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Entre recherche aux interfaces et ingénierie de la co-construction : les MSH au défi du participatif

p. 63-76


Texte intégral

1Sciences participatives, recherche collaborative, sciences citoyennes, recherche action ou interventionnelle, recherche embarquée ou impliquée, co-recherches, science ouverte : derrière ce foisonnement terminologique, se cachent des pratiques et des postures de recherche diverses et variées. Qu’elles soient à dominante diffusionniste, extractionniste, ou plus partenariale, toutes ont cependant en commun de se situer à l’interface entre le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur (ESR) et le reste de la société ; en tant que telles, elles ne manquent pas de questionner les MSH.

Des cadres sociaux et politiques de la recherche en évolution

2Le développement des pratiques participatives ou collaboratives associant acteurs académiques et non-académiques s’inscrit dans un monde social en mutation. La consolidation de ce qu’on identifie aujourd’hui comme une forme plus ou moins nouvelle de « société de la connaissance »1, autrement dit d’une société de plus en plus informée et au-delà de mieux en mieux formée – et pour partie composée de jeunes docteurs n’ayant pas trouvé à s’employer dans la recherche académique –, se traduit notamment par l’émergence de ce que certains qualifient de « tiers secteur scientifique »2 ou « tiers secteur de la recherche »3. Celui-ci regroupe des « activités de recherche, d’innovation et de production de savoirs et de connaissances du secteur non marchand (associations, syndicats, collectivités territoriales, etc.), du secteur marchand à but non lucratif (économie sociale et solidaire, groupements professionnels, etc.) et des organisations à but lucratif de petite taille (auto-entrepreneurs, groupements agricoles ou artisanaux, etc.) »4.

3La constitution et le dynamisme de ce tiers secteur de la recherche, de mieux en mieux organisé et documenté, interrogent profondément la place de la science en société, et ce sur plusieurs modes. Allant de l’appel à une plus large diffusion des connaissances scientifiques, et au-delà à une véritable co-construction des savoirs afin notamment de mieux documenter et outiller l’action politique, économique, sociale et culturelle, jusqu’à des formes plus revendicatives pointant une forme d’injustice épistémique ou questionnant a minima le (relatif) monopole de la recherche académique sur la production de connaissances scientifiques : les interrogations adressées au monde de l’ESR par ce « tiers secteur » reposent plus globalement sur un stimulant renouveau des questionnements ordonnant les relations entre recherche et action et entre savoirs « savants » et « profanes », dans un appel à une forme de partenariat renouvelé entre la recherche et le monde social dans lequel elle évolue.

4De leur côté, les cadres politiques et économiques de la recherche ont également beaucoup évolué depuis le dernier quart du XXe siècle et le passage à la recherche sur projet, encourageant globalement les approches interdisciplinaires et multisectorielles ainsi que les actions de transfert de la recherche vers la société5. Tout cela s’est traduit par une profonde réorganisation des cadres d’orientation, de pilotage et de financement de la recherche, contraignant notamment les chercheurs à justifier leurs recherches et leur utilité sociale auprès de leurs employeurs publics et autres bailleurs. Cette injonction larvée à l’utilité contribue désormais à orienter la plupart des projets de recherche dès leur conception, en ceci que les grilles d’évaluation des projets conditionnent dorénavant, pour partie, l’accès au financement à la mise en place de dispositifs de diffusion – visant à rendre les connaissances produites et les données les ayant nourries plus ouvertes et disponibles vis-à-vis des acteurs socio-économiques –, de valorisation – consistant essentiellement à rapprocher monde de la recherche et acteurs privés afin de favoriser les « processus de transformation de savoirs fondamentaux en nouveaux produits commercialisables »6 (brevets, expertise…) ou en innovations sociales et culturelles –, voire même de co-construction – invitant les chercheurs à co-construire directement leurs projets de recherche, soit avec des entreprises dans le cadre d’une recherche dite « partenariale »7 (comme, par exemple, celle menée au sein du LabCom DESTINS, qui unit la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société (MSHS) de l’Université de Poitiers et la société Ellyx dans un programme de recherche commun visant à structurer une nouvelle génération d’approches, de méthodes et d’outils au service de la transformation sociale et écologique), soit avec d’autres types d’acteurs (associations, collectivités…) dans le cadre de la recherche dite « participative » ou « collaborative »8. Au sujet de cette dernière, on peut à titre d’exemple évoquer le programme CO3 pour la « co-construction des connaissances pour la transition écologique et solidaire », dispositif expérimental national soutenu par cinq bailleurs de fonds (l’ADEME, la Fondation Charles Léopold Mayer, la Fondation Daniel et Nina Carasso, la Fondation de France et Agropolis Fondation), visant à promouvoir les recherches participatives et faire connaître la robustesse de leurs résultats, à capitaliser sur les méthodes et démarches de co-construction de la recherche entre acteurs de sphères différentes et, enfin, à diffuser plus largement les enseignements de ce type de recherche.

5Les services d’appui à la recherche ont pour partie suivi ces évolutions, avec notamment le développement, depuis les années 1980, de services de valorisation de la recherche, chargés globalement de mieux assurer « le couplage entre la sphère de la recherche publique et le monde économique »9, mais pouvant également « couvrir une réalité différente consistant dans le fait de mettre en valeur par des moyens autres qu’économiques, les résultats d’une recherche scientifique »10. C’est tout particulièrement le cas de la valorisation en sciences humaines et sociales, qui, outre les actions de transferts d’outils et de connaissances relevant de la propriété intellectuelle, invite à « sortir du carcan des activités conçues pour les Sciences de la Matière (dépôt de brevets, logiciels, etc.) »11. Elle considère comme étant de son ressort les actions de diffusion vers le grand public, la prestation d’expertise ainsi que plus largement les formes d’innovation décrites comme « spécifiques » aux SHS, à savoir l’innovation sociale, l’innovation culturelle et l’innovation d’usage12.

6Or cette valorisation non strictement marchande est fréquemment articulée à des dynamiques participatives, ce dont attestent les récents travaux du groupe de travail « valorisation » du Réseau national des MSH, relevant la montée en puissance, aux côtés des catégories « classiques » de valorisation, d’une catégorie opérationnelle si ce n’est nouvelle, à tout le moins bien repérée, impliquant, dès l’amorçage des projets, une logique collaborative voire partenariale faisant appel aux méthodologies de la recherche participative13.

Les MSH : des espaces privilégiés de co-construction des connaissances à l’interface entre les disciplines et entre sciences et société

7S’il est aujourd’hui évident que les dynamiques participatives de coproduction des savoirs intéressent et travaillent le monde de l’ESR – et en premier lieu les chercheurs eux-mêmes –, elles ne manquent pas de l’interroger, questionnant à nouveaux frais le principe fondateur de l’autonomie de la recherche par rapport aux affaires de la cité, et plus globalement les frontières entre des mondes différents et enchâssés, ceux de la recherche et de l’innovation, de la recherche et de l’expertise, de la recherche et de la militance. Si ces dynamiques sont de mieux en mieux appréhendées, balisées et documentées par la recherche, elles suscitent une multitude de questions épistémologiques et méthodologiques, déontologiques et éthiques, et même politiques et économiques. Portant la promesse de nouvelles formes de décloisonnement, de croisement et d’hybridation des savoirs, de démocratisation des connaissances et de formes plus équitables de distribution de l’innovation, elles suscitent également des craintes de dévalorisation de la science et/ou d’instrumentalisation de la recherche.

8D’où la nécessité d’espaces d’incubation à même d’accompagner les phases de co-construction de recherches dans lesquelles par principe, pour reprendre les mots d’Antoine Petit intervenant dans le cadre des Assises du tiers secteur de la recherche le 30 novembre 2020, « chacun apporte son expertise »14. Pour ce faire, il faut des espaces d’interconnaissance, du temps disponible, des méthodologies appropriables, des facilitateurs légitimes, autrement dit un cadre à même de garantir les conditions de possibilité de formes équitables et qualitatives de co-construction de recherches. Ces réflexions invitent à se pencher, à la fois épistémologiquement (à l’instar du GIS « Démocratie et participation » hébergé par la MSH Paris-Nord, de la Fondation Sciences Citoyennes, de l’association Natures Sciences Sociétés-Dialogues, des groupes de travail d’ALLISS, etc.) et politiquement (comme ce fut le cas lors de la séquence « Perspectives institutionnelles et politiques » des Assises du tiers secteur de la recherche qui se sont tenues le 30 novembre 2020), sur les nouvelles formes de contrat à construire entre recherche et société, mais aussi à les explorer de manière concrète et pratique.

9Les MSH ont préfiguré à partir des années 2000 « les évolutions de la recherche en sciences humaines et sociales »15. Aux avant-postes « de la logique de projets », elles participent depuis « à l’émergence de nouveaux outils pour la recherche et encourag[ent] la pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité au bénéfice de démarches novatrices de recherche »16 ; elles constituent également « un cadre institutionnel favorable » à même d’enraciner la recherche « dans les enjeux sociaux-culturels et économiques contemporains »17. Unités d’appui et de recherche, elles permettent ainsi de travailler, sur le fond comme sur la forme, la question de la recherche aux interfaces. Leur rôle moteur en matière d’interdisciplinarisation des démarches de recherche, à l’articulation entre « SHS, sciences de la vie et de la santé, sciences de la nature et sciences de l’environnement, sciences physiques et de l’ingénieur »18, a permis notamment d’expérimenter la nécessité d’« incuber »19 les processus de recherche collaborative associant ces différentes sciences, évoluant dans des registres de discours et de pratiques souvent très hétérogènes, et qu’il faut cependant conduire, en amont du dépôt d’un projet, à co-construire un questionnement et des problématiques partagées ainsi qu’un système de coopération efficace et équitable. L’expérience a enseigné à l’auteur de cet article20 qu’il s’agit là de l’un des marqueurs les plus essentiels de la plus-value MSH : permettre et accompagner la mise en interdisciplinarité d’un questionnement, l’étude d’une « chose » commune et des différents « objets » qu’elle induit dans les différentes disciplines mobilisées21, en évitant les effets de subordination d’une discipline à une autre ; en limitant – ou a minima en explicitant – la réduction de telle ou telle discipline au statut de science auxiliaire (par exemple dans le cadre de projets mobilisant les SHS dans une posture de gardiennes de l’éthique ou de garantes de l’acceptabilité sociale de telle ou telle innovation) ; en se posant plus globalement comme médiatrices entre les différentes sciences (par exemple en explicitant auprès des sciences du vivant et de la matière, souvent démunies face aux paramètres humains et sociaux étrangers à leurs constructions épistémologiques et méthodologiques, les modes d’objectivation propres aux SHS) ; en accompagnant enfin les transformations produites par l’échange interdisciplinaire dans les différentes disciplines et champs scientifiques mobilisés (par exemple sur la question du tournant « matériel » que le dialogue avec les sciences du vivant, de la matière ou de l’ingénieur, invite à prendre).

10Ainsi compris, la démarche et les outils mobilisés dans les projets interdisciplinaires relèvent in fine d’une forme d’accueil et de gestion de l’altérité ; de ce fait, ils sont fondamentalement proches de ceux se situant à l’interface entre recherche et porteurs de « demandes sociales »22 de recherche, faisant essentiellement appel à des compétences que nous qualifierons d’« intermédiation »23. Dans l’incubation de recherches entre disciplines différentes et/ou entre ESR et action de terrain, il s’agit en effet d’abord de comprendre les différents enjeux à l’œuvre, pour chacun des acteurs, et de les socialiser au sein d’un protocole commun de travail de manière à valoriser les apports d’une discipline ou d’une catégorie de savoir vers une autre.

11Ce travail fait appel à différents domaines de compétences dans les MSH qui, à l’interface entre « politiques de site » et « politiques européennes et nationales de soutien aux projets interdisciplinaires »24, disposent d’une connaissance relativement fine du territoire et de ses acteurs politiques, sociaux et économiques, mais aussi du monde de la recherche dans son ensemble, de ses modes de pilotage et d’organisation jusqu’aux questions d’ordre plus épistémologique, ordonnant le périmètre, les domaines d’objet et les corpus méthodologiques de chaque discipline. Dans l’accompagnement de projets de recherche « aux interfaces », il s’agit également de repérer les différentes ressources et compétences nécessaires afin d’initier le projet, et plus encore de mettre en relation ses différents animateurs, chercheurs de différentes disciplines et acteurs de terrain, via la constitution et l’entretien de cartographies et de réseaux d’acteurs. En la matière, les MSH peuvent compter sur la bonne connaissance qu’elles ont généralement développée de leurs divers sites de recherche, via leur inscription au cœur des politiques de site25, de même que sur leur structuration en Réseau national et leurs capacités d’ouverture à l’international. Ce travail d’intermédiation nécessite également, pour les personnels des MSH impliqués dans l’accompagnement de ce type de projets co-construits à l’interface entre différentes disciplines et acteurs de terrain, de se placer dans une posture de tiers, autrement dit d’« intermédiateur » ou de « tiers-veilleur »26, ne participant pas directement au projet du point de vue de la recherche proprement dite, mais contribuant à l’animer et à l’accompagner dans un questionnement réflexif et critique sur le contenu du projet, son organisation et ses attendus. C’est là par exemple tout l’enjeu du dispositif « Trait d’union », mis en place à la MSH SUD (Montpellier), inspiré du modèle des boutiques de science et de la mouvance actuelle des « tiers-lieux de recherche », qui, espace d’interconnaissance, d’animation et de formation, permet d’offrir aux acteurs de terrain un accès privilégié à la recherche et à l’enseignement supérieur – et réciproquement – et d’accompagner les acteurs ainsi associés (chercheurs, étudiants, collectivités, associations…) dans la co-construction de problématiques de recherche partagées, voire de véritables et équitables consortia de recherche. Ainsi, via des outils issus des sciences participatives et collaboratives, et autres méthodologies de la concertation et de l’intermédiation, Trait d’union permet notamment d’offrir aux chercheurs de nouvelles pistes et modalités de valorisation de leurs travaux, en prise avec des dynamiques sociales de transition, tout en valorisant auprès de la recherche d’autres catégories de savoirs et d’expertise, issues de l’action de terrain. D’autres exemples de dispositifs plus ou moins proches peuvent être cités, notamment à la MSHS de Toulouse (avec la plateforme IRCOT et les projets d’extension du dispositif « Trait d’union » de l’Est vers l’Ouest de l’Occitanie, en partenariat avec le Museum de Toulouse), à la MSH de Dijon (avec le Living lab territorial pour la transition socio-écologique), à la MSHS Sud-Est (avec l’Observatoire de la transition écologique et citoyenne Côte d’Azur), à la MSHS de Poitiers (avec le LabCom DESTINS), à la MSH Paris Nord (avec le programme « Recherches collaboratives & recherches actions » et le GIS Démocratie et participation), à la MESHS de Lille (qui co-porte la Boutique des sciences Nord de France), à la MSHE de Besançon (avec l’Observatoire régional des territoires, des entreprises et des populations), à la MSH Alpes (avec les observatoires ODENORE, OTCRA et OPSP), à la MRSH de Caen (avec le living lab Le Dôme)… Cette liste est évidemment loin d’être exhaustive et cache sans doute de stimulantes différences d’approches et des complémentarités ignorées, ce simple constat suffisant cependant à souligner l’intérêt de développer, au sein du RnMSH, une réflexion mutualisée sur les processus participatifs de co-construction de recherches27 (à la suite notamment du séminaire organisé par la MSH de Dijon sur la « recherche participative », le 9 juillet 2019, réunissant, outre la MSH de Dijon, ses homologues de Nantes, Lyon-Saint-Étienne, Paris-Nord, Lille, Caen et Montpellier), objets, dans les MSH, de dispositifs de soutien et d’animation définis et mutualisés, appuyés sur des agencements technico-méthodologiques spécifiques, et animés par des personnels plus ou moins dédiés, et qui pourraient de ce fait être intégrés aux réflexions en cours au sein du Réseau sur l’évolution des plateformes MSH.

12Car cet accompagnement spécifique, nécessitant à la fois des compétences en recherche et en ingénierie de la recherche – impliquant notamment une certaine familiarité avec les outils et méthodes d’animation, de participation et de concertation, afin de pouvoir accompagner les membres du projet dans la construction d’un cadre méthodologique à même de leur permettre d’avancer –, exige à la fois d’être mieux documenté et mieux légitimé auprès des porteurs de projets et des bailleurs de la recherche. Ce travail sera d’autant plus efficace et légitime que les compétences à l’œuvre seront repérées, documentées, et feront l’objet d’un cadre de réflexion collectif. Ce faisant, il ne s’agit pas nécessairement de revendiquer la reconnaissance de nouveaux métiers ; il s’agit d’abord d’observer et d’accompagner l’émergence de compétences transverses aux différentes catégories d’emploi dans les MSH28. Car l’accompagnement de formes de recherches co-construites à l’interface entre chercheurs et acteurs de terrain touche l’ensemble des secteurs d’activité d’une MSH, depuis évidemment la recherche proprement dite jusqu’à sa valorisation (qu’elle invite au passage à envisager dès la phase d’amorçage du projet et à tisser tout au long de son cycle de vie), en passant par l’ingénierie du montage de projets, les services de communication, les services administratifs (ce type de projet appelant souvent des modes de gestion administrative, financière et logistique spécifiques), et jusqu’aux pôles éditoriaux et d’ingénierie de la donnée : la prise en considération des questions touchant aux protocoles de gestion des données, à la publication, et plus largement à la co-auctorialité étant essentielle à la bonne marche de ce type de projets, s’inscrivant du reste dans le prolongement des politiques de science ouverte29.

13Ainsi comprises, à l’instar des effets produits par le tournant numérique, les dynamiques collaboratives de co-production de savoirs et de co-construction de méthodologies de recherches participatives transforment les métiers de la recherche et de l’ingénierie, dont les MSH forment un observatoire et un lieu d’expérimentation privilégiés. Au-delà, de la même manière que l’ancrage des TGIR dans les MSH a globalement permis de minorer le coût d’entrée, pour le chercheur, dans la nouvelle économie scientifique de la donnée et des humanités numériques, les fonctions d’accompagnement des co-recherches explorées dans les MSH doivent permettre de mieux accompagner et encadrer, dans le respect des règles de la déontologie scientifique et dans un esprit d’équité entre partenaires académiques et non-académiques, le développement de formes de recherches co-construites aux interfaces entre sciences et société, et au-delà de contribuer à construire un partenariat renouvelé et élargi entre chercheurs, ingénieurs et acteurs de terrain.

14Concluons en soulignant que les dynamiques de co-production de connaissances nous paraissent représenter un enjeu spécifique pour les SHS, adoptant parfois, face à ce type de projets, une position de refus a priori, ou bien une posture surplombante (considérant le dispositif participatif uniquement comme un simple objet de recherche), ou bien encore, à l’opposé, réduisant leur apport à l’adoption d’une posture d’auxiliaire méthodologique, prenant à leur charge le coût de l’intermédiation et de l’organisation des processus de co-construction entre les autres disciplines et les acteurs de terrain. Évidemment, nombreux sont les chercheurs en SHS à se situer dans d’autres postures, et du reste, riche est la littérature révélant tout l’intérêt du nouveau rapport au terrain et à la cité qu’implique pour les SHS le virage « participatif ». Au-delà, les disciplines SHS apparaissent bien placées, de par leurs capacités épistémologiques et réflexives, pour étendre à l’interface sciences-société le rôle que Grégory Quenet espérait voir l’histoire environnementale jouer à l’interface entre les autres sciences sociales et les sciences de la nature30 : un rôle de passeur, de traducteur, et donc d’intermédiateur, favorisant l’hybridation des savoirs des acteurs engagés – chercheurs de toutes disciplines comme acteurs de terrain – et au-delà l’actionnabilité, dans le champ de la recherche comme dans celui de l’action, des connaissances ainsi co-produites.

Notes de bas de page

1 Pour une analyse critique de cette notion, voir Philippe Breton, « La « société de la connaissance » : généalogie d’une double réduction », Éducation et sociétés, 2005/1, no 15, p. 45-57.

2 Voir notamment la brochure éditée par l’association « Sciences citoyennes », en ligne, https://sciencescitoyennes.org/wp-content/uploads/2020/10/Brochure_TSS_2020_v12.pdf.

3 Voir notamment les travaux de l’association ALLISS (pour une ALLIance Sciences Sociétés) : http://www.alliss.org/.

4 Présentation des objectifs et du programme des Assises du tiers secteur de la recherche, 30 novembre et 1er décembre 2020, en ligne, URL : https://www.tiers-secteur-recherche.org/.

5 Voir M. Gibbons, H. Nowotny, S. Schwartzman, P. Scott et M. Trow., The New Production of Knowledge: The Dynamics of Science and Research in Contemporary Societies, London, SAGE, 1994.

6 Blandine Laperche, « Le carré organique de la valorisation de la recherche : le cas d’une jeune université dans un contexte de crise », Politiques et gestion de l’enseignement supérieur, 2002/3, n° 14, p. 171-198, p. 171.

7 Sur ce sujet, nous renvoyons notamment aux travaux de Julien Barrier sur les nouveaux modes de financement de la recherche liés à la recherche sur projet et leurs effets sur l’évolution du métier scientifique.

8 Voir également l’affirmation de l’approche « Recherche et Innovation Responsables » comme ambition transversale au programme-cadre pour la Recherche et l’Innovation Horizon H2020, afin de produire un système de recherche et d’innovation soutenable et inclusif. Voir : https://ec.europa.eu/programmes/horizon2020/en/h2020-section/responsible-research-innovation

9 Agnès Robin, « La valorisation », Lex electronica, 22, 2017, p. 135-152, p. 138. En ligne : https://www.lex-electronica.org/s/1569.

10 Ibid., p. 140.

11 François Favory et al. (dir), « Rapport final du Réseau thématique pluridisciplinaire Valorisation en sciences humaines et sociales, 2010-2013 », Paris, InSHS, CNRS, 2013, p. 41. A noter que ce rapport a pour partie été établi sur la base d’une enquête dans les MSH.

12 « Innovation et processus de valorisation en SHS et au sein des Maisons des Sciences de l'Homme », entretien croisé avec Maria-Teresa Pontois et Nicolas Dromel, août 2019, en ligne, [https://www.msh-reseau.fr/actualites/innovation-et-processus-de-valorisation-en-shs-et-au-sein-des-maisons-des-sciences-de].

13 RnMSH, Compte rendu de l’«atelier valorisation » avec les chargés/référents valorisation des MSH, 19 juin 2018.

14 Antoine Petit, in « Verbatim de la session inaugurale des Assises du tiers secteur », Rennes, 30 novembre 2020, p.33.

15 Préambule de la Charte des MSH, CNRS-CPU, 2019.

16 Id.

17 Ibid., art. 7.

18 Préambule de la charte des MSH, op. cit.

19 Ibid., art. 3.

20 Référent scientifique à la MSH SUD, Montpellier.

21 Bruno Bachimont, « L’interdisciplinarité comme pratique disciplinaire : quelques figures épistémologiques », communication au Colloque international NumeRev « Faire dialoguer les disciplines via l’indexation des connaissances : la recherche interdisciplinaire en débats », MSH SUD, Montpellier, 19-21 juin 2019, à paraître. Voir également Julien Mary et Lise Verlaet, « Préceptes et engagements ayant trait aux recherches interdisciplinaires », Natures Sciences Sociétés, à paraître.

22 Glenn Millot, Boutiques des sciences. La recherche à la rencontre de la demande sociale, Paris, Sciences citoyennes / Éditions Charles Léopold Mayer, 2019.

23 Voir Construire la recherche avec la société civile : les enjeux de la démarche d’intermédiation, Cahiers de l’action, n° 55, 2020/1, en ligne, URL : https://injep.fr/publication/construire-la-recherche-avec-la-societe-civile-les-enjeux-de-la-demarche-dintermediation/.

24 Préambule de la charte des MSH, op. cit.

25 Ibid., art. 2.

26 Voir : Charlotte Coquard (coord.), « Le tiers-veilleur, un acteur de la recherche participative. Note sur l’accompagnement de la recherche participative », étude réalisée par l’association Sciences citoyennes, avec le soutien de la Fondation de France, 2020, en ligne, URL : https://sciencescitoyennes.org/note-tiers-veilleur/?highlight=tiers%20veilleur.

27 Voir supra la contribution de Francis Aubert.

28 Voir infra la contribution de Myriam Danon-Szmydt, et Cécilia Mendes.

29 Nous renvoyons sur ce point, notamment, aux réflexions initiées par la plateforme CommonData de la MSH SUD, ayant vocation à analyser les processus de stockage et d’archivage, de diffusion et de partage, d’exploitation et de valorisation économique des données de la recherche scientifique, afin de repenser les relations contractuelles en matière de gestion des données scientifiques entre les acteurs de la recherche scientifique, les entreprises, les associations et les collectivités territoriales.

30 Grégory Quenet, « Construire l’histoire environnementale. (Se) raconter d’autres histoires », CERISCOPE Environnement, 2014, [en ligne], consulté le 09/06/2020, URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/part1/construire-l-histoire-environnementale-se-raconter-d-autres-histoires.

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