«Chacun les envoie au diable, / Et l’on dit dans l’univers / Qu’ils sont dignes des enfers»: la criminalisation des Jacobins dans les comédies thermidoriennes de 1794-1795
p. 21-36
Texte intégral
1«Tous ces gens-là sont trop sensibles». D’après Mazeau, cette citation de Taine figurant en exergue du chapitre Émotions politiques: la Révolution française1 exprime bien l’hyperesthésie qui caractérise la période comprise entre la Prise de la Bastille et la fin de la Terreur, une période marquée par une succession rapide d’événements qui suscitent de fortes émotions et hantent l’imaginaire collectif. La journée fondatrice de la Révolution, «événement-symbole»2 à la grande valeur politique, trouve son origine dans le déferlement d’une «poussée d’énergie […] d’abord ressentie comme un électrochoc libérateur»3 qui catalyse une multitude d’émotions – indignation, rage, peur, joie, relief, désir de vengeance – que les institutions essaient depuis d’endiguer:
Idéalisées par un certain romantisme ou dénoncées pour leurs dangers, les émotions collectives sont spontanément vues comme des causes de la radicalisation révolutionnaire […]. Vécue dans un mélange confus d’attentes fébriles, d’espérances, de craintes et de colères, la Révolution Française laisse le souvenir d’une période incomparable, à la fois exaltante et épuisante, extraordinaire et tragique, animée par cette tension fondatrice: la volonté de refonder la société sur l’équilibre mesuré d’une “raison sensible” se heurte en permanence à l’intensité des événements. Dans ce contexte, l’hypersensibilité des populations devient à la fois une menace pour la stabilité des régimes mais aussi une redoutable arme politique pour qui parvient à s’en servir4.
2Ces tentatives de contrôle perdurent jusqu’à l’avènement du Directoire (25 octobre 1795), quand la volonté de stabiliser la Révolution se traduit dans une privatisation des émotions, de plus en plus reconduites dans le domaine individuel5. Auparavant, dimension privée et dimension publique étaient censées coïncider: le bon patriote est un individu spontané, authentique, entièrement dévoué à une patrie dont l’amour prioritaire conditionne aussi la sphère personnelle. Tout modérantisme est suspect et stigmatisé par une rhétorique officielle décrivant les modérés comme des individus égoïstes, peu patriotiques ou intimement nostalgiques de l’Ancien Régime: «l’anesthésie est une aliénation»6. Les contre-révolutionnaires sont exécrés par une propagande faisant recours à la rhétorique de l’animalisation ou de la déshumanisation pour justifier les appels à l’extermination et la violence étatique: les adversaires deviennent la cible de fortes «haines communautaires et politiques»7 fomentées par les campagnes de presse, la production pamphlétaire, les discours officiels qualifiant les aristocrates ou les rebelles de la Vendée de «monstres», «bêtes féroces», «tigres», «fanatiques», «traîtres», «anarchistes», «brigands», «enragés», «lâches», «barbares assoiffés de sang», etc.8.
3Durant ces années caractérisées par de multiples rebondissements, le coup d’état parlementaire du 9 Thermidor an II (27 juillet 1794) déterminant la chute de Robespierre, Saint-Just, Couthon et la fin de la Terreur provoque une émotion immense dans une population traumatisée. Les historiens ont déjà raconté la joie des Parisiens qui assistent à l’exécution de l’Incorruptible en célébrant la fin d’un cauchemar et le retour d’une gaieté d’autant plus cathartique qu’elle était auparavant bannie. De même, on a retracé la naissance immédiate mais destinée à une longue fortune de la «légende noire» de Robespierre9, désormais qualifié de tyran aspirant secrètement au trône, de traître de la Révolution, de «nouveau Cromwell», de «Catilina moderne», d’«anarchiste», de «tigre», de «monstre inhumain assoiffé de sang», de «cannibale», de «vampire» etc. Ces épithètes sont répétées de façon obsessive dans une campagne imposante et multiforme qui excède bien les récits de la fin du «monstre-cadavre»10 de la presse. La condamnation de la Terreur et de ses crimes est encore retracée par une masse de documents iconographiques et textuels, parmi lesquels on compte des chansons – dont le célèbre Réveil du peuple, chanté pour la première fois en janvier 1795 et faisant depuis fonction d’anti Marseillaise11 –, des pamphlets, des discours et des dialogues de tout genre – y compris le modèle lucianique12, que ses potentialités pédagogiques, polémiques et satiriques rendent un outil pamphlétaire et journalistique très efficace13. Cette campagne infamante condamne l’Incorruptible et les Montagnards exécutés mais aussi leurs continuateurs, cette fameuse «queue» de Robespierre14 figurant dans plusieurs pamphlets qui véhiculent une image qui catalyse la peur de la résurgence de la Terreur, hante l’imaginaire collectif et sature le discours pamphlétaire d’une «opinion publique […] entièrement dirigée contre les jacobins»15.
4La critique a déjà précisé que cette rhétorique de la déshumanisation, qui n’est pas propre à la période thermidorienne, relève d’une fascination morbide tout en permettant de canaliser la haine collective contre les anciens détenteurs du pouvoir, désormais assimilés à des êtres sanguinaires dont la prétendue dimension extraordinaire permet de résoudre l’incapacité générale d’expliquer les dérives récentes. Identifiée à l’Incorruptible sans qu’elle puisse lui être entièrement imputée16, la Terreur peut ainsi être présentée comme une déviation – et non pas comme un abus ou un excès – des valeurs libertaires par une Convention qui doit en faire le procès sans condamner la Révolution et qui compte encore bien des Jacobins dans ses rangs17. Depuis l’automne 1794, des procès éclatants sont instruits, le club parisien est officiellement fermé, les «grands coupables» (Collot d’Herbois, Billaud-Varenne, Barère et Vadier, membres du comité de salut public et de la conspiration de juillet) sont enquêtés et condamnés le 1er avril 1795, la révolte des sections parisiennes du 1er avril et du 20 mai est réprimée par l’armée tout au long des célèbres violences de germinal et prairial an III. Qualifiés d’«anarchistes» étrangers à la France révolutionnaire18, Robespierre et ses associés peuvent donc être idéalement exclus du tissu social et politique au nom d’un «discours révolutionnaire [qui] sépare donc le bon peuple d’un Autre criminel et antisocial»19.
5Pendant cette période de troubles et d’incertitudes, l’art dramatique contribue à orienter l’interprétation d’une actualité qu’elle commente d’après des mécanismes expérimentés. Depuis 1789 et jusqu’à la fin du Premier Empire, les institutions attribuent aux salles – les nouvelles «écoles du peuple» – une fonction civique et didactique importante auprès d’un public que la loi Le Chapelier de janvier 1791 a rendu plus démocratique et les décrets d’août 1793 plus politisé. Considéré comme «un moyen privilégié d’expression, de médiation à grande échelle et d’amplification d’engagements»20, le théâtre reflète les instances d’une opinion publique conçue comme «l’opinion unifiée d’un groupe politique dominant»21. Si le répertoire parisien de l’été 1794 ne présente aucun spectacle explicitement centré sur la stigmatisation des nouveaux ennemis de la République – ainsi que le rappelle Berthier, les répertoires sont établis en avance et les temps de composition dramatique sont plus longs que ceux des pamphlets anonymes22 –, la «campagne antijacobine»23 arrive sur les planches en automne. Le 4 septembre, le Théâtre du Palais (Cité-Variétés) met à l’affiche La Journée du 9 Thermidor ou la chute du dernier tyran de Pigault-Lebrun et Dumaniant, une évocation par scènes de la célèbre journée qui ne jouit que de six représentations24. Trois jours plus tard, Lebrun-Tossa créé au Théâtre Favart (l’ancienne Opéra-Comique) Arabelle et Vascos, ou les Jacobins de Goa25, un drame lyrique sur musique de Lesueur (dix-sept spectacles26) promptement qualifié d’«ouvrage criminel» par Barère, qui essaie en vain d’en empêcher la représentation (cf. l’Avis au lecteur, p. i). Cet ouvrage qui dès le paratexte assimile explicitement les méchants aux Jacobins27 retrace l’histoire d’un trio de Portugais (le gouverneur, son adjudant et un «Inquisiteur») qui gèrent le pouvoir à Goa de façon injuste et sanguinaire – l’Inquisiteur est un «Tigre altéré de sang» (p. 50) et le gouverneur un «tyran féroce» (p. 46) qui envoie les Indiens à la mort sans qu’ils ne puissent se justifier, leurs acolytes sont des «cannibales» (p. 50) etc. Les indigènes menacent de se révolter sous le guide de l’honnête fils du gouverneur Vascos, qui rivalise avec son père pour l’amour de la jeune Arabelle. Les manigances des puissants semblent perdre le couple et tout un peuple jusqu’à ce qu’un complice repenti ne dévoile leurs méfaits. Les autochtones se soulèvent, le gouverneur meurt, les prêtres sont incarcérés, le héros obtient le pouvoir et le cœur d’Arabelle, le peuple jure de ne plus souffrir de tyrannie: «Le chef des Indiens. Je vous l’ordonne [d’incarcérer les missionnaires] au nom de la nature et de l’humanité; [...]. Plus d’oppresseurs d’aucune espèce; n’obéissons qu’aux loix et n’adorons que l’Éternel» (p. 58).
6Pendant les mois suivants «la montée de la haine contre le jacobinisme passe d’abord par la filière classique du modèle antique»28, alors que la mise en scène de comédies axées sur l’accusation et/ou la ridiculisation des Montagnards trouve son apogée au printemps 1795. À savoir, en concomitance avec la montée de l’épuration politique et des procès et avec la répression militaire. Le 9 mars, Kreutzer et Tissot montent au Théâtre Favart On respire, une comédie avec ariettes (sept spectacles29) suivie par les plus fortunés Le Souper des Jacobins, créé par Charlemagne au Théâtre de Molière le 15 mars (trente-quatre représentations totales, dont cinq au Théâtre du Lycée des Arts à partir du 20 avril30), Les Jacobins aux Enfers de Chaussier, joués vingt-neuf fois au Théâtre des Variétés depuis le 22 mars31 et par Les Jacobins et les brigands, ou les Synonymes32 de Pillet, mis en scène au Théâtre du Palais et au Théâtre des Variétés/Égalité depuis le 26 mars (sept spectacles)33. Ensuite, c’est le tour de Les Suspects et les Fédéralistes de Martainville, créés le 12 avril au Théâtre du Palais et joués en alternance avec le Théâtre des Variétés/Égalité (soixante-treize représentations34), de Les Aristides modernes, ou l’Intérieur des comités révolutionnaires, montés le 16 avril par Ducancel et encore représentés en alternance entre ces deux salles (soixante-sept spectacles au total35), de Les Suspects, comédie avec ariettes de Lemière, Picard et Duval mise en scène le 19 mai au Théâtre de l’Égalité (quarante-deux représentations36).
7Tous ces textes, exception faite pour celui de Pillet, qui présente les Montagnards cachés dans une caverne où ils sont occupés à énumérer leurs forfaits37, expriment le soulagement des Français pour la fin de la Terreur, la joie pour le retour de la «gaieté» et du bonheur, l’indignation pour les abus subis, la haine des despotes qui ont martyrisé tout un peuple, la volonté de ne plus souffrir d’oppression et de défendre la véritable Révolution. Bref, ils reflètent non seulement la conscience collective, mais surtout les instances de la rhétorique thermidorienne à laquelle ils adhérent. En ce sens, la première comédie du corpus est emblématique. Le titre éloquent On respire38 est suivi d’une épigraphe performative dont les vers sont tirés du duo d’une scène de confrontation politique entre un bon patriote et un vilain Jacobin39: «Peuple français, entends ma voix: / Ne souffrez plus que l’on t’opprime; / Il vaudrait mieux mourir cent fois / Que de voir triompher le crime» (p. 1). La comédie est bâtie sur l’opposition entre Volmar, qui ne se résigne pas à la perte de son pouvoir, et les autres citoyens, parmi lesquels figure Dercourt, qui refuse d’accorder au criminel la main de sa fille. L’amour et la justice triomphent sur les manigances de «buveurs de sang» (p. 5) dont la vue «inspire trop d’horreur» (p. 11) car «le manteau dont ils s’affublaient vient de leur être arraché, on les voit dans toute leur laideur» (p. 5), de «cannibales» qui ont ourdi des forfaits atroces, d’un «amas d’intrigans, de sbires et d’assassins qui, semblables aux bêtes féroces, ne peuvent se repaître que de carnage» (p. 18). Les «monstres» trament jusqu’au bout, ainsi qu’en témoigne l’allusion au complot étouffé par de «jeunes gens» – l’adjectif renvoie explicitement à la «jeunesse dorée» historiquement protagoniste de la réaction anti-montagnarde – se présentant sur scène au cri de «vive la République, vive la Convention nationale, à bas les terroristes» (p. 22). Ce message, déjà formulé par des airs tels que l’«Air contre la Terreur» (p. 5), est réitéré dans un vaudeville final à la valeur politique d’autant plus explicite qu’on y fait allusion au célèbre «Le lion n’est pas mort quand il sommeille, et à son réveil il extermine tous ses ennemis» prononcé le 9 novembre 1794 par Billaud-Varenne. En guise de réponse à ce réveil éventuel, tous les personnages sauf Volmar, significativement exclu du tutti in scena final, réaffirment leur patriotisme, leur haine des Jacobins, leur volonté de se venger et de combattre toute renaissance de la tyrannie, leur ravissement pour le retour de la justice40. S’il souligne la dimension circonstancielle d’un ouvrage «qui paraît avoir été fait vite, mais parfaitement à l’ordre du jour, & [qui est] composé dans les meilleures intentions», le journaliste des Affiches, Annonces et Avis divers du 11 mars approuve une pièce célébrant le «bonheur dont on jouit depuis l’heureuse Révolution du 9 thermidor» et signale l’enthousiasme du public, qui témoigne son adhésion au nouveau cours en demandant aux acteurs de répéter plusieurs couplets du vaudeville.
8Peu de jours après paraît Le Souper des Jacobins41, dont l’intrigue est simple et l’onomastique parlante. Crassidor, Jacobin frauduleusement enrichi, organise un dîner auquel participent Furtifin, journaliste autrefois payé «à tant à calomnie» (p. 5) ainsi que Nicolas Aristide et Jérôme Solon, d’autres criminels obligés de se cacher pour éviter la prison. La vulgarité et la bassesse de ces convives nostalgiques de la période où «le crime […] régnait» (p. 10) contraste avec les discours d’autres hôtes de l’hôtel garni tels Blinville et Dericourt, jeune et pauvre patriote dont la famille a été injustement exterminée, Forlis, dépouillé de sa fortune après avoir été jeté en prison ou «Un tailleur» frauduleusement réduit à la pauvreté. Reconnus et démasqués, les Jacobins sont dénoncés et arrêtés dans le soulagement collectif. La mise en scène de quelques victimes de la Terreur permet à Charlemagne de proposer des cas pathétiques suscitant la pitié et l’indignation des spectateurs, de renouveler les accusations habituelles contre les «monstres buveurs de sang» (p. 30) qui ont perdu de nombreux «honnêtes hommes» – on retrouve ici l’adhésion à la doxa thermidorienne d’après laquelle l’innocence de plusieurs incarcérés atteste la criminalité foncière de leurs accusateurs –, de réitérer l’exhortation à lutter contre toute oppression étrangère aux valeurs républicaines: «Blinville. […] Libres de leurs fureurs, et de leur rage impie, / Vivons pour le bonheur, vivons pour la patrie! / Pour la franchise aimable, et pour l’humanité, / Compagne de la paix et de la liberté» (p. 32).
9Dans Les Jacobins aux Enfers, Chaussier reprend la vogue des représentations infernales, déjà exploitée dans les dialogues et l’iconographie, pour teinter de nuances burlesques l’habituelle rhétorique de la diabolisation. Le vaudeville s’ouvre sur le soulagement de Caron, presque désœuvré depuis que Robespierre est arrivé chez les morts42, et sur le dépit du nouveau favori de Pluton, Arlequin, qui se désole de ne pas pouvoir revenir en France contribuer au retour d’une gaieté auparavant bannie par le «monstre affreux» (p. 7). Arrive Mortifer qui demande asile pour lui et pour les autres Jacobins. Arlequin pérore leur cause: «Chacun les envoie au diable, / Et l’on dit dans l’univers / Qu’ils sont dignes des enfers» (p. 18). De plus, ils pourraient même devenir un modèle de (mauvaise) conduite pour les démons de par l’importance et l’exceptionnalité de leurs crimes. Le roi des Enfers accepte d’accueillir les Montagnards, qui défilent en portant des étendards représentant leurs spécialités – «Calomnie, Trahison, Terreur, Brigandage, Assassinat, Poison» (ibid). La situation précipite quand les nouveaux arrivés voient que Robespierre est traité comme un criminel – il est condamné au supplice qui était celui de Sisiphe, «cet homme ambitieux qui voulut usurper la puissance du peuple» (p. 24) – et décident de se révolter pour détrôner Pluton. Double-Face est attaqué par la citoyenne Tricot, qui n’a jamais été payée pour ses services passés, Mortifer est traîné par les Furies, les autres sont poursuivis par tous les diables munis de bâtons dans une scène à l’évidente saveur farcesque. Les Furies ne voulant pas vivre avec eux – «jalousie de métier», glose Arlequin (p. 34) –, les Jacobins sont envoyés remplacer le vautour qui dévore le foie de Prométhée: «Ils aiment le sang. / Ils pourront là se satisfaire» (p. 35). Enfin, le vaudeville final mêle accusations politiques et éléments burlesques pour condamner ces «monstres pour la vie» (p. 38). Ce que signale aussi le journaliste du Mercure de France du 27 mars quand il fait l’éloge d’un ouvrage explicitement relié à la situation socio-politique actuelle car il représente «avec vérité les jacobins du 9 thermidor» et qui a été créé le jour où «le terrorisme s’agitoit encore»: conséquemment, «il étoit juste qu’il y reçut une leçon un peu sévère, mais au moins digne de la gaieté française».
10Après avoir stigmatisé les Montagnards à Paris et dans l’au-delà, d’autres spectacles retracent leur situation en province. Deux d’entre eux portent sur la dénonciation de l’inhumanité de la loi des suspects. Martainville, chef reconnu de la réaction antijacobine, créé Les Suspects et les fédéralistes, axés sur l’équivoque (enfin dissipée) quant à la signification des termes du titre, dont la mésentente amène à des explications entre le représentant institutionnel et les patriotes tout en contribuant à en montrer l’injustice. Les Affiches, Annonces et Avis divers du 16 avril 1795 louent une «comédie faite avec goût, dans d’excellents principes», qui «attire tous les jours la foule à ce théâtre» et qui propose une «peinture rapide et fidelle des abus les plus monstrueux» d’autant plus appréciable que «le fonds [de la pièce] offre une idée très heureuse et très bien rendue». Un mois plus tard, Les Suspects de Lemière, Picard e Duval portent encore sur la discussion entre des villageois ignorants – beaucoup d’entre eux croient que «suspect» soit une nouvelle charge et veulent s’y faire élire –, le «fédéraliste» Damis, ancien militant dans ce qu’était encore considérée comme la contre-Révolution43, et le représentant en mission Gracchus Courantin. Ridicule, méprisable, lâche, arrogant, hypocrite et inhumain, dans sa rage de trouver des victimes, il est prêt à perdre Damis et d’autres villageois. Mais c’est le 15 Thermidor: la nouvelle de la chute de l’Incorruptible induit le méchant à s’enfuir tandis que tout le monde se réjouit et que le bonheur est restauré. Le vaudeville final dénonce l’arbitraire et la cruauté d’une loi désormais dévisagée comme l’incarnation de la brutalité et de l’injustice de la Terreur44.
11Enfin, une dernière pièce s’avère intéressante de par son utilisation idéologique successive. Créés en avril, Les Aristides modernes, ou l’Intérieur des comités révolutionnaires45 sont suspendus en septembre à cause du retour du jacobinisme et repris en juin 1796. Depuis, ils assument une valeur politique importante qui concourt à assurer le succès d’un ouvrage que «les directeurs […] s’acharnaient, malgré les risques, à […] reprendre»46. Durant le Directoire, les monarchistes renaissants apprécient cette «féroce dénonciation de la Convention au temps de Robespierre»47, dont ils exploitent la valeur antijacobine au point que la pièce devient «l’obsession de la Police»48 à cause des nombreux troubles qui éclatent à chaque représentation. Qualifié par les Affiches, Annonces et Avis divers du 22 avril 1795 de «tableau exact et fidèle des vexations de tout genre qu’exerçoient, sous le règne des terroristes, des hommes atroces, sans moyens, sans instructions comme sans probité», ce «factum» indiqué par Ducancel comme un «tableau malheureusement trop fidèle des brigands qui ont si longtemps désolé la patrie» (Note de l’auteur)49 dénonce l’immoralité, la lâcheté, la brutalité d’Aristide, Caton, Scevola, Torquatus, Brutus. Une onomastique efficace par antithèse – la veine ironique du dramaturge exploite la prédilection contemporaine pour des noms renvoyant à des exemples de virtus romaine que ces personnages qui trafiquent de tout et qui s’enrichissent en persécutant les bons citoyens sont loin d’incarner – s’ajoute à une «nomenclature des rôles [qui] en dit long sur la pièce»50 en ce qu’elle explicite le côté mesquin et inadéquat des personnages. Les membres du comité révolutionnaire de Dijon trament pour éliminer l’honnête Dufour, dont ils craignent l’influence sur le peuple et dont ils veulent acquérir la richesse. Ils décident donc de l’accuser d’être un accapareur. L’échafaud n’est évité que par la lecture du Bulletin de correspondance de la Convention nationale des 9 et 10 thermidor annonçant la chute de l’Incorruptible et, par conséquent, du comité qui en est l’émanation en province. Auparavant traités par l’intrépide citoyen de «monstres» (p. 20), d’êtres féroces auxquels on «immole des victimes» (p. 21), de «juges anthropophages» régis par leur «soif du carnage» (p. 22) etc., les Montagnards sont enfin arrêtés. L’officier municipal qui s’en charge célèbre la fin du «règne des brigands» et l’avènement de «La justice et [de] l’humanité» tout en exhortant les présents à «poursuivre la destruction totale des vampires qui ont dévasté notre patrie», car «la postérité en pleurant sur les cendres de citoyens innocents bénira leurs vengeurs!» (p. 74). Or, on retrouve encore les instances principales du discours thermidorien, et notamment la mise en scène de la persécution d’innocents par des criminels antirévolutionnaires faisant partie d’un «comité [qui] est l’antre de Cacus: on n’y respire que les vapeurs du crime et l’odeur infecte du carnage» (p. 23), des «anarchistes» qui veulent dépeupler la France en la réduisant à une «forêt fermée de murs habitée par des loups qui dévorent et des brebis qu’ils massacrent» (p. 22) ou à un «vaste cimetière, [où] on ne marche que sur des cadavres ou des décombres» (p. 23). Certes exagérées, ces accusations constituent pourtant une «réalité théâtralisée»51 que le public pouvait contextualiser dans un passé tout récent qui le touchait de près. En même temps, elles confortent une doxa institutionnelle qui d’après Lucas sert à criminaliser les Jacobins en renversant le jugement sur une violence étatique qui n’était pas bonne et/ou nécessaire mais barbare et arbitraire et dont l’exercice les apparente de facto aux tyrans d’Ancien-Régime, ce qui légitime la réaction des conventionnels52.
12Reflet de la conscience collective et, surtout, de l’«opinion publique dominante», le théâtre comique du printemps 1795 contribue à la campagne de diabolisation en cours dans le but de justifier une réaction/épuration que toutes les pièces du corpus évoquent comme plus que nécessaire pour le salut de la patrie. La satire, la parodie, l’évocation de récits terrifiants et pathétiques concourent ainsi à re-présenter sur scène un traumatisme collectif qu’on essaie parfois d’exorciser via le burlesque, à «fixer pour longtemps les images noires de la Terreur, réduite à ses aspects répressifs»53, à réécrire l’histoire récente d’une Révolution qui continue, mutatis mutandis, de susciter ou d’orienter les haines politiques. Certes, les textes expriment des émotions collectives bien réelles – la rage, l’indignation, la peur, le soulagement, la joie, le désir de vengeance. Mais ils constituent aussi des cas exemplaires d’utilisation politique d’un art dramatique qui devient une «chambre de résonnance des confusions sémantiques mortifères, des procès en cours contre les représentants en mission et les “terroristes” de l’an II, des appels à la vengeance si nombreux dans la presse et les pamphlets de l’an II»54. «Tous ces gens-là sont trop sensibles», sans doute. Cette hyper-sensibilité doit cependant être contextualisée tout au long d’une période très riche en rebondissements historico-politiques dont la réception est constamment dirigée par des institutions bien conscientes de l’importance du contrôle des émotions collectives.
Notes de bas de page
1 G. Mazeau, Émotions politiques: la Révolution française, in A. Corbin, J.-J. Courtine et G. Vigarello (sous la dir. de), Histoire des émotions. Des Lumières à la fin du xixe siècle, vol. II, Paris, Seuil, 2016, p. 98.
2 H.-J. Lüsebrink, La Prise de la Bastille: archéologie d’un événement-symbole, «Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée», 104 (1992), 1, pp. 115-128.
3 G. Mazeau, Émotions politiques: la Révolution française cit., p. 103.
4 Ivi, p. 98.
5 Cf. ivi, p. 107 sqq.
6 Ivi, p. 116.
7 Ivi, p. 130.
8 Cf. entre autres Ph. Bourdin, Les factions sur les tréteaux patriotiques (1789-1799): combats pour une représentation, in N. Scholz et C. Schroër (sous la dir. de), Représentation et pouvoir. La politique symbolique en France (1789-1830), Rennes, PUR, 2007, pp. 23-38.
9 Cf. B. Baczko, Comment sortir de la Terreur: Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, 1989; Id., «Comment est fait un tyran...»: Thermidor et la légende noire de Robespierre, in J. Ehrard (sous la dir. de), Images de Robespierre: actes du Colloque international de Naples, 27-29 septembre 1993, Napoli, Vivarium, 1996, pp. 25-54. D’après l’historien, c’est cette mort affreuse qui «constitue […] l’acte fondateur de la légende noire. Il fallait que le “tyran” fût mis à mort pour que le discours “vrai” sur lui pût s’étaler au grand jour et se substituer aux éloges extorqués. L’allégresse et les cris «À bas le tyran!» qui accompagnaient la charrette de Robespierre étaient une sorte d’exorcisme» (ivi, p. 28).
10 Cf. A. de Baecque, Robespierre, «monstre-cadavre» du discours thermidorien, «Eighteenth-Century Life», 21 (1997), 2, pp. 203-221.
11 Composé par Souriguières sur musique de Gaveaux, le texte condamne les Jacobins et exhorte les Français à exercer une juste vengeance: «Peuple Français, peuple de frères, / Peux-tu voir sans frémir d’horreur, / Le crime arborer les bannières / Du carnage et de la terreur? / Tu souffres qu’une horde atroce / Et d’assassins et de brigands, / Souille par son souffle féroce / Le territoire des vivants. / Quelle est cette lenteur barbare? / Hâte-toi, peuple souverain, / De rendre aux monstres du Ténare / Tous ces buveurs de sang humain! / Guerre à tous les agents du crime! / Poursuivons-les jusqu’au trépas; / Ah! qu’ils périssent ces infâmes, / Et ces égorgeurs dévorants, / Qui portent au fond de leurs âmes / Le crime et l’amour des tyrans! / Mânes plaintifs de l’innocence, / Apaisez-vous dans vos tombeaux; / Le jour tardif de la vengeance / Fait enfin pâlir vos bourreaux. / Voyez déjà comme ils frémissent; / Ils n’osent fuir, les scélérats! / Les traces de sang qu’ils vomissent / Décèleraient bientôt leurs pas. / Oui, nous jurons sur votre tombe, / Par notre pays malheureux, / De ne faire qu’une hécatombe / De ces cannibales affreux. / Représentants d’un peuple juste, / Ô vous! législateurs humains! / De qui la contenance auguste / Fait trembler nos vils assassins, / Suivez le cours de votre gloire; / Vos noms, chers à l’humanité, / Volent au temple de mémoire, / Au sein de l’immortalité». On peut aussi citer La Mort de Robespierre, écrite en 1794 par Dubuc sur l’air des Versaillais, qui évoque aussi la joie succédant à la tristesse après «Le supplice infamant d’un tyran détesté», l’horreur des crimes d’un «tyran perfide» qui «eût tout englouti dans sa rage homicide» et qui «aurait enchaîné jusqu’à la volonté, / Sans le Dieu de la liberté. (bis)», la volonté de vengeance des Français. Chansonnier révolutionnaire, M. Delon et P.-É. Levayer (éds.), Paris, Gallimard, 1989, respectivement pp. 187-188, pp. 182-183.
12 Cf. J.-S. Egilsrud, Le «Dialogue des morts» dans la littérature française, allemande et anglaise (1644-1789), Paris, L’Entente linotypiste, 1934; L. Andriès, Querelle et dialogues des morts au xviiie siècle, «Littératures classiques», 81 (2013), 2, pp. 131-146; M. Biard, La Révolution hantée: enfers fantasmés et Révolution française, Paris, Vendémiaire, 2017.
13 Cf. S. Pujol, Le Dialogue d’idées au xviiie siècle, Oxford, SVEC, 2005:6, pp. 280 sqq.
14 Cf. M. Biard, Après la tête, la queue! La rhétorique antijacobine en fructidor an II-vendémiaire an III, in M. Vovelle (sous la dir. de), Le Tournant de l’an III. Réaction et terreur blanche dans la France révolutionnaire, Paris, CTHS, 1997, pp. 201-214.
15 Cette opinion, formulée dans la Gazette historique et politique du 26 septembre, est citée in M. Biard, Après la tête, la queue! La rhétorique antijacobine cit., p. 211.
16 Les révélations progressives des forfaits des Jacobins «laissent éclater un défoulement collectif, et génèrent un contre-imaginaire intense. Les “surprises”, les récits des horreurs, les souvenirs […] deviennent un facteur souvent déterminant dans les grands choix politiques qui s’imposent à la fin de l’an II […]. Chaque nouveau récit soulevait et le problème de la Terreur et celui des terroristes, et de leur responsabilité. Les “révélations” n’exorcisaient pas seulement la peur de la veille; elles attisaient les haines du jour. Le désir de vengeance excédait les cas personnels de Robespierre et de ses acolytes exécutés». B. Baczko, Comment sortir de la Terreur: Thermidor cit., p. 193.
17 Cf. ivi, pp. 57 sqq.
18 «Le monstre, la représentation et l’expression, cet être immonde, effrayant à la fois par son corps et par sa méchanceté, physiquement et moralement répugnant, assume rapidement la fonction, en quelque sorte, d’une invective globale. […] C’est une représentation à la fois identificatrice et dénonciatrice: l’adversaire, assimilé au monstre, est désigné comme un être contre-nature et, partant, hors ordre physique et moral. […] L’usage premier fait de l’imaginaire monstrueux est celui de flétrir l’adversaire et de le faire exécrer afin de l’exclure. Le discours sur le monstre est un discours d’exclusion. […] sa monstruosité, qui le met hors nature, explique et légitime son exclusion, sa mise hors la loi et sa mise à mort». B. Backzo, «Comment est fait un tyran...»: Thermidor cit., p. 41.
19 C. Lucas, Les Thermidoriens et la violence de l’an III, in R. Dupuy et M. Morabito (sous la dir. de), Pour une République sans Révolution, Rennes, PUR, 1996, p. 41.
20 M. Poirson, Introduction, in Id. (sous la dir. de), Le Théâtre sous la Révolution. Politique du répertoire (1789-1799), Paris, Desjonquères, 2008, p. 14.
21 M. Nadeau, Théâtre et esprit public: les représentations du Mariage de Figaro à Paris (1784-1797), «Dix-Huitième Siècle», 36 (2004), pp. 491-510, ici p. 510.
22 Cf. P. Berthier, Le Théâtre en France de 1791 à 1828. Le Sourd et la Muette, Paris, Champion, 2014, p. 160.
23 Ivi, p. 162. C’est à partir de cet ouvrage que j’ai établi mon corpus. Cf. ivi, pp. 152-170.
24 Cf. A. Tissier, Les Spectacles à Paris pendant la Révolution. Répertoire analytique, chronologique et bibliographique. De la proclamation de la République à la fin de la Convention nationale (21 septembre 1792-26 octobre 1795), Genève, Droz, 2002, p. 141. Toutes les indications sur le numéro des représentations sont tirées de ce volume, qui malheureusement ne rend pas compte des spectacles successifs à octobre 1795.
25 Cf. J.-A. Lebrun-Tossa et J.-F. Lesueur, Arabelle et Vascos, ou les Jacobins de Goa, Paris, chez la citoyenne Toubon, an III [1795]. Toutes mes citations sont tirées de cette édition, dont j’indiquerai les pages entre parenthèses. Je ferai de même pour les autres éditions précisées en note.
26 Cf. A. Tissier, Les Spectacles à Paris cit., p. 92.
27 Le titre les mentionne directement et dans une note introductive il est précisé que «Mettre sur la scène les jacobins de l’Inquisition, c’est y mettre les jacobins de Paris, puisqu’il existe entr’eux la plus parfaite ressemblance. Le bienheureux saint Dominique faisait rôtir les gens pour la plus grande gloire de Dieu. Billaud, Collot, Barrère et consorts les égorgeoient, par milliers, pour le plus grand bien de la France» (Au lecteur, p. i, italique dans le texte).
28 P. Berthier, Le Théâtre en France de 1791 à 1828 cit., p. 162.
29 Cf. A. Tissier, Les Spectacles à Paris cit., p. 93.
30 Cf. ivi, p. 234 et p. 254.
31 Cf. ivi, p. 283.
32 L’existence de cette pièce est signalée dans Ph. Bourdin, La Terreur et les trois brigands, «Études théâtrales», 2014, 59, pp. 61-72.
33 Cf. A. Tissier, Les Spectacles à Paris cit., p. 143, p. 155.
34 Cf. ivi, p. 143, p. 157.
35 Cf. ivi, p. 143, p. 155.
36 Cf. ivi, p. 178.
37 Pour l’analyse de la pièce, cf. Ph. Bourdin, La Terreur et les trois brigands cit., pp. 63-65.
38 Ch.-L. Tissot et Kreutzer, On respire, Paris, chez la citoyenne Toubon, an III [1795].
39 «Volmar. / Pour réprimer tant d’insolences, / On est encor assez puissant. / Dercourt. / Nous craignons peu votre vengeance; / De pied ferme l’on vous attend. / Volmar. / Vous nous pairez cher cette offense; / Bientôt vous serez confondus. / Dercourt. / Vous égorgeâtes l’innocence; / Tous vos forfaits nous sont connus. / Volmar. Tremble, perfide… / Dercourt. / Ah! quelle audace! / Mais je méprise ta menace. / Volmar. / Tremble, te dis-je; et dès ce soir / Tu tiendras un autre langage: / Dans ma fureur, mon désespoir, / J’ai peine à retenir ma rage. / Dercourt. / En vain tu penses m’ébranler, / Ton courroux n’a rien qui m’étonne; / C’est aux brigands seuls à trembler: / C’est sur eux que la foudre tonne. / Ensemble / Volmar. / Le peuple respecte nos loix, / Il ne veut plus qu’on nous opprime. / Nous allons reprendre nos droits, / Vous précipiter dans l’abîme. / Dercourt. / Peuple français, entends ma voix: / Ne souffrez plus que l’on t’opprime; / Il vaudrait mieux mourir cent fois / Que de voir triompher le crime» (p. 14).
40 «Dorval. / Pour le bonheur de la patrie, / Braves Français, soyons d’accord; / Aux chefs de la ligue ennemie / On doit faire une guerre à mort. / Dans une telle conjoncture, / Plus d’esprits faibles, incertains: / Vengeons-nous, vengeons la nature, / En terrassant les assassins. […] / Dercourt. Notre vengeance est légitime; / Non, point de grâce, point de paix. / Quand on compose avec le crime / On en partage les excès: / Ce lion jadis si terrible / Croit reparaître avec fracas; / Peuple français, sois inflexible, / Il ne se réveillera pas. […] / Dorval. / Reprend ton aimable sourire, / Sexe sensible et plein d’attraits; / Quand la horde infernale expire, / Chacun peut respirer en paix». Ivi, p. 24, c’est moi qui souligne. L’actualité d’une image se prêtant bien aux applications est d’autant plus évidente que la mention aux «lions furieux» figurait déjà quelques pages plus haut: «Dorval. Amis, jurons une guerre éternelle à tous les terroristes; ne nous laissons point circonvenir par ces caméléons; ne les ménageons point, ils nous ont assez opprimés; jurons de les poursuivre jusque dans les antres les plus profonds. […] mes chers amis, ne nous reposons pas après une aussi belle victoire; il est encore des scélérats à démasquer, mais ils ne peuvent nous échapper; enchaînons ces lions furieux, de peur qu’ils ne nous dévorent par la suite; leur entière destruction dépend de notre union: soyons toujours soumis aux lois, et ne souffrons plus qu’une horde de brigands ose rivaliser le Sénat Français». Ivi, p. 22, c’est moi qui souligne.
41 A. Charlemagne, Le Souper des Jacobins, Paris, chez Marchand, an III [1795].
42 Le nocher des défunts rappelle son hyperactivité précédente dans l’air que voici: «Cet homme-là peut se vanter / D’avoir bien dépeuplé la terre; / On ne saurait lui disputer / Le plus grand talent sanguinaire. / On vit ce tigre dévorant, / Poussé par sa rage inhumaine, / Arrêter indistinctement / Le père, la mère et l’enfant, / Pour les égorger (bis) par centaine». H. Chaussier, Les Jacobins aux Enfers, Paris, au bureau des Variétés Amusantes, an III, p. 5.
43 «Damis. […] dans ces tems de crimes et d’horreurs, innocent, vertueux, vrai patriote, ayant dignement servi mon pays, je dois m’attendre à tout. Fédéraliste! Ce mot, que ceux même qui l’ont inventé n’entendent pas, est un prétexte à la tyrannie, et ne sert qu’à fournir des victimes à ses bourreaux. […] Ils [les Fédéralistes] vouloient le bien, ils vouloient des lois, ils vouloient la République; mais la République forte par son gouvernement, forte de ses lois, forte de ses finances, forte de sa justice, et forte enfin de l’amour et de l’union des citoyens. Mais tout cela ne faisoit pas le compte des intrigans et des scélérats; […] ils [les Jacobins] les ont assassinés, ils se sont emparés des finances, ils les ont prodiguées à leurs sicaires; ils ont vomi des troupes de brigands qui circulent en poste pour espionner, pour emprisonner, pour assassiner les bons citoyens; enfin, ils ont payé le crime pour égorger la vertu. Je ne vois plus, hélas! dans ma déplorable patrie que deux classes d’individus, des bourreaux et des victimes» (p. 23).
44 «Damis. L’un étoit suspect pour se taire, / L’autre l’étoit pour babiller, / L’un est suspect pour ne rien faire, / L’autre est suspect pour travailler, / Tel est suspect car il se mire, / Tel, car il porte un habit sec, / Mon voisin est suspect pour rire, (bis) /, Moi pour pleurer je suis suspect. (bis). Gillin. J’entends ce que vous voulez dire / Par les fripons, par les brigands, / Ce mot fut inventé pour nuire, / C’étoit une arme à deux tranchans; / Levons-nous tous contre le vice, / À la vertu, gloire et respect, / Sous le règne de la justice, (bis) / Que le méchant soit seul suspect. (bis)» (p. 32).
45 Ch.-P. Ducancel, Les Aristides modernes, ou l’Intérieur des comités révolutionnaires, Paris, Barba, an III.
46 O. Krakovitch, La foule des théâtres parisiens sous le Directoire, ou de la difficulté de gérer l’opinion publique, «Revue d’Histoire du xixe siècle», 17 (1998), 2, pp. 21-41, p. 32.
47 Ivi, p. 33.
48 Ibid.
49 Ducancel présente son ouvrage comme dérivant de «faits authentiques qui [lui] ont été révélés, soit par des témoins oculaires et victimes, soit par la notoriété publique, soit enfin par le résultat de [ses] propres observations» et lui accorde une valeur civique importante: «Échauffons l’opinion publique contre nos oppresseurs, et nous parviendrons peut-être à précipiter l’action trop lente des loix contre des hommes qui étoient bien moins scrupuleux pour nous égorger, qu’on ne l’est aujourd’hui pour les punir» (Note de l’Auteur).
50 H. Welschinger, Le Théâtre de la Révolution, 1789-1799, Paris, Charavay Frères, 1881, pp. 418-419. En effet, l’indication des personnages mentionne «Aristide, ancien chevalier d’industrie, président du comité; Caton, ancien laquais, escroc, membre du comité, grand aboyeur; Scevola, coiffeur, gascon, membre du comité; Brutus, ancien portier de maison, membre du comité; Torquatus, rempailleur de chaises, membre du comité; Vilain, homme contrefait, commissionnaire au tribunal révolutionnaire […]».
51 Ph. Bourdin, La Terreur et les trois brigands cit., p. 69. Le critique précise davantage quels sont ces «emprunts à la réalité contemporaine: l’évocation des dénonciations devant les sociétés populaires, la mobilisation des faubourgs, les hésitations sur les imputations politiques et leurs sens […], les interrogatoires, les mandats d’amener collectivement signés […], les arrestations nocturnes de citoyens hébétés, les bâtiments religieux devenus prisons». Ibid.
52 Cf. C. Lucas, Les Thermidoriens et la violence de l’an III cit., pp. 42 sqq.
53 Ph. Bourdin, La Terreur et les trois brigands cit., p. 71.
54 Ibid.
Auteur
Università di Verona/University of Warwick
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