Infini, indefini, progres chez les idéologistes
p. 41-56
Texte intégral
1Comme dans certains films ou romans, commençons par le dénouement ou, du moins, par un moment du dénouement, qui exprime bien le paradoxe, voire la contradiction quelque peu provocatrice de mon titre. Car les Idéologistes1 – un de leurs pères fondateurs en tête, Cabanis (1757-1808) – récusent radicalement l’infini:
Dans le langage consacré, l’épithète d’infini est jointe à chacune de ces vertus dont l’ensemble et la perfection caractérisent la force ordonnatrice de l’univers; mais le mot d’infini et tous ses dérivés devraient, dans l’état actuel des lumières, être absolument bannis de la langue philosophique. Ce mot est vide de sens, puisque nous ne pouvons concevoir ce qu’on veut qu’il représente2.
On l’aura compris: en récusant l’infini, c’est l’attribut essentiel de Dieu – dénommé périphrastiquement «force ordonnatrice de l’univers» – qui est récusé, l’agnosticisme idéologiste en étant la conséquence.
2Mais, comme le manifeste la dernière phrase de la citation, cette récusation est fondée sur une théorie de la connaissance qui est celle de toutes les Lumières: l’empirisme sensationniste de Locke.
1. La problématique de l’infini dans l’empirisme sensationniste
3Cabanis s’est toujours rattaché à l’empirisme sensationniste depuis son autodidaxie presque forcenée – à tout le moins acharnée des années 1771 et 1772, à Paris où son père l’avait en quelque sorte exilé du milieu familial corrézien à quatorze ans. Locke n’est-il pas en effet le seul auteur qu’il mentionne explicitement dans la notice autobiographique utilisée par Ginguené pour écrire l’article Cabanis de la biographie universelle dite de Michaud3. Qu’a trouvé Cabanis dans Locke? Réponse donnée dès la Préface des Rapports du physique et du moral de l’homme: «l’axiome fondamental: que toutes les idées viennent par les sens, ou sont le produit des sensations»4. C’est-à-dire le principe fondateur de l’empirisme phénoménaliste constitutif de la pensée des Lumières. Autrement dit encore, la démonstration que les idées innées n’existent pas, que toutes les idées viennent des sensations diversifiées, de leur rapprochement ou de leur confrontation. Question et même problème: comment une idée aussi démesurée par définition que celle d’infini peut-elle avoir sa source dans nos sensations qui, elles, sont toujours ponctuelles et donc limitées?
4Locke n’a pas éludé la question et s’est attaché à résoudre le problème dans Le Chapitre XVII De l’infinité du LIVRE II (Des Idées) de son Essai philosophique concernant l’entendement humain, ou l’on montre quelle est l’étendue de nos connaissances certaines, et la manière dont nous y parvenons5. Ce chapitre, Cabanis l’a sans doute lu et le connaît d’autant mieux qu’il est repris, quasi-textuellement et quasi-intégralement6, dans l’article Infinité du tome i du Dictionnaire de Logique et Métaphysique, Publié par M. Lacretelle de l’Encyclopédie Méthodique paru en 1786, dix ans juste avant que Cabanis ne commence à lire les Rapports à l’Institut national (Ans iv et v, 1796), quand donc, peut-être, il pouvait commencer à y réfléchir. Que dit en substance Locke? Que l’idée d’infini part bien d’abord des sensations premières d’espace, de durée et de nombre, auxquelles est toujours attachée une certaine quantité qui, par rajout incessant ou sans fin de la même quantité donne l’espace sans fin, la durée sans fin et le nombre sans fin, dans le petit comme dans le grand. Le problème, c’est que cet espace sans fin, l’Immensité, cette durée sans fin, l’Eternité, ce nombre sans fin, surtout lui, sont incompréhensibles. Pourquoi? Parce
1. Que l’idée d’autant [d’une certaine quantité] est claire & positive: 2. Que l’idée de quelque chose de plus grand est aussi claire, mais que ce n’est qu’une idée comparative: 3. Que l’idée d’une Quantité, qui passe d’autant toute grandeur qu’on ne saurait la comprendre, est une idée purement négative, qui n’a absolument rien de positif: car celui qui n’a pas d’idée claire & positive de la grandeur d’une certaine Etendue (ce qu’on cherche précisément dans l’idée de l’Infini) ne saurait avoir une idée compréhensive des dimensions de cette Etendue7.
Entre ces derniers mots de Locke (idée non-compréhensive) et ceux de Cabanis (idée non-concevable) pour caractériser l’infini, il n’y a que «l’énergie naturelle des convictions»8 de ce dernier qui lui fait vouloir «bannir» l’infini de la langue philosophique. Mais le résultat est le même, le prudent Locke, lui, se contentant de botter en touche – si je puis ainsi m’exprimer – vers des gens qu’il estime plus compétents. En effet, dans le paragraphe 22 et dernier de ce chapitre xvii de son Essai, après avoir rappelé qu’il a atteint son but en montrant «comment l’idée même que nous avons de l’Infinité, quelque éloignée qu’elle paraisse d’aucun objet des Sens ou d’aucune opération de l’Esprit, ne laisse pas de tirer de là son origine aussi bien que toutes nos autres idées»9 – après donc ce rappel satisfait – il renvoie l’approfondissement de la question et du problème à «quelques Mathématiciens qui exercés à de plus subtiles spéculations, pourront introduire dans leur esprit les idées de l’Infinité par d’autres voies»10. Suivons l’indication de Locke; allons voir du côté des mathématiciens, lato sensu, c’est-à-dire aussi des géomètres.
2. Les deux infinis: infini métaphysique et infini géométrique
5Quelques dates pour situer ce à quoi et ceux à qui peut renvoyer cette allusion aux mathématiciens, une fois rappelée la date de 1690 de la première édition de l’Essai sur l’entendement humain, en chantier depuis au moins presque vingt ans, depuis 1671. En 1655, alors qu’il est étudiant à Oxford, Locke a-t-il entendu parler de l’ouvrage du pasteur mathématicien John Wallis (1616-1703), Arithmetica infinitorum, paru cette année-là?11 Peut-être pas. Mais peut-être quand même, car l’Eloge de Mr. Locke en tête de l’édition consultée par nous indique que Locke et Lord Ashley se sont rencontrés «Dans le temps que Mr. Locke étudiait à Oxford»12. Ce qui veut dire que Locke est rapidement intégré au milieu intellectuel dans lequel vit et évolue Lord Ashley. Ainsi, peut-être, a-t-il eu quelque connaissance des trois essais, non publiés, mais connus du milieu savant, de Newton consacrés à la nouvelle mathématique de l’infini:
– en 1669, De analysis per aequationes numero terminorum infinita;
– en 1670, Methodus fluxiorum et seriarum infinitarum;
– en 1676, Tractatus de quadratura curvarum.
6N’est-ce pas dans ce dernier Traité de la quadrature des cercles – problème éminemment lié à cette nouvelle mathématique – que se trouvent ces deux phrases:
Je ne considère pas les grandeurs mathématiques comme formées de parties, si petites soient-elles, mais comme décrites d’un mouvement continu. Les lignes sont décrites et engendrées, non pas par la juxtaposition de leurs parties, mais par le mouvement continu de points; les surfaces par le mouvement des lignes; les solides par le mouvement des surfaces; les angles par la rotation des côtés; les temps, par un flux continu13.
La deuxième phrase renvoyant très explicitement au postulat fondateur et fondamental de l’inventeur de la toute première mathématique moderne de l’infini: l’italien, l’hiéronymite milanais Francesco Bonaventura Cavalieri (1598-1647). Toute première mathématique de l’infini qui est d’abord géométrie, comme l’indique son ouvrage publié en 1635, presque prêt dès 1629: Geometria indivisibilibus continuorum nova quadam ratione promota, la seconde édition bien corrigée venant en 1653, deux ans avant l’essai de Wallis et bien avant aussi les trois essais de Newton.
7Près de soixante-quinze ans plus tard, dans la Préface historique de ses Elemens de la géométrie de l’infini (1727), Fontenelle (1657-1757) présente ainsi l’ouvrage de Cavalieri:
Ouvrage original, et très ingénieux [où il a] fondé volontairement, et par choix tout un Système Geometrique sur les idées de l’Infini. Il considère les Plans comme formés par des sommes infinies de lignes, qu’il appelle des quantités Indivisibles, les Solides par des sommes infinies de Plans pareillement Indivisibles, et les rapports de ces sommes infinies ou de lignes, ou de Plans sont necessairement les mêmes que ceux des Plans ou des Solides, fondement de toute sa nouvelle théorie14.
Effectivement, c’est à la page 4 du Liber Septimus de la Geometriae Cavalerii que sont énoncées ces deux assimilations qui fondent tout le système: «Figurae planae quaecumque; in eisdem parallelis constituae» et, plus loin «Et figurae solidae quaecumque; in eisdem planis parallelis constituae»15. Que Cavalieri, «effrayé lui-même de l’infini, […] le masque le plus souvent sous le nom d’Indéfini»16, peu importe. Comme importe peu que cette sériation infinie des lignes en plans et des plans en volumes passe, avec Newton, du mode de la juxtaposition au mode de la «fluxion», l’essentiel reste: le calcul infinitésimal, avec ses deux branches, le calcul différentiel et le calcul intégral17, est entré dans la science mathématique – répétons-le – via la géométrie de Cavalieri18. Wallis, Roberval, Bernouilli, Newton et Leibniz ne viennent qu’après pour en perfectionner la méthodologie.
8Ce qui fait que désormais la pensée moderne de l’esprit humain se trouve en possession de deux infinis: ce «petit nouveau»19 qu’est l’infini des mathématiques et l’autre, celui de «toujours», du moins du temps du christianisme: l’infini de la théologie. C’est encore Fontenelle qui pose bien clairement et bien nettement ces deux infinis franchement séparés, on n’ose pas dire incommensurables l’un à l’autre:
Nous avons naturellement une certaine idée de l’Infini, comme d’une grandeur sans bornes en tous sens, qui comprend tout, hors de laquelle il n’y a rien. On peut appeler cet Infini Métaphysique, mais l’Infini Geométrique, c’est-à-dire, celui que la Geometrie considere, & dont elle a besoin dans ses recherches, est fort différent, c’est seulement une grandeur plus grande que toute grandeur finie, mais non pas plus grande que toute grandeur. Il est visible que cette définition permet qu’il y ait des Infinis plus petits ou plus grands que d’autres Infinis, & que celle de l’Infini Metaphysique ne le permettrait pas. [D’où:] On n’est donc pas en droit de tirer de l’Infini Metaphysique des objections contre le Geometrique, qui n’est comptable que de ce qu’il renferme dans son idée, & nullement de ce qui n’appartient qu’à l’autre20.
Cette distinction irréductible est celle entérinée quelques décennies plus tard par l’Encyclopédie. En effet, aux pages 702-703 du tome huit (1765), le portail (rubrique) «INFINI, adj. (Métaphysiq.)», en grandes capitales, est suivi de l’adresse (sous-rubrique) en petites capitales «Infini, (Géomét.)». Ces deux articles, l’un de 122 lignes, l’autre de 102 lignes, sont, si l’on s’en tient à l’indication donnée à la page xiv du tome premier21, de D’Alembert. Pour celui-ci, l’infini métaphysique n’a pas un contenu spécialement théologique et encore moins chrétien, le terme-même de «Dieu» n’apparaissant pas du tout, sa réalité (son existence?) est seulement par allusion à «un être infini [qui] est infiniment un, infiniment vrai, infiniment bon [et] donc infiniment parfait & indivisible»22, sans qu’il soit dit infini dans le temps, c’est-à-dire éternel. Quant à l’infini géométrique ou mathématique, il n’est qu’«une espèce d’abstraction, dans laquelle nous écartons l’idée de bornes», une grandeur «plus grande que toute grandeur assignable [qui] n’existe pas dans la nature»23. D’Alembert en arrivant là après être passé par une critique de Fontenelle et de sa notion de «grandeur susceptible d’augmentation sans fin» qui n’existe que théoriquement, c’est-à-dire pour le calcul, en particulier «le calcul différentiel [qui] ne suppose point à la rigueur & véritablement de grandeurs qui soient actuellement infinies ou infiniment petites»24. Cet état français du penser les deux infinis est celui que les Idéologistes retrouvent quelques deux autres décennies plus tard, dans l’Encyclopédie méthodique. En effet, l’article INFINI (Géomet.) de D’Alembert se retrouve intégralement aux pages 207 (col. droite) à 209 (col. gauche) du tome second du Dictionnaire de Mathématique de la Méthodique, daté de 1785. Quant à l’infini de Fontenelle, il est présent au tome second du Dictionnaire de Philosophie ancienne et moderne. Par M. Naigeon de l’Encyclopédie Méthodique, daté de 1792. A l’article Fontenelle25, sans doute de Naigeon (1738-1810), le lecteur trouve, d’abord, sa biographie intellectuelle26 et ensuite, les Principes de la philosophie rationnelle de Fontenelle27. C’est dans l’exposition de ces Principes que figurent près de trois pages «Sur l’infini»28. Ici encore, comme pour Infinité tiré de Locke, c’est un "copier-coller" – à un paragraphe près – d’un Autre Fragment faisant partie d’un développement intitulé Analogie de la matière et de l’esprit, lui-même à l’intérieur d’un chapitre intitulé De la connaissance de l’esprit humain29. Fontenelle y parle de l’infini sans préciser s’il est le métaphysique ou le mathématique, disant simplement que «l’idée que j’ai de l’infini, ne suppose donc ni la possibilité de l’infini dans la nature, ni une grande étendue dans mon esprit»30. En précisant un peu plus loin que l’infini est:
ce nombre Z que je ne puis jamais voir en lui-même, que je ne connois que par supposition, dont je ne connois que les propriétés qui sont enfermées dans cette supposition, ou qui en naissent nécessairement, et qu’enfin je suppose sans être assuré s’il est possible ou non31.
Résultat de tout cela: l’infini n’est qu’une «idée intellectuelle» que «d’ordinaire on ne comprend pas», pour citer les mots-mêmes de Fontenelle32, mais une idée fondatrice, axiomatique de toute une science géométrico-mathématique: le calcul infinitésimal avec ses deux branches: le calcul différentiel et le calcul intégral. Que peuvent faire les Idéologistes de tout cela?
3. La récupération des deux infinis par l’Idéologie: le progrès
9Afin de ne pas trop disperser et donc étendre l’analyse, il convient de s’en tenir à ce qui constitue la triade centrale (le noyau dur?) du groupe des Idéologistes. A savoir: Cabanis déjà rencontré (1757-1808), le père fondateur de l’Idéologie physio-psychologique ou psycho-physiologique; Destutt de Tracy (1754-1836), l’inventeur de sa dénomination et le protagoniste de son développement; Volney (1757-1820), le premier compagnon d’idées et de route; trois hommes, trois penseurs de la même génération des Lumières fulminantes, celles du moment de la Révolution33.
10Commençons par le dernier nommé, tout simplement parce qu’il est le premier pour ce qui est des publications importantes des Idéologistes. En effet, Les Ruines, ou Méditation sur les Révolutions des Empires paraît à la fin de l’été 179134. Les xxiv chapitres peuvent être structurés en trois parties35 suivant une Invocation d’une page puis une introduction présentant la situation qui explique l’ouvrage36. La première partie est l’exposé de la problématique annoncée dans le complément de titre: «les révolutions des empires», c’est-à-dire leur «prospérité» puis leur «ruine» ne viennent pas de la fatalité ni de l’action de Dieu mais ont des causes humaines rationnelles37. La seconde partie est consacrée à l’analyse politique de ces «révolutions» en quatorze chapitres, des pages 29 à 11538. La troisième partie, la plus longue, des pages 115 à 245, analyse les multiples religions des différentes sociétés humaines39. Le fil directeur de cette double analyse politique et religieuse étant que les «tyrans» et les «prêtres» sont à l’origine des malheurs des hommes en les opprimant par des cultes assis sur des croyances non-fondées sur la raison. Ou, plus précisément et plus exactement, non-fondées sur les «sens» et la «réflexion»40 communs à tous les hommes. Conséquence de cela: «le premier article de chaque croyance, le premier dogme de toute religion, est la proscription absolue du doute, l’interdiction de l’examen, l’abnégation de son propre jugement»41. Résultat qui intéresse directement notre propos sur l’infini: la «doctrine des chrétiens [est] encore plus contraire au sens naturel et à la justice [que l’Islam], [avec son] Dieu immatériel, infini, se faire homme! avoir un fils aussi âgé que lui! ce dieu-homme devenir du pain que l’on mange et que l’on digère! avons-nous rien de semblable à cela?»42. Voilà qui est clair; pour le premier Idéologiste de facto, l’infinité comme qualité de la divinité contribue, avec l’immatérialité, à invalider toute croyance en ladite divinité et donc tout culte qui lui est rendu. En effet, a-t-on jamais eu connaissance par les sens et leur coordination de telles qualités? Non! bien sûr, puisqu’elles n’existent pas dans la nature, comme le disait déjà Locke. On ne peut mieux disqualifier l’infini métaphysique et, ainsi, se retrouver d’accord avec Cabanis pour récuser toute croyance qui en fait la clé de voute de sa dogmatique43.
11Après l’Idéologisme implicite de Volney, passons à l’Idéologisme constitué de Destutt de Tracy44. Avec toujours ses deux composantes caractéristiques: l’empirisme sensationniste et le naturalisme panvitaliste, les deux choses étant d’ailleurs liées puisqu’«il n’y a nulle part de repos absolu dans la nature […] d’où je conclus que ce n’est pas le repos, mais le mouvement qui est l’état naturel de la matière»45. Comme la motilité est un trait de la sensibilité, les sensations sont partout. Et en particulier chez l’être humain qui a quatre types de sensations: les sensations proprement dites, internes et externes, constitutives de la sensibilité stricto sensu; les souvenirs qui sont des sensations internes du cerveau, qui constituent la mémoire; les sensations de rapports, qui permettent le jugement et les sensations de désirs, qui forment la volonté46. C’est par toutes ces sensations que l’être humain se sait existant, mais c’est par la résistance d’autres corps qu’il se découvre existant corporellement. Il sent ou perçoit alors les «propriétés des corps, de leur relation, et de leur mesure» analysées dans les chapitres ix et x47. Elles sont six: la mobilité, l’inertie, l’impulsion, l’attraction, l’étendue et la durée. A propos de cette dernière, Destutt de Tracy reprend-il l’analyse de Locke sur l’infini? Non! Renvoyant en note infrapaginale à l’Essai sur l’Entendement Humain, liv. ii, chapitre xiv, il explique que l’idée de durée est acquise par la répétition d’impressions semblables, mais que «la succession de mes impressions n’étant ni assez uniforme ni assez invariable pour me servir de mesure», je ne peux avoir «l’idée de temps, qui n’est que celle d’une durée mesurée»48. Si je ne peux avoir l’idée d’une durée mesurée, alors comment puis-je avoir celle d’une durée dé-mesurée à quoi s’apparente l’in-fini?! Cependant il reste que:
la durée, propriété commune à tout ce qui existe, est indépendante de la mobilité, dont la seule succession de nos sensations nous donne l’idée, mais que nous ne pouvons mesurer que par le mouvement, lequel n’est lui-même constaté que par l’étendue qu’il nous a fait connaître; en sorte que l’étendue, la durée, et le mouvement, se servent réciproquement de mesure, ou plutôt que la mesure de tous trois s’exprime en parties d’étendue.
Dans une telle conception qui ne connaît que des parties d’étendue, c’est-à-dire des étendues plus ou moins grandes, l’étendue sans parties est proprement inconcevable. D’où l’absence du mot même d’«infini» chez Destutt. D’où la seule manière de mesurer le temps et donc toute durée qui est de la rapporter à une unité inscrite dans la nature: «la révolution diurne de la terre sur son axe» ou plus précisément «le mouvement que fait un point de l’équateur pendant ce temps»49, la durée et l’espace ayant ainsi la même unité de mesure: le mouvement de la terre. Et Destutt de souhaiter que toutes les mesures soient décimalisées; que celles de «l’étendue soient des portions décimales de l’équateur terrestre» et que même «l’unité de temps, le jour, soit de même divisée en parties décimales»50. «Par là ces trois espèces de quantités, si différentes entre elles, mais qui ont des relations si multipliées, l’étendue, le mouvement, et la durée seraient toujours exprimées par des quantités décuples ou sous-décuples les unes des autres»51. Les comparaisons entre mesures en seraient facilitées; ce ne serait qu’affaire d’addition ou de soustraction de «quelques zéros» et, surtout, «cela aurait le très grand avantage de rappeler bien mieux les rapports que nous avons reconnus»52 entre ces trois propriétés fondamentales des corps que sont donc la mobilité, l’étendue et la durée. Le système décimal au service de la pensée idéologiste! Au vu de toutes ces considérations, on ne peut que regretter que Destutt n’ait pas mené à terme son programme de Traité complet d’Idéologie, ou de Philosophie première en neuf parties dont la neuvième justement devait être consacrée précisément à la science de la quantité ou science du calcul53. Le lecteur n’aurait sans doute pas manqué d’y trouver des analyses idéologistes sur l’autre infini, celui des mathématiques, celui du calcul infinitésimal et de ses deux composantes: le calcul différentiel et le calcul intégral, et leurs applications. D’autant plus qu’est parue en 1797 la première édition d’un autre traité élémentaire54, Traité élémentaire de calcul différentiel et de calcul intégral de Silvestre-François Lacroix (1765-1843).
12Qui est ce mathématicien chevronné qui, certes, n’est ni Laplace (1749-1827) ni Lagrange (1736-1813), mais bien un très bon et très grand enseignant-chercheur en ces sciences mathématiques qui ont été renouvelées tout au long du xviiie siècle? Parti à dix-sept ans (1782) professeur à l’Ecole des gardes de la marine de Rochefort, il est, dans la période de l’Idéologisme triomphant qui nous occupe, professeur de mathématiques à l’Ecole centrale des Quatre-Nations, professeur d’analyse à l’Ecole polytechnique (1799) et, bien sûr, membre de la première section, celle des mathématiques, de la première classe de l’Institut National, celle des sciences mathématiques et physiques55. C’est là sans doute que Cabanis peut l’avoir rencontré, ne serait-ce que dans les rares réunions générales de l’Institut. Quoi qu’il en soit, le Traité a une telle reconnaissance publique, précisément par son caractère «élémentaire», qu’il peut être consulté directement. Que peut y trouver Cabanis? Dans la partie sur le calcul différentiel, l’idée de quantité dépendant «d’une ou de plusieurs autres, soit par des opérations quelconques, soit même par des relations impossibles à assigner algébriquement»56; l’idée donc de valeur approchée. Idée confirmée à la fin de l’ouvrage à propos du «calcul direct des Différences»57, quand Lacroix évoque Euler et «la somme des logarithmes des 1000 premiers nombres des tables»58. En effet, «cette connaissance suffit dans beaucoup de recherches où l’on ne demande que des rapports des produits des grands nombres; et dans ce cas, la valeur approchée de ces rapports devient précieuse par l’impossibilité où l’on est d’effectuer les calculs nécessaires pour arriver à la valeur exacte.»59. Cette idée de valeur approchée, Cabanis s’en saisit pour penser la troisième composante caractéristique de l’Idéologisme: la perfectibilité. Tout aussi importante, si ce n’est plus que l’empirisme sensationniste et le naturalisme panvitaliste, parce que, elle, elle touche plus spécifiquement à l’être humain en société. Volney, dans la partie d’analyse politique des Ruines, à la question-titre du chapitre XIII L’espèce humaine s’améliorera-t-elle?, répond positivement en écrivant que «cette amélioration devient un effet nécessaire de la nature; car par la loi de la sensibilité, l’homme tend aussi invinciblement à se rendre heureux que le feu à monter, que la pierre à graviter, que l’eau à se niveler»60. En ayant bien soin auparavant de critiquer la «prétendue perfection rétrograde»61, c’est-à-dire l’idée que l’âge d’or est derrière nous. «Préjugé universel du bonheur de l’âge d’or» que Destutt, lui, explique par la psychologie du «vieillard» nostalgique «des beaux jours et du bonheur» de sa jeunesse62, la totalité de ce chapitre XV de l’Idéologie étant consacrée à développer l’idée «du Perfectionnement graduel de nos facultés» aussi bien au plan de l’individu qu’«à celui de l’espece humaine en général»63. Quant à Cabanis, il fait de la perfectibilité non seulement une donnée de fait, mais aussi un programme d’action à réaliser par la nouvelle société de liberté et d’égalité issue de la Révolution. Osons «faire sur nous-mêmes, écrit-il à la fin du Sixième Mémoire des Rapports du physique et du moral de l’homme, ce que nous avons fait si heureusement sur plusieurs de nos compagnons d’existence [les animaux], […] pour produire une espèce d’égalité de moyens, qui n’est point dans l’organisation primitive, et qui, semblable à l’égalité des droits, serait alors une création des lumières et de la raison perfectionnée.»64. Et c’est en germinal an vii, avril 1799, dans le numéro 21 de la Décade philosophique, littéraire et politique, que Cabanis, répondant à un détracteur des «Docteurs de l’école de la perfectibilité de l’esprit humain» théorise celle-ci par l’histoire philosophique et le calcul infinitésimal de la valeur approchée:
Au reste, cette doctrine de la Perfectibilité du genre humain, sous les rapports de la raison et sous ceux de la morale, est bien loin d’être nouvelle. Quelques philosophes modernes, tels que Bacon, Buffon, Price, Smith, Priestley, Turgot, Condorcet, ont regardé cette perfectibilité comme indéfinie, c’est-à-dire comme une de ces quantités dont le calcul se rapproche incessamment, sans jamais les atteindre65.
On ne peut pas mieux dire que la perfectibilité n’est pas la perfection, pas un état mais un mouvement vers une fin qui n’en est pas une, puisque jamais fixée ; littéralement, in-définie. Cabanis retrouve ainsi l’adjectif utilisé par Cavalieri pour qualifier le premier infini du premier calcul infinitésimal. Et, résultant de cette perfectibilité sans limites, le progrès ne peut être qu’une marche sans fin….
* * *
13Concluons en soulignant combien les Idéologistes sont de bons disciples de Locke. En effet, ils ont bien retenu son idée de renvoyer et de laisser l’infini aux mathématiciens, parce qu’elle leur permet de récupérer pour eux un infini différent de celui qu’ils ont bouté hors de la philosophie; celui à l’œuvre dans le calcul infinitésimal. Qui leur offre le moyen de donner toute sa signification à la perfectibilité et à son incarnation qu’est le progrès: in-fini, c’est-à-dire littéralement sans fin. L’exact contraire de l’état achevé de perfection en quoi consiste le Salut. Contre l’infini métaphysique et ses modalités théologiques il n’y a pas plus efficace que l’infini mathématique et ses différents calculs!
Notes de bas de page
1 Décidément je choisis cette dénomination a) parce que la majuscule à «Idéologues» ne suffit plus à enlever la péjoration attachée à ce terme depuis Bonaparte relayé ensuite par Marx, surtout dans les temps actuels où les termes «idéologie» et «idéologues» ne servent plus qu’à dénoncer les systèmes de pensée erronés et malfaisants et leurs tenants. b) parce que c’est comme cela qu’eux-mêmes se sont appelés.
2 P.J.G. Cabanis, Lettre à M. F***[Fauriel] sur les causes premières dans l’édition reprint (Paris-Genève, Slatkine, 1980) des Rapports du physique et du moral de l’homme33 Paris, Caille & Ravier, 1805-1844, p. 640.
3 Tome 6 (1843), pp. 298-303. p. 299 col. G: «peu assidu aux leçons de ses professeurs de logique et de physique, il lisait Locke, il suivait les cours de Brisson.»
4 P.G.J. Cabanis, Lettre cit., p. 44: «C’était par Locke que devait, pour la première fois, être exposé clairement et fortifié de ses preuves les plus directes cet axiome fondamental». Suit la phrase d’explicitation de cet axiome citée ci-dessus.
5 L’édition à laquelle nous nous référons est la traduction française de Coste et son édition de 1755 rééditée dans la Bibliothèque des textes philosophiques, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1983, 627 pp.
6 «Quasi», parce que la disposition des alinéas n’est pas la même et que des références internes et des notes de références, dont une de Coste, ont été supprimées.
7 J. Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain […] in Bibliothèque des textes philosophiques cit., pp. 166-167; Dictionnaire de Logique et de Métaphysique de l’Encyclopédie Méthodique, t. i (1786), p. 587, col. droite.
8 Expression de L. Peisse à la p. xxxv de sa Notice historique et philosophique sur la vie, les travaux et les doctrines de Cabanis en tête de l’édition de P.J.G. Cabanis, Rapports cit.
9 J. Locke, Essai cit., p. 171.
10 Ibid.
11 Rappel: c’est Wallis qui est l’inventeur de la symbolisation de l’infini par un 8 couché J. Baudet, Histoire des mathématiques, Paris, Vuibert, 2014, p. 140).
12 J. Locke, Essai philosophique cit., p. xxii.
13 Cité par R.Taton (1915-2004) dans l’article Calcul infinitesimal. Histoire, in Encyclopaedia Universalis, vol. 3 (1968), p. 758 col. 1 et 2.
14 Fontenelle, Elemens de la Geometrie de l’infini. Suite des Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, Paris, Imprimerie royale, 1727, p. iv; Id., Œuvres complètes in Corpus des œuvres de philosophie en langue française, Paris, Fayard, 2000, t. viii, p. 9.
15 F.B. Cavalerio, Geometria indivisibilibus continuorum nova quadam ratione promota, Bologne, Clementis Ferronii, 1635, Liber septimus, p. 4.
16 Fontenelle, Elements cit.
17 L’Hospital (Marquis de), Analyse des infiniments petits, pour l’intelligence des lignes courbes, 2ème éd., Paris, François Montalant, 1715, p. xiii.
18 J.C. Baudet, dans son Histoire des mathématiques cit. insiste, p. 140, sur «l’origine ‘géométrique’» de l’infini.
19 «Petit nouveau» très relatif, puisque tous les penseurs cités se réfèrent à un même point de départ: Archimede qui, lui-même, renvoie à Eudoxe (R. Taton, Calcul infinitesimal cit., in Encyclopaedia universalis, p. 754 col. 2)
20 Fontenelle, Traité, in R. Taton, Calcul infinitesimal cit., p. xiii.
21 «N.B. Lorsque plusieurs articles appartenant à la même matiere, & par conséquent faits ou revûs par la même personne, sont immédiatement consécutifs, on s’est contenté quelquefois de mettre la lettre distinctive à la fin du dernier de ces articles».
22 Encyclopédie, t. 8 (1765), p. 703 col. gauche, lignes 11-13.
23 Ivi, p. 703 col. droite, lignes 26-31.
24 Ivi, lignes 21-24.
25 Encyclopédie méthodique, Dictionnaire de philosophie ancienne et moderne, t. 2 (1792), p. 457 colonne droite, ligne 39 - 480 colonne droite, ligne 34.
26 Ivi, pp. 457 col. droite, ligne 41 - 460 col. droite, ligne 9.
27 Ivi, pp. 461 col. droite, ligne 11 - 480 col. droite, ligne 34.
28 Ivi, pp. 469 col. gauche ligne 23 - 471 col. droite, ligne 36.
29 Fontenelle, Œuvres complètes cit., tome vii, Paris, Fayard, 1996, pp. 508-515.
30 Ivi, p. 513; Encyclopédie méthodique, Dictionnaire de philosophie ancienne et moderne, p. 470, col. droite, lignes 49-51.
31 Ivi, p. 515; Ivi, p. 471, col. d., lignes 7-12.
32 Ivi, pp 514 et 515; Ivi, p. 471, col. droite et gauche.
33 Rappel pour mémoire des quatre grands moments des Lumières: 1/ les Lumières naissantes, en 1720-1730; 2/ les Lumières éclatantes ou rayonnantes, autour de 1750; 3/ les Lumières flamboyantes, autour de 1775; 4/ les Lumières fulminantes, au-delà de 1790.
34 D’après l’ouvrage de référence inégalé sur Volney, de J. Gaulmier, L’Idéologue Volney 1757-1820. Contribution à l’Histoire de l’Orientalisme en France, Beyrouth et Genève, Slatkine, 1951 et 1980, p. 199. La page de titre de l’édition consultée sur <gallica> indique précisément «Août 1791».
A propos de ce syntagme «Volney Idéologue», notons ici que l’ouvrage classique, mais ancien, de F. Picavet sur Les Idéologues, Paris, Félix Alcan, 1891, en fait un pré-Idéologue (pp. 128-139), alors que l’autre classique, plus récent, de S. Moravia, Il Pensiero degli Idéologues. Scienza e filosofia in Francia (1780-1815), Firenze, La Nuova Editrice, 1974, le consacre pleinement Idéologue par deux chapitres de sa troisième partie, pp. 585-671.
35 J. Gaulmier (L’Idéologue cit., p. 207) propose quatre parties, assez contextualisées par et avec la Révolution: «un poème en prose, un abrégé de la philosophie d’Helvétius et d’Holbach, une histoire sentimentale [!?] de l’Assemblée Constituante et, enfin, un tableau esquissé à grands traits du développement religieux de l’Humanité».
36 Chap. Ier: Le voyage, Chap. II: La méditation, pp. 1 à 12 de notre édition de travail, Paris, Bossange frères, 1822, 245 pp., réimpresion Genève, Slatkine Reprints, 1979.
37 Chap. III: Le fantôme, Chap. IV: L’exposition, Chap. V: Conditions de l’homme dans l’univers, pp. 12 -29 éd. cit..
38 Du Chap. VI: Etat originel de l’homme, au Chap. XIX: Assemblée générale des peuples, en passant par la grande interrogation du Chapitre XIII: L’espèce humaine s’améliorera-t-elle?
39 Du Chap. XX: La recherche de la vérité, au Chap. XXIV: Solution des problèmes des contradictions [entre les religions et à l’intérieur des religions], en passant par l’énorme Chap. XXII: Origine et filiation des idées religieuses qui, des pages 162 à 224 passe en revue chaque «système» religieux, du «culte des élémens et des puissances physique de la nature» jusqu’au «Christianisme, ou culte allégorique du soleil».
40 Volney, Les Ruines cit., p. 159. C’est bien, une fois de plus, la confirmation que la référence à l’axiomatique de l’empirisme sensationniste (il n’y a de connaissances que venues des sens et de leur composition) est bien ce qui fonde l’Idéologie/Idéologisme.
41 Ivi, p. 91.
42 Ivi, p. 141. Notons juste en passant que dans la première grande confrontation entre les religions qui structure le chapitre xxi: Problème des contradictions religieuses, pp. 128-161 Les Ruines cit., l’Islam semble «crédité» d’avoir une idée de Dieu plus abstraite que le Christianisme. Est-ce pour autant qu’il lui est supérieur? Pour Volney, sans doute non, tous deux étant autant éloignés du «monde des réalités» (p. 245) données par les sens.
43 Cabanis avec lequel Volney se retrouve aussi sur le contenu à donner à ce mot «Dieu» qu’il emploie abondamment (par exemple, 17 occurrences dans les 7 pages du chapitre iii): «Dieu lui-même n’est autre chose que le principe moteur, que la force occulte répandue dans les êtres.» (p. 157). «Force ordonnatrice de l’univers» dira Cabanis (Lettre à M.F cit.). Ici, nous tenons la deuxième caractéristique fondamentale de l’Idéologie/Idéologisme, après l’adhésion à l’empirisme sensationniste; c’est la conception de la nature universellement animée, panvitaliste en quelque sorte, en tous les cas récusatrice de toute idée de créateur transcendant.
44 Ce qui nous fait choisir comme édition de référence de l’Idéologie celle de l’an ix (1800/1): Projet d’éléments d’Idéologie. A l’usage des Ecoles centrales de la république française, Paris, Didot l’aîné, Didot, Derray, an ix [1800-1801], 358 pp., comme celle d’un moment où l’Idéologisme est encore en pleine gloire, avant que Bonaparte n’ait de cesse de le dévaloriser. Cela étant dit, l’édition de 1827 peut tout aussi bien faire l’affaire, car une des qualités de Destutt c’est sa fidélité inébranlable à ses idées idéologistes, même si en politique il a dû, comme beaucoup d’autres, composer avec la bonne demi-douzaine de régimes politiques qu’il a traversés durant sa vie.
45 Idéologie cit., p. 146.
46 Idéologie: Récapitulation cit., p. 321. Une des autres grandes qualités de Destutt, c’est son sens didactique qui lui fait mettre à la fin de l’Idéologie un résumé qui, dans l’édition de l’an ix, s’appelle Récapitulation, dans l’édition de 1827 Extrait raisonné, qui ont le mérite de permettre au lecteur de voir s’il a bien saisi ce qu’il a lu dans les développements intégraux.
47 Idéologie cit., pp. 133-178.
48 Ivi., pp. 147-8.
49 Ivi, p. 159.
50 Ivi., p. 164. On sait que la proposition fut faite, mais elle ne fut pas suivie d’une réalisation.
51 Ivi.
52 Ivi., p. 165.
53 Elémens d’Idéologie. Troisième partie. Logique, Paris, Courcier, An xiii [1805], chapitre ix, pp. 559-560. Ce programme d’ensemble est redonné sous forme de tableau très clair en tête de l’édition de 1827. Il comprend trois sections de trois parties chacune, le Calcul constituant la iiie partie de la Troisème section: Application de nos moyens de connaître à l’étude des êtres qui ne sont pas nous.
54 La multiplication, en cette extrême fin du xviiie siècle, des Traités élémentaires ou Eléments de telle ou telle science, s’explique par la conjoncture révolutionnaire: tout le système éducatif de l’Ancien Régime ayant été mis à bas, il faut repartir sur des bases entièrement nouvelles aussi bien sur le plan institutionnel que sur les plans épistémologique et didactique. A nouveau système d’instruction publique, instauré par La Convention le 3 brumaire an IV/dimanche 25 octobre 1795, nouveaux cursus et nouvelles disciplines, en particulier scientifiques.
55 Il sera le premier titulaire de la chaire de calcul différentiel et intégral de la Faculté des sciences de Paris et entrera au Collège de France en 1812. Pour confirmer son implication totale dans le nouveau système d’Instruction publique, notons qu’il a été, dès 1794, «chef du bureau de la commission chargé de la réorganisation de l’instruction publique», voir Querard, La France littéraire, ou dictionnaire bibliographique […], Paris, Firmin Didot frères, 1830, t. 4, p. 378
56 S.F. Lacroix, Traité élémentaire de calcul différentiel et de calcul intégral, 2ème éd., Paris, Courcier, 1806, p. 1.
57 Ivi, p. 513.
58 Ivi, p. 595.
59 Ibid.
60 Les Ruines cit., p. 83.
61 .Ivi, p. 79.
62 Idéologie cit., p. 243 n. 1.
63 Ivi., p. 242 et p. 245.
64 P.J.G. Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme cit., p. 298-299.
65 La Décade philosophique, littéraire et politique, An vii – 3ème trimestre, n. 21, 30 Germinal [vendredi 19 avril 1799], p. 150. A deux phrases de transition près, Picavet en avait donné le texte dans sa thèse, Les Idéologues cit., n.34, p. 590. Dans ce même texte, p. 152, Cabanis dénonce encore «tant de mots vagues, tels que le tems, l’éternité, l’infini, la substance, l’espace, etc».
Auteur
Université de Caen Normandie
Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La malattia dell’anima e il romanzo antropologico
Medicina e pedagogia nella Unsichtbare Loge di Jean Paul e nelle sue fonti
Elisa Leonzio
2017