles acceptent qu’on les mène. Il y a peu d’endroits où le terme instrumentalisation trouve autant de sens.
32Osons tout de même demander à quelle condition un revirement d’initiative disciplinaire est possible. Le pivot de ce retournement se situe au niveau de la problématique de recherche, un concept qui échappe parfois aux chercheurs des autres domaines où l’évidence empirique réduit la sphère du questionnement. Or il se trouve que la vocation sociale de toute innovation est de faire l’objet d’une réappropriation sociale. Elle n’a autrement de sens que sur les écrans des ingénieurs et des « développeurs ». Ainsi, l’évolution d’Internet tient moins aux technologies qui supportent le Web qu’aux usages sociaux qu’on en a fait. Il s’ensuit que la plupart des thèmes de recherche appelant les sciences sociales et humaines à la rescousse de l’acceptabilité sociale pourraient tout aussi bien faire l’objet de projets initiés par les chercheurs des SHS. On tend alors toujours à répondre à la question des conditions qui rendent « la société possible » ou plus clairement encore, et dans une langue que tout décideur est en mesure de comprendre : dans quelle société voulons-nous vivre ? C’est là l’espace propre où les sciences de l’Homme peuvent être conçues comme « espace d’expérimentation intellectuelle », et élargies les conditions de la coopération interdisciplinaire en prenant l’initiative de ces rapprochements.
33En regard de l’évolution de notre rapport à la connaissance, la remise en cause de ce que certains appellent les Certitudes transcendantes, fait que la hiérarchie qu’on a pu tacitement établir entre les sciences exactes et les autres (forcément inexactes et partant puériles) n’a peut-être plus de sens. Il faut voir plus loin.
34D’ailleurs, sur le plan des données (sinon de « la mesure »), la constitution de plateformes communes ou de Très Grandes Infrastructures de Recherche (TGIR) trace la voie à de nouvelles modalités de coopération : Huma-Num, PROGEDO, etc. Ces plateformes, supportées ou hébergées par les MSH, permettent d’envisager la structuration de pratiques de collaboration étendues et la production de problématiques interdisciplinaires ambitieuses. Un avenir différent s’ouvre ainsi sur la collaboration scientifique, fondée cette fois sur le partage des données. Leur regroupement, leur traitement et leur exploitation commune, favorisent la naissance de travaux susceptibles de trouver appui sur des questions et des projets de recherche partagés.
Interdisciplinarité, une question de méthode ?
35Pour y parvenir, il faut reposer la question des procédés de mise en commun des connaissances et des approches. L’interdisciplinarité dont il est question ici n’est pas un idéal abstrait mais une méthode. D’ailleurs plusieurs de ces procédés sont signalés par les auteurs qui se sont penchés sur les stratégies de coopération observées au sein des Maisons de Sciences de l’Homme. On parle plus généralement ici de Programmes de recherche.
36En France comme ailleurs, leur conception tient cependant plus souvent du bricolage que de l’architecture. On cherche à unifier sur papier des travaux disparates et des chercheurs engagés dans des projets de recherche qui ne se recoupent pas. Au sein de chaque MSH, sinon au sein de leur Réseau, la construction des programmes de recherche ressemble ainsi souvent à un exercice de style. C’est également le cas au sein des grands centres de recherche nord-américains. On parle alors de Window dressing. Il s’agit essentiellement de décider ce qu’on met dans la vitrine du grand magasin de la recherche.
37Le développement de programmes de recherche thématiques est la stratégie la plus commode, parmi toutes celles qu’on trouve déployées dans nos domaines. Mais c’est généralement la plus pauvre. Évidemment, certains enjeux sont momentanément plus porteurs que d’autres. Dans le contexte canadien, ceux de la gouvernance, du pluralisme, de la vulnérabilité, de l’accès à la justice et de l’intégration sociale, sont parmi les thèmes de recherche les plus susceptibles de susciter l’adhésion des évaluateurs. Certains objets de recherche peuvent également servir de points de ralliement : la réalité autochtone, l’Intelligence artificielle, le changement climatique, la justice font partie de ces objets. Ils ne sont a priori rattachés à aucune discipline spécifique, mais ne garantissent pas pour autant une véritable intégration interdisciplinaire de la recherche. C’est le syndrome du sac de bonbons. C’est en définitive le sac plutôt que les caramels qui fait l’ensemble. L’un des risques de cette stratégie consiste à définir ces programmes de recherche en fonction des ressources du moment. Il s’agit de suivre l’argent. Mais c’est une porte ouverte vers la dispersion, la discontinuité et, à terme, la contractualisation pure et simple de la recherche.
38Il faut sans doute envisager de plus en plus de construire ces programmes de recherche sur l’étude des processus sociaux dont l’observation est susceptible de fédérer les chercheurs des sciences sociales et humaines puis, à nos conditions, ceux des autres domaines. On peut tenter de réunir les chercheurs autour d’un travail sur les concepts de référence, mais il faut alors distinguer ceux qui aident au déploiement de la pensée de ceux qui ferment la porte à la création d’autres explications, d’autres désignations ou d’autres connotations et rendent possible la production de connaissances différentes de celles qui ne font que valider ce que l’on sait déjà. Le travail sur les oppositions peut ici jouer un rôle intéressant. La mise en compétition des concepts et de leur force explicative (ou descriptive) offre alors un point de fuite devant le risque de réification du monde que fait toujours courir sa mise en boîte théorique.
39La plus fédératrice parmi ces modalités reste cependant la construction de programmes sur la base d’une ou plusieurs questions complémentaires ou successives. Cette approche par le questionnement évite la réduction de la recherche à des objets spécifiques prédéterminés, même si elle ne l’exclut pas. Elle ouvre la voie à une véritable discussion entre chercheurs d’horizons différents, tant au moment de la conception du programme qu’au cours de sa réalisation. Cette perspective est particulièrement en phase avec la tradition de la recherche francophone, alors que la recherche par objet ou par sujet est plus souvent caractéristique de la recherche de langue anglaise 11.
40On comprend que tous ces procédés présentent des forces et des limites. Il ne s’agit pas tant de stéréotyper les démarches conduisant à la conception de programmes de recherche interdisciplinaires nouveaux. Il ne s’agit cependant pas du seul défi posé à la recherche contemporaine. Se pose de plus en plus celui de la pertinence sociale de la recherche. L’histoire des MSH a fixé cet impératif dans la continuité de leur implantation régionale. Il faut savoir la conjuguer cependant avec les besoins de l’interdisciplinarité.
Ancrage, pertinence sociale, et recherche
41Parmi les exigences qui contraignent les MSH à plus d’agilité (parfois à plus de contorsions), s’impose leur implantation locale ou régionale. C’est le défi de la co-construction de la recherche en même temps que de sa pertinence. Cette nécessité n’est-elle pas susceptible d’entrer en tension avec les exigences des financements européens, conçus sur une toute autre échelle ? C’est tout le problème de la glocalisation12. Comment éviter la schizophrénie ? Cette question se pose également dans le contexte nord-américain où la recherche en partenariat est devenue la règle dans un très grand nombre de projets où chercheurs et acteurs doivent composer et où l’ambition intellectuelle doit pourtant néanmoins surprendre.
42Ces tensions mettent également à l’épreuve les exigences apparemment contraires de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée. Est-il possible de « parler des deux côtés de bouche » ? J’emploie volontairement ici une expression courante en contexte québécois, qui renvoie aux diverses formes de la duplicité. Il est difficile d’exiger de la recherche qu’elle réponde constamment à la question de l’heure. En effet, une caractéristique de l’action publique vient de ce que ses agendas évoluent à la vitesse de la conjoncture. Se trouvent alors tout à coup mis dos à dos, le calendrier de l’action (souvent tendu) et celui de la recherche (plutôt étendu).
43Il n’y a pas de solution absolue à ce dilemme, sauf dans la distinction entre l’objet et la question de recherche. Du moins, sur de très longues périodes, il est apparu que les questions, lorsqu’elles comportent une dimension de recherche fondamentale, survivent à leur objet d’origine, même prosaïquement défini. Sur le strict plan de l’analyse, les données de la recherche servent en effet tout aussi bien à répondre à des enjeux de recherche appliquée et d’action (qu’elles documentent) qu’aux impératifs de la recherche fondamentale, dont elles contribuent à valider les hypothèses générales et particulières. En effet, ce n’est pas tant le choix de l’objet (ou de la thématique) qui fait la recherche fondamentale ou appliquée, mais la question du chercheur. Nous savons tous que ce ne sont pas les matériaux recueillis qui déterminent la nature même de la recherche, mais leur exploitation. On revient alors aux fondements mêmes de l’activité scientifique. Il n’y pas de recherche s’il n’y a pas de question de recherche. Par extension, on comprend immédiatement que le contrôle de l’offre de recherche doit venir des chercheurs eux-mêmes. L’engagement très ancien de grands regroupements comme l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) en faveur du dialogue entre la science et la société a depuis longtemps permis de conclure que les acteurs de l’action publique n’ont qu’une idée imprécise de leurs besoins en matière de recherche, et que l’intéressement doit venir des équipes de recherche plus souvent que des élus.
44Je l’indique ici simplement pour montrer qu’il n’y a pas d’incompatibilité insurmontable entre les exigences de la recherche appliquée et celles de la recherche fondamentale, et que la coopération entre acteurs et chercheurs n’oblige par ces derniers à démissionner de l’ambition théorique et de la généralisation des conclusions de la recherche. Aussi, le grand écart annoncé entre les besoins de proximité et les exigences (européennes) de la distanciation et de la généralisation réside dans l’œil du chercheur.
Faire mieux ce qu’on peut faire en commun
45La notion de société du savoir proposée par l’Unesco est, au regard de sa portée, en voie de surpasser le concept d’économie du savoir, défendue par l’OCDE. On a fini par comprendre, apparemment, que certains impératifs transcendent les enjeux de la productivité et du rendement. Il en va de même de l’évolution technologique dont la destinée est fonction de sa réappropriation sinon de sa réinterprétation sociale.
46Nos catégories, nos modèles, nos hypothèses sont-ils encore en mesure de rendre compte d’une évolution des destinées personnelles, plus entremêlées que jamais à l’évolution sociale ? Ces deux expressions sont de plus en plus indistinctes, alors que la définition de soi se confond à mille interactions et à mille dépendances.
47Si nos origines disciplinaires nous ont appris à penser d’une façon organisée – car la cohérence de la pensée est une condition du travail intellectuel – tout cela doit servir maintenant à réfléchir hors des catégories et des hypothèses qui ont construit cette pensée. Non pas, contre les catégories apprises, mais à cause d’elles. L’ouverture des murs entre les sciences sociales et les sciences humaines est la condition première de ce redéploiement. Un espace doit être reconquis. Nous avons plus besoin que jamais d’un nouvel espace d’expérimentation intellectuelle, qui est l’espace de nos prochaines idées. Se trouve ainsi proposée une approche possible pour l’évolution des Maisons des Sciences de l’Homme. Il faut jouer « pour celui qui est juste à côté » dans une forme d’alliance nouvelle fondée sur la proximité intellectuelle et des modes de pensée.
48Sur un tout autre front, les enjeux contemporains, même régionaux ou locaux, sinon européens, viennent régulièrement justifier cette relation privilégiée. Elle est la condition d’une nouvelle initiative des SHS dans le champ plus large des autres domaines de la connaissance. Les chercheurs des sciences humaines et sociales sont au centre de ce qui fait société. Il faut passer du repli à l’initiative.
Notes de bas de page
1 Martine Bentaboulet, « Histoire d’une structure de la recherche : De la Maison au Réseau », dans Jacques Commaille (dir.), Avenir de la recherche et Maisons des sciences de l’Homme, Paris, Collection Athéna, 2019, p. 23-51.
2 https://www.senat.fr/rap/r15-742/r15-742.html.
3 Pierre Guibentif, « Les principes fondateurs du Réseau national des Maisons des Sciences de l’Homme, dans Jacques Commaille (dir.), Avenir de la recherche et Maisons des sciences de l’Homme, Paris, Collection Athéna, 2019,p. 53-101.
4 Brigitte Marin et Véronique Siron, Les sciences humaines dans leurs maisons, Fondation Maison des Sciences de l’Homme, Parenthèses, 2018, 177 pages.
5 « La politique des MSH est ainsi en mesure d’assumer ce qui peut sembler un paradoxe : celui de rencontre compatible à une forte implantation locale avec une ouverture internationale, dans le cadre d’une politique coordonnée au niveau national ». Tiré de Jacques Commaille, Pierre Rouillard et Serge Molikov, « La politique du Réseau national des Maisons des Sciences de l’Homme », dans Jacques Commaille (dir.), Avenir de la recherche et Maisons des sciences de l’Homme, Paris, Collection Athéna, 2019, p. 16.
6 De même, bien qu’il y ait peu de doute sur le caractère multidimensionnel des problèmes contemporains, on ne peut pas pour autant conclure que leur solution, elle, soit toujours de nature multidimensionnelle. Du moins cette question mérite-t-elle d’être posée. En effet, quel que soit le domaine de la connaissance auquel on s’attache, la solution aux problèmes posés se trouve rarement au niveau même où ces problèmes apparaissent.
7 À l’Université Laval par exemple.
8 À l’Université de Montréal.
9 À l’Université McGill.
10 Encore récemment, au Québec, un ouvrage sur la justice réunissait sans distinction sociologues, politologues, philosophes, psychologues, théoriciens de l’éducation et juristes, sans se soucier des appartenances disciplinaires. Je pense surtout pour ma part à la possibilité pour les sciences humaines (les Humanities) de servir de champ d’expérimentation pour les sciences sociales.
11 Ainsi, il est particulièrement intéressant de constater, en contexte canadien, que le Conseil de recherche en sciences sociales et humaines du Canada (plus influencé par la tradition anglo-saxonne de la recherche), exige du chercheur qui demande à être financé, qu’il explique d’abord et avant tout l’intérêt de son sujet de recherche là où le Fonds Recherche Québec pour la Société et la culture exige l’exposé d’une problématique.
12 La même question s’est posée au Réseau français des Instituts d’Études Avancées. Lire à ce propos : Jacques Commaille, « Les vertus du « glocalisme » dans la politique d’internationalisation de la recherche en sciences humaines et sociales », dans Perspectives, Journal du RFIEA, no 8, automne-hiver 2012, pp. 2 et 22.
Auteur
Politologue, professeur au Centre de recherche en droit public, université de Montréal.
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Avenir de la recherche et Maisons des sciences de l’Homme
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