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Le foncier rural dans les pays du Sud

Partie 3 – Politiques foncières : débats et controverses

Chapitre 10

Les politiques et opérations de formalisation des droits sur la terre

Philippe Lavigne Delville, Jean-Philippe Colin et Éric Léonard
Pierre-Yves Le Meur (éd.)

Texte intégral

Les auteurs remercient An Ansoms, Alain Rochegude et André Teyssier, ainsi que leurs collègues du Pôle foncier de Montpellier, pour leurs apports à l’amélioration de ce texte. Nous restons responsables des imperfections qui demeurent.

Introduction

1Dans de nombreux pays du Sud, les droits sur la terre en milieu rural relèvent en grande partie de situations d’« informalité » (les droits n’étant pas enregistrés par les services de l’État), avec des pratiques foncières qui peuvent être illégales (en infraction avec le droit positif) ou « extra-légales » (non considérées par le cadre légal, mais non prohibées). Dans d’autres cas, ces droits peuvent avoir été reconnus légalement à une certaine époque et reportés sur des registres, mais, faute d’actualisation de ces derniers, leur réalité est aujourd’hui différente du contenu des registres. Ailleurs encore, une partie de ces droits est attestée par des « petits papiers », documents sous seing privé qui sont rarement reconnus dans les lois foncières.

2Alors que ces situations n’ont longtemps pas été perçues comme problématiques, les prescriptions internationales contemporaines et de nombreuses politiques foncières mettent l’accent sur la reconnaissance légale et la formalisation des droits sur la terre, désormais considérées comme des conditions de la sécurisation des rapports fonciers, de la modernisation du secteur agricole, de la réduction de la pauvreté et de la construction de la bonne gouvernance.

3Précisons le sens que nous donnons à ces notions. Le terme de « reconnaissance légale » recouvre à la fois une protection générale (« les droits coutumiers sont reconnus », sans plus de précision) et la validation juridique et administrative de droits fonciers concrets, exercés et/ou revendiqués par des individus ou des collectifs (famille, communauté, etc.). La notion de « formalisation » renvoie quant à elle à l’intégration dans le registre du droit écrit des droits individuels ou collectifs qui ne l’étaient pas auparavant et relevaient de ce fait d’autres formes de régulation (et donc d’autres « mises en forme » orales ou écrites). On parlera, selon les situations, de régularisation, d’enregistrement, de titrage ou titrement, de certification, de cadastrage. Notre démarche est de nous interroger sur le processus de la transcription des droits locaux dans les termes et les catégories du droit national, et pas seulement sous l’angle du résultat en termes d’accès au droit ou de sécurité, raison pour laquelle nous employons la notion de formalisation plutôt que celle de légalisation, préférée par Ubink (2009), notamment.

4L’idée selon laquelle des droits fonciers légalement reconnus et formalisés sont une condition du développement économique et l’extra-légalité et l’informalité sont un problème n’est pas nouvelle : elle est au cœur de certaines lectures économiques de la question des droits de propriété et a sous-tendu une partie des doctrines coloniales (Mair, 1948 ; Colson, 1971 ; Chauveau, 2016). Elle est également constitutive de la philosophie politique libérale, qui en fait un élément de la construction d’une conscience citoyenne. Elle se combine avec une volonté de l’État de simplifier et rendre lisibles – et donc contrôlables – le territoire et les droits qui s’y exercent (Scott, 1998). Elle relève enfin d’un objectif plus général de « désenchâsser », d’extraire l’exercice et la régulation des droits fonciers des systèmes locaux de normes et d’obligations sociales, ainsi que des systèmes de relations sociales régis par l’appartenance locale ou la parenté, pour en confier la tutelle à des instances extérieures à ces systèmes. De ce point de vue, la formalisation des droits sur les ressources naturelles relève à la fois d’un objectif d’autonomisation des fonctions économiques de la terre au regard de ses fonctions sociales, définies à l’échelle d’un groupe social restreint, et, par la même opération, d’un objectif d’instauration d’institutions (l’État, le marché…) extérieures à ce groupe (cf. chap. 1).

5La réémergence de cette thématique découle de l’évolution des paradigmes du développement depuis le tournant néolibéral et les ajustements structurels des années 1980 (cf. chap. 4), au carrefour des critiques des réformes agraires redistributives et de la valorisation de l’initiative individuelle et du marché comme clés du développement économique (cf. chap. 6 et 11). Depuis les années 1990, de nombreux pays ont ainsi revu leurs législations, réformé leur administration foncière, mis en œuvre des projets de terrain visant à concrétiser ces réformes et à étendre la délivrance de documents légaux.

  • 1 Elles ont ainsi pu, comme dans les pays de l’ancien bloc socialiste, s’inscrire dans (...)

6Ces politiques ont fréquemment cherché à favoriser l’émergence de droits individuels et privatifs, censés libérer les acteurs locaux de la double emprise de l’interventionnisme étatique1 et de l’influence coutumière, mais elles ont aussi pu entreprendre de définir des catégories juridiques nouvelles, supposées restituer les formes locales d’appropriation des terres et des ressources naturelles (éventuellement jusqu’à des formes « communautaires », supra-familiales). Selon les priorités des politiques de développement agricole, leur objectif a pu être de sécuriser l’accès à la terre des agriculteurs familiaux, de favoriser des entrepreneurs agricoles, ou de combiner ces deux aspects, selon les espaces et les secteurs de la production agricole.

7Au-delà de leurs objectifs formels, elles s’inscrivent dans l’histoire longue des rapports entre l’État et les sociétés rurales, et remplissent des fonctions politiques implicites d’ancrage local de l’État, de réponses aux intérêts des élites, de récompense de clientèles politiques (cf. chap. 4). Trente ans après l’engagement de la vague actuelle de politiques de formalisation, leur bilan est mitigé : l’accès de la population à des droits reconnus légalement a progressé de façon inégale selon les pays ; les effets en termes de sécurité foncière et de développement économique sont variables, et bien souvent en deçà des attentes.

  • 2 On notera que les états des lieux sur l’urbain et le périurbain aboutissent globalement a (...)

8Ce chapitre propose un état des lieux de la littérature scientifique portant sur les politiques et opérations contemporaines de formalisation des droits fonciers ruraux, et une discussion de leurs effets dans les pays du Sud. Il s’appuie, tout en l’actualisant, sur un état des lieux réalisé il y a une dizaine d’années en introduction d’un ouvrage collectif sur les politiques d’enregistrement des droits sur la terre (Colin et al., 2009). En trente ans, une masse considérable de travaux de recherche et d’expertise a été produite, à partir de postulats et de méthodes variés. Ces travaux ont questionné les justifications théoriques et les soubassements idéologiques de ces politiques. Ils ont étudié les processus de réforme, les controverses et les jeux d’acteurs qui les ont accompagnés. Ils ont interrogé les écarts entre les discours sur les réformes et les pratiques et les causes des difficultés rencontrées à l’occasion de leur mise en œuvre. Étudiant leurs impacts économiques, sociaux et politiques sur le terrain, ils ont mis en évidence leurs effets sur les droits fonciers, la gouvernance foncière, les rapports de force entre acteurs, et la variabilité de ces effets, très contextualisés selon les caractéristiques de l’économie politique du foncier et celles de l’environnement économique, social, dans lequel ces politiques se déploient2.

9Les recherches soulignent que les liens entre formalisation des droits, sécurité foncière et investissement sont complexes et que, le plus souvent, le statut légal de la terre n’est pas le déterminant majeur de l’investissement. Par ailleurs, l’idée que la formalisation permet une « photographie » fidèle des droits, sans déformation, est problématique dans de nombreux contextes. Souligner ce fait ne revient pas à nier l’utilité de la formalisation. Mais cela incite à être attentif aux biais, simplifications et recompositions induites par la formalisation, et à centrer le débat sur les véritables enjeux : la question des rapports entre sécurisation foncière et formalisation, et donc celle de la pertinence de la formalisation ; et celle des contextes politiques et institutionnels des politiques de formalisation et de leurs conséquences sur la mise en œuvre des programmes. La mise en lumière des enjeux politiques et des biais de mise en œuvre qui pèsent souvent sur les politiques de formalisation ne doit donc pas faire oublier qu’une plus grande sécurisation des droits fonciers des producteurs ruraux est une nécessité dans de nombreux contextes, et parfois une urgence, tant d’un point de vue productif que de paix sociale. Le fait que l’ensemble des citoyens puissent voir leurs droits légitimes garantis et protégés par l’État est une exigence démocratique et un enjeu central de légitimité pour cet État. Les liens entre accès aux droits de propriété et accès aux droits de participation et de représentation politiques, constitutifs de la notion de citoyenneté, ont à ce propos été amplement mis en évidence (voir Marshall, 1950 et, à propos des sociétés du Sud, Jacob et Le Meur, 2010) ; ils demeurent des enjeux majeurs des démarches de formalisation.

10La littérature académique met aujourd’hui en avant l’intérêt de démarches progressives, graduelles, de sécurisation foncière, « alternatives » à la privatisation volontariste, plus aptes à répondre à la diversité des configurations socio-foncières et à faire l’objet d’une véritable appropriation sociale. Elle offre une compréhension assez complète des attendus et des conditions de réussite de ces démarches, mais en pointe aussi les difficultés et les limites.

11Ce texte commence par retracer l’émergence et la consolidation du paradigme de formalisation des droits sur la terre, pour en analyser la diversité des formes et des degrés de mis en œuvre, en lien avec l’économie politique du foncier dans les différents pays (en première partie). Il présente et discute ensuite les argumentaires mobilisés à l’appui des politiques de formalisation au regard de l’état des connaissances scientifiques, en particulier sur les questions du lien entre sécurité et caractère formel des droits, et de l’impact de la formalisation sur l’investissement et le marché foncier (en deuxième partie). Les parties suivantes s’intéressent à la mise en œuvre des politiques de formalisation, d’abord du point de vue des dispositifs de formalisation des droits dans leurs modalités pratiques (troisième partie), puis sous l’angle des effets de ces politiques sur la recomposition des droits et la gouvernance foncière (quatrième partie).

Émergence et consolidation du paradigme de la formalisation des droits fonciers

12La question de la formalisation des droits sur la terre n’est pas nouvelle dans les pays du Sud, en particulier au regard de leurs passés coloniaux. Mais elle n’est devenue centrale dans les politiques publiques et les prescriptions internationales en matière de politiques foncières que depuis les années 1970, et plus encore à partir de 1990. Nous retraçons l’histoire de cette doctrine et expliquons pourquoi elle s’est imposée à cette période. Nous renvoyons au chapitre 4 pour une mise en perspective historique plus détaillée des liens entre doctrines du développement, construction de l’État et politiques foncières.

Les expériences coloniales

Le dualisme juridique au cœur des politiques coloniales

13Les régimes fonciers des empires coloniaux ont été marqués par un dualisme entre des espaces régis par des droits de propriété formels alloués par l’État et le maintien sur le reste du territoire de systèmes de droits locaux « informels », l’importance relative de ces deux espaces étant fonction des politiques d’implantation de capitaux et de colons provenus des métropoles. Pour les pouvoirs coloniaux, ces dispositions répondaient d’abord à un enjeu de légitimation de leur prise de contrôle du territoire. Cela a été fait en englobant les terres conquises sous différentes formes de domanialité (terres de la Couronne, trust lands, domaine national), qui niaient les droits fonciers historiquement établis, ceux des royaumes ou des chefferies, mais aussi ceux des simples habitants. La domanialité permettait au pouvoir colonial : 1) de prendre le contrôle direct des terres dont il estimait avoir besoin ; 2) d’accorder des droits stabilisés aux colons et à ses alliés « indigènes » (sous forme de propriété privée ou de concessions) ; et 3) de construire des alliances avec les pouvoirs locaux, indispensables pour pouvoir gouverner, en leur laissant ou leur donnant un pouvoir de régulation foncière sur les espaces qui n’étaient ni directement contrôlés par l’État, ni en propriété privée.

Encadré 1
Le cadastre, un concept polysémique

Figure emblématique de la formalisation des droits, le cadastre recouvre des réalités historiques variées. Il peut être fiscal et servir seulement à déterminer l’assiette d’imposition foncière, ou juridique et attester des droits de propriété. Aujourd’hui, il est souvent multifonctionnel, intégrant aussi des finalités de planification territoriale. L’histoire du cadastre remonte à l’Antiquité. L’Empire romain l’a particulièrement développé pour délimiter les territoires colonisés et les attribuer aux vétérans, mais aussi parfois pour organiser l’imposition des sociétés qui lui étaient intégrées (Chouquer, 2010). En Europe, on observe à partir du xviiie siècle une multiplication d’expériences, liées à la volonté de l’État central de rationaliser l’impôt, avec des démarches où les cadastres « font à l’individu et à la parcelle, à la communauté et à l’État, à la déclaration et à la mesure, une place qui n’est jamais la même » (Waquet, in Laperdrix et Touzery, 2008 : 575). En France, le célèbre cadastre napoléonien, qui visait à objectiver la détermination de l’impôt et sa répartitiona, mit plus de trente ans à être stabilisé (Clergeot, 2007), hésitant entre levé des surfaces consacrées aux grands types de mise en valeur (cultures, prairies, forêts, etc.) pour calculer l’impôt dû par une commune (charge à elle de répartir ce montant entre les propriétaires) et levé de la propriété dans une perspective d’individualisation de l’impôt. L’Empire napoléonien contribuera à diffuser le modèle dans les pays européens conquis, alors qu’au Royaume-Uni, l’aristocratie foncière y résistera victorieusement, jusqu’à tout récemment (Chouquer, 2019 : 105-108). À l’exception de l’Allemagne et de ses anciennes provinces d’Alsace et de Lorraine, où le cadastre juridique et le livre foncier attestent conjointement de la propriété, la plupart des expériences de cadastrage ont eu une finalité exclusivement fiscale, la preuve de la propriété résidant dans l’enregistrement légal des transferts (ventes, héritages et dons).

a. Il y eut par ailleurs une tentative de cadastre juridique au milieu du xixe siècle (Chouquer, 2019 : 119ss).

14Dans les colonies de l’empire espagnol en Amérique latine, les rapports de force ont abouti à des équilibres évolutifs entre la protection des communautés autochtones par l’attribution de droits de propriété collective et le soutien à la formation de la propriété privée individuelle. Les indépendances ont marqué un basculement en faveur de cette seconde option, via des politiques de démantèlement des communautés indigènes au profit de l’instauration de la propriété privée individuelle et de l’extension de grands domaines (cf. chap. 4). Le monde colonial anglo-saxon et francophone s’est étendu au xixe siècle dans un contexte d’États rationnels-bureaucratiques. Le droit foncier y a été structuré par un dualisme juridique entre les terres en propriété privée et les autres (dites « vacantes et sans maître » en Afrique francophone), placées sous le contrôle de l’État au titre de la domanialité. En pratique, ces terres relevaient de régimes coutumiers, et leur gestion a été confiée aux pouvoirs locaux, qui en ont fréquemment profité pour accroître leurs prérogatives foncières et leur pouvoir de taxation (Colson, 1971 ; Olivier de Sardan, 1984).

15Confrontés aux besoins de construire ex nihilo une propriété privée, les pouvoirs coloniaux ont mis en place des dispositions spécifiques, qui n’ont pas procédé par simple transposition du droit métropolitain. Inventé en Australie en 1858 pour régler les conflits de propriété entre colons (Chouquer, 2019 : 111-115), le système dit « Torrens » repose sur la constitution d’un « livre foncier », avec une page par parcelle, où sont enregistrés les propriétaires. Ceux-ci se voient octroyer un droit de propriété privée garanti par l’État. Le transfert de propriété est établi par le changement de nom sur le livre foncier et l’émission d’une nouvelle copie du titre foncier – et non par le contrat d’achat, comme dans le Code civil (l’État enregistrant les mutations sans les garantir). Le système Torrens a servi de base aux dispositifs de création de la propriété privée dans les colonies britanniques (avec l’adjudication, procédure judiciaire) et françaises (avec l’immatriculation, procédure administrative).

16Cette histoire explique que la question de la formalisation des droits se pose de façon particulière dans les pays issus d’empires coloniaux. En Europe, une telle formalisation s’est faite « par le bas », dans un processus historique commencé dès le Moyen Âge, avec l’enregistrement des transactions et des héritages, les législations venant progressivement préciser le contenu des droits et encadrer leurs transferts, notamment ceux des héritages. Les législations coloniales ont au contraire visé à créer une propriété privée « par le haut » (Comby, 2007 ; Stamm, 2013), à partir de terrains placés légalement dans le domaine de l’État. En Europe, le cadastre est le produit d’une histoire longue (Chouquer, 2008) et il a été systématisé à partir de l’époque napoléonienne comme instrument fiscal ; dans les pays du Sud, il est souvent considéré comme un support juridique de la propriété, mais il ne couvre qu’une partie du territoire et n’a pas forcément de finalité fiscale.

Des procédures limitées pour l’accès à des droits écrits

17Faisant basculer définitivement les droits fonciers dans le régime du droit étatique, l’adjudication ou l’immatriculation assurent le passage entre les univers de la coutume et du droit écrit. L’accès à des droits juridiquement reconnus est historiquement avant tout la préoccupation des colons et des élites indigènes liées au pouvoir colonial. La part des terres immatriculées est fortement corrélée à l’importance du peuplement européen, des plantations coloniales (Australie, Kenya, Afrique australe pour le Royaume-Uni ; Algérie, Madagascar, Indochine, Nouvelle-Calédonie pour la France) et de la participation d’élites locales à l’économie impériale. La complexité et le coût des procédures réservent l’accès aux titres aux acteurs aisés, familiers des rouages administratifs, en situation de légaliser leurs possessions acquises par la négociation et les arrangements locaux, l’achat ou la violence. L’accès des villageois indigènes à des droits juridiquement reconnus n’est ni la priorité du pouvoir colonial – à de rares exceptions près –, ni celle des populations elles-mêmes : pourquoi aller enregistrer des terres que l’on détient déjà, si personne ne vous les dispute ? Les doctrines coloniales hésiteront ainsi souvent entre promotion de l’enregistrement et mise en avant des risques sociaux et politiques de sa mise en œuvre (Ageron, 1968 pour l’Algérie ; Chauveau, 2016 : 443 pour l’Afrique subsaharienne). Une voie alternative a consisté à définir des « réserves autochtones/indigènes » dans certaines colonies de peuplement, ces réserves combinant, dans une logique de ségrégation à la fois spatiale et raciale, délimitation externe et gouvernement indirect interne (sans formalisation ou enregistrement de droits fonciers aux niveaux inférieurs du lignage ou du ménage par exemple).

18Face au développement des transactions portant sur les terres non enregistrées, divers mécanismes permettaient d’acter de droits fonciers non immatriculés et du transfert de ces droits. Ainsi, en Afrique de l’Ouest francophone, la promulgation de « conventions entre indigènes », prévue par un décret de 1906, permettait de traiter les ventes de terre. Les certificats administratifs – première étape de l’immatriculation – ont pu aussi être utilisés comme attestations de propriété. En Amérique latine, la « composition de terres », puis la prescription acquisitive ont, de façon similaire, servi d’outil juridique à la formalisation des possessions établies sur les terres de la Couronne, puis nationales, moyennant le paiement d’une taxe à l’État (voir Delahaye, 2009 pour le Venezuela ; Léonard, 2009 pour le Mexique).

Les premières politiques de formalisation systématique

19Les tentatives de formalisation systématique des droits des populations « indigènes » ont en fait été très limitées. Dans l’Empire colonial français, ces projets ont été les plus aboutis en Algérie, où la formalisation des droits a été un outil de démantèlement des communautés locales et d’ouverture des terres aux colons, à travers deux lois particulières : le sénatus-consulte de 1863 et la loi de 1873, dite loi Warnier (encadré 2).

20Dans les possessions britanniques d’Afrique, les politiques de formalisation des droits fonciers des populations colonisées ont eu deux expressions principales, à deux époques différentes. En Ouganda, peu après la conquête coloniale, la réforme mailo de 1900 a consisté à octroyer aux élites coutumières du royaume du Buganda la propriété privée des terres dont elles avaient la souveraineté, dans un but de consolider l’alliance du pouvoir colonial avec la classe dirigeante du royaume ; 9 000 km² ont ainsi été titrés au profit d’environ 4 000 notables (Gay, 2014 a : 5). Face aux risques sociaux induits par la précarisation des tenanciers installés sur ces terres, le pouvoir a édicté dans les années 1920 une loi les protégeant contre l’éviction (Médard et Golaz, 2018 : 5) ; la dualité qui en a résulté, entre propriété mailo et droits « informels » des exploitants, demeure structurante aujourd’hui. La seconde expérience a été le plan Swynnerton, au Kenya. Élaboré dans les années 1950, dans la phase « développementiste » de la colonisation (Cooper, 1997), il visait à créer une classe de paysans entrepreneurs, mais aussi à calmer le jeu politique dans la vallée du Rift, après l’écrasement de la révolte Mau Mau. Ce programme s’est prolongé jusque dans les années 1970 et a été un instrument majeur de construction du clientélisme politique après l’indépendance. Moins de 600 000 ha avaient alors été enregistrés, essentiellement dans la vallée du Rift, mais l’expérience a été rapidement étendue dans les décennies suivantes, pour atteindre 7 millions d’hectares en 1986 (Rutten, 1992 : 80). Les multiples évaluations (Coldham, 1978 ; Haugerud, 1983 ; Okoth-Ogendo, 1976 ; Shipton, 1988 ; Simpson, 1976) convergent : « Non seulement le programme gouvernemental s’est révélé difficile à mettre en œuvre, laissant de fait, le plus souvent, le contrôle de la terre aux aînés locaux, mais il a conduit à de nombreux conflits, dont l’issue a favorisé les gens les plus riches et les plus influents, a stimulé le développement d’un marché foncier largement non régulé, a affaibli la sécurité foncière des petits exploitants, et a entraîné une concentration de la propriété ou du contrôle des terres en faveur des hommes et des plus riches, sans pour autant faciliter l’accès au crédit ou amener les gains de production qui avaient été espérés » (Downs et Reyna, 1988 : 4, TdA). Nous verrons que ces traits constituent des biais récurrents des programmes de titrage systématique.

Encadré 2
La formalisation des droits fonciers dans l’Algérie coloniale

Le sénatus-consulte de 1863, qui ne concernait normalement pas les terres en tenure individuelle (melk), reconnaissait aux tribus la propriété des territoires dont elles avaient la jouissance, mais au prix d’une profonde réorganisation : délimitation (bornage et cartographie) et répartition de leurs ressources entre les différents villages (douars) intégrant les tribus, établissement d’une propriété individuelle sur les terres exploitées par leurs membres, basculement des terres communes dans le domaine de l’État. Son application à la moitié de la population s’est faite à marche forcée entre 1864 et 1870, au prix de découpages et de regroupements arbitraires, et d’une concentration foncière au profit des nouvelles élites rurales alliées du pouvoir. La loi de 1873 (revue en 1887) visait à contourner les entraves à la colonisation agraire européenne que le sénatus-consulte posait à travers la reconnaissance de la propriété collective. En imposant le cadre légal français (hors Kabylie et régions éloignées des centres de colonisation), elle a provoqué l’individualisation des droits sur les terres collectives et en indivision familiale, et favorisé, en particulier à travers la licitation (vente aux enchères d’un bien indivis), les achats de terre par les colons. Après avoir été suspendues en 1870, les opérations du sénatus-consulte reprennent en 1887 en ciblant les tribus encore non touchées et en intégrant la Kabylie. La loi de 1873-1887 sera suspendue en 1892, devant les risques d’insurrection provoqués par les spoliations foncières. La formalisation des droits individualisés n’a pas été menée jusqu’à son terme, ce qui n’aura pas empêché les effets déstructurants de ces mesures pour les sociétés locales. Les tentatives ultérieures de protection légale de la propriété indigène face aux appétits des colons échoueront (Ageron, 1968 ; Bessaoud, 2017)a.

a. Voir Ageron (1968 : 74-102 et 739-775) pour une description remarquable des atermoiements et volte-face du législateur et des pratiques administratives, au gré des rapports de force politiques entre partisans de la colonisation agricole et administrateurs plus soucieux de la paix civile, et au gré aussi des décisions de justice face à la contestation de mesures jugées trop favorables aux intérêts des colons (et des spéculateurs) ou, à l’inverse, des populations dites indigènes.

Le tournant néolibéral et le paradigme de la formalisation

Permanence du dualisme légal et émergence de solutions palliatives

21Après les indépendances, les politiques foncières ont varié selon l’orientation politique des nouveaux États, qui le plus souvent n’ont pas remis en cause le principe de domanialité (et l’ont même renforcé dans les régimes à orientation socialiste). Accédant plus tardivement à l’indépendance, dans une économie politique très différente, les pays d’Océanie font ici figure d’exception : ils ont au contraire mis la coutume au fondement de leur législation dans des politiques à forte dimension identitaire et nationale, souvent marquées par l’interventionnisme de l’État (Foster, 1995 ; Mcdonnell et al., 2017 ; Ward et Kingdon, 1995). Les politiques foncières post-indépendances ont globalement été marquées par une logique surplombante de contrôle par l’État et les élites politiques des mécanismes d’octroi de droits fonciers, en fonction d’une conception de l’« intérêt national » fortement liée à leurs propres intérêts. Que les pays aient suivi une orientation socialiste (avec la nationalisation des terres) ou libérale (avec le maintien du principe de domanialité), la question de la formalisation de la propriété est longtemps demeurée secondaire au regard de l’enjeu de construction et de légitimation des régimes politiques et des élites gouvernantes (cf. chap. 4). Cet enjeu a orienté la régulation de l’accès aux ressources foncières en faveur de l’insertion des détenteurs de droits dans des réseaux clientélistes qui se ramifiaient aux différents échelons de gouvernance. Dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, la combinaison du régime de domanialité et d’arrangements locaux organisant l’accès à la terre dans le cadre coutumier (tel qu’il avait été réinventé par la colonisation) a permis la poursuite de cet objectif, tout en autorisant les stratégies d’accumulation foncière des élites, seules à même de mettre à profit leurs réseaux sociaux et leur connaissance des procédures administratives pour se faire octroyer en pleine propriété et à bas prix des terres du domaine privé de l’État (Berry, 1993).

  • 3 Voir les schémas des procédures dans De Soto (2005).
  • 4 Pour Madagascar et l’océan Indien, voir Garron (1994). Voir aussi Clerc et al. (1956) (...)

22À la fin des années 1980, seules 1 à 2 % des terres sont immatriculées dans la majorité des pays d’Afrique subsaharienne. Les services fonciers, sous-dotés en personnel, sont en crise, les archives sont mal tenues. Les procédures nécessitent plusieurs dizaines d’étapes et sont tellement complexes3, lentes et coûteuses qu’elles sont souvent abandonnées par leurs instigateurs. L’actualisation de l’information foncière est partielle, les décalages entre le contenu des registres et la réalité des droits sont parfois énormes, les situations d’indivision, de vente partielle et de multiplication des ayants droit sous couvert d’un même titre étant généralisées. La complexité et l’opacité des procédures favorisent l’instrumentalisation politique du foncier et la corruption des agents qui en ont la charge. Le diagnostic de l’impossible généralisation de l’immatriculation au territoire, de la désactualisation des livres fonciers, et du fait que ces outils profitent surtout aux élites urbaines et étatiques pour qu’elles s’approprient les terres rurales, a été fait par certains administrateurs coloniaux dès les années 19204. La demande actuelle des élites urbaines pour des titres fonciers ne remet pas ce constat en cause.

23Les mêmes constats de déliquescence de l’administration foncière peuvent être faits dans d’autres régions du monde. En Haïti, où la délivrance de titres a été historiquement plus développée du fait de l’histoire coloniale du pays, il existe des notaires et des arpenteurs en milieu rural. On observe cependant la même absence d’actualisation des transferts et la prévalence de l’indivision (Oriol et Dorner, 2012). Face à cette réalité, il est frappant de constater que les initiatives locales de formalisation – observées en particulier en milieu rural africain et malgache – portent non pas sur la reconnaissance légale des droits détenus dans les cadres coutumiers, mais sur les transferts de ces droits. Confrontés au développement des ventes de terres non immatriculées, et aux conflits qu’elles occasionnent, les acteurs locaux (villageois, élus locaux, agents de l’administration, magistrats religieux, parfois, dans les sociétés de droit musulman) ont mis en place des dispositifs de « formalisation locale », qui reposent sur un contrat écrit explicitant la transaction (souvent qualifié de « petit papier ») et sur le recours à des témoins et à des autorités officielles. Chefs de village, préfets ou sous-préfets, maires ou officiers de gendarmerie sont ainsi couramment sollicités pour attester de l’identité des acteurs de la transaction et légaliser leur signature (André, 2002 ; Colin, 2013 ; Lavigne Delville, 2003). Ces contrats ne s’inscrivent pas dans des dispositifs encadrés par la législation foncière et sont le plus souvent ignorés ou combattus par l’administration foncière. Ils ont pourtant un caractère légal lorsque les actes sous seing privé sont reconnus par le droit des affaires et/ou le droit civil. Ils viennent combler le vide produit par des législations foncières qui relèguent la grande majorité des transactions – celles qui portent sur des terrains non immatriculés – hors de tout cadre formel. De telles pratiques sont qualifiées de « semi-formelles », de « formalisation informelle » ou « locale », du fait qu’elles ne reposent pas sur des procédures officielles réglementées, même si les autorités administratives locales en ont intégré le principe dans leur pratique. Elles relèvent de ce qu’on peut appeler des « solutions palliatives », qui tentent d’apporter des réponses pratiques aux problèmes rencontrés, face aux carences des services publics (Olivier de Sardan, 2014).

24De nos jours, le caractère quasi systématique du recours au contrat sous seing privé pour les ventes de terres non immatriculées et de l’intégration d’agents administratifs ou d’élus dans leurs procédures interrogent des politiques foncières qui ignorent, voire rejettent, l’importance de ces transactions, le rôle que jouent ces dispositifs semi-formels, et les problèmes de sécurisation qu’ils posent, faute d’être reconnus et encadrés (Lavigne Delville et al., 2017 : 132-136).

Individualisation des droits et libéralisation des marchés

25Durant les premières décennies de l’après-Seconde Guerre mondiale, le mot d’ordre des politiques foncières a été la réforme agraire (cf. chap. 4 et 11). Il s’agissait de démanteler les grands domaines improductifs et de redistribuer la terre au profit des petits producteurs. Le discours sur la formalisation des droits sur la terre a repris de l’importance avec le tournant néolibéral et les ajustements structurels, à la fin des années 1970. Le référentiel international dominant prône alors des politiques systématiques de cadastrage et de délivrance de titres individuels de propriété privée. Ce référentiel n’est pas nouveau, et son argumentaire, nous l’avons vu, a traversé tout le xixe siècle et la première moitié du xxe, qu’il s’agisse des colonies européennes d’Afrique, d’Asie et d’Océanie, ou des pays indépendants d’Amérique latine. Mais il prend une nouvelle force avec l’audience croissante de la théorie des droits de propriété et sa mise en avant par les institutions internationales, la Banque mondiale au premier chef. Divers arguments sont mobilisés à l’appui de ces prescriptions, comme la pression foncière, la montée des conflits, voire la protection de l’environnement. Mais la justification des politiques de formalisation est avant tout économique, avec le postulat d’une relation de causalité directe entre la détention d’un titre, la sécurité foncière et l’investissement. La délivrance de titres de propriété est vue dans cette perspective comme une condition du développement économique (nous reviendrons en deuxième partie du chapitre sur cet argumentaire). L’étude emblématique de la Banque mondiale sur la Thaïlande (Feder, 1987), malgré ses biais (Bromley, 2009), a servi à mettre en avant l’intérêt économique de la formalisation des droits sur la terre. Cette insistance sur les droits de propriété s’inscrit aussi dans le renouveau de l’intérêt des organisations internationales pour les institutions : au cours des années 1990, après la chute du mur de Berlin, l’accent est mis sur les réformes institutionnelles censées consolider l’ancrage des pays dans le libéralisme économique et la démocratie, alors que l’inefficacité et la corruption des administrations foncières sont dénoncées.

26Plus récemment, l’USAID et la Banque mondiale ont promu largement la thèse de de Soto (2005), pourtant faiblement argumentée (Cousins et al., 2005 ; Gilbert, 2002 ; Musembi, 2007), selon laquelle la formalisation des droits de propriété est un levier essentiel de sortie de la pauvreté, car elle permet de transformer le « capital mort » des pauvres en outil d’investissement, via la mise en garantie du titre foncier pour accéder au crédit. Dans le même temps, d’autres acteurs mettent en avant la question foncière, mais sous l’angle de la protection des droits locaux contre les évictions et les abus de pouvoir de la part de l’État ou d’acteurs externes (Deininger et Feder, 2009). Au-delà des argumentaires la légitimant, la promotion de la formalisation des droits et de la réforme de l’administration foncière répond aussi à la volonté de lutter contre la corruption et la politisation de cette administration.

Privatiser et sécuriser : des liens de causalité mis en question

27À partir d’une contestation partagée du monopole foncier de l’État, deux grandes visions s’affrontent depuis les années 1990. La première, dite de « remplacement », promeut le remplacement des droits coutumiers, considérés comme des freins à la productivité, par des droits de propriété privée, formalisés par un titre et garantis par l’autorité étatique. L’autre, qualifiée d’« adaptative », part du constat que les droits fonciers coutumiers évoluent avec les changements économiques et sociaux, et qu’ils ne sont pas en eux-mêmes des freins à l’investissement, mais qu’il convient de les sécuriser, de les protéger des abus de pouvoir, afin de leur permettre de s’adapter aux évolutions de l’environnement économique et démographique (Atwoodhi>, 1990 ; Bruce et al., 1994). Cette vision recouvre des démarches variées, depuis des logiques de type cadastral centrées sur les parcelles agricoles, mais aboutissant à des certificats fonciers individuels ou collectifs, jusqu’à la mise en place de dispositifs de régulation foncière reconnaissant un rôle explicite aux autorités locales.

28Depuis le début des années 1990, de nombreuses réflexions et expérimentations de terrain ont ainsi cherché des alternatives de formalisation des droits coutumiers, sous une forme individuelle ou collective, ou en combinant les deux. Les deux paradigmes de remplacement et d’adaptation s’opposent sur plusieurs points, en particulier la définition de la sécurité foncière, la question des statuts juridiques permettant de légaliser les droits fonciers, celle des instances de régulation et d’administration des droits sur la terre et celle du phasage des réformes.

29La notion de « sécurité foncière » est en effet polysémique. De nombreux auteurs confondent contenu des droits et sécurité, durée des droits et sécurité, ou statut légal et sécurité (Lavigne Delville, 2006 ; Sjaastad et Bromley, 2000), voire sécurité et droit de vendre sans restriction. Ainsi, quand Bruce et Migot-Adholla (1994 : 3) définissent la sécurité foncière comme « le droit, ressenti par le possesseur d’une parcelle de terre, de gérer et utiliser sa parcelle, de disposer de son produit, d’engager des transactions, y compris des transferts temporaires ou permanents, sans entrave ou interférence de personne physique ou morale » (TdA), ils définissent la propriété privée, pas la sécurité foncière. Des droits d’exploitations obtenus en faire-valoir indirect peuvent être parfaitement sécurisés, si l’on a un engagement contractuel (écrit ou oral) clair et la certitude que ce contrat sera respecté, et ce même si sa reconduction n’est pas garantie. On peut être sécurisé dans ses droits, même avec des restrictions quant au droit de vendre. Par ailleurs, un titre foncier n’est une condition ni nécessaire, ni suffisante de sécurité foncière : d’une part, on peut être en sécurité foncière en situation « informelle », pour autant que les droits que l’on détient soient reconnus dans l’espace social de leur exercice ; d’autre part, si l’administration foncière est inefficace ou corrompue, ou si la légitimité des droits est contestée par les acteurs locaux, un titre ne garantit pas leur exercice paisible.

  • 5 En milieu urbain, les définitions de la sécurité foncière mettent l’accent sur la pro (...)

30Dans le paradigme de remplacement, la sécurité foncière est conçue comme découlant du caractère formel des droits attestés par le titre foncier. Les approches alternatives avancent une autre conception, qui distingue la forme des droits de leur sécurité. Dans cette perspective, cette dernière est définie comme « la confiance dans le fait que les droits que l’on détient sur des terres et des ressources naturelles (quelles que soient la nature de ces droits ou leur durée) ne seront pas contestés sans raison, et que, s’ils le sont, ils seront confirmés par des instances d’arbitrage » (Lavigne Delville, 2017 : 2)5. L’enjeu de sécurisation des droits renvoie d’abord à une question d’institutions et de gouvernance, et seulement secondairement aux documents étayant ces droits (ces documents ne pouvant contribuer à la sécurité foncière que dans un environnement institutionnel fiable). La formalisation n’est dans cette perspective qu’un moyen pour une gouvernance foncière renouvelée, qui admet, notamment, que des instances locales, décentralisées et partiellement autonomes vis-à-vis de l’administration étatique puissent garantir les droits une fois ceux-ci formalisés. En pratique, elle devient fréquemment un objectif en soi. La formalisation des droits locaux dans une logique adaptative est ainsi soutenue tant par ceux qui promeuvent un développement progressif de l’individualisation et du marché, que par ceux qui dénoncent les logiques de marché et voient dans cette formalisation un moyen de protection des acteurs locaux contre le marché et contre l’État.

  • 6 Des expériences peu nombreuses avaient déjà eu lieu, par exemple la tentative de cada (...)

31Dès les années 1990, de nombreuses recherches ont critiqué les postulats du paradigme de remplacement (cf. infra), légitimant ainsi les approches (très diverses dans leurs orientations et leurs méthodes) se référant au paradigme d’adaptation. De nombreux projets pilotes, financés par l’aide internationale, ont tenté de les concrétiser et de les légitimer en expérimentant des méthodes et des outils6. Au cours des années 2000, les versions dures du paradigme de remplacement semblaient disqualifiées. Pourtant, elles ont connu un retour en force dans la foulée de la crise alimentaire et financière de 2007 et 2008, qui a induit un renouveau dans la promotion internationale de l’agrobusiness, de « corridors de développement » ou d’« agropoles ». Le fait que les démarches « adaptatives » peinent à obtenir une reconnaissance légale et à dépasser le stade des opérations pilotes (ce qui était aussi le cas des opérations de cadastrage standard) a aussi favorisé cette tendance. La lutte entre ces deux conceptions de la formalisation des droits sur la terre n’est pas tranchée, et force est de constater la persistance d’un « dogme de la formalisation », malgré les mises en cause tant théoriques qu’empiriques (Chauveau, 2016).

Une extension inégale de la formalisation des droits

Une multiplication de réformes foncières

32Depuis les années 1990, de nombreux pays ont engagé des programmes de formalisation massive des droits sur la terre, avec des succès inégaux. Pour partie impulsées par les institutions internationales, ces réformes relèvent d’un « ajustement structurel de seconde génération » (Boone, 2007), d’un « ajustement global/sectoriel » (Muller, 1990) du secteur foncier à la libéralisation économique et à la redéfinition du rôle de l’État. Elles ont eu des enjeux variés selon l’économie politique du foncier des pays. Les programmes soutenus par l’aide internationale ont touché massivement les pays d’Europe de l’Est, après l’effondrement des régimes socialistes. Il s’agissait alors d’accompagner ou d’achever les processus de décollectivisation des terres, qui ont suivi des options allant de la restitution aux anciens propriétaires à la répartition entre les membres des exploitations collectives (cf. chap. 6 et 11). Presque au même moment, le mouvement a aussi concerné l’Amérique latine, où il a porté sur la formalisation de droits individuels dans les communautés issues des réformes agraires du xxe siècle (Mexique, Pérou) (Zoomers et Van Der Haar, 2000), et l’Asie du Sud-Est (formalisation des droits locaux après les décollectivisations) (Mellac et Castellanet, 2015). Il s’est ensuite étendu à l’Afrique subsaharienne, où l’objectif porte sur la formalisation des droits coutumiers, avec une volonté de « clarifier » les droits pour les simplifier et les rendre lisibles pour l’État et les investisseurs nationaux ou étrangers.

33Ces réformes se situent au carrefour d’enjeux internes et, pour de nombreux pays, de pressions ou d’opportunités externes. Ainsi, dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, elles ont été fortement impulsées par les bailleurs de fonds, tout en s’inscrivant parfois dans des processus politiques de sortie de crise : fin de la guerre civile et affirmation des nouveaux régimes politiques en Ouganda (Gay, 2014 a), au Mozambique ou au Rwanda ; mise en cause du legs colonial et volonté de solder les violences politiques liées aux élections présidentielles de 2007 au Kenya (Di Matteo, 2019). En Asie de l’Est et du Sud-Est, elles ont accompagné le mouvement de décollectivisation post-soviétique, mais selon des trajectoires nationales spécifiques (Cambodge, Chine, Laos, Vietnam). Leurs orientations (adaptation vs substitution) ont pu diverger en fonction des trajectoires nationales. Les réformes ont fréquemment été l’objet de larges débats publics, ce qui est nouveau et témoigne tant de l’impératif participatif mis en avant par les institutions nationales que de l’émergence d’une société civile engagée sur ces sujets. Leur mise en œuvre a toutefois été très limitée. Globalement, si les projets pilotes ont été nombreux, les cas de passage à grande échelle ont été rares en Afrique : seuls l’Éthiopie et le Rwanda, deux pays autoritaires, ont réussi à enregistrer les terres à grande échelle (seulement des droits d’usage en Éthiopie), et sans que cela ne garantisse l’actualisation ultérieure systématique des registres établis (Pritchard, 2013 ; Bezu et Holden, 2014 ; voir aussi Bouquet, 2009 ; Léonard et Robles Berlanga, 2017 pour le Mexique) : une étude récente montre ainsi que 87 % des transactions ne sont pas enregistrées au Rwanda (Ali et al., 2021).

34Les options ont oscillé entre la délivrance de certificats individuels transférables, sans remettre en question le statut collectif ou national des terres, et l’établissement d’une propriété privée. Le Vietnam (qui a délivré à partir de 1991 des « livrets rouges » attestant des droits d’usage des paysans [Bergeret, 2002 ; Fortunel, 2009]), ou le Mexique (avec le programme de certification des droits dans le secteur ejidal [Bouquet et Colin, 2009]) illustrent le premier cas de figure. Le second est représenté par le Pérou. Dans ce pays, la réforme de 1990 du statut des terres distribuées dans le cadre de la réforme agraire s’est inscrite dans la continuité du mouvement de dissolution spontanée des grandes coopératives, initié depuis les années 1970, mais elle a été impulsée par le régime autoritaire d’Alberto Fujimori et s’est appuyée sur des processus coercitifs d’affaiblissement des organisations communautaires, pour faire disparaître et rendre impossible toute forme de régulation collective sur les terres (Burneo, 2016 ; Mesclier, 2009).

35Sous la pression des organisations internationales et des sociétés civiles, certaines dispositions légales, en Amérique latine, en Asie, en Afrique subsaharienne, ont introduit la possibilité ou l’obligation d’établir les titres fonciers aux noms des deux membres du ménage, dans un objectif d’émancipation (empowerment) des femmes au sein du ménage et de sécurisation de leurs droits, en particulier en cas de divorce ou de veuvage. Ces dispositions ont cependant des limites : absence des ressources financières et d’une maîtrise suffisante des procédures administratives de titrage par les intéressées, tendance des femmes elles-mêmes à privilégier leurs fils dans l’héritage, contraintes dans l’usage de la terre induites par la perception de la place de la femme dans les activités productives (cf. chap. 2).

Réformes légales, dispositifs administratifs, opérations de terrain

36Les réformes visant à promouvoir la formalisation des droits sur la terre combinent le plus souvent trois dimensions dont les articulations peuvent varier : 1) une réforme des textes légaux et des instances d’administration foncière ; 2) des actions visant à créer et/ou à étendre et équiper les dispositifs d’administration foncière à l’échelle locale ; et 3) des opérations de terrain visant à identifier des parcelles et des droits, et à délivrer des documents légaux, sur tout ou partie du territoire.

37En termes de législation et d’administration foncière, le contenu des réformes varie selon que la politique vise à étendre et formaliser la propriété privée, à sécuriser les droits locaux en renforçant leur dimension individuelle, ou encore à accompagner la décollectivisation. Dans le premier cas, le cadre légal est ajusté, mais ses postulats centraux ne sont pas questionnés : il s’agit de simplifier les procédures d’accès au titre foncier, d’en réduire le coût et de rendre plus efficace et plus transparente l’administration foncière. Allègement des procédures, déconcentration administrative, création éventuelle d’une agence dédiée sont les axes principaux de ces politiques. Lorsque cette extension concerne des terres communautaires (indigènes ou issues des réformes agraires), la réforme intègre aussi des mesures pour abolir les régulations communautaires, en renforçant les droits fonciers des individus et souvent en supprimant le verrou de leur inaliénabilité. Dans le deuxième cas, la réforme du cadre légal et administratif est plus profonde : elle intègre la création de nouveaux documents légaux, censés être plus adaptés aux droits existants, comme les certificats fonciers, et va souvent de pair avec la mise en place d’une administration spécifique pour en tenir et actualiser les registres, administration qui peut être plus ou moins décentralisée. Dans les cas de décollectivisation, les réformes se proposent de redistribuer les droits (et parfois de les restituer aux anciens propriétaires expropriés), ou de légaliser des redistributions réalisées antérieurement sur une base informelle (cf. chap. 11).

38Ces réformes sont complétées par des actions visant à étendre, équiper, moderniser et rendre plus efficace l’administration foncière : ouvrir des bureaux déconcentrés ou bien mettre en place et équiper de nouveaux dispositifs ; équiper et former les agents ; numériser la documentation et l’intégrer dans un système d’information foncière informatisé, etc. Enfin, dans une logique d’extension rapide de la formalisation, les réformes intègrent parfois un volet d’inventaire systématique et d’identification des droits sur le terrain, qui inclut leur transcription dans des registres et leur cartographie, en préalable à leur reconnaissance légale et leur incorporation au dispositif d’administration foncière.

39La préparation des réformes légales et la mise en œuvre des réorganisations administratives et des opérations de terrain impliquent fréquemment – de façon systématique dans les pays sous régime d’aide – le recours à des financements internationaux, et donc à des experts extérieurs. La dépendance des politiques de formalisation à l’aide internationale pose la question de la souveraineté des États dans leurs choix politiques. Elle induit aussi une mise en œuvre des opérations de formalisation par projets. Or ces projets ont une autonomie partielle vis-à-vis des orientations politiques, relèvent de temporalités spécifiques et peuvent se trouver, à des degrés divers, en déphasage avec le processus de réforme. On en verra les conséquences dans la troisième partie de ce chapitre.

Des mises en œuvre contrastées

  • 7 Pour l’Asie du Sud-Est, voir Mellac et Castellanet (2015 : 15-18).

40Ce qu’on appelle « politiques de formalisation » regroupe ainsi un ensemble de réformes légales et organisationnelles, d’opérations d’ingénierie administrative et d’interventions de terrain menées sur quelques décennies. Dans certains pays, elles sont constituées d’une suite de mesures et de projets7, construisant une réforme progressive dans une logique incrémentale. Dans d’autres, elles ont été beaucoup plus tâtonnantes, parfois pleines de contradictions, du fait des incertitudes et des tensions politiques autour de leurs finalités, des résistances de l’administration foncière à la remise en cause de ses pratiques, des luttes interinstitutionnelles qu’elles ont suscitées pour le contrôle de leur mise en œuvre, ou encore des négociations locales qui conditionnait cette dernière. Nous détaillerons infra les problèmes liés à la mise en œuvre.

41Après trois décennies d’incitations fortes à la formalisation des droits de propriété, certains pays ont fait des avancées majeures. Deininger et Feder (2009 : 252) font état de 8,7 millions de titres distribués en Thaïlande depuis les années 1980, 1,8 million en Indonésie depuis 1996, 1,5 million de titres ruraux au Pérou entre 1992 et 2005. Au Mexique, en 2019, le Programme de certification ejidal (Procede) avait établi 10,85 millions de certificats fonciers au bénéfice de 5,2 millions de possesseurs8. Au Vietnam, 11 millions de certificats (land use certificates) ont été délivrés entre 1993 et 2000 ; 20 millions de parcelles ont été identifiées dans la certification de 1er degré (sans cartographie) en Éthiopie entre 1998 et 2008 (Deininger et al., 2009) ; 10 millions de parcelles ont été levées et enregistrées au Rwanda entre 2009 et 2013, dont 80 % ont eu un titre. Ces chiffres, pour impressionnants qu’ils soient, ne disent rien sur l’équité des processus, ni sur la capacité de l’administration foncière à assurer une administration fiable et actualisée des droits formalisés (voir Léonard et Robles Berlanga, 2017 sur le cas mexicain). Il peut aussi y avoir de fortes différences entre l’ampleur des levés de parcelle et la réalité de la délivrance des titres de propriété : ainsi, au Laos, 50 % des terres ont été certifiées en 2004, mais aucun certificat n’a été transformé en titre, ce qui les rend en théorie obsolètes (Mellac et Castellanet, 2015).

42À l’inverse, la formalisation a peu progressé dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne : ainsi, au Bénin, la délivrance de titres fonciers s’est accélérée, mais on n’en recensait que 47 000 début 2019, pour une population de plus de 12 millions d’habitants (contre moins de 2 000 titres émis entre 1906 et 1967 [Comby, 1998 : 11-12]), et moins de 10 % des parcelles levées à l’occasion des projets des plans fonciers ruraux, au cours des années 2000, ont fait l’objet d’une certification (Lavigne Delville, 2019). Certains pays comme le Sénégal n’ont pas réussi à réformer leur législation foncière rurale.

43Ces contrastes incitent à interroger l’économie politique de ces réformes, en les resituant dans l’histoire de la question foncière des pays et en identifiant les différents objectifs politiques, explicites ou non, qui leur sont assignés, les groupes d’intérêt qui les portent ou s’y opposent, les luttes institutionnelles qu’elles ont suscitées (cf. chap. 4). Étendre largement l’accès au droit des populations rurales romprait en effet avec le dualisme légal historique et les coalitions d’intérêts qu’il a cristallisées, tant du point de vue des stratégies des élites, des pratiques rentières de l’administration foncière que des modes d’ancrage de l’État sur le territoire. Rendre la propriété plus transparente mettrait de plus en lumière l’ampleur de l’accumulation foncière réalisée par les élites et les classes moyennes urbaines. Ces deux éléments expliquent pour une part l’engagement politique variable des gouvernements dans les réformes impulsées par les bailleurs de fonds et les nombreux freins rencontrés dans la mise en œuvre, les États pouvant avoir intérêt à maintenir leur gouvernance foncière dans une zone grise voilant les contradictions entre les objectifs qui lui sont assignés (Kjær, 2017).

44La place du foncier dans l’économie politique des États et les enjeux des réformes contemporaines ayant été analysés au chapitre 4, nous ne les détaillons pas davantage ici, et discutons maintenant les politiques de formalisation sous l’angle de leurs justifications théoriques (deuxième partie) puis de leur mise en œuvre concrète (troisième et quatrième parties).

Les controverses sur les justifications et les impacts de la formalisation des droits

45Comme on l’a vu, la justification des politiques de formalisation repose, au moins dans le cadre du paradigme de remplacement, sur l’argument d’un lien entre formalisation des droits, sécurité foncière et investissement, et donc développement économique. Cet argument est mobilisé de façon variée et souvent simplifiée dans les débats de politique foncière (on sait que les prescriptions de politique publique reposent nécessairement sur des lectures simplifiées du réel, qui s’appuient souvent elles-mêmes, parfois de façon partielle, sur des résultats de recherche – voir le chapitre 13). Cet argument a une histoire et a été l’objet de controverses académiques portant tant sur sa logique interne que sur sa concrétisation empirique. Il est donc nécessaire de dresser un état des savoirs sur ces questions.

Le référentiel « orthodoxe » de la formalisation des droits de propriété

  • 9 On désigne ici par « version standard » ou « référentiel orthodoxe » la théorie des dro (...)

46Selon la version standard de la théorie des droits de propriété9, un droit privé, individuel et transférable, garanti par un titre, est la condition nécessaire d’une allocation optimale des ressources productives lorsque ces dernières deviennent rares (Demsetz, 1967 ; Feder et Feeny, 1991 ; Johnson, 1972). Parce qu’il internalise les coûts et les bénéfices, le droit de propriété privée est censé assurer la meilleure incitation possible à un usage productif optimal de la terre : la valeur créée par l’usage revient intégralement au titulaire du droit exclusif, et celui-ci supporte aussi les conséquences des pratiques dommageables pour la ressource foncière qu’il pourrait commettre. La formalisation du droit de propriété privée par le titre est vue par le paradigme orthodoxe comme sécurisant la tenure et donc stimulant l’investissement : 1) les producteurs sécurisés par le titre seraient assurés de pouvoir bénéficier du fruit de leurs efforts lorsqu’ils investissent ; 2) le titre mis en garantie faciliterait l’accès au crédit formel, moins onéreux, moins limité en quantité et à plus long terme que le crédit usuraire ; 3) le titre activerait les marchés fonciers (réduction des coûts de transaction du fait de la disparition des incertitudes concernant les droits et leurs détenteurs, sécurisation des transferts fonciers), ce qui permettrait aux producteurs les plus efficients (en mesure de payer l’accès à la terre à un meilleur prix que des producteurs peu efficients) de contrôler la ressource (Feder et Nishio, 1998 ; cf. chap. 7).

47Selon les tenants de cette version standard de la théorie des droits de propriété, la propriété privée émergerait naturellement en réponse à l’accroissement de la pression foncière et de la valeur de la terre, sans qu’il y ait besoin d’intervention publique (Ault et Rutman, 1979). Selon d’autres auteurs, l’accroissement de l’enjeu foncier aboutirait à des flous sur les droits et à des conflits, suscitant une demande d’intervention publique (Alston et al., 1999). Il reviendrait alors à l’État d’impulser le basculement vers des droits fonciers légalisés, sûrs et transmissibles, par des mesures légales appropriées, le cadastrage et la délivrance de titres fonciers. Cette dernière version a guidé la majeure partie des interventions de la Banque mondiale et d’autres bailleurs de fonds (Deininger et Binswanger, 2001).

Les critiques faites au référentiel standard

48L’approche orthodoxe a fait de longue date l’objet de critiques. Celles-ci portent en particulier sur les conceptions des droits fonciers locaux sous-jacentes à une partie des analyses, qui les présentent, en opposition à la propriété privée, comme étant collectifs, peu évolutifs et peu propices à l’intensification (Atwood, 1990), et sur les attentes excessives que cette approche place dans la formalisation des droits fonciers.

Une lecture téléologique de l’évolution des droits

49Les droits fonciers évoluent avec la pression démographique et la valeur de la terre ; des droits collectifs peuvent s’individualiser ; un marché foncier n’a pas de sens lorsque la terre est largement accessible et que l’on peut aisément défricher de nouvelles terres (cf. chap. 1, 6 et 7). Ces constats sont incontestables. Pour autant, en développant une lecture mécaniste de l’évolution des droits fonciers sous l’effet de la pression démographique et de l’insertion dans les marchés, allant de formes originelles de possession collective vers des droits individualisés et marchandisés, l’approche orthodoxe promeut une perspective à la fois a-historique et téléologique (c’est-à-dire où le point d’arrivée est prédéfini) de l’histoire foncière. En effet, il n’y a jamais de situation de « tout collectif ». Partout, les droits « coutumiers » sur la terre combinent, dans des équilibres variés, prérogatives individuelles et régulations collectives, en fonction des modes d’exploitation du milieu et des choix de société (cf. chap. 1). Mettre en place des droits individuels a un coût et il peut être plus efficient de maintenir des ressources en accès partagé. Des groupes sociaux peuvent par ailleurs décider de constituer en communs des ressources stratégiques et les protéger de l’individualisation et/ou du marché (cf. chap. 3). Bref, les trajectoires d’évolution des droits sur la terre ne suivent pas, ou rarement, ce schéma mécaniste et linéaire. Elles ne répondent pas qu’aux pressions de la démographie et du marché, mais sont aussi le fruit de l’histoire, de la politique, des normes sociales. Elles dessinent des trajectoires variées, fortement marquées par les politiques publiques.

Un diagnostic biaisé sur la sécurité foncière

50Nous l’avons dit plus haut, le titre n’est pas toujours nécessaire et n’est pas suffisant pour assurer la sécurité de la tenure. De nombreux travaux critiquent les équivalences établies tant entre droits coutumiers et insécurité qu’entre titrage et sécurisation foncière. L’approche orthodoxe sous-estime la sécurité que la tenure coutumière est susceptible d’apporter, et assimile à tort la ressource foncière gérée dans le cadre d’un système coutumier à une ressource en accès libre (Bromley, 1989). Même « informels », les droits fonciers locaux sont sécurisés dès lors que les normes qui les légitiment et les autorités chargées d’en garantir l’effectivité ne sont pas contestées (cf. chap. 1).

  • 10 Nous revenons sur ces points en troisième et quatrième parties.

51On ne peut pas non plus établir une équivalence stricte entre sécurité de la tenure et formalisation des droits. En premier lieu, des droits formels ne sont sécurisés que si les institutions qui les garantissent (justice, administration foncière) sont suffisamment fortes et/ou légitimes et fonctionnent correctement. Si les registres ne sont pas actualisés, si les instances de gestion foncières sont inefficaces ou corrompues, si le recours à la justice est impossible ou inéquitable, la sécurité apportée par la formalisation juridique des droits est limitée ou inexistante. Ensuite, l’intervention visant à formaliser les droits peut conduire à augmenter la confusion et l’insécurité lorsqu’elle déstabilise un système foncier informel efficient ou lorsqu’elle accentue le pluralisme normatif (voir les références dans Platteau, 1996), ce qui est le cas dès lors que la formalisation repose sur des conceptions des droits et des dispositifs d’administration étrangers aux régulations locales10. En effet, les opérations de formalisation ne sont pas neutres et redéfinissent les droits en même temps qu’elles les enregistrent. Elles peuvent être des opportunités d’accaparement foncier de la part des élites et des bureaucrates (voir encadré 3), et conduire à insécuriser certains acteurs, en même temps qu’elles formalisent les droits d’autres, « modernisant l’insécurité » (Jansen et Roquas, 1998). Enfin, la délivrance d’un titre ou d’un certificat par l’État ne garantit pas contre les risques d’expulsion arbitraire. Au Rwanda, plus de 60 % des paysans interviewés par Pritchard (2013 : 190) considèrent que l’enregistrement obligatoire des terres a accru le risque que l’État vienne confisquer leurs terres. En Tanzanie, dans les zones concernées par le Southern Agricultural Growth Corridor of Tanzania (SAGCOT), l’État a redéfini arbitrairement les limites de villages pour affecter la majeure partie de leur territoire à des entreprises internationales, induisant une « dépossession par la formalisation » (Maganga et al., 2016).

52C’est aussi la lecture des conflits fonciers dans la conception orthodoxe qui est discutable, lorsqu’ils sont perçus comme émergeant inévitablement de la pression sur la terre dans un contexte de droits « informels ». De nombreuses recherches montrent en effet que la multiplication des conflits fonciers tient moins à la pression sur la ressource qu’à la pluralité des normes – aux contradictions entre normes locales et normes étatiques (von Benda-Beckmann et al., 2006) – et à celle des instances d’arbitrage (Lund, 1998) (cf. chap. 8).

Encadré 3
Formaliser pour protéger contre les grandes acquisitions ?

Le boom des grandes acquisitions foncières a fourni un nouvel argument en faveur de la formalisation : disposer de droits formalisés protégerait les paysans des concessions accordées par l’État à des investisseurs sur des terres relevant du régime de domanialité. Il est clair que le fait que les acteurs ruraux n’aient pas de droits légalement reconnus est une cause majeure d’insécurité foncière dans un tel contexte.

Mais, en pratique, les relations sont plus complexes et les États peuvent chercher à orienter ou neutraliser les opérations de formalisation impulsées sous l’égide des bailleurs de fonds pour qu’elles ne gênent pas leurs stratégies d’accueil d’investisseurs. Des négociations au sommet relatives à l’octroi de grandes concessions peuvent se poursuivre en parallèle à une politique de sortie du régime de domanialité et de reconnaissance de la « propriété privée non titrée » des acteurs ruraux, comme à Madagascar (Burnod et Andriamanalina, 2017). Les zones concernées par la formalisation peuvent être différentes de celles affectées par les concessions, comme au Cambodge (Biddulph, 2011 ; Oldenburg et Neef, 2014). Les opérations de formalisation peuvent aussi être restreintes aux terres identifiées comme cultivées lors de l’élaboration des plans locaux d’occupation des sols (Land Use Plans) réalisés par l’administration, les réserves foncières, les pâturages, et même parfois les jachères longues, étant exclus de la formalisation et rendus disponibles pour l’agrobusiness, comme en Tanzanie (Schlimmer, 2020). Au Bénishangul-Gumuz (Éthiopie), la formalisation a même été utilisée pour entériner les recompositions de l’occupation de l’espace induites par des déplacements forcés qui visaient à libérer des terres pour l’agrobusiness (Labzaé, 2014). Enfin, les droits formalisés ne sont pas nécessairement respectés par l’État, et leurs détenteurs peuvent subir des pressions politiques pour accepter de céder leurs terres (cf. chap. 9).

53Pour ces différentes raisons, la réalité de l’insécurité foncière, les causes principales des conflits, la demande et les réponses expérimentées par les acteurs dans un contexte régional donné doivent faire l’objet d’une attention particulière pour discuter des avantages et risques liés à la formalisation.

Des résultats discutés

  • 11 Les études économétriques portant sur l’impact des politiques de formalisation présen (...)

54Les relations causales positives souvent postulées entre la formalisation des droits fonciers, d’une part, et l’investissement, l’accès au crédit et la dynamisation des marchés fonciers, d’autre part, ne sont en rien garanties11. Pour le moins, elles demandent des conditions d’environnement institutionnel et économique spécifiques pour être vérifiées.

  1. La relation entre la disponibilité d’un titre et l’accès au crédit est vérifiée par certaines études, en Thaïlande, au Honduras, ou au Paraguay (Feder et Nishio, 1998). Mais, d’une part, elle bénéficie parfois aux plus aisés, comme au Paraguay (Carter et Olinto, 2003) et, d’autre part, elle n’est pas mécanique (Bruce et al., 1994 ; Deininger, 2003 ; Platteau, 1996). Comme le chapitre 6 le détaille, du côté de l’offre, elle suppose l’existence d’un système de crédit formel, et elle est contrainte par la restriction globale du crédit à l’agriculture : dans de nombreux pays, avec ou sans titre, les paysans n’ont pas accès au crédit. La garantie censée être apportée par le titre foncier peut également ne pas opérer si le titre ou le certificat d’un emprunteur défaillant sont difficiles à saisir du fait d’un système légal inefficient, du risque de troubles sociaux, ou si l’actif foncier n’est pas liquidable sur un marché trop étroit. La demande de crédit, quant à elle, peut être limitée par la crainte d’une saisie de la terre mise en garantie ou par l’absence d’opportunités d’investissement. De plus, la relation entre la disposition d’un titre et l’accès au crédit, lorsqu’elle est empiriquement avérée, ne se traduit pas forcément par une meilleure efficience productive, le crédit pouvant être utilisé à des fins non productives. La relation peut enfin ne bénéficier qu’aux grands exploitants, si la délivrance de crédit est biaisée en leur faveur.
  2. Au-delà de ces résultats divergents, un consensus émerge pour considérer que le niveau des investissements productifs des agriculteurs familiaux est moins contraint par la nature ou la forme des droits sur la terre – et en particulier leur statut légal – que par la faible rentabilité de la production agricole et par des imperfections dans les marchés des produits, des intrants et du crédit (Binswanger et al., 1995). De plus, le sens de la relation n’est pas univoque : le titre peut être le résultat plus que la cause d’une productivité supérieure, les exploitants les mieux dotés en facteurs de production étant plus susceptibles que les autres d’engager les démarches de formalisation (Carter et al., 1994). Inversement, dans certains contextes, c’est l’investissement (dans le défrichement, dans la plantation de cultures pérennes) qui établit ou sécurise le droit. Dans ces deux cas, l’investissement ne résulte pas d’une formalisation, mais peut susciter une demande de sécurisation par le titre. On peut faire l’hypothèse d’une relation positive plus marquée dans le cas d’une agriculture entrepreneuriale, impliquant des niveaux d’investissement capitalistique beaucoup plus importants et des formes d’insertion dans les marchés plus développées, mais, à notre connaissance, ce secteur d’exploitation n’a pratiquement pas fait l’objet de tests formels (cf. chap. 6).
  3. La relation forte postulée par l’approche orthodoxe entre la formalisation par le titre et l’activation du marché foncier, avec des conséquences positives en termes d’investissement, est, elle aussi, discutée. Elle est observée dans certaines situations (Feder et Nishio, 1998 pour la Thaïlande ; Holden et al., 2011 pour le marché locatif en Éthiopie), mais elle a aussi été infirmée au Kenya, du fait de la persistance d’un contrôle familial ou communautaire sur le transfert des terres titrées (Haugerud, 1983), ou en Ouganda, où le marché foncier est actif et efficient pour les terres non titrées, alors que les procédures administratives et leur coût freinent les transactions sur les terres titrées (Bledsoe, 2006). Au Mexique, le programme de formalisation des droits sur la terre était censé favoriser le marché, mais ses opérateurs, souvent hostiles au marché foncier, ont pu freiner les transactions par divers moyens (Bouquet, 2009). Un quart de siècle après son lancement, ses incidences sont très variables, les ventes de terres et les contrats agraires étant fréquents dans les zones de forte pression commerciale, urbaine ou touristique sur les terres (Salazar Cruz, 2020 ; Torres-Mazuera et al., 2020), alors qu’ils sont beaucoup plus limités dans les régions d’agriculture traditionnelle (Léonard et Velázquez, 2010). D’autres études ont montré qu’un marché dynamique à l’achat-vente ou locatif peut par ailleurs exister en l’absence de formalisation des droits (Chimhowu et Woodhouse, 2006 ; Colin, 2005 ; Edja, 2000 ; Platteau, 1996). La formalisation des droits sur la terre accroît la valeur des terrains qui en bénéficient, au risque d’exclure les paysans pauvres de l’accès à de nouvelles terres, mais elle peut aussi permettre au propriétaire souhaitant quitter l’agriculture de réaliser son capital foncier dans de meilleures conditions (Alston et Libecap, 1996 ; Deininger et Chamorro, 2004 ; Deininger et Feder, 2009). Enfin, à supposer qu’il existe et fonctionne sans coûts de transaction majeurs, le marché de l’achat-vente ne permet pas nécessairement un transfert efficient et équitable de la terre, dès lors que les marchés du crédit et de l’assurance sont imparfaits ou inexistants (Binswanger et al., 1995 ; Deininger et Feder, 2001 ; Platteau, 1996) (cf. chap. 7).
  4. Une dernière critique au paradigme orthodoxe réside dans l’intérêt discutable d’une sécurisation par l’action publique lorsque le système judiciaire est déficient et lorsque l’État ne dispose pas des capacités financières, humaines et administratives requises pour mettre en œuvre un dispositif efficace d’enregistrement des droits (Bruce et al., 1994 ; Platteau, 1996). Cette contrainte intervient non seulement lors de la reconnaissance des droits, mais aussi à l’occasion des procédures ultérieures d’actualisation des transferts (Bruce et al., 1994 ; Coldham, 1978 ; Haugerud, 1983). La délivrance de titres ou certificats fonciers suppose un système d’information foncière capable d’en assurer la gestion de façon durable, fiable et transparente, ce qui est loin d’être acquis, comme le notaient déjà Bruce et Migot-Adholla (1994). Rien ne permet de penser que ce constat est obsolète, en particulier là où l’absence de fiscalité foncière n’incite pas les cédants à faire enregistrer les mutations. L’enregistrement des héritages et des donations est encore plus problématique.

55Pour certains auteurs, ces constats remettent en cause radicalement l’intérêt de telles politiques, vues comme « le mauvais remède pour une fausse maladie » (Bromley, 2009). Les résultats des revues de littérature sur le sujet sont toutefois plus positifs : « Les résultats indiquent des gains substantiels de productivité et de revenu issus de la reconnaissance des droits fonciers, bien que [ceux-ci] diffèrent fortement selon les régions » (Lawry et al., 2017 : 61, TdA). Mais ils pointent aussi un fort contraste entre l’Amérique latine et l’Asie, d’un côté, et l’Afrique, de l’autre, et soulignent surtout une quasi-absence d’impact sur l’accès au crédit, ce qui interroge sur les mécanismes sous-jacents.

56À tout le moins, le bilan de la littérature conduit à questionner sérieusement les conditions de pertinence des opérations de formalisation des droits et met en avant l’importance d’une analyse préalable de l’environnement institutionnel et du rôle du foncier dans les contraintes de productivité, pour définir le degré de priorité de la formalisation par rapport à d’autres mesures de politique agricole, et le phasage des réformes (Bruce et Migot-Adholla, 1995). En effet, « comme l’établissement et la maintenance des titres fonciers sont coûteux, le choix d’introduire la formalisation doit être fondé sur une comparaison des bénéfices apportés par des titres fonciers par rapport aux arrangements existants qui régulent les transactions foncières et du coût probable de ces arrangements » (Binswanger et al., 1995 : 2719, TdA) et, peut-on ajouter, sur une analyse des différentes stratégies permettant de traiter, au meilleur rapport coût/efficacité, les principaux problèmes d’insécurité foncière et de contraintes d’environnement institutionnel.

57Ces constats, souvent établis de longue date, contrastent avec la vigueur des prescriptions en faveur de la formalisation massive des droits de propriété. Ils confirment que les récits de politique foncière puisent de façon sélective dans les résultats de la recherche (sans nécessairement se soucier de la validité ou de l’obsolescence scientifique des différents éléments ainsi rassemblés), et incitent à questionner leur genèse. Comme le rappelle Bromley (2009 : 22), « l’intérêt pour la sécurité foncière a émergé à propos des squatters installés dans les forêts en Asie du Sud-Est. Une fois la démonstration empirique apparemment clairement établie dans ce contexte, l’intérêt pour les tenures “pas claires” s’est diffusé à l’Afrique subsaharienne. On aurait dit que le monde du développement avait enfin trouvé la certitude empirique qu’il avait toujours souhaitée pour justifier sa doctrine » (TdA). Ces considérations appellent à interroger l’économie politique des réformes, tant du point de vue des États que des bailleurs de fonds, ainsi que la façon dont leurs argumentaires ont été construits, légitimés et portés, en référence à des objectifs politiques spécifiques.

Les opérations de formalisation des droits fonciers

  • 12 Nous suivons ici la définition de Foucault qui caractérise le dispositif comme (...)

58Nous nous intéressons dans cette section aux opérations de formalisation. Une politique publique ne se résume pas à ses objectifs, elle passe par des dispositifs de mise en œuvre et des équipes, qui mobilisent des instruments et des méthodes. La réalité d’une politique est avant tout la résultante des actions des acteurs chargés de sa mise en œuvre. Les dispositifs et les instruments ont une certaine autonomie par rapport aux objectifs qu’ils sont censés servir et ont leurs effets propres (Lascoumes et Le Galès, 2004 a)12.

59Nous avons souligné la diversité des approches de la formalisation des droits. Nous commençons par proposer une typologie des démarches de formalisation, permettant de les caractériser au carrefour d’une série de critères. Nous discutons ensuite la question du choix des dispositifs de mise en œuvre et de leurs effets sur l’opérationnalisation de la formalisation. Nous terminons par une discussion de la façon dont les opérations de formalisation redéfinissent les droits qu’elles enregistrent, à des degrés variés selon leur objectif et leurs méthodes.

La diversité des démarches de formalisation

  • 13 Un critère complémentaire pourrait être l’existence ou non d’articulations (...)

60Parler de façon générale des politiques de formalisation ne dit rien des choix de mise en œuvre, qui varient pourtant fortement (Fitzpatrick, 2005), en fonction du paradigme dans lequel leur démarche s’inscrit, mais aussi des choix politiques et institutionnels qui sous-tendent la réforme. Six entrées permettent de dessiner l’espace des possibles13.

  1. Formaliser les droits ou les transferts de droits ? La plupart des politiques de formalisation se centrent sur les droits détenus sur une parcelle donnée. En cohérence avec les pratiques locales de recours à des contrats sous seing privé, de rares approches mettent au contraire l’accent sur la formalisation des accords de transfert de droits (c’est-à-dire des contrats) (Colin, 2013 ; Comby, 2007 ; Fitzpatrick, 2005 ; Kanji et al., 2005). Lorsque l’accent est mis sur les droits de propriété eux-mêmes, la sécurité des contrats de faire-valoir indirect de long terme déjà engagés peut être problématique ou, à tout le moins, fragilisée si ces contrats ne sont pas enregistrés au cours de l’enquête.
  2. Droits individuels et/ou collectifs ? La formalisation peut être réservée aux individus et correspondre à une propriété de fait (concentration du faisceau de droits au profit d’une seule personne, avec restriction éventuelle du droit de vendre), ou considérer différents types de sujets de droit collectifs (groupes familiaux plus ou moins élargis ; communautés villageoises exerçant des droits sur des réserves foncières, des parcours, des forêts, etc.). Les terrains familiaux peuvent être enregistrés au nom du chef de ménage ou de différents membres de ce ménage. Par exemple, en Éthiopie, en situation de polygamie, la première parcelle est enregistrée au nom de l’homme et de sa première épouse, et les suivantes au nom des autres épouses (Deininger et al., 2009 : 250). Certaines politiques poussent à enregistrer les terres au nom des deux conjoints (cf. chap. 2). Dans le cas de formalisation de droits collectifs se posent les questions de l’envergure du collectif bénéficiaire, de sa gouvernance, et du statut des droits individuels exercés dans le cadre de cette possession collective.
  3. Titre de propriété ou certificat de possession ? Les statuts juridiques établis par la formalisation peuvent se limiter aux catégories de droit déjà existantes (en Afrique francophone, le titre foncier issu de la procédure d’immatriculation, qui correspond à une propriété privée absolue et garantie par l’État, fondée sur la purge de tous les autres droits existants). Mais certains pays ont créé d’autres catégories juridiques (certificat de possession, certificat d’usage de droits fonciers, attestation de détention coutumière, etc.). Ces certificats peuvent correspondre à une propriété privée non garantie par l’État, et donc contestable juridiquement (Madagascar), à la possession individuelle, garantie par l’État, d’une parcelle relevant d’une propriété collective (ejidos mexicains), à une possession coutumière, individuelle ou collective (Burkina Faso), à des droits d’usage sur le domaine de l’État (Éthiopie, Vietnam, Algérie dans le cas des concessions). Ils portent le plus souvent sur les parcelles cultivées, mais peuvent concerner l’ensemble des terres d’un ménage (Vietnam), ou des droits individuels d’accès à des communs (Mexique). Ils peuvent être librement transférables (Bénin, Burkina Faso, Madagascar, Côte d’Ivoire) ou non (Sénégal, Éthiopie), être soumis à condition de résidence (Éthiopie), ou à des seuils de surface (Vietnam, Mexique). Ils peuvent être convertis en titres fonciers, selon une procédure optionnelle (Mexique) ou obligatoire au terme d’un certain délai (Côte d’Ivoire).
  4. Formalisation à la demande ou systématique ? La formalisation à la demande est optionnelle et suppose une démarche volontaire, ce qui constitue un biais de sélection en faveur des candidats aisés, familiers des rouages administratifs, au risque d’exclure de l’accès au droit les acteurs moins favorisés socialement et moins bien connectés politiquement. La formalisation systématique à l’échelle d’un territoire est censée éviter ce biais et réduire les coûts unitaires. L’ensemble du territoire villageois est alors l’objet de procédures d’identification et de validation des droits sur la totalité des parcelles. De telles démarches obligent cependant à créer (ou à étendre) une administration foncière capable de gérer rapidement une grande masse d’information, ce qui pose des problèmes de saut d’échelle.
  5. Quels dispositifs pour l’administration des droits formalisés ? Les droits recensés sont inscrits dans des registres et sur des cartes, au niveau d’un dispositif d’administration chargé de les tenir à jour en reportant les mutations (ventes, héritages, donations), les subdivisions, et en émettant les nouveaux titres ou certificats correspondants. La gestion de ces tâches relève classiquement de l’administration foncière publique, souvent centralisée, distante et critiquée pour son opacité. Les réformes peuvent intégrer la déconcentration (antenne locale) de l’administration foncière nationale, parfois grâce à la création d’une agence dédiée, censée être plus transparente, ou la décentralisation (par transfert de responsabilité à une instance locale), pour la rendre plus proche des citoyens. Les démarches promouvant des statuts juridiques alternatifs au titre foncier privilégient ainsi souvent la mise en place d’un service foncier communal (Madagascar, Burkina Faso) ou d’instances déconcentrées (comme le Registre agraire national, au Mexique). Au Vietnam, ce sont les communes populaires qui ont la charge d’administrer les « livrets rouges ». Ces institutions peuvent parfois s’appuyer sur des comités locaux villageois, chargés de valider les transactions et de préparer les demandes de reconnaissance et de mutation. Dans d’autres cas, comme au Niger, ces fonctions ne sont pas assumées par une institution publique spécifique, mais par des commissions qui regroupent autorités coutumières et agents de l’État à différents niveaux. Le choix du dispositif d’administration foncière et son degré de décentralisation traduisent la place accordée aux normes et aux autorités locales dans l’identification et surtout l’actualisation des droits enregistrés. Dans tous les cas se pose la question de la capacité de ces dispositifs à assurer de façon fiable et durable l’archivage de la mise à jour de l’information foncière – l’exigence de proximité étant souvent en tension avec les capacités techniques et administratives –, ainsi que celle de leur financement. On notera que la question des autorités foncières est globalement largement négligée ou subordonnée à une vision administrative ou gestionnaire du processus de formalisation, alors que c’est un enjeu central de la mise en œuvre de ces politiques et en particulier des différends qu’elles ne manqueront pas de susciter, dans leur mise en œuvre ou ultérieurement, et qu’il faudra régler.
  6. Les méthodes d’identification des droits et de levé des limites. Les démarches d’identification et d’enregistrement des droits combinent, avec des équilibres variés, une enquête socio-foncière, qui vise à identifier les droits détenus et leurs titulaires, et des relevés topographiques, dont l’objectif est d’identifier et de cartographier les limites des parcelles. Le degré de sophistication et de précision exigé pour chacune de ces opérations et le profil des acteurs qui en sont chargés traduisent la priorité donnée à une approche de sécurisation foncière, où la légitimité des droits enregistrés par l’enquête socio-foncière constitue le critère discriminant, ou à une approche de type cadastral, qui prête un intérêt prioritaire à la précision des limites et une attention moindre à la question des détenteurs de droits. Le déroulement de l’enquête repose en général sur une procédure contradictoire sur la parcelle, en présence des voisins et de témoins, parfois de l’autorité villageoise ou communale, suivie d’une phase de « publicité », à l’occasion de laquelle les données collectées sont exposées, afin d’en révéler les erreurs ou biais éventuels et d’en permettre la contestation avant la délivrance des titres ou des certificats. Cette tâche peut être prise en charge par des autorités locales, être déléguée à des professionnels (géomètres, topographes, enquêteurs) ou, plus souvent, reposer sur une combinaison de ces dispositifs. Selon les catégories juridiques retenues, l’enquête prend ou non en compte la diversité des droits sur les ressources naturelles, ainsi que celle des ayants droit familiaux et des autres exploitants de bonne foi. Le levé des parcelles peut s’appuyer sur des outils simples (cordes d’arpentage, photos aériennes) ou sophistiqués (images satellites, GPS). L’accent mis sur la dimension topographique, la sophistication technique, la précision dans l’identification des limites et le relevé systématique va en général de pair avec la mobilisation de professionnels, ce qui a une incidence sur le coût et la durée des opérations, au risque d’exclure les populations les plus vulnérables ou de provoquer des interruptions par manque de budget. Les levés réalisés et reportés sur une carte par des instances locales peuvent pour leur part être de qualité moyenne, ce qui peut représenter un problème pratique ; cependant, l’enjeu principal en termes de sécurité foncière est le plus souvent l’identification du ou des titulaire(s) des droits, et l’identification sur le terrain des limites, plus que la précision de la carte.

61Les politiques de formalisation des droits fonciers ruraux se différencient à partir de ces différents critères. Lorsqu’elles sont mises en œuvre sur financement d’agences de coopération internationale, les priorités divergentes de ces dernières peuvent conduire à juxtaposer dans un même pays des démarches présentées ici comme contradictoires.

62La combinatoire de ces critères dessine un gradient entre deux conceptions de la formalisation :

  • une logique d’administration foncière, fondée sur une approche cadastrale (la formalisation de droits de propriété privée extraits des normes coutumières et gérés par des dispositifs étatiques spécialisés). Les plans fonciers ruraux du Bénin, depuis le Code foncier de 2013, ou la politique foncière rwandaise, relèvent de cette logique ;
  • une logique de gouvernance foncière, qui se fixe comme priorité la gouvernance et l’exploitation paisible des terres, la formalisation des règles, des accords et des usages prenant le pas sur la formalisation des droits en tant que tels. Des instances hybrides, s’appuyant sur les normes locales encadrées par le droit, prennent en charge la gestion du territoire et de ses différentes ressources, et organisent la formalisation des droits et l’enregistrement des mutations à la demande. Cette option est privilégiée, par exemple, par le Code rural du Niger (Mamalo et al., 2007).

63Un certain nombre d’expériences se situent dans un espace intermédiaire entre ces deux positions. C’est le cas du secteur de la propriété ejidal, au Mexique, où une administration étatique, le Registre agraire national, gère les certificats fonciers et leurs mutations, mais où les ventes de terre sont encore largement régulées par des instances locales, qui peuvent les rejeter au motif de la résidence des acheteurs (Bouquet et Colin, 2009) ; ou encore au Vietnam, où les Livrets rouges sont gérés par l’administration communale.

64Dès lors que l’accent est mis sur la formalisation des droits sur les terres agricoles, les choix de méthodes ont des incidences directes sur les coûts. Les chiffres trouvés dans la littérature varient entre 1 USD en Éthiopie, pour l’enregistrement massif par les comités locaux, sans cartographie et sans registre centralisé (Deininger et al., 2009 : 265) et 300 à 400 USD pour l’établissement de certificats individuels en Côte d’Ivoire (Kouamé, 2013 : 58), en passant par 7 à 28 USD au niveau des guichets fonciers municipaux à Madagascar (Jacoby et Minten, 2007). La comparabilité des coûts pose le problème de leur construction, mais ces écarts témoignent d’un souci très variable d’accessibilité sociale de la formalisation.

Les choix de dispositifs et leurs conséquences

65Cette section interroge les opérations de formalisation, leurs logiques, leurs outils et leurs effets depuis la perspective des dispositifs de l’intervention. En effet, les politiques foncières ne prennent corps qu’à travers des dispositifs et des instruments. Les choix organisationnels et techniques qui fondent ces dispositifs résultent de jeux d’acteurs complexes, d’enjeux de positionnement et de pouvoir, de stratégies institutionnelles et de luttes entre corporations et organisations, qui cherchent à protéger ou à construire des prérogatives et des rentes, en se maintenant ou s’imposant comme opérateurs de la mise en œuvre et bénéficiaires des soutiens financiers. Ces dispositifs techniques, institutionnels et organisationnels sont ensuite l’objet de stratégies d’appropriation sélective et de reformulation de la part des acteurs qui, à différents niveaux (administration nationale, structures d’intervention, comités locaux…), construisent la politique de formalisation « en actes » (Mosse, 2005). Il importe donc d’analyser ces jeux de réappropriation pour comprendre les incidences des réformes.

Des dispositifs qui ont leurs logiques et intérêts propres

66Un élément central de l’analyse des programmes de formalisation concerne leur opérationnalisation, à travers, selon les cas, des administrations existantes ou créées pour l’occasion, ou des dispositifs ad hoc de type « projet », à durée de vie limitée. Les choix en termes d’opérateurs renvoient à des visions politiques et ont des implications sur la façon dont se déroulent les opérations, leur coût et les possibilités de maintenance ultérieure de l’information foncière. Il n’est pas anodin de mettre en avant des instances communales ou, au contraire, une administration foncière centralisée, de mobiliser des géomètres experts munis de GPS à précision centimétrique ou des topographes locaux. L’analyse d’une politique de formalisation exige qu’une attention particulière soit portée aux organisations et aux règles du jeu que les interventions mettent en place, ainsi qu’à la façon dont ces règles et organisations déplacent celles qui existaient ou s’y superposent – notamment les « dispositifs semi-formels » que nous avons évoqués. En pratique, on observe fréquemment une superposition d’instances, les nouvelles ne se substituant qu’en partie à celles qui préexistaient, ce qui aboutit à une complexification du dispositif local d’administration foncière plutôt qu’à sa réorganisation complète (Bierschenk, 2014).

67Ces dispositifs sont donc des configurations d’acteurs, d’idées, d’institutions, mais aussi des configurations d’objets : formulaires d’enquêtes, cartes, GPS, registres, ordinateurs, décrets, certificats, etc., tout un appareillage technique plus ou moins sophistiqué, qui incorpore un certain nombre de (pré)conceptions concernant le foncier (par exemple celles discutées supra) tout en étant sujet à controverses quant aux opportunités et aux risques que son usage génère. Comme l’a montré la sociologie de l’action publique, celle-ci « est un espace socio-politique construit autant par des techniques et des instruments que par des finalités, des contenus, des projets d’acteurs » (Lascoumes et Le Galès, 2004 b : 12). Lever ou non les limites des parcelles avec des outils de précision, poser des bornes en ciment ou prendre en compte les marqueurs végétaux utilisés par les paysans, adjoindre ou non un plan parcellaire au certificat, désigner par son représentant un collectif familial détenteur d’une parcelle ou tenter d’en qualifier les contours, rien de cela n’est neutre.

68Comme nous l’avons noté, les instances chargées de la mise en œuvre des procédures de formalisation ne sont pas de simples exécutrices du nouveau cadre légal : elles constituent des interfaces au travers desquelles la politique peut subir des transformations et des reformulations (encadré 4). Les lacunes, imprécisions ou ambiguïtés de la loi, mais aussi les contraintes opérationnelles de son application, ouvrent des espaces d’interprétation et de marges de manœuvre au dispositif d’intervention, du fait notamment de la nécessité de résoudre des problèmes pratiques au fur et à mesure qu’ils se posent, en fonction des lectures qui sont faites du nouveau contexte et des enjeux qu’il pose.

69Ces ajustements locaux sont par définition hétérogènes, ils peuvent prendre la forme d’interprétations particulières des procédures réglementaires, voire de la philosophie d’ensemble de l’opération, et d’innovations locales, non prévues par le cadre légal ou par les instructions officielles. Ainsi, au Bénin, les équipes des projets de Plan foncier rural financés par le Millennium Challenge Account entre 2007 et 2011 ont, selon les cas, poussé à enregistrer les droits sous une forme individuelle ou, au contraire, au niveau de collectifs familiaux, pour gagner du temps, quitte à regrouper plusieurs parcelles. Le traitement des bas-fonds (qui relèvent légalement du domaine public et sortent du périmètre de l’intervention) a été hétérogène, certaines équipes y enregistrant des parcelles au nom de leurs occupants, pour éviter des conflits, au risque de recréer des distorsions légales (Edja et Le Meur, 2009 ; Lavigne Delville et Moalic, 2019). Ces réinterprétations par les agents des dispositifs d’intervention ont été également notées lors de la réalisation des plans fonciers ruraux en Côte d’Ivoire (Chauveau, 2003) et au Burkina Faso (Jacob, 2009), et elles sont une situation récurrente dans toute opération foncière. Le pluralisme normatif alimente en permanence les logiques des acteurs chargés de la mise en œuvre. Ceux-ci peuvent faire des choix stratégiques et instrumentaliser certains éléments matériels du dispositif de l’intervention, mais doivent aussi, souvent, répondre à des injonctions éthiques et opérationnelles contradictoires, à l’image du technicien de l’administration agraire mexicaine dont Velázquez (2009) décrit l’inconfortable situation entre sa hiérarchie et les groupes de paysans avec lesquels il travaille. Les règles promues par le projet peuvent ainsi être un « droit du projet », qui ne relève en toute rigueur ni du droit étatique, ni des normes locales (Roth, 2009), ce qui interroge sur la légitimité d’une telle instance à définir de telles règles.

Encadré 4
Les réinterprétations de la réforme légale de 1992 par l’administration agraire au Mexique

Au Mexique, l’administration agraire a adopté une position pro-ejido (les communautés locales) et anti-marché, qui s’est exprimée dans la façon dont la loi agraire de 1992 et le Procede (Programme national de certification) ont été interprétés et mis en œuvre. L’accent a été systématiquement mis sur le thème de l’organisation des ejidatarios, sur le respect de leur autonomie (Velazquez, 2009), sur la valorisation des terres distribuées par la réforme agraire comme un patrimoine à transmettre à ses enfants, sur l’importance du maintien de l’ejido comme institution foncière. En accord avec cette posture, et bien que la nouvelle loi permette la privatisation complète des terres ou les ventes de parcelles (en les restreignant toutefois aux résidents de la communauté), le développement du marché foncier a été présenté comme un phénomène dangereux, qu’il était de la responsabilité des instances de gouvernement ejidal de maintenir sous contrôle. Des dispositions spécifiques de la réglementation, qui font obstacle à l’enregistrement de fractions de parcelles certifiées et contraignent ainsi la marchandisation des terres, notamment dans les situations de ventes de détresse, ont également contribué à freiner ce développement. En alourdissant les procédures d’achat de terres ejidales, l’administration visait à protéger les ejidatarios et à maintenir une conception patrimoniale des terres de réforme agraire. Dans sa pratique, elle a négligé de diffuser l’information sur les cessions et les initiatives locales visant à fluidifier les transferts marchands de terres se sont heurtées, au moins dans les phases initiales d’application de la réforme, à un discours dissuasif, qui mêlait des éléments idéologiques (l’ejido doit être préservé) et des pratiques administratives. La perception de la réforme par les agents de l’administration agraire s’est ainsi conjuguée aux circonstances de sa mise en œuvre pour contribuer à en modifier le sens et la substance, les dispositions légales visant à faciliter les logiques locales de mise en circulation des droits étant entravées par ceux-là mêmes qui étaient chargés de les mettre en œuvre (Bouquet, 2009).

Les problèmes de la mise en œuvre « par projets »

  • 14 Les projets n’échappent cependant pas toujours à la corruption, à la surfacturation, (...)

70Du fait des moyens qu’elles réclament, les réformes foncières contemporaines sont souvent mises en œuvre non pas à travers l’action quotidienne des administrations foncières, mais à travers des projets, généralement financés par l’aide extérieure. Le « projet » a l’avantage de concentrer des ressources humaines et financières sur un temps et un espace donnés, pour des objectifs définis. Il mobilise des équipes dédiées à ses objectifs – là où les agents des administrations doivent faire face à une multiplicité de tâches – et leur offre des conditions de travail favorables. Il s’appuie sur un ensemble d’instruments et de savoir-faire en termes de programmation, planification, suivi des activités, qui assure normalement une exécution efficace et une gestion rigoureuse des moyens14.

71La mise en œuvre des politiques de formalisation sous forme de projets, comme pour tout projet de développement (Li, 2011 ; Mosse, 2005 ; Olivier de Sardan, 1995), pose néanmoins une série de problèmes :

  • les projets technicisent les enjeux et bureaucratisent les démarches (Li, 2011). Ils induisent de nombreuses disjonctions entre objectifs politiques, structure du dispositif et pratiques. Comme toute intervention externe, ils suscitent des stratégies de réappropriation, détournement, réinterprétation aux différentes échelles et en particulier dans les arènes locales ;
  • les projets priorisent leurs objectifs contractuels, de court terme, fondés sur des indicateurs opérationnels quantitatifs (nombre de parcelles couvertes, de guichets fonciers mis en place, de certificats délivrés) au détriment des objectifs institutionnels de long terme – et notamment de la construction de compétences durables. Or, l’enjeu n’est pas tant de délivrer des documents de propriété que de mettre en place des dispositifs fiables et pérennes d’administration des droits ainsi formalisés ;
  • pour les mêmes raisons, les projets tendent à instrumentaliser les organisations locales au service de leurs propres objectifs, plutôt que de les renforcer, par l’apprentissage, dans leurs capacités (Naudet, 1999). En conséquence, celles-ci ne se sentent pas engagées dans ce qui leur apparaît comme le projet des autres et ne sont ni équipées pour, ni incitées à construire les façons de poursuivre les tâches qui leur sont confiées ; elles tiennent le temps des projets et s’étiolent ensuite ;
  • ce biais est d’autant plus fort que les moyens matériels assignés aux opérations de formalisation tendent à s’aligner sur les normes des projets internationaux, en décalage avec les salaires et les moyens matériels en vigueur dans les institutions locales ou nationales. Dès lors, les instances d’administration foncière décentralisée mises en place doivent gérer une pénurie financière post-projet qui rend difficile leur pérennisation, tant du point de vue de la permanence du personnel formé (qui accepte difficilement une baisse de ses revenus) que de la maintenance de leurs équipements (informatiques notamment) ;
  • la temporalité des projets, souvent de 3 à 5 ans, est inadaptée aux contraintes d’adaptation et d’apprentissage de dispositifs complexes, ce qui aboutit à des mises en œuvre partielles, laissant des institutions locales peu expérimentées, démunies face à des problèmes pratiques non résolus ;
  • enfin, l’organisation des politiques publiques par projets induit une forte hétérogénéité spatiale, entre les zones d’intervention et les autres. Cette hétérogénéité est d’autant plus structurante qu’elle est durable, le coût des opérations empêchant d’aller au-delà de quelques opérations pilote.

72De plus, les projets sont marqués par les relations ambiguës entre États et bailleurs de fonds, qui les définissent et pilotent ensemble, mais dont les intérêts ne convergent que partiellement (Jacob et Lavigne Delville, 2019) :

  • les bailleurs tendent à proposer un modèle prédéfini plus qu’une co-élaboration de solutions adaptées aux contextes. L’accord avec les États ne tient pas forcément à un consensus sur les objectifs politiques officiellement poursuivis (Rottenburg, 2009), mais à des convergences sur des objectifs secondaires (la mobilisation des moyens, l’équipement des administrations, etc.) et ne dure donc que le temps des projets ;
  • malgré les appels à la coordination et à l’alignement derrière les priorités nationales, chaque bailleur (lorsqu’il y en a plusieurs) – et donc chaque projet – tend à introduire des spécificités liées à ses propres priorités, ce qui induit une hétérogénéité entre les zones d’intervention.

73Pour toutes ces raisons, de nombreuses politiques de formalisation ne vont pas au-delà d’une série de projets (comme au Burkina Faso, au Bénin, en Tanzanie, en Ouganda) : la mise en œuvre de la politique demeure limitée aux espaces couverts par les projets pilotes, le flou s’imposant ailleurs quant aux règles qui doivent s’appliquer en l’absence des dispositifs prévus (Hochet, 2014). Dans les zones d’intervention, au terme des projets, les dispositifs d’administration foncière sont laissés à eux-mêmes, la délivrance des certificats et des titres s’enlise, les mutations ne sont pas enregistrées ; faute de continuité, les acquis se délitent.

Temporalité de la réforme et temporalités de sa mise en œuvre

74Ces risques sont accentués lorsque les projets sont censés préparer les réformes. Dans une logique séquentielle classique, la réforme institutionnelle établit le cadre des opérations de terrain : on ne peut intervenir sur la formalisation des droits que dans un cadre légal clair, permettant l’établissement de documents juridiques homogènes. Cependant, dans les pays sous régime d’aide, les bailleurs de fonds ont souvent d’abord impulsé des projets pilotes, qui visaient à tester des démarches et des outils, dans le but de convaincre les décideurs de la faisabilité des réformes. Les instruments y ont précédé la réforme, au risque de n’être que partiellement ou pas du tout intégrés dans son cadre réglementaire. Cela a été le cas avec les plans fonciers ruraux promus en Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso) depuis la fin des années 1980, dont les acquis ont été très diversement incorporés dans les dispositifs des réformes : ignorés en Côte d’Ivoire (Chauveau, 2002) et au Burkina Faso (Hochet, 2014), ils ont d’abord été intégrés dans la loi foncière rurale de 2007 au Bénin, avant d’être marginalisés par le Code foncier et domanial de 2013, qui réaffirmait le caractère central du titre foncier (Lavigne Delville, 2020).

75Inversement, lorsqu’une réforme légale a été votée mais que les dispositifs de sa mise en œuvre ne sont mis en place que sur les sites d’intervention de projets, l’insécurité foncière peut croître dans le reste du territoire, du fait que les pratiques antérieures ne sont plus légales sans que les nouvelles procédures puissent être appliquées. Ce qui pose la question de la durée des transitions et de l’organisation des situations intermédiaires.

L’impossible neutralité de la transcription des droits

  • 15 L’émergence de la technologie des blockchains a récemment consolidé cette idée de neutr (...)

76Les opérations de formalisation se présentent en général comme un simple enregistrement de droits existants. Il s’agirait d’ajouter à la « validation intrinsèque » (à l’espace local, au droit coutumier) des droits fonciers, opérée par l’interconnaissance et les autorités locales, une validation « extrinsèque » par la reconnaissance légale (Chauveau et al., 1998). Cette présomption d’identification objective et circonscrite de l’objet des droits s’appuie aujourd’hui sur la sophistication de l’appareillage technologique au service du cadastrage (GPS, images satellites, SIG)15. Cette prétention à opérer une « photographie » des droits fonciers locaux repose sur deux postulats discutables, dont nous détaillerons les implications pratiques : d’une part, il est possible de transcrire, sans les redéfinir, des droits fonciers locaux dans des catégories du droit positif ; d’autre part, le caractère participatif de la démarche garantit la fiabilité de la transcription.

Nommer les droits

77La formalisation des droits fonciers pose le problème de l’identification de ces droits et de leurs détenteurs, mais aussi celui de leur transcription dans les catégories posées par le droit civil et/ou la législation foncière (D’Aquino, 1998 ; Le Meur, 2011). Les catégories du droit ne sont pas a priori pertinentes pour décrire les droits tels qu’ils sont pensés et vécus par les acteurs ruraux (voir la discussion dans les chapitres 1 et 5). La formalisation impose de passer des droits vécus aux catégories légales, ce qui pose des problèmes d’autant plus grands que la distance est importante entre ces deux registres, comme c’est le cas dans les situations coutumières. Cette section mobilise principalement des résultats de recherches conduites dans de tels contextes, en particulier en Afrique de l’Ouest, mais invite à être attentif à ces problèmes quel que soit le terrain de mise en œuvre de l’enregistrement des droits fonciers locaux.

78Le choix des catégories utilisées dans les enquêtes, puis pour la transcription des droits identifiés, est un point crucial des stratégies de formalisation. Il suppose un travail d’interprétation et de mise en forme de la réalité pour la simplifier et la rendre ainsi « lisible » et gouvernable (Li, 2005 ; Scott, 1998). Ce travail n’est pas neutre, dans ses présupposés comme dans ses effets : il concerne non seulement la définition des droits (et leurs éventuelles simplifications et redéfinitions), mais aussi l’identification des ayants droit (et donc, en creux, des exclus), ainsi que l’inclusion ou non des collectifs et des autorités locales dans cette identification (Le Meur, 2006).

  • 16 L’entreprise de catégorisation s’étend aussi aux espaces et aux agencements (...)

79Répertorier et identifier des droits est nécessairement une affaire de traduction d’un système de sens à un autre, et passe par un travail de découpage et de transformation de la réalité16. En effet, tant les catégories juridiques mobilisées dans les réformes que celles qui sont utilisées dans les enquêtes (elles ne coïncident pas toujours) traduisent la lecture que leurs concepteurs ont des réalités sociales qu’ils veulent transformer ou transcrire, autant sinon plus que la réalité des droits existants. Orientée par le projet politique et les catégories juridiques sous-jacents à la réforme, cette lecture repose sur une vision fréquemment stéréotypée des sociétés rurales et de la façon dont y interagissent des individus et des communautés plus ou moins clairement identifiées. Lorsqu’ils sont mobilisés, les concepts de communauté, de terroir, de communaux, de lignage le sont dans des acceptions qui entretiennent un lien parfois ténu avec les mondes dont ils prétendent à la fois rendre compte et orienter l’avenir (cf. chap. 13). En d’autres termes, les opérations d’enregistrement et de formalisation des droits produisent dans le même temps un savoir foncier et de l’ignorance (sur les droits, les représentations, les catégories émiques).

  • 17 On peut On peut a contrarioa contrario mentionner la réforme foncière i (...)
  • 18 Voir les définitions aux chapitres 1 et 2.

80Les fiches d’enquête foncière, puis les registres, mobilisent des catégories jugées pertinentes par le dispositif d’intervention, mais qui ne le sont pas nécessairement dans les contextes locaux. La traduction – au double sens de passage des langues locales à la langue administrative, et d’un système de représentations à un autre – des catégories locales dans les catégories légales (héritage, don, prêt, achat…) peut ne restituer que très imparfaitement leur contenu tel que pensé par les acteurs locaux. Il en va de même pour les catégories qualifiant les titulaires des droits – celle de « propriétaire » en tout premier lieu (cf. chap. 1). En pratique, les procédures d’identification et d’enregistrement des droits reposent le plus souvent sur le triptyque conjuguant une parcelle, un droit d’appropriation (intégrant le droit de vendre ou non) et un « propriétaire » ou « possesseur », individuel ou collectif, qui peut s’avérer excessivement simplificateur. Outre que cette conception privilégie les agriculteurs et les parcelles agricoles, au détriment des espaces partagés et des droits des autres usagers, la notion même de propriétaire ou de possesseur n’a pas de sens lorsque les droits d’administration sont partagés entre plusieurs acteurs, aussi bien en intrafamilial (chef de famille, collectif des héritiers, chef d’unité de production) qu’en extrafamilial, lorsque des migrants ont été installés et bénéficient de droits permanents et transmissibles (cf. chap. 1). La formalisation conduit alors à sélectionner un niveau principal d’exercice des droits, c’est-à-dire un droit d’appropriation ou de propriété, et donc un ayant droit, au risque d’exclure les autres (ayants droit familiaux, détenteurs de droits délégués, usagers non agricoles, etc.) ou, à tout le moins, de fragiliser leurs droits, du fait même qu’ils ne bénéficient pas d’une reconnaissance légale. Le fait d’enregistrer ces droits « secondaires » (droits d’exploitation, de cueillette, de vaine pâture…) dans les questionnaires ne suffit pas s’ils sont ensuite ignorés au stade de la certification – en particulier ceux qui portent sur une longue durée17. La notion de parcelle elle-même peut être problématique : parle-t-on de parcelle d’appropriation (c’est-à-dire une portion d’espace appropriée par un individu ou un groupe, sur laquelle il exerce un ensemble de droits d’administration) ou de parcelle d’exploitation (c’est-à-dire une unité spatiale exploitée par un individu ou un groupe pour son propre usage)18 ? Les présupposés de ces opérations (combinés aux exigences financières et temporelles de productivité du travail d’enregistrement) les rendent difficiles voire impossibles dans les espaces non stabilisés tels que les fronts pionniers. Ces zones restent blanches sur les parcellaires et sont laissées en dehors d’opérations qui se concentrent sur les portions du terroir proches des villages et où les droits et les limites paraissent mieux définis et donc plus aisés à enregistrer et transcrire (cf. Edja et Le Meur, 2009, pour le cas des opérations pilotes du Plan foncier rural (PFR) au Bénin).

81Si l’objectif était de représenter les droits fonciers le plus fidèlement possible, les programmes de formalisation devraient reposer sur un travail fin d’ethnographie de ces droits (Colin, 2004), de façon à établir un lexique des termes et des concepts fonciers dans les différentes langues, puis un lexique générique définissant les catégories les plus proches des réalités locales. Ces catégories seraient alors intégrées aux questionnaires, serviraient de base aux définitions également incorporées dans la loi foncière et dans les registres, de façon à mettre en cohérence les actions socialement et légalement permises aux détenteurs de droits. Cela conduirait éventuellement à reconnaître des propriétés superposées, en enregistrant à la fois les droits du lignage autochtone et ceux des familles de migrants que celui-ci a installées. Ce travail préalable n’est à notre connaissance que rarement réalisé de façon systématique. Il supposerait une conscience claire des enjeux de la transcription, et une prise de distance par rapport aux visions normalisatrices fondées sur les catégories standard du droit positif, dont les législations foncières issues des réformes des années 1990 s’éloignent rarement. Il demanderait la mobilisation en amont de spécialistes et un niveau de compétence élevé des agents de terrain, poserait des difficultés pratiques importantes dans les cas de droits superposés et supposerait des arbitrages délicats sur la façon de raisonner les inévitables simplifications (cf. chap. 1).

82Le déroulement des enquêtes peut induire des biais supplémentaires. Les opérateurs « techniques » du dispositif d’enregistrement ne sont pas des observateurs neutres. Dans le cas du PFR béninois, ils ont ainsi souvent été tiraillés entre des injonctions parfois difficilement conciliables de respect des hiérarchies locales et de promotion d’une vision progressiste d’inclusion des « exclus » (jeunes, femmes), mais aussi entre des critères de recrutement fondés sur des compétences techniques et/ou sociales (Edja et Le Meur, 2009). Selon les cas, ils ont enregistré des droits individuels ou au contraire des patrimoines familiaux, même lorsqu’ils avaient été partagés (Lavigne Delville et Moalic, 2019). Parfois, le texte censé restituer les dires de l’enquêté n’a pas été rédigé sur place, mais le soir, au bureau, et n’a donc pu être validé par celui-ci, qui a pourtant signé le procès-verbal d’enquête.

  • 19 Le terme « enchâssement » exprime le fait que, dans les régulations locales, les droi (...)

83L’insuffisante attention accordée aux enjeux de la catégorisation et à ceux de l’enquête peut découler d’une connaissance trop superficielle des dynamiques foncières. Elle peut aussi être le fait d’un choix politique : dès lors que l’objectif est de favoriser la consolidation de la propriété privée, la subtilité des droits emboîtés n’est pas un enjeu, et l’occultation de leur enchâssement social19 revient à promouvoir leur désenchâssement, l’omission des restrictions au droit de vendre favorisant la mise en marché des terres. Ainsi, si les limites au droit de vendre enregistrées dans l’enquête ne sont pas inscrites sur le certificat foncier, le « gestionnaire » du patrimoine familial bénéficiaire de ce certificat peut légalement se prétendre propriétaire à titre personnel des terres. C’est à travers ces biais de catégorisation et ces effets de simplification que les opérations de formalisation favorisent la propriété privée et le marché, même lorsqu’elles affirment transcrire des droits coutumiers aussi bien collectifs qu’individuels. Inversement, promouvoir l’enregistrement des parcelles familiales au nom des deux époux est un acte politique visant à transformer les droits fonciers dans le sens d’une plus grande équité de genre.

84Les biais de traduction dans la catégorisation des droits ou l’identification de leurs titulaires sont d’ampleur variable, selon la nature et la complexité des droits locaux, d’une part, et l’attention apportée dans la conception des enquêtes et des registres et dans la formation des équipes, d’autre part. Soulignons qu’ils ne résultent pas seulement de la mobilisation de grilles de lecture orientées ou trop réductrices par le législateur ou l’opérateur du projet. Ils peuvent aussi découler d’interprétations contradictoires, par les différents acteurs concernés, du contenu des droits. Ainsi, dans le cas ivoirien, le principe de pouvoir reconnaître et sécuriser à travers un contrat de faire-valoir indirect les droits délégués par des autochtones à des migrants n’est pas l’enjeu discriminant : la difficulté intrinsèque du processus se situe en amont et porte sur la reconnaissance locale de ces exploitants, installés de longue date et détenteurs de droits permanents et transmissibles, comme bénéficiaires légitimes d’un certificat (Colin, 2013). L’enjeu central à ce niveau réside bien dans la résolution des divergences dans l’interprétation des transferts fonciers passés qui ont pris une forme monétarisée (concession d’un droit de culture, achat d’un droit d’exploitation, ou achat de la terre elle-même ?). Il ne suffit donc pas de prendre au sérieux les conceptions locales des droits si ces conceptions sont contradictoires, ne renvoient à aucune métrique objective et mobilisent des critères de légitimité différents.

« Participation » et publicité

85Les opérations de formalisation mettent généralement en avant une démarche participative, qui a pour but de certifier la fiabilité des droits enregistrés et d’assurer ainsi la légitimité des transcriptions qui figurent dans les registres et les cartes, puis sur les certificats ou les titres. La participation débute dès le choix de s’engager ou non dans le processus, lorsque celui-ci est laissé à la décision de la communauté locale, d’abord, puis à celle de chaque détenteur de parcelle, comme au Mexique pour le Procede. Elle se poursuit au niveau de l’organisation et de la conduite de l’enquête socio-foncière et du levé des parcelles, qui doit réunir le possesseur de la parcelle, les autres ayants droit et les voisins limitrophes. Cette étape mobilise le plus souvent des autorités locales, qu’elle soit confiée à une « commission locale de reconnaissance » composée d’élus communaux (Madagascar) ou à un « comité d’administration et d’usage du foncier » villageois (Éthiopie), ou menée par une équipe de techniciens en coordination avec un comité villageois (Bénin, Côte d’Ivoire, Mexique). Ensuite, l’enquête elle-même doit normalement être réalisée sur la parcelle, en présence de l’ensemble des ayants droit et des voisins, interrogés et invités à signer un procès-verbal. Enfin, lors de la phase de publicité, la carte et les registres provisoires sont exposés au public pour permettre d’en identifier les contradictions et d’en corriger les éventuelles erreurs.

86L’accent mis sur la participation concerne donc différents moments et différents types d’interactions. Elle est indispensable pour une identification rigoureuse des droits et le souci de la transparence tranche heureusement avec les pratiques opaques qui avaient trop souvent – et ont encore parfois – cours dans le cadre des procédures d’immatriculation. Pour autant, la « participation » ne suffit pas en soi à garantir la fiabilité des droits enregistrés et à éviter tous les biais dans les étapes successives du processus. Elle s’insère dans des rapports de pouvoir entre les acteurs locaux, ainsi qu’entre ceux-ci et les agents de l’opération de formalisation et, plus largement, les représentants des différentes administrations de l’État (Chauveau et al., 1997 ; Edja et Le Meur, 2009 ; Mosse, 1995).

87Dans les faits, chacune des étapes de la participation est susceptible d’être biaisée :

  • la décision d’accepter l’opération ou d’en valider les résultats est fortement influencée par l’intervention des autorités politico-administratives ;
  • la participation des autorités locales à la conduite des opérations leur donne un fort pouvoir d’orientation, le plus souvent en faveur des droits autochtones ;
  • les titulaires de droits d’usage (migrants, pasteurs, femmes, etc.) peuvent se voir interdire de participer à l’enquête ou d’y prendre la parole. Les droits des absents peuvent être bafoués lors de l’enquête sur la parcelle par ceux qui affirment les représenter ;
  • le fait que la phase de publicité permette d’identifier les erreurs suppose que les supports (cartes, registres) soient lisibles par les acteurs locaux (problème d’alphabétisation ; clarté des catégories utilisées ; difficulté de lire les cartes) et qu’ils soient accessibles : il peut être difficile d’y accéder lorsque ces informations sont stockées par des autorités villageoises qui en filtrent la diffusion. Il est de surcroît impossible à ce stade de discuter le contenu des droits transcrits si les catégories posent problème.

88Réunir des protagonistes aux positions différentes en un lieu public créé pour l’occasion est nécessaire mais ne garantit pas une parole publique libre, génératrice de débats et d’accords aux attendus explicités. Certains groupes sociaux peuvent ne pas oser y participer ou s’en voir interdire l’accès. La présence des ayants droit lors des différentes phases du programme ne garantit pas l’expression d’un éventuel désaccord, que les rapports de force peuvent rendre impossible. Le silence, la non-participation, l’esquive peuvent rendre les différends peu visibles ou difficilement compréhensibles pour les agents de l’opération foncière, tant lors de l’enquête que lors de la phase de publicité, au risque que les conflits surgissent plus tard, une fois les certificats établis.

89Si l’ambition est d’assurer que les droits enregistrés correspondent, au mieux, aux droits réels et de contrebalancer, autant que possible, les risques d’inégalités et d’exclusions liés aux opérations de formalisation, une grande vigilance méthodologique doit être apportée à chacune des étapes, avec des équipes formées à une compréhension fine des rapports sociaux et fonciers. Lorsque ces enjeux ne sont pas suffisamment pris en charge, la participation a plus pour effet d’organiser le consentement sur les résultats des opérations d’enquête et de les légitimer aux yeux des acteurs externes que de garantir la fiabilité du processus de transcription.

Politique locale et recomposition des droits

90Les procédures de formalisation foncière s’inscrivent dans une économie politique locale qui, à travers les inégalités d’accès des différents groupes sociaux à la terre et aux instances de pouvoir, d’une part, l’implication des autorités politico-administratives et des comités fonciers locaux, d’autre part, les façonne, indépendamment des priorités politiques et des orientations définies à l’échelle nationale.

L’économie politique locale des procédures de certification foncière

91La diversité des configurations politiques et économiques locales explique pour une large part les effets locaux contrastés des interventions de formalisation des droits fonciers. Dans le cas des demandes individuelles, les dossiers peuvent être traités en fonction du poids politique du demandeur plus que de l’ordre d’arrivée. Dans les politiques systématiques, l’annonce des opérations de formalisation suscite des stratégies d’anticipation visant à en contrôler les risques ou à en tirer profit. Les autorités locales, ou les membres des comités locaux, ont une capacité à orienter le déroulement des opérations, en choisissant les zones à lever en priorité et en faisant circuler l’information de façon sélective, de manière à marginaliser certains usagers et certains usages de l’inventaire des droits. Des débats ouverts peuvent avoir lieu, pour décider de la façon de traiter des situations spécifiques (Au nom de qui enregistrer les patrimoines familiaux ? Comment traiter les réserves foncières ? Dans quels cas les migrants peuvent-ils revendiquer l’enregistrement des terres qu’ils exploitent ?) et définir des critères socialement légitimes. Mais des consignes peuvent aussi être données – et des pressions exercées – pour interdire à certains acteurs l’accès aux procédures : la formalisation peut ainsi être une opportunité pour remettre en cause les droits de migrants installés parfois depuis plusieurs générations et disposant de droits d’administration étendus. Lors des enquêtes elles-mêmes, la présence de tous les ayants droit n’est pas garantie, leur capacité à prendre la parole non plus, nous venons de le voir. Des parents peuvent s’approprier les terres d’un absent ou l’héritage d’un frère décédé, avec la complicité des autorités familiales ou locales (Léonard, 2020).

  • 20 Voir Binswanger et al. (1995), Platteau (1996), Fitzpatrick (2005), Colin et al. (2009).

92Le passage du registre au certificat ou au titre n’est pas non plus automatique. La demande dépend du statut social des personnes concernées, celles qui sont les moins bien insérées politiquement pouvant rencontrer de grandes difficultés pour accéder aux procédures, indépendamment de leur intérêt. Au-delà de la volonté affichée de les rendre largement accessibles, les démarches alternatives peuvent, tout comme l’immatriculation standard, favoriser les acteurs les plus à même de tirer parti des procédures de délivrance de certificats ou, ultérieurement, du fonctionnement du marché : politiciens, bureaucrates, élites économiques, lettrés20, mais aussi notables locaux liés à l’administration, paysans aisés, etc. Dès lors qu’une démarche spécifique est requise, et à plus forte raison si celle-ci a un coût, l’accès au certificat est restreint pour les personnes les moins bien informées ou les plus modestes. Les droits sur les terrains enregistrés étant réputés être plus sûrs, les projets de formalisation peuvent aussi, de par leur simple existence, induire des stratégies opportunistes d’acquisition de terre dans le cadre coutumier de la part d’acteurs externes, de façon à les transformer au plus vite et à moindre coût en propriété complète (Velazquez, 2009). La délivrance des certificats peut par ailleurs être politisée et soumise à l’arbitrage des agents de l’État, des élus communaux, des autorités locales et, plus généralement, aux rapports de force propres à chaque localité (voir encadré 5, ainsi que Velazquez, 2009 et Léonard et Velázquez, 2010 à propos du Mexique).

Encadré 5
Variabilité des attitudes locales face à la certification foncière au Bénin central

Au Bénin, le très faible taux de délivrance des certificats (7 à 10 % des parcelles enregistrées dans les PFR financés par le Millenium Challenge Account) tient à la fois au manque d’intérêt de la part d’une partie des paysans, aux procédures complexes pour les obtenir, et à l’arrêt brutal du projet, qui a laissé aux seules communes la charge d’en poursuivre la délivrance. On note cependant de très fortes différences selon les contextes. Ainsi, à Léma Tré, dans le département de Dassa, au centre du pays, où les parcelles étaient enregistrées au nom des individus, hommes ou femmes, les autorités coutumières ont bloqué les demandes. À Miniffi, village autochtone, on compte seulement 17 certificats pour 80 parcelles, principalement aux mains des grands propriétaires coutumiers et de quelques acteurs en position sociale difficile, mais qui ont réussi à consolider leurs droits par le certificat. Au contraire à Assiyo, hameau de migrants devenu village administratif, la quasi-totalité des habitants a pu demander un certificat et consolider légalement son autonomie foncière vis-à-vis des autochtonesa.

a. Enquêtes Lavigne Delville, 2018, non encore publiées. Voir aussi sur ce thème Honig (2017).

93Chacune des étapes du processus de formalisation (préparation et organisation des enquêtes, sélection des personnes enquêtées, recueil puis transcription des dires des paysans dans les fiches d’enquête, traduction des fiches dans les registres, publicité, émission des certificats) est ainsi susceptible de biais et de manipulations, au carrefour des choix de catégorisation, des préjugés et orientations politiques des agents techniques, et des jeux politiques locaux. C’est le cumul de ces biais (renvoyant à la dimension performative des dispositifs, évoquée plus haut) et manipulations (renvoyant à leur instrumentalisation locale) qui produit in fine les décalages – d’ampleur très variable – entre, d’un côté, la distribution et le contenu des droits fonciers pratiqués au quotidien avant l’opération et, de l’autre, la distribution et le contenu de droits légalisés à l’issue de cette dernière. C’est à travers ces processus cumulés d’appropriation, de reformulation et d’instrumentalisation des procédures officielles que se jouent les recompositions foncières liées aux interventions de formalisation.

94Même lorsque les dispositifs d’intervention cherchent à éviter l’exclusion de certaines catégories d’acteurs, les techniciens chargés de mettre en œuvre le dispositif d’intervention ne sont pas toujours en mesure de percevoir les enjeux politiques qui travaillent les sociétés locales, les tensions qui les traversent, et l’exclusion de certains acteurs qui en résulte. Lorsqu’ils les perçoivent, ils ne sont pas forcément en position de les prendre en compte, ni d’en rendre compte de manière audible auprès de leur hiérarchie, qui n’est d’ailleurs pas nécessairement prête à les entendre.

95Ces constats amènent à interroger les liens entre opérations de formalisation et conflits fonciers. La formalisation est censée réduire les conflits, en « clarifiant » les droits. Les opérations de levé des limites de parcelles peuvent en effet être l’occasion de solder des litiges entre voisins, et la formalisation des droits peut rendre plus compliquée ou coûteuse leur mise en cause ultérieure. De fait, les projets de formalisation posent souvent comme conditionnalité de leur mise en œuvre le règlement préalable des conflits. On a vu par ailleurs que les opérations elles-mêmes peuvent susciter des conflits, en particulier entre des acteurs revendiquant des droits d’administration de nature différente sur la même parcelle, ou lorsque certains acteurs s’opposent à des opérations qui mettraient en cause leurs droits ou leur pouvoir. La formalisation ne garantit pas davantage l’absence de conflit ultérieur. Ainsi, au Rwanda, un programme volontariste de formalisation des droits a été engagé, partie prenante d’une politique plus large de réorganisation des territoires et de modernisation autoritaire de l’agriculture (Ansoms, 2009 ; Ansoms et al., 2014). Bien que la résolution des conflits soit un préalable à l’enregistrement, une recherche portant sur 10 districts dans le pays a montré que plus de 85 % de tous les conflits fonciers identifiés portaient sur des parcelles qui avaient déjà été enregistrées. Et de nombreux conflits émergent après l’enregistrement, ce qui signifie, soit qu’ils avaient été occultés, soit qu’ils en résultent (Shearer, 2013 : 14).

96Notons que ces décalages entre droits existants et droits transcrits et légalisés n’ont pas forcément des impacts assurés et immédiats. Tant que les acteurs locaux continuent à se référer préférentiellement aux normes et aux autorités locales, et n’ont recours que marginalement aux documents écrits, le contenu légal des droits peut n’avoir aucun effet pratique sur les rapports fonciers quotidiens. Par contre, ce contenu légal pourra rendre plus compliquée la contestation d’abus de pouvoir d’un gestionnaire de patrimoine familial qui se comporte comme un propriétaire, ou celle d’une vente vue comme illégitime, mais devenue légale. Il pourra aussi être mobilisé par les acteurs cherchant à rompre avec ces normes, par exemple à l’occasion d’un héritage. Les effets de la formalisation se déploient ainsi dans le temps, sur plusieurs décennies, en fonction de l’évolution des normes et des recours aux nouveaux dispositifs d’administration foncière.

  • 21 C’était le cas dans les PFR en Côte d’Ivoire, ce qui a amené à créer une fiche (...)

97Les chiffres parfois avancés sur le faible nombre de litiges rencontrés lors des opérations ne sont donc que des indicateurs imparfaits de l’impact de la formalisation sur les conflits fonciers. Des études ex ante de la prévalence des conflits sont rarement réalisées, qui permettraient de savoir si les résultats attribués aux opérations témoignent d’une situation antérieure faiblement conflictuelle ou de leurs incidences positives sur la conflictualité. Par ailleurs, la pression aux résultats quantitatifs peut pousser les équipes à éviter les zones les plus conflictuelles, où leurs activités pourraient être ralenties, voire les parcelles en litige21.

98Les interventions de formalisation des droits sont ainsi enchâssées dans les rapports fonciers locaux et dans des rapports de pouvoir, qui en marquent le déroulement et en définissent pour partie les gagnants et les perdants. Elles sont en même temps un opérateur de la dynamique de ces rapports et leurs impacts sur ceux-ci peuvent être très différents d’une région à l’autre (voir Boone et al., 2020, au sujet de la certification sur demande en Côte d’Ivoire) ou même d’un village à l’autre (cf. encadré 5). Ces impacts dépendent aussi de l’importance de la demande, du degré de déploiement de leurs dispositifs et d’achèvement des procédures. Les projets pilotes qui s’interrompent en cours de processus (comme les PFR financés par le Millenium Challenge Account au Bénin) laissent des inégalités socio-foncières accrues, entre les portions de terroir levées et non levées, les acteurs qui ont pu ou non bénéficier de ces levés, ceux qui ont ou non réussi à obtenir un certificat. Cette diversité rend particulièrement difficile l’évaluation des impacts des opérations de formalisation sur les rapports fonciers.

Des recompositions variables de la gouvernance foncière

99Au-delà des recompositions des titulaires et du contenu des droits fonciers, un autre effet majeur des opérations de formalisation concerne la transformation de la gouvernance foncière elle-même, c’est-à-dire celle des normes qui régissent les rapports fonciers et des autorités qui accordent ou valident les droits, et arbitrent les conflits (cf. chap. 1).

100Avec la formalisation, les droits enregistrés sont censés basculer dans le régime du droit écrit et s’extraire de l’oralité et des régulations par les normes sociales. Cette mutation de la gouvernance foncière est complète lorsque, dans une logique de substitution et à la suite des opérations de formalisation systématique, l’ensemble des terres relève du dispositif public d’administration foncière et que les autorités coutumières sont dessaisies de leurs compétences de régulation foncière. Elle est pensée comme partielle et progressive lorsque, dans une logique d’adaptation, la formalisation se fait à la demande, qu’une partie du territoire demeure – à plus ou moins long terme – sous régulation coutumière ou « semi-formelle » et que les normes et/ou les autorités locales sont en partie intégrées dans les dispositifs officiels d’administration foncière. Le paradigme de référence, les choix en termes de stratégie de formalisation (systématique ou à la demande) et de dispositif d’administration foncière (étatique, communal ou hybride) circonscrivent ainsi dans une large mesure les recompositions attendues de la gouvernance foncière.

101En pratique, ces recompositions sont toutefois souvent plus limitées que prévu, même dans les démarches adaptatives – étant entendu que, dans les démarches standard, sauf attribution gratuite, la volonté d’étendre le titre foncier se heurte à des procédures qui, malgré des efforts de simplification, demeurent largement inaccessibles aux ruraux. Tout d’abord, la demande pour des certificats ou des attestations peut être moins forte qu’anticipé, en particulier là où la sécurité foncière est estimée suffisante par les acteurs locaux, lorsque le recours à l’écrit est perçu comme une rupture du consensus social et non comme une façon de le consolider (Boué et al., 2016), ou lorsque la complexité des procédures et le coût d’accès aux certificats sont jugés trop élevés. Cette demande est d’autant plus faible que, contrairement aux postulats des politiques de formalisation, l’offre de formalisation des droits sur les parcelles n’arrive pas en terrain vierge. Dès lors que d’autres formes de sécurisation existent, plus accessibles et moins coûteuses (les dispositifs « semi-formels » décrits plus haut) – comme c’est le cas le plus fréquent –, la nouvelle offre ne s’y substitue pas mais s’y ajoute, tout en la recomposant en partie. Ainsi, à Madagascar, l’offre étatique de formalisation par la certification à la demande s’inscrit dans un contexte où les acteurs utilisent depuis des lustres les « petits papiers » enregistrés à la mairie pour sécuriser leurs transactions. Là où des guichets fonciers ont été mis en place, les acteurs ont recours aux « petits papiers » ou à la certification – et parfois aux deux à la fois – selon la nature des parcelles (irriguées ou non), l’origine de leurs droits et le risque de contestation qu’ils ressentent (Boué et Colin, 2018). Campbell (2015) fait état quant à lui des marges de manœuvre – manipulation, violence et corruption – laissées aux élites, entrepreneurs et courtiers divers au détriment des petits paysans et migrants dans des opérations de formalisation des droits fonciers portant sur des zones de colonisation agraire de l’Amazonie brésilienne et dans lesquelles le pilotage gouvernemental s’avère très faible et peu efficace. L’opération de formalisation des droits n’extrait pas ses bénéficiaires de l’économie politique préexistante, ils restent soumis aux mêmes rapports de pouvoir et d’extorsion, et le titre foncier devient un élément de ces transactions inégales.

  • 22 L’existence d’une fiscalité foncière annuelle est un encouragement à l’enregistrement d (...)

102Ensuite, le fait qu’une parcelle soit certifiée ne garantit pas que les mutations ultérieures seront enregistrées. Lorsque l’utilité d’un tel enregistrement n’apparaît pas suffisamment forte22, et que l’accès à l’administration foncière est compliqué ou coûteux, les transferts de droits (par héritage, mais aussi parfois par vente) ne sont pas enregistrés. C’est par exemple le cas au Mexique, où, malgré la très large couverture spatiale du programme de certification des ejidos, les transferts de droits, à la fois par transaction marchande et par héritage, restent souvent organisés par des accords oraux ou sous-seings privés (Léonard, 2020 ; Léonard et Robles Berlanga, 2017). Lorsque les héritages ne sont pas partagés, les droits individualisés par la formalisation sont recollectivisés à la génération suivante, la parcelle enregistrée au nom d’un individu devenant la propriété commune d’un groupe de descendants. Les dynamiques foncières continuent alors à suivre les normes locales, le contenu des registres n’est pas actualisé, suscitant une nouvelle distance entre les droits réels et les droits enregistrés, et de nouvelles sources potentielles de conflits entre co-héritiers.

103Pour toutes ces raisons, les nouveaux dispositifs locaux d’administration foncière mis en place dans le cadre des politiques adaptatives peinent fréquemment à assumer les fonctions qui leur sont confiées, ce qui contribue au maintien des régulations locales ou semi-formelles. En Afrique subsaharienne, à quelques exceptions près, l’État n’assume pas leur financement ni leur encadrement à la suite des projets qui les ont mis en place – ce qui témoigne des limites de la volonté politique de soutenir des dispositifs d’administration foncière dont le contrôle échappe à l’État. Les services fonciers communaux, faiblement dotés par des collectivités locales qui ne peuvent les financer à partir de recettes foncières, pâtissent d’un manque de compétences et de la dégradation du matériel informatique, tendent à se centrer sur les activités les plus rentables. Rarement dotés de moyens de fonctionnement, les comités villageois peinent de leur côté à se légitimer vis-à-vis des autorités coutumières. Pour toutes ces raisons, les politiques de formalisation n’aboutissent pas toujours à reconfigurer radicalement la gouvernance foncière et à institutionnaliser le recours au droit écrit. Bien souvent, faute de remplacer fonctionnellement les dispositifs coutumiers existants, les nouveaux s’y superposent, au risque d’accroître la pluralité des normes et la concurrence entre autorités.

104Les politiques volontaristes de formalisation fortement appuyées par le pouvoir central, comme au Rwanda ou au Mexique, échappent aux limites de la mise en œuvre par projet et l’administration foncière locale y dispose de soutiens financiers structurels. Pourtant, même dans ces pays, l’enregistrement systématique des mutations n’est pas toujours garanti. En tout état de cause, les mutations de la gouvernance foncière sont des processus politiques de longue durée, qui demandent une volonté politique forte et pérenne.

Conclusion

105Le bilan de plus d’un siècle de politiques de formalisation foncière dans les pays du Sud est pour le moins mitigé. Les efforts des dernières décennies ne semblent pas avoir structurellement changé la donne. Certains pays ont réussi l’enregistrement d’un nombre impressionnant de parcelles, mais les impacts de ces politiques en termes d’inclusion sociale, de productivité, de réduction des conflits restent discutés, de même que leur capacité à permettre une actualisation continue des registres. En Afrique subsaharienne notamment, l’Éthiopie et le Rwanda mis à part, les avancées ont été très limitées et la question de la pérennité reste pendante.

106Un tel bilan peut paraître sombre, eu égard aux espoirs qui ont été placés dans ces démarches et aux soutiens techniques et financiers dont elles bénéficient. Trois éléments sont à prendre en compte :

  • d’abord, tout état des lieux est redevable des travaux qu’il mobilise, de leurs questionnements théoriques, de leurs choix méthodologiques, des situations empiriques auxquelles ils se réfèrent. De ce point de vue, les cas problématiques ont davantage mobilisé les chercheurs que les « success stories » et les recherches ont souvent eu pour objet des politiques menées dans des environnements politiques et institutionnels qui n’étaient pas les plus favorables à la formalisation ;
  • ensuite, toutes les expériences de formalisation décrites dans la littérature n’ont pas été confrontées à l’ensemble des biais et difficultés inventoriés dans ce chapitre ;
  • enfin, les interrogations relatives aux effets des politiques de formalisation et à leur coût doivent être mises en regard de l’ampleur de l’insécurité foncière et de son coût pour la société (coûts d’opportunité pour l’investissement, coûts de transaction liés aux incertitudes sur les droits, coûts sociaux liés aux conflits), un exercice qui, à notre connaissance, n’a jamais été réalisé.
  • 23 Et le constat est bien antérieur, voir Mair (1948).

107Les multiples recherches menées depuis trente ans23 sur ces politiques sont cependant largement convergentes. Elles mettent en évidence les enjeux politiques de la formalisation, l’importance de l’environnement institutionnel dans lequel elle s’inscrit, le poids des dispositifs et des instruments. Elles permettent de comprendre les incidences de la formalisation sur les droits et les dispositifs de régulation foncière et d’identifier les conditions de réussite de ces politiques. Un consensus existe désormais sur un certain nombre de conclusions :

  • les effets positifs attendus de la formalisation ne sont pas mécaniques et dépendent fortement du contexte politique, social et institutionnel ; ils supposent, concernant l’enjeu agricole, pastoral, ou agroforestier, un environnement économique suffisamment incitatif, que l’insécurité foncière soit perçue comme une menace réelle par les producteurs et que les droits fonciers locaux ne soient pas trop éloignés du modèle de la possession ;
  • selon les contextes, l’informalité des droits fonciers est à mettre en rapport avec l’inaccessibilité des procédures légales ou leur inadaptation aux attentes des acteurs ruraux, mais aussi avec le manque d’intérêt de ces acteurs pour les procédures de formalisation, les systèmes fonciers locaux sécurisant suffisamment les droits à leurs yeux, ou encore avec leur refus d’une sortie des droits fonciers de régulations collectives répondant à des objectifs sociaux partagés. L’enjeu n’est donc pas nécessairement de formaliser tous les droits, mais d’abord de lever les obstacles à l’accès aux procédures légales pour les acteurs qui en ont besoin ;
  • à des degrés divers, la formalisation transforme les modes locaux de régulation foncière et la place des autorités foncières dans des dispositifs qui, soit les excluent, soit cherchent à les cantonner dans un rôle purement fonctionnel ;
  • la question du rapport coût/efficacité des opérations et celle de la durabilité des systèmes d’administration foncière convergent pour interroger la pertinence des opérations systématiques à l’échelle nationale, pour rechercher d’abord des solutions pragmatiques s’attelant aux principales sources d’insécurité (dont l’État lui-même est souvent un acteur majeur) et prôner des approches contextualisées, gradualistes et adaptatives (Bruce et Migot-Adholla, 1995 ; Deininger et Feder, 2009 : 257), centrées d’abord sur les zones où le marché foncier est actif. Les fondements du paradigme d’adaptation, forgé voilà une trentaine d’années, sont largement confirmés, d’autant que la différence entre sécurisation et formalisation est maintenant clairement établie et que les dispositifs semi-formels – leurs avantages et leurs limites – commencent à être mieux compris.

108Ces acquis scientifiques n’ont toutefois eu qu’une influence limitée sur les réformes foncières récentes. Des opérations massives d’individualisation/privatisation des droits continuent d’être promues par les institutions internationales et les milieux experts – qui y trouvent des gisements d’activité –, comme par une partie des élites nationales – qui y trouvent des opportunités de profit ou de facilitation de leurs stratégies foncières. Malgré leur pertinence, la légitimité des démarches « adaptatives » est loin d’être acquise chez les professionnels du foncier (géomètres, notaires, juristes, etc.), réticents à la mise en cause du modèle du titre foncier et de l’immatriculation.

109Les démarches adaptatives se sont également heurtées à une combinaison d’obstacles politiques au niveau national : une faible volonté d’élargir l’accès au droit des populations, qui pourrait affecter les intérêts des élites au pouvoir et les structures des régimes politiques ; les résistances des juristes à toute évolution des catégories légales héritées des lois coloniales ; les cadres cognitifs et les intérêts corporatistes des professionnels du foncier, mais aussi ceux des administrations territoriales, dont les représentants cherchent à préserver des rentes ou voient dans les réformes radicales des opportunités d’en créer de nouvelles, bloquant la construction de procédures simplifiées à faible coût. Des expériences jugées prometteuses, comme les plans fonciers ruraux en Afrique de l’Ouest, ont ainsi été marginalisées, quand elles n’ont pas été abandonnées, car elles entraient en contradiction avec l’intérêt politique des élites. Une telle situation découle donc à la fois des projets de construction politique des États-nations portés par une partie de ces mêmes élites et de l’administration, de l’économie politique du foncier à l’échelle nationale et des stratégies d’accumulation foncière des élites et des classes moyennes, du clientélisme politique et de la corruption qu’alimentent l’opacité et la complexité des procédures d’administration foncière. Elle est renforcée par l’ancrage du modèle du titre et de l’immatriculation dans les cadres cognitifs des professionnels et des élites, mais aussi dans l’opinion publique. Mais elle résulte aussi pour partie d’une sous-estimation des enjeux de gouvernance que revêt la formalisation foncière au niveau local et national. Toute formalisation simplifie les droits en sélectionnant certains d’entre eux, ce qui conduit à « couper l’écheveau des intérêts » noué autour des rapports fonciers (Meinzen-Dick et Mwangi, 2009). Elle met en cause l’enchâssement social et politique des droits fonciers, elle les déconnecte des systèmes locaux d’autorité qui assurent leur reconnaissance sociale. Ce faisant, elle change la nature des rapports entre autorités politiques et foncières locales, et entre ces dernières et celles de l’État. Bien plus, le fait de nommer les droits a un autre effet non attendu : en désignant explicitement des ressources, des espaces, des droits et des bénéficiaires, l’opération de reconnaissance et de certification peut compromettre le maintien d’une paix sociale construite sur le flou, sur des divergences de sens et d’intérêts qui restent « gérables » tant qu’elles n’ont pas été exprimées. La clarification liée à l’opération de catégorisation oblige les acteurs à faire le sacrifice de l’ambivalence au profit de l’objectivation (Jacob, 2009) et peut susciter résistances et conflits.

110Inversement, bien qu’ils entrent souvent en contradiction avec les injonctions d’inclusion sociale, les programmes de formalisation « standard » sont soutenus par certains bailleurs de fonds et rencontrent la demande croissante pour des titres émanant des élites urbaines et politiques. Dans de nombreux pays, ils coïncident avec la promotion d’un entreprenariat agricole, considéré comme plus à même de répondre aux besoins de l’économie nationale et dont la structure recoupe celle de ces mêmes élites. Ils coïncident également avec les attentes des classes urbaines moyennes en matière de sécurisation de leurs investissements dans les localités et les zones rurales. Ces coalitions d’intérêts n’ont guère de raisons de partager les objectifs officiels des politiques de formalisation, qui doivent se conformer aux mots d’ordre de la bonne gouvernance et de la lutte contre la pauvreté pour rencontrer l’assentiment des bailleurs de fonds et bénéficier de leur soutien.

111Deux types de stratégies permettent de rendre compatibles ces contradictions. Les premières portent sur les politiques de formalisation elles-mêmes et visent à freiner leur institutionnalisation : introduction de critères de précision et de coûts incompatibles avec leur généralisation ; enlisement des procédures législatives et de l’applicabilité des lois, par des incohérences internes ou par l’adoption sélective des décrets d’application, c’est-à-dire en laissant se développer un « inachèvement juridique et institutionnel » (Ouattara, 2010) qui en bloque la mise en œuvre ; sélection des zones d’intervention des projets pilotes, de façon que ceux-ci ne mettent pas en cause les stratégies d’accumulation foncière des élites (Biddulph, 2011) ; refus de financer les nouvelles administrations foncières sur fonds publics, ce qui rend leur institutionnalisation impossible dans la durée. Les secondes consistent à jouer des interactions entre politiques sectorielles. Ainsi, au Rwanda, Pritchard (2013) montre que la politique de spécialisation culturale obligatoire précarise les paysans pauvres que la formalisation des droits devait sécuriser. En Tanzanie, Schlimmer (2017) montre que le couplage des plans d’usage des terres et de la formalisation des droits permet de limiter les droits paysans aux terres exploitées au moment du passage du programme et de libérer le reste pour les investisseurs. Au Laos (Broegaard et al., 2017 ; Moizo, 2006), politique foncière et politique forestière interdisant la défriche-brûlis sont au service d’une stratégie de contrôle des minorités montagnardes. En Éthiopie, dans l’État du Bénishangul-Gumuz, le gouvernement a utilisé un projet de formalisation des droits paysans, financé par des pays européens défenseurs des droits de l’homme, pour consolider les effets de politiques d’expulsion de paysans originaires des provinces voisines et mobiliser les terres qu’ils occupaient à des fins de concession à des hommes d’affaires (Labzaé, 2014).

  • 24 Voir Gay (2014 b) et Kandel (2018) pour l’Ouganda, et notamment le contraste entre la rég (...)
  • 25 Firmin-Sellers et Sellers (1999) notent, dans des cas camerounais, que des acteurs adhère (...)

112L’expérience des trente dernières années montre que l’on ne peut comprendre la trajectoire des politiques de formalisation sans interroger l’économie politique du foncier et ses enjeux en termes de stratégies des élites et d’ancrage de l’État sur le territoire24, ainsi que la façon dont les règles et les pratiques de l’administration foncière constituent fréquemment des obstacles à l’accès au droit. Inversement, elle met aussi en évidence l’importance que revêt l’accès des simples citoyens à des droits sécurisés et à une administration foncière fiable et transparente. Le certificat ou le titre peuvent être recherchés par des acteurs pour mieux assurer leur contrôle sur la terre face à des tiers ou à l’État (voir Chilundo et al., 2005 sur le Mozambique, à propos de la formalisation de terres de communautés), ou pour garantir leur autonomie dans l’usage de la terre (Lesorogol, 2005 sur le Kenya ; observations personnelles au Mexique – É. Léonard – et en Côte d’Ivoire – J.-Ph. Colin)25.

113La mise en lumière des enjeux politiques des politiques de formalisation et des difficultés rencontrées lors de leur mise en œuvre ne doit, en effet, pas faire oublier que la sécurisation des droits fonciers des producteurs ruraux est une nécessité, et parfois une urgence, tant d’un point de vue productif que de celui de la paix sociale et de la participation politique. Souligner l’impossibilité d’une photographie fidèle des droits ne revient pas à nier l’utilité de la formalisation ; elle incite à être attentif aux biais de traduction pour raisonner la simplification des droits qu’elle induit et en contrebalancer les effets pervers.

114La critique des politiques de formalisation présentée dans ce texte invite à mieux penser les liens – non mécaniques et parfois antagonistes – entre sécurisation et formalisation, ainsi que les conditions politiques de politiques adaptatives, d’abord attentives aux demandes et aux pratiques sociales. Elle met en avant l’intérêt de la formalisation des transferts de droits plutôt que celle des droits eux-mêmes, en cohérence avec les innovations locales. Elle suggère qu’il est plus pertinent d’institutionnaliser et d’améliorer les dispositifs « semi-formels » que d’imposer des dispositifs nouveaux, qui dupliquent les procédures (pourquoi faire une demande de certificat si le contrat de vente qui légitime celle-ci a été fait dans des formes rigoureuses et a été enregistré ?) et dont la viabilité est incertaine. Elle invite les experts et les bailleurs de fonds à analyser plus précisément les causes de l’insécurité foncière, les demandes locales, le rôle des dispositifs semi-formels et les conditions de leur amélioration, et à prendre au sérieux le rapport coût/bénéfice des opérations de formalisation. Elle plaide enfin pour que la question de la sécurisation des droits fonciers soit saisie en tant qu’enjeu de débat politique, non seulement dans les rapports entre États, élites politiques nationales et instances de coopération internationale, mais aussi au niveau des organisations paysannes et de la société civile.

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Notes

1 Elles ont ainsi pu, comme dans les pays de l’ancien bloc socialiste, s’inscrire dans des politiques plus globales de décollectivisation des structures de production et de propriété.

2 On notera que les états des lieux sur l’urbain et le périurbain aboutissent globalement aux mêmes interrogations (voir Durand-Lasserve et Selod, 2009 ; Payne et al., 2009).

3 Voir les schémas des procédures dans De Soto (2005).

4 Pour Madagascar et l’océan Indien, voir Garron (1994). Voir aussi Clerc et al. (1956) à propos de la palmeraie dahoméenne.

5 En milieu urbain, les définitions de la sécurité foncière mettent l’accent sur la protection contre le risque d’éviction, en particulier par l’État (Durand-Lasserve et Selod, 2009).

6 Des expériences peu nombreuses avaient déjà eu lieu, par exemple la tentative de cadastrage de la palmeraie au Dahomey (Bénin), qui anticipe de façon frappante les démarches de plan foncier rural des années 1990 (Clerc et al., 1956).

7 Pour l’Asie du Sud-Est, voir Mellac et Castellanet (2015 : 15-18).

8 Voir Voir http://datos.ran.gob.mx/conjuntoDatosPublico.phphttp://datos.ran.gob.mx/conjuntoDatosPublico.php, consulté le 20/07/2020., consulté le 20/07/2020.

9 On désigne ici par « version standard » ou « référentiel orthodoxe » la théorie des droits de propriété telle qu’elle a été formulée en économie dans les années 1960. Cette théorie a fait l’objet de différentes réévaluations depuis. Voir par exemple Platteau (1996).

10 Nous revenons sur ces points en troisième et quatrième parties.

11 Les études économétriques portant sur l’impact des politiques de formalisation présentent des difficultés méthodologiques rappelées par Arnot et al. (2011) et Lawry et al. (2017). On ne trouve malheureusement pas dans la littérature « qualitative » une réflexion méthodologique critique comparable sur ce sujet.

12 Nous suivons ici la définition de Foucault qui caractérise le dispositif comme un ensemble hétérogène d’acteurs, d’institutions, d’idées et d’objets, plus précisément comme « le réseau qu’on peut établir entre ces éléments » (Foucault, 2001 [1977] : 299). Le dispositif revêt une fonction stratégique et performative, et il s’inscrit dans des relations de pouvoirs (voir Agamben, 2007, pour une discussion de la notion et Colin et al. [2009 : 28-29]) pour une application dans le contexte des politiques de formalisation des droits).

13 Un critère complémentaire pourrait être l’existence ou non d’articulations entre les opérations foncières et des interventions de développement portant sur d’autres thèmes. Une telle articulation peut se jouer au sein d’un même projet (l’identification des droits fonciers au Bénin a été initialement conçue au service d’investissements paysans en aménagement des terroirs) ou entre projets. Ainsi, au Cambodge, un projet de réhabilitation de polders a mobilisé le projet de formalisation des droits en cours dans le pays pour transformer les usagers des polders en propriétaires et légitimer à travers cela le paiement d’une redevance hydraulique qui n’existait pas encore dans la politique d’irrigation (Le Meur, 2015).

14 Les projets n’échappent cependant pas toujours à la corruption, à la surfacturation, aux passations de marché clientélistes (Mathieu, 2007).

15 L’émergence de la technologie des blockchains a récemment consolidé cette idée de neutralité technique, jusqu’à imaginer de s’affranchir des institutions publiques d’administration foncière. Elle pose toutefois de fortes questions en termes de faisabilité pratique et ne supprime pas la question essentielle de la validation sociale des droits (Comité technique Foncier et développement, 2020).

16 L’entreprise de catégorisation s’étend aussi aux espaces et aux agencements qui les organisent (quartier, village, terroir, etc.). Ainsi, dans les plans fonciers ruraux, l’unité d’intervention est le village administratif. Or celui-ci ne correspond pas nécessairement à un territoire coutumier. Les disjonctions entre territoires coutumiers et territoires administratifs expliquent une partie des conflits et des levés incomplets auxquels les projets donnent lieu (L’entreprise de catégorisation s’étend aussi aux espaces et aux agencements qui les organisent (quartier, village, terroir, etc.). Ainsi, dans les plans fonciers ruraux, l’unité d’intervention est le village administratif. Or celui-ci ne correspond pas nécessairement à un territoire coutumier. Les disjonctions entre territoires coutumiers et territoires administratifs expliquent une partie des conflits et des levés incomplets auxquels les projets donnent lieu (Lavigne DelvilleLavigne Delville et et MoalicMoalic, 2019)., 2019).

17 On peut On peut a contrarioa contrario mentionner la réforme foncière ivoirienne, engagée avec la loi de 1998, qui prévoit explicitement la reconnaissance de ces droits d’exploitation. mentionner la réforme foncière ivoirienne, engagée avec la loi de 1998, qui prévoit explicitement la reconnaissance de ces droits d’exploitation.

18 Voir les définitions aux chapitres 1 et 2.

19 Le terme « enchâssement » exprime le fait que, dans les régulations locales, les droits fonciers ne sont pas autonomes, isolés des normes et des rapports sociaux qui en sont le support (cf. chap. 1).

20 Voir Binswanger et al. (1995), Platteau (1996), Fitzpatrick (2005), Colin et al. (2009).

21 C’était le cas dans les PFR en Côte d’Ivoire, ce qui a amené à créer une fiche « parcelle litigieuse », où les revendications contradictoires étaient simplement enregistrées dans l’attente d’une tentative de médiation ; ces fiches comptaient autant qu’une parcelle levée dans les indicateurs de performance des équipes de terrain.

22 L’existence d’une fiscalité foncière annuelle est un encouragement à l’enregistrement des ventes, l’ancien propriétaire ne voulant plus payer l’impôt sur la parcelle cédée. Mais elle ne se justifie que si le rapport entre recettes et coût de collecte est largement positif, et donc si la valeur de la production tirée de cette parcelle est suffisante.

23 Et le constat est bien antérieur, voir Mair (1948).

24 Voir Gay (2014 b) et Kandel (2018) pour l’Ouganda, et notamment le contraste entre la région du Buganda et le pays Acholi.

25 Firmin-Sellers et Sellers (1999) notent, dans des cas camerounais, que des acteurs adhèrent au programme de formalisation pour que leurs parcelles soient bornées, la borne étant vue comme un facteur de sécurisation suffisant, et une fois cela obtenu, ne voient pas l’intérêt de conduire à son terme la procédure de formalisation.

Auteurs

Socio-anthropologue, directeur de recherche à l’IRD (UMR Sens), membre du Pôle foncier. Ses recherches se centrent sur la production et la mise en œuvre des politiques foncières en Afrique de l’Ouest, en particulier autour de la reconnaissance légale des droits fonciers coutumiers. Il aborde cette question dans une logique d’enquêtes multisites, des espaces locaux aux institutions internationales, et en croisant des perspectives de policy process et d’économie politique. Après le Bénin, son terrain actuel est le Sénégal, en partenariat avec les universités de Dakar et Saint-Louis.

Économiste institutionnaliste, directeur de recherche à l’IRD (UMR Sens), cofondateur du Pôle foncier de Montpellier. Ses travaux actuels portent sur les dimensions intrafamiliales de l’accès à la terre, les marchés fonciers ruraux et les contrats agraires, les impacts locaux des politiques foncières, les rapports entre dynamiques foncières et dynamiques productives. Il travaille ces thèmes avec des partenaires des universités Félix Houphouët-Boigny et Alassane-Ouattara en Côte d’Ivoire, et de l’École nationale supérieure agronomique en Algérie.

Socio-économiste et géographe, directeur de recherche à l’IRD (UMR Sens) et co-fondateur du Pôle foncier de Montpellier. Ses recherches portent sur les rapports entre construction étatique et construction/reconfiguration des communautés rurales en Amérique latine, à travers la construction et la mise en œuvre des politiques foncières et des dispositifs de régulation foncière. Il s’intéresse en particulier aux conflits pour la terre et aux rapports entre normes locales et dispositifs étatiques dans l’expression et la résolution de ces conflits.

Anthropologue, directeur de recherche à l’IRD (UMR Sens), basé en Nouvelle-Calédonie. Ses travaux, qui portent sur la gouvernance des ressources naturelles terrestres et marines dans le Pacifique Sud (auparavant en Afrique de l’Ouest), mettent l’accent sur les interactions entre pluralité des savoirs et des normes, et formes de pouvoir et de souveraineté. Il dirige le GIS Pôle foncier à Montpellier et coordonne le GDRI-Sud PACSEN (Pacific Center for Social Responsibility and Natural Resources).

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